AGRI-PACK

Décisions


AGRI-PACK
c.
COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-010

Décision et motifs rendus
le mardi 2 novembre 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 juin 2004, en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 8 juin 2003, concernant une décision en vertu de l'article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

AGRI-PACK

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis en partie.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 15 juin 2004

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

Richard Lafontaine, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Dennis A. Wyslobicky, pour l'appelante

 

Richard Casanova, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), le 8 juin 2003, en vertu de l'article 60 concernant le classement de huit sortes de sacs à oignons. Agri-Pack a importé les sacs le 26 août 2002.

2. Il y a deux questions en l'espèce. La première consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6305.33.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'autres sacs et sachets d'emballage, obtenus à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène, comme l'a déterminé l'ADRC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 5608.19.90 à titre d'autres filets confectionnés en matières textiles synthétiques ou artificielles, comme l'a soutenu Agri-Pack.

3. La seconde question consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent également être classées dans le numéro tarifaire 9903.00.00 à titre d'articles devant servir dans les machines combinées à ensacher ou à emboîter et peser ou machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais, ou devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs, comme l'a soutenu Agri-Pack.

PREMIÈRE QUESTION

4. Le Tribunal traitera d'abord de la première question avant de traiter de la disposition relative à l'allégement tarifaire3 concernant la deuxième question. La nomenclature tarifaire pertinente à la première question est la suivante :

56.08 . . . filets confectionnés pour la pêche et autres filets confectionnés, en matières textiles.

-En matières textiles synthétiques ou artificielles :

5608.19 --Autres

5608.19.90 ---Autres

63.05 Sacs et sachets d'emballage.

-De matières textiles synthétiques ou artificielles :

6305.33.00 --Autres, obtenues à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène ou de polypropylène

PREUVE SUR LA PREMIÈRE QUESTION

5. Des échantillons de sacs identiques aux marchandises en cause ont été déposés à titre de preuve comme pièces A-1 à A-8. Les pièces A-1, A-7 et A-8 étaient des sacs à oignons sans étiquette; les pièces A-2 à A-6 étaient des sacs à oignons avec des étiquettes. Toutes les marchandises en cause ont été vendues à trois clients qui ont fourni des certificats d'utilisation finale, attestant que, après avoir acheté les sacs à Agri-Pack, ils s'en servaient pour empaqueter des oignons frais.

6. À l'appui de son affirmation selon laquelle les marchandises en cause sont des sacs et sachets d'emballage, Agri-Pack a appelé à témoigner son directeur des opérations, M. Adrian De Jonge, qui a 15 ans d'expérience dans l'empaquetage des légumes. Ce dernier a témoigné qu'Agri-Pack était un distributeur de sacs à légumes et que 80 p. 100 du marché de sacs à oignons était constitué de 100 cultivateurs, empaqueteurs et cultivateurs-empaqueteurs intégrés, tous basés en Ontario. Agri-Pack vend des sacs de 10 livres, de 25 livres, de 50 livres, et des sacs « principaux » (qui contiennent des sacs à oignons de 3 livres et de 5 livres; les autres sacs contiennent des oignons en vrac). Les sacs de 25 livres et de 50 livres sont en général étiquetés pour des clients particuliers. Les marchandises en cause sont faites de polypropylène tissé, afin de fournir la résistance à l'eau et l'aération en conformité avec les normes de l'industrie. S'ils sont entreposés convenablement, les sacs peuvent durer indéfiniment, mais s'ils sont placés à la lumière directe du soleil, ils se désagrègent au bout de trois ou quatre mois. Il est très peu probable que les marchandises en cause soient jamais réutilisées pour autre chose. Agri-Pack importe et distribue les marchandises en cause, mais ne les fabrique pas.

