EDITIONS GALLERY LTD.

Décisions


EDITIONS GALLERY LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2005-017

Décision et motifs rendus
le mercredi 26 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 février 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 23 juin 2005 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

EDITIONS GALLERY LTD.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis en partie.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 21 février 2006

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Valérie Cannavino

   

Parties :

David Kadosh, pour l’appelante

 

Alexandre Kaufman, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 23 juin 2005 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Les importations en cause ont eu lieu entre mars et décembre 2003. Il y a deux questions en litige dans le présent appel.

2. La première question en litige est celle de savoir si les marchandises en cause, des sculptures acryliques, sont correctement classées à titre de statuettes en matières plastiques dans le numéro tarifaire 3926.40.10 de l’annexe du Tarif des douanes 2 , comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées à titre de productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture, en toutes matières, dans le numéro tarifaire 9703.00.00, comme l’a soutenu Editions Gallery Ltd. (Editions Gallery).

3. La deuxième question en litige, expliquée plus en détail ci-après, se rapporte à l’origine des marchandises en cause.

4. Dans une lettre aux parties datée du 21 octobre 2005, le Tribunal a communiqué sa décision de tenir une audience sur pièces, en conformité avec les articles 25, 25.1 et 36.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

CLASSEMENT TARIFAIRE

5. Editions Gallery a soutenu que les marchandises en cause sont des productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture, en toutes matières, du numéro tarifaire 9703.00.00. L’ASFC a soutenu qu’elles ne peuvent pas être classées dans ce numéro tarifaire car elles sont des reproductions en séries, qui sont expressément exclues de ce numéro tarifaire en vertu des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 4 du chapitre 97.

6. L’article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 5 et les Règles canadiennes 6 . L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions de l’annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 7 et des Notes explicatives. Lorsqu’il applique les Règles générales, le Tribunal doit tenter d’appliquer d’abord la règle 1, ne passant aux règles suivantes, l’une après l’autre, que si la règle précédente ne permet pas le classement des marchandises en cause. Une fois le classement déterminé conformément aux Règles générales au niveau du chapitre et de la position, le classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire est effectué conformément aux Règles canadiennes.

7. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

10.(1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.

[...]

11. Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

8. La règle 1 des Règles générales prévoit ce qui suit :

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres [...]

9. La règle 1 des Règles canadiennes prévoit ce qui suit :

Le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé, étant entendu que ne peuvent être comparés que les numéros tarifaires de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires.

10. Les Notes du chapitre 97 prévoient ce qui suit :

OBJETS D’ART, DE COLLECTION OU D’ANTIQUITÉ

[...]

3. Ne relèvent pas du no 97.03 les sculptures ayant un caractère commercial (reproductions en séries, moulages et œuvres artisanales, par exemple), même lorsque ces ouvrages ont été conçus ou créés par des artistes8 .

[...]

11. Les Notes explicatives de la position no 97.03 prévoient ce qui suit :

97.03 – PRODUCTIONS ORIGINALES DE L’ART STATUAIRE OU DE LA SCULPTURE, EN TOUTES MATIÈRES.

Il s’agit ici des œuvres anciennes ou modernes, exécutées par un artiste sculpteur [...]

[...]

Il se peut donc que, d’une même sculpture, on reproduise deux ou trois [...] Sauf dans des cas assez rares, le nombre total des répliques ne dépasse guère la douzaine.

[...]

Sont exclus de la présente position les ouvrages suivants, même lorsqu’ils ont été conçus ou créés par des artistes :

[...]

c) Les reproductions en séries et les moulages de caractère commercial, en métal, en plâtre, en staff, en ciment, en carton-pierre, etc.

[...]

12. Selon les éléments de preuve, les marchandises en cause sont toutes des statuettes en matières plastiques ayant un caractère commercial et constituant des reproductions en séries d’œuvres d’art d’un artiste décédé. Chaque statuette a été fabriquée en séries de plusieurs centaines de reproductions. Par conséquent, de telles marchandises entrent manifestement dans la portée de l’exclusion de la position no 97.03 prévue à la Note 3 du chapitre 97. Les marchandises en cause ne sont donc pas des productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture, en toutes matières, du numéro tarifaire 9703.00.00. Plutôt, conformément à la règle 1 des Règles générales et à la règle 1 des Règles canadiennes, elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.40.10 à titre de statuettes en matières plastiques et l’appel à ce motif est donc rejeté.

