KENNETH LEE

Décisions


KENNETH LEE
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2003-054

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 5 mars 2004 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

KENNETH LEE

Appelant

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICE FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 5 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Kenneth Lee, pour l’appelant

 

Catherine A. Lawrence, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 5 mars 2004 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé le couteau en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’arme prohibée. Le couteau en cause est un couteau pliant Camillus, modèle junior Cuda.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 définit « arme prohibée » ainsi :

“prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon.

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme — qui n'est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.

PREUVE

7. M. Kenneth Lee a tenté d’importer le couteau en cause par la poste. Sa longueur est d’environ 10,5 cm en position fermée et il est doté d’une lame de style tanto à un seul tranchant d’une longueur d’environ 7,0 cm. Un bouton métallique en forme de disque posé dans une rainure sur un côté du manche permet, lorsqu’on le pousse avec le pouce, d’éjecter la lame. Le bouton est lié à une tringlerie mécanique interne unissant le disque et la lame. Le mouvement de la tringlerie est déclenché par une pression sur le bouton et force la lame à sortir du manche et l’amène en position ouverte et verrouillée.

8. L’ASFC a déposé deux pièces : le couteau en cause et une bande vidéo contenant une démonstration sur la façon de l’utiliser. Le Tribunal a examiné le couteau et a visionné la bande vidéo.

9. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. Kenneth Doyle du Service de police d’Ottawa. Les titres et qualités de M. Doyle en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par M. Lee. Le Tribunal a reconnu à M. Doyle le titre d’expert en matière d’armes prohibées. M. Doyle a conclu dans son rapport que, selon son opinion d’expert, le couteau en cause satisfait aux critères d’une arme prohibée.

PLAIDOIRIE

10. M. Lee a soutenu que le couteau en cause n’est pas une arme prohibée car la vis pivot ajustable du couteau offre une certaine résistance qui empêche le couteau de s’ouvrir facilement au moyen d’un simple mouvement brusque du poignet. D’après M. Lee, le couteau en cause est neuf et la vis pivot n’était peut-être pas serrée selon les normes à sa sortie de l’usine. M. Lee a aussi soutenu que des couteaux identiques sont offerts en vente au Canada.

11. L’ASFC a soutenu que le facteur déterminant dans le classement du couteau en cause est le fait que sa lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge. À son avis, la lame du couteau en cause s’ouvre sous l’impulsion d’un mouvement brusque du poignet, ou par force centrifuge6 , et ce couteau est donc une « arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel. L’ASFC a également soutenu que, même si la conception du couteau en cause prévoit un disque métallique logé dans une rainure servant à verrouiller la lame, la tringlerie interne n’est pas suffisamment robuste pour empêcher le couteau de s’ouvrir sous l’impulsion d’un mouvement brusque du poignet. De plus, elle a prétendu que, même si une certaine manipulation est nécessaire pour libérer la lame par force centrifuge, le couteau en cause entre dans la portée de la définition d’une arme prohibée. À cet égard, elle a invoqué la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans R. c. Vaughan 7 comme corroborant la proposition selon laquelle les manipulations supplémentaires ou l’obligation d’avoir une certaine habileté n’empêchent pas un couteau d’être une « arme prohibée ». Elle a soutenu que le site Web du fabricant décrit le couteau en cause comme un « couteau à ouverture rapide, prêt à l’action » [traduction]. Invoquant la décision rendue par le Tribunal dans Ericksen, l’ASFC a de plus soutenu que le fait que d’autres couteaux semblables soient offerts en vente au Canada n’est pas pertinent en l’espèce8 .

DÉCISION

12. Le Tribunal est convaincu que le couteau en cause est un couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par force centrifuge. En réalité, la démonstration et l’exposé narratif de M. Doyle dans la preuve sur vidéo ont confirmé que, lorsque ce couteau est tenu à la main, un simple mouvement brusque vers l’extérieur du poignet libère la lame du manche et l’éjecte complètement et l’amène en position verrouillée, le rendant de ce fait prêt à utiliser. À l’examen du couteau en cause, le Tribunal a déterminé que la vis pivot ajustable dont le couteau en cause est doté n’offrait pas de résistance au mouvement susmentionné et qu’il était possible de libérer la lame au moyen d’un simple mouvement brusque du poignet. L’action est automatique et s’accomplit par application de ce qui est couramment appelé la force centrifuge, ce qui satisfait à la définition de l’expression « arme prohibée » au sens du Code criminel.

13. Comme il a déjà été indiqué, M. Lee a prétendu que la vis pivot ajustable située sur le couteau en cause pourrait ne pas avoir été serrée selon les spécifications du fabricant. Il ne s’agit pas là d’un facteur déterminant dans le classement du couteau en cause, car le Tribunal tient habituellement compte des marchandises en leur état au moment de leur importation. En outre, d’après son propre examen du couteau en cause, le Tribunal est d’avis qu’il est facile d’en serrer ou desserrer la vis pivot.

14. En ce qui concerne l’argument de M. Lee selon lequel des couteaux identiques sont offerts en vente au Canada, le Tribunal rappelle sa décision dans Eriksen dans laquelle il indiquait que cela n’est pas pertinent.

15. Par conséquent, le Tribunal conclut que le couteau en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’arme prohibée et, à ce titre, son importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

16. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . L’ASFC a indiqué que, dans Wayne Ericksen c. ADRC (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) [Ericksen], le Tribunal avait reconnu qu’un couteau qui s’ouvre sous l’impulsion d’un simple mouvement brusque du poignet vers l’extérieur s’ouvre par force centrifuge.

7 . [1991] 3 R.C.S. 691.

8 . L’ASFC a invoqué Ericksen, où le Tribunal avait conclu que le classement des marchandises ne pouvait être fondé sur le fait que des marchandises semblables ou identiques étaient déjà entrées au Canada.