7. L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (anciennement l'ADRC) a appelé à témoigner un chimiste analytique expert de la Section des textiles de l'ASFC, M. Les Allen. Ce dernier a témoigné qu'il avait examiné et analysé les huit sortes de sacs dans son laboratoire et qu'il avait préparé un rapport pour l'ASFC. Selon ses conclusions, chaque sac était fait d'un morceau de tissu à armure gaze à mailles ouvertes qui avait été plié sur lui-même et cousu le long de deux côtés, laissant le troisième côté ouvert pour former un sac. Le tissu lui-même avait été tissé avec des rubans de polypropylène. Tant que le ruban a moins de 5 mm de largeur, ce qui était le cas, on le considère comme une matière textile.

PLAIDOIRIE SUR LA PREMIÈRE QUESTION

8. Agri-Pack a soutenu que les marchandises en cause étaient des filets confectionnés en matières textiles aux termes de la position no 56.08. Agri-Pack a analysé la phrase ci-dessus afin de démontrer que chacun de ses éléments s'appliquaient aux marchandises en cause. Elle a soutenu que, au sens de la position ci-dessus, « confectionnés » signifie « assemblés par couture, par collage ou autrement »4 . La signification habituelle de « filet » (« net »), telle qu'on la trouve dans The Canadian Oxford Dictionary, est « tissu à mailles ouvertes de fils câblés, de cordage, de fibre, etc. »5 [traduction], ce qui correspond à la définition des marchandises en cause selon l'ASFC, qui les a décrites dans son rapport de laboratoire comme étant des « sacs à mailles ouvertes faits de tissu à armure gaze »6 [traduction]. Et le mot « textile » est défini comme étant « toute étoffe tissée »7 [traduction], ce qui correspond encore une fois au rapport de laboratoire de l'ASFC. Par conséquent, Agri-Pack a soutenu que, conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 8 , les marchandises en cause devraient être classées dans la position ci-dessus. De plus, les marchandises ne peuvent pas être classées dans la position no 63.05, comme l'a déterminé l'ADRC, étant donné que cela les exclurait de la note générale no 1 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 9 du chapitre 63, qui dit ceci : « Ce Sous-Chapitre, notamment, ne comprend pas : . . . Les filets confectionnés du no 56.08 ».

9. L'ASFC a soutenu que les marchandises en cause ne pouvaient pas être classées dans la position no 56.08 comme l'a soutenu Agri-Pack, étant donné qu'elles étaient également exclues de cette position par les Notes explicatives. Les Notes explicatives de la position no 56.08 stipulent en partie ce qui suit : « Parmi les articles confectionnés, ne sont rangés ici que ceux qui ne sont pas visés d'une manière plus spécifique dans d'autres positions de la Nomenclature. » L'ASFC a prétendu que les marchandises en cause correspondent exactement au texte de la position no 63.05, étant donné que ce sont des « [s]acs et sachets d'emballage » et elle a fait allusion au fait que, lorsqu'ils contiennent des oignons frais, ils sont expédiés, entreposés, puis mis en vente dans des épiceries, processus qui peut prendre des semaines. Par conséquent, conformément à la Règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause doivent être classées dans cette position. Étant donné que les éléments de preuve ont établi que les sacs sont tissés de ruban de polypropylène, selon la Règle 1 des Règles générales et la Règle 1 des Règles canadiennes 10 , les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6305.33.00 à titre d'autres sacs et sachets d'emballage, « obtenus à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène ou de polypropylène ».

DÉCISION SUR LA PREMIÈRE QUESTION

10. Dans les appels interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi concernant le classement tarifaire, le Tribunal entend l'affaire et détermine le classement correct des marchandises portées en appel conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives. Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article donné ne peut pas être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. Les Règles canadiennes réitèrent que le classement des marchandises dans le numéro tarifaire d'une sous-position ou d'une position doit être déterminé conformément aux Règles générales.