ORIGINE

13. Editions Gallery a également soutenu que les marchandises en cause sont originaires des États-Unis et devraient donc bénéficier du tarif des États-Unis plutôt que du tarif de la nation la plus favorisée (NPF), comme l’a soutenu l’ASFC.

14. La question de la détermination de l’origine des marchandises est prévue aux paragraphes 58(1) et 58(2) de la Loi, qui, au moment des importations, prévoyaient ce qui suit :

58.(1) Any officer, or any officer within a class of officers, designated by the Minister for the purposes of this section, may determine the origin . . . of imported goods at or before the time they are accounted for under subsection 32(1), (3) or (5).

58.(1) L’agent chargé, ou l’agent appartenant à une catégorie d’agents chargée, par le ministre de l’application du présent article peut déterminer l’origine [...] des marchandises importées au plus tard au moment de leur déclaration en détail faite en vertu des paragraphes 32(1), (3) ou (5).

(2) If the origin . . . of imported goods [is] not determined under subsection (1), the origin . . .  of the goods [is] deemed to be determined, for the purposes of this Act, to be as declared by the person accounting for the goods in the form prescribed under paragraph 32(1)(a). That determination is deemed to be made at the time the goods are accounted for under subsection 32(1), (3) or (5).

(2) Pour l’application de la présente loi, l’origine […] des marchandises importées qui [n’a] pas été déterminé[e] conformément au paragraphe (1) [est] considéré[e] comme ayant été déterminé[e] selon les énonciations portées par l’auteur de la déclaration en détail en la forme réglementaire sous le régime de l’alinéa 32(1)a). Cette détermination est réputée avoir été faite au moment de la déclaration en détail faite en vertu des paragraphes 32(1), (3) ou (5).

15. Ces dispositions indiquent qu’il y a toujours détermination de l’origine au moment de la déclaration en détail de marchandises. Si aucune détermination expresse n’a été faite, le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que cette origine est considérée comme ayant été déterminée. En l’espèce, il ressort des éléments de preuve que l’origine des marchandises en cause a été considérée comme ayant été déterminée, à savoir qu’elles provenaient d’une NPF, puisque les lettres de transport et le formulaire B-3 Douanes Canada – Formule de codage transmis au Tribunal le 13 février 2006 par l’ASFC montrent tous que l’origine NPF, ou le code 02 de traitement tarifaire, à la zone no 149 , avait été attribué aux marchandises en cause.

16. Le Relevé détaillé de rajustement (RDR) daté du 13 décembre 2004 informait Editions Gallery que l’avis était délivré aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

(2) An officer who makes a determination under subsection 57.01(1) or 58(1) or a re-determination or further re-determination under subsection (1) shall without delay give notice of the determination, re-determination or further re-determination, including the rationale on which it is made, to the prescribed persons.

(2) L’agent qui procède à la décision ou à la détermination en vertu des paragraphes 57.01(1) ou 58(1) respectivement ou à la révision ou au réexamen en vertu du paragraphe (1) donne sans délai avis de ses conclusions, motifs à l’appui, aux personnes visées par règlement.

17. Le RDR daté du 13 décembre 2004 indiquait aussi que l’origine des marchandises avait été déterminée comme étant une NPF (c.-à-d. code 02 de traitement tarifaire, ou NPF, voir la zone no 14) et que le taux des droits est de 6,5 p. 100 (zone no 33).

18. Le paragraphe 60(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

60.(1) A person to whom notice is given under subsection 59(2) in respect of goods may, within ninety days after the notice is given, request a re-determination or further re-determination of origin, tariff classification, value for duty or marking . . . .