11. Se fondant sur les éléments de preuve, et ayant pris en considération les arguments présentés par Agri-Pack et par l'ASFC, le Tribunal est d'avis que la position no 63.05 est celle qui décrit de façon la plus spécifique les marchandises en cause. Les Notes explicatives de cette position prévoient notamment ce qui suit : « La présente position comprend les sacs et les sachets, des types normalement utilisés pour l'emballage des marchandises (en vue de leur transport, de leur stockage, de leur vente, etc.). Parmi ces articles, aux formes diverses et dont les dimensions sont très variables, on peut citer les contenants souples pour matières en vrac, les sacs à charbon, à grains, à farine, à café, à pommes de terre, etc., . . . » (soulignement ajouté).

12. Le Tribunal est d'accord avec l'ASFC pour dire que la position no 56.08 ne peut pas s'appliquer aux marchandises en cause du fait des Notes explicatives de cette position, qui indiquent que les marchandises ne peuvent pas être classées dans la position no 56.08 si elles sont décrites de façon plus spécifique dans une autre position, ce qui est le cas ici. De plus, le Tribunal observe que, dans le commerce ordinaire, on en parle et on les vend comme des sacs, pas comme des filets. Il est vrai toutefois que les marchandises en cause sont faites d'un tissu de filet à mailles ouvertes et que les Notes explicatives de la position no 56.08 comprennent « les filets à provisions et les filets similaires (servant au transport de balles ou ballons de sport, par exemple) ». Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne sont pas d'espèce similaire. Elles ne sont pas utilisées pour le transport personnel de marchandises comme par exemple entre le supermarché et la maison ou entre le bureau et le gymnase. Au contraire, il est clair qu'elles ont une utilisation commerciale pour entreposer, transporter et vendre les marchandises, dans le cadre de la position no 63.05.

13. En soutenant la position contraire, Agri-Pack a prétendu que, lorsque le libellé d'une position est clair, il devrait avoir priorité sur l'application des Notes explicatives. Le Tribunal ne peut pas accepter cet argument pour deux raisons. Premièrement, le libellé de la position no 56.08 n'était pas clair pour ce qui est de son application aux marchandises en cause, étant donné que la position no 63.05 couvrait également les marchandises et que, comme cela a été expliqué ci-dessus, de l'avis du Tribunal, elle le couvrait de façon plus précise. Deuxièmement, une telle démarche interprétative ne tient pas compte de la directive réglementaire claire donnée au Tribunal par la section 11 du Tarif des douanes à propos des appels relatifs aux classements tarifaires : « Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte . . . des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiées par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). »

14. Le Tribunal est d'accord avec l'ASFC pour dire que, étant donné que les éléments de preuve ont établi que les sacs étaient tissés de ruban de polypropylène, aux termes de la Règle 1 des Règles générales et de la Règle 1 des Règles canadiennes, les marchandises sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6305.33.00, à titre d'autres sacs et sachets d'emballage « obtenu[s] à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène ou de polypropylène ».

DEUXIÈME QUESTION

15. La deuxième question dont a été saisi le Tribunal est celle de savoir si les marchandises en cause, en plus d'être classées dans les chapitres 1 à 97, peuvent également être classées dans le numéro tarifaire 9903.00.00 à titre d'articles devant servir dans des machines combinées à ensacher ou à emboîter et peser ou machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais. Ou encore s'agit-il d'articles devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs? Il s'agit là de dispositions spéciales qui permettent d'importer des marchandises au Canada avec un allégement tarifaire.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

16. Avant de traiter de cette question, il faut traiter d'une question préliminaire. L'ASFC a soutenu que l'allégement tarifaire n'est applicable que dans le numéro tarifaire ci-dessus qui comprend une description correcte de l'« utilisation finale » de l'article importé. L'ASFC a demandé à un de ses hauts fonctionnaires spécialisés dans les politiques d'utilisation finale, M. Rod McKenzie, d'expliquer ses procédures d'« utilisation finale ». Ce dernier a témoigné que normalement, au moment où des marchandises sont importées, l'importateur fournit un certificat d'utilisation finale attestant l'utilisation préférentielle que fera l'acheteur des marchandises. L'importateur peut également importer les marchandises visées par les chapitres 1 à 97, payer les droits applicables et réclamer un remboursement à une date ultérieure, s'il s'avère que les marchandises ont ensuite été vendues à un utilisateur final régi par le numéro tarifaire préférentiel. En l'espèce, Agri-Pack n'a fait ni l'un ni l'autre.

17. De plus, l'ASFC a fait valoir que, même si on admet à titre d'argument qu'Agri-Pack ait été admissible à l'allégement tarifaire aux termes du chapitre 99 au moment de l'importation (malgré le fait qu'elle n'avait pas déposé un certificat d'utilisation finale à ce moment-là), elle a par la suite détourné les marchandises en cause vers une autre utilisation (c.-à-d. l'empaquetage et le transport d'oignons) une fois qu'elles avaient quitté le plancher de mise en sac. L'ASFC a soutenu qu'un tel détournement est contraire à l'article 32.2 de la Loi, et le Tribunal doit ne pas interpréter l'annexe du Tarif des douanes d'une façon qui ne soit pas conforme à la Loi.

18. Le Tribunal est d'avis que l'argument ci-dessus doit être rejeté. M. McKenzie a reconnu que l'expression « utilisation finale » n'existe ni dans la législation, ni dans la Loi ni dans les règlements pertinents. Il s'agit plutôt d'une expression utilisée à l'interne par l'ASFC, ainsi que dans ses documents publics, pour décrire le processus qu'elle suit pour administrer l'article 32.2 de la Loi. Cet article exige que l'importateur des marchandises pour lesquelles un classement tarifaire préférentiel a été demandé (sur le formulaire de demande B-3 pour l'importation de marchandises) corrige la déclaration tarifaire dans les 90 jours après avoir appris que le détenteur des marchandises ne s'est pas conformé à une condition imposée aux termes du numéro tarifaire préférentiel. L'obligation demeure en vigueur pendant 4 ans, et par conséquent, l'ASFC emploie l'expression « utilisation finale » en présumant que l'utilisation déclarée se poursuivra pendant les 4 années complètes.

19. Rien n'oblige le Tribunal à interpréter l'annexe du Tarif des douanes d'une façon conforme aux pratiques administratives de l'ASFC telles qu'elles ont été décrites dans le paragraphe précédent. De plus, rien dans le numéro tarifaire préférentiel en cause n'indique que l'utilisation déclarée des articles importés doive se poursuivre pendant les 4 années complètes. Si les articles devaient être utilisés dans la machine décrite ci-dessus de façon permanente, on les considérerait normalement comme des pièces de machine, et l'ASFC a reconnu que le numéro tarifaire ci-dessus n'exige pas que les articles importés soient des pièces.

20. Dans Imation Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada 11 , le Tribunal a conclu que certaines cartouches de film avaient été importées pour « servir dans » des appareils d'imagerie laser malgré le fait que, une fois qu'elles avaient passé dans les appareils d'imagerie, leur seule fonction était de stocker les données d'images laser résultant du processus. La raison en était que l'appareil d'imagerie laser et le film d'imagerie laser étaient si parfaitement intégrés qu'ils étaient pratiquement inutiles l'un sans l'autre. De même, en l'espèce, si en effet les marchandises en cause sont complètement intégrées aux machines à ensacher, le fait qu'une fois qu'elles auront passé par la machine, elles seront utilisées uniquement pour contenir des oignons, n'a aucune incidence sur leur classement. La seule chose que le Tribunal doit décider pour ce qui est du classement aux termes des dispositions du chapitre 99 concernant les allégements tarifaires relatifs à l'expression « devant servir dans », est de déterminer si les marchandises en cause sont en pratique suffisamment intégrées dans la machine décrite ci-dessus pour constituer un système unique, quelle que soit la brièveté de l'intégration de chacun des articles importés.