60.(1) Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis […] demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

[Emphasis added]

[Soulignement ajouté]

19. Editions Gallery a envoyé un formulaire de demande de rajustement à l’ASFC le 18 janvier 2005. À la rubrique « Explication », Editions Gallery a informé l’ASFC du genre de demande qu’elle présentait : « Entrée en franchise aux termes de l’ALÉNA, et nous en appelons également du classement » [traduction]. Le Tribunal interprète ce qui précède comme étant une demande de réexamen de la détermination de l’origine des marchandises.

20. Dans sa lettre du 16 mai 2005, la Division des recours de l’ASFC a fait savoir qu’elle rejetait la demande de réexamen de la détermination d’origine, dans les termes suivants :

Aucune décision sur l’origine ALÉNA n’a été rendue dans ces cas. Malheureusement, la Division des recours a seulement compétence pour examiner les demandes de réexamen de la détermination de l’origine déposées aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes si une décision sur l’origine a déjà été faite. Par conséquent, la Division des recours ne peut examiner la demande de réexamen de la détermination de l’origine dans ces cas. Le traitement tarifaire demeure donc, dans ces cas, celui de la NPF comme il a initialement été inscrit.

[Traduction]

21. Le Tribunal interprète ce qui précède comme signifiant que la Division des recours de l’ASFC estimait ne pas avoir compétence pour réexaminer la détermination de l’origine aux termes de l’article 60 de la Loi car elle était d’avis qu’il n’y avait pas eu précédemment de détermination de cette origine.

22. Toutefois, le 23 juin 2005, l’ASFC a délivré des RDR qui précisent non seulement la décision de l’ASFC sur le classement, mais également que les marchandises sont originaires d’une NPF et que le « taux des droits NPF est de 6,5 p. 100 » [traduction]. Ces RDR stipulent qu’ils représentent « des décisions du président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes » [traduction], c’est-à-dire un réexamen. Même si la Division des recours de l’ASFC était d’avis qu’elle ne pouvait réexaminer l’origine, le fait est que, pour réexaminer le taux des droits, l’ASFC devait déterminer si la décision réputée initiale portant sur l’origine allait être confirmée; sinon, elle n’aurait pas su quel taux de droits appliquer. Le Tribunal est donc d’avis que les RDR délivrés le 23 juin 2005 incluaient un réexamen de la détermination de l’origine qui a confirmé la détermination initiale, à savoir une NPF.

23. Editions Gallery a interjeté appel de ce réexamen de l’origine auprès du Tribunal dans son avis déposé le 22 juillet 2005. Le Tribunal a donc compétence pour examiner la question aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

24. Les parties s’entendent pour dire que les marchandises en cause ont été importées des États-Unis, et la preuve documentaire corrobore cette conclusion. Quant au lieu de fabrication, les éléments de preuve comprennent des copies des certificats d’origine ALÉNA indiquant les États-Unis comme le pays d’origine. Selon la lettre de la Division des recours de l’ASFC et les arguments présentés par cette dernière, les certificats d’origine sont incomplets. Toutefois, à première vue, le Tribunal ne voit pas en quoi lesdits certificats sont incomplets; ni la lettre envoyée à Editions Gallery par la Division des recours ni les observations de l’ASFC n’indiquent précisément quelles en sont censément les lacunes. De l’avis du Tribunal, il n’existe pas d’éléments de preuve probants qui indiquent que les marchandises ont été fabriquées ailleurs qu’aux États-Unis ou qu’elles comprenaient une teneur en valeur d’un pays autre que les États-Unis.

25. Le Tribunal conclut donc que, selon les éléments de preuve, les marchandises en cause sont originaires des États-Unis. Par conséquent, l’appel à ce motif est admis.

26. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.40.10 à titre de statuettes en matières plastiques et rejette donc l’appel relativement à la question du classement. Il conclut que les marchandises sont originaires des États-Unis et admet donc l’appel relativement à la question de l’origine des marchandises.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36 [Tarif des douanes].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

5 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

6 . Supra note 2, annexe.

7 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

8 . Le même paragraphe se retrouve dans les Notes explicatives.

9 . Mémorandum D17-1-10 des Douanes, « Codage des documents de déclaration en détail des douanes », annexe B (27 janvier 2003).