PREUVE SUR LA DEUXIÈME QUESTION

21. À l'appui de sa prétention selon laquelle les marchandises en cause étaient des articles devant servir dans les machines décrites dans le numéro tarifaire 9903.00.00, Agri-Pack s'est appuyée sur les éléments de preuve de son directeur des opérations, M. De Jonge, qui a témoigné que pratiquement tous les clients d'Agri-Pack étaient des cultivateurs et des empaqueteurs commerciaux qui utilisaient toujours des machines industrielles pour mettre leurs oignons en sacs. À sa connaissance, les oignons ne sont pas mis en sac manuellement. Il a confirmé qu'il avait vu les installations d'empaquetage de presque tous les clients d'Agri-Pack sauf 5 p. 100 et qu'ils utilisent tous un processus similaire. Premièrement, les oignons sont classés, ensuite ils vont sur une trémie et, de là, sur un tapis roulant qui les transporte jusqu'à l'appareil de pesage. Là, le sac est enserré sur la machine, qui est ajustée pour le poids requis, et le sac est rempli12 .

22. Les machines à ensacher dans les sacs « principaux » fonctionnent manuellement, et les sacs suivent un processus différent. Un machiniste fixe le sac de 50 livres sur la machine à ensacher (qui est essentiellement un mécanisme qui maintient le sac ouvert), et le machiniste remplit le sac manuellement avec des sacs de 2, 3 ou 5 livres qu'il prend sur une table de triage. Une fois que le « sac principal » est plein, on l'attache manuellement et on le place sur un patin de glissement. La machine à ensacher a pour seule fonction de mettre les oignons en sac, et les marchandises en cause ont pour seule fonction, selon M. De Jonge, d'être remplies d'oignons. Une fois remplis, les sacs ne sont habituellement pas réutilisés, parce que leur lacet de serrage est coupé quand leur contenu est mis dans le commerce.

23. Agri-Pack a également convoqué comme témoin M. Dan Vander Kooi, chef d'usine, Hillside Gardens Ltd., établissement qui cultive, empaquette et expédie des oignons et des carottes. M. Vander Kooi a expliqué en détail, avec l'aide d'un enregistrement vidéo, le fonctionnement des machines à ensacher utilisées à Hillside Gardens Ltd., à savoir l'ensacheuse Octo-Pak et l'ensacheuse edpMD, qui sont toutes les deux des machines à ensacher automatisées, ainsi que la machine à ensacher dans les sacs « principaux », qui est activée manuellement. Aucune des machines à ensacher n'est utilisée pour des légumes autres que les oignons frais. Chaque machine à ensacher automatisée comprend des pièces qui sont calibrées pour des tailles particulières de sacs à oignons, par exemple la minuterie du ramasseur, l'oeil électronique, le retardateur de ramassage, le collier d'ajustement et le levier. La machine à ensacher dans les sacs « principaux » est utilisée pour maintenir le sac ouvert pour l'opérateur, qui remplit le sac avec des sacs plus petits. En plus des témoins mentionnés ci-dessus, Agri-Pack a déposé des certificats d'utilisation finale provenant des acheteurs de marchandises en cause restants, attestant de l'utilisation qui avait été faite de leur machine à ensacher.

24. L'ASFC n'a déposé aucun élément de preuve concernant la seconde question, autre que celui qui porte sur la question préliminaire discutée ci-dessus.

PLAIDOIRIE SUR LA DEUXIÈME QUESTION

25. Agri-Pack a soutenu que les marchandises en cause étaient des articles devant servir dans des machines pour remplir utilisées pour les fruits frais ou les légumes frais ou, à titre de solution de rechange, des articles devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs, au sens du numéro tarifaire 9903.00.00.

26. Agri-Pack a analysé la disposition ci-dessus, affirmant que le fait que les marchandises en cause sont des « articles » n'était pas contesté. L'expression « devant servir dans » a été définie au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes comme signifiant que les marchandises « doivent entrer dans la composition d'autres marchandises mentionnées dans [le] numéro tarifaire [pertinent] par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation ».

27. Dans la jurisprudence du Tribunal13 , l'expression « par voie [. . .] d'incorporation » dans la définition ci-dessus a été interprétée comme signifiant que l'article doit être physiquement attaché et fonctionnellement uni à la machine. Agri-Pack a fait valoir qu'il est clair que les marchandises en cause étaient physiquement attachées puisque les éléments de preuve ont indiqué que, dans chaque cas, elles étaient fixées à la machine à ensacher. Le fait qu'elles étaient fonctionnellement unies a été établi par la preuve que la machine à ensacher les oignons ne peut pas fonctionner sans les sacs à oignon de taille précisée.

28. L'ASFC a fait valoir que les marchandises en cause étaient simplement des contenants pour oignons frais et que, si l'on devait accepter l'argument d'Agri-Pack, tout contenant qui est utilisé avec une machine - comme une bouteille contenant de l'eau - pourrait être importé aux termes du chapitre 99. L'ASFC a ajouté que les marchandises n'étaient pas physiquement reliées aux machines, étant donné qu'elles n'étaient en contact avec elles que pour quelques secondes et qu'elles n'étaient pas fonctionnellement unies, étant donné qu'elles pouvaient être remplies manuellement et remplies avec d'autres articles, tels que du bois de chauffage, et que les machines pouvaient également servir à d'autres usages, tels que remplir des sacs ou des boîtes d'agrumes.

DÉCISION SUR LA DEUXIÈME QUESTION

29. C'est à Agri-Pack qu'il incombe de faire la preuve que les marchandises en cause sont des articles devant servir dans des machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais, ou devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs au sens du numéro tarifaire 9903.00.00.

30. De l'avis du Tribunal, les sacs « principaux » ne sont pas admissibles à l'allégement tarifaire aux termes du chapitre 99. L'accès au numéro tarifaire 9903.00.00 est limité aux articles devant servir dans des machines combinées à ensacher ou à emboîter et peser, ou machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais, ou devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs. Comme on l'a vu plus haut, la seule fonction de la machine à ensacher dans les sacs « principaux » est de maintenir le sac ouvert tandis que l'opérateur le remplit manuellement. Cette machine ne remplit ni n'empaquette le sac. Il est impossible de caractériser le remplissage manuel des sacs « principaux » comme un processus qui est tellement intégré à la machine à ensacher dans des sacs « principaux » qu'ils constituent un système unique. Il faut plutôt considérer qu'il y a deux phases indépendantes à l'opération d'ensachage des sacs « principaux », l'une mécanique et l'autre manuelle. Étant donné que la fonction des sacs « principaux » est de servir de contenant pour la phase manuelle de l'opération, on ne peut pas dire qu'ils sont connectés intégralement à « une machine pour remplir » ou « une machine à ensacher » au sens du numéro tarifaire ci-dessus et, par conséquent, ils ne sont pas admissibles à l'allégement tarifaire aux termes de ce numéro tarifaire.

31. Étant donné la définition citée plus haut de l'expression « devant servir dans », le Tribunal doit déterminer si les marchandises entrent dans la composition d'autres marchandises mentionnées dans le numéro tarifaire ci-dessus « par voie d'ouvraison ou d'incorporation » (ce qui n'est pas le cas) ou « par voie de fixation ». Dans des causes précédentes, le Tribunal a réduit la signification de l'expression « par voie de fixation » et cette expression signifie que les marchandises doivent être physiquement reliées et fonctionnellement unies aux marchandises énumérées dans le numéro tarifaire. La condition « fonctionnellement uni » provient d'une longue série de causes dans lesquelles le Tribunal a observé que l'expression « par voie de fixation » porte davantage que sa signification grammaticale ordinaire. En effet, étant donné le contexte législatif dans lequel cette expression apparaît, elle suggère également une relation fonctionnelle.

32. En l'espèce, il est clair que les sacs à oignons sont reliés physiquement à l'Octo-Pak et à l'appareil d'ensachage edpMD, qui, de l'avis du Tribunal, sont des machines, étant donné qu'elles utilisent ou appliquent une force mécanique. Il existe un lien physique entre les sacs et les machines. Les sacs sont attachés et maintenus en place de façon sécuritaire jusqu'à ce qu'ils soient remplis et retirés. Les sacs utilisés avec les machines à ensacher Octo-Pak et edpMD y sont fonctionnellement unis. Ces machines à ensacher ou à empaqueter ne peuvent tout simplement pas ensacher ou empaqueter des oignons sans avoir un sac qui leur soit attaché. De plus, il faut faire un certain nombre d'ajustements pour adapter l'opération de la machine à la taille du sac utilisé. Les deux témoins d'Agri-Pack ont indiqué que, à leur connaissance, les marchandises en cause étaient utilisées pour mettre les oignons en sac en utilisant ces types de machines, étant donné que c'était la seule façon rentable d'ensacher les oignons à l'échelle commerciale. L'ASFC n'a pas offert de preuve du contraire.

33. Il est vrai qu'il y avait des éléments de preuve selon lesquels les sacs étaient également utilisés pour entreposer les oignons, pour de courtes périodes, et pour les expédier vers les entrepôts des magasins de détail14 . Cependant, comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale, une telle double utilisation n'empêche pas un article d'entrer dans le champ d'application des dispositions de classement des allégements tarifaires15 . En effet, le Tribunal a indiqué précédemment16 que de telles utilisations - et même d'autres utilisations primaires - ne peuvent pas empêcher que le produit a passé le test d'être fonctionnellement uni.

34. Le Tribunal n'estime pas que les sacs doivent servir « uniquement », ou même « principalement » à l'utilisation mentionnée dans l'allégement tarifaire. Si le législateur avait voulu donner au numéro tarifaire 9903.00.00 cette interprétation étroite, il l'aurait indiqué de façon expresse.

35. Le fait que les sacs ne sont attachés à la machine que de façon temporaire n'empêche pas de les classer dans le chapitre 99. Comme le Tribunal l'a indiqué dans Sony 1, « il n'existe aucune disposition qui exige que les cartouches magnétiques soient fixées aux unités de bande magnétique de façon permanente pour répondre à la définition réglementaire des expressions "devant servir dans" et "devant servir à"17 (soulignement ajouté).

36. Les sacs sont des articles passifs. Cependant, comme le Tribunal l'a conclu précédemment, « la notion de "fonctionnellement uni" signifie simplement que les marchandises "devant servir dans" les marchandises hôtes présentent un lien fonctionnel (qu'il soit actif ou passif) avec les marchandises hôtes »18 (soulignement ajouté).

37. Par conséquent, à l'exception des sacs « principaux », le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9903.00.00, à la fois à titre d'articles devant servir dans des machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais et à titre d'articles devant servir dans des machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs.

38. L'appel est admis en partie.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . La note 3 du chapitre 99 stipule ce qui suit : « Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s'appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d'origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l'observation des conditions prévues par les textes d'application qui leur sont applicables. » (Soulignement ajouté)

4 . Note 7e) de la section XI, « Matières textiles et ouvrages en ces matières ».

5 . 1998, s.v. « net ».

6 . Mémoire de l'appelante, onglet 5, « Agency Rationale ».

7 . Supra note 5, s.c. « textile ».

8 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

9 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

10 . Supra note 2, annexe.

11 . (29 novembre 2001), AP-2000-047 (TCCE) [Imation Canada].

12 . Transcription de l'audience publique, 15 juin 2004 à la p. 24.

13 . Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE) [Sony 2]; PHD Canada Distributing Ltd. c. Commissaire des douanes et du revenu (25 novembre 2002), AP-99-116 (TCCE); Sony du Canada Ltée c. Sous-M.R.N. (12 décembre 1996), AP-95-262 (TCCE) [Sony 1]; Imation Canada.

14 . Transcription de l'audience publique, 15 juin 2004 aux pp. 104-106.

15 . Entrelec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (14 septembre 2000), A-755-98 (C.A.F.).

16 . Sony 2.

17 . Sony 1, à la p. 4.

18 . Imation Canada, à la p. 5.