OUTILS GLADU INC.

Décisions


OUTILS GLADU INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2004-018

Décision et motifs rendus
le mercredi 7 septembre 2005


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu les 3 et 4 février 2005 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada les 15 et 22 juin 2004 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

OUTILS GLADU INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l'audience :

Les 3 et 4 février 2005

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

Richard Lafontaine, membre

   

Avocats pour le Tribunal :

Philippe Cellard

 

Eric Wildhaber

   

Greffiers :

Karine Turgeon

 

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Marco Ouellet, pour l'appelante

 

Yannick Landry, pour l'intimé

Veuillez adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) les 15 et 22 juin 2004 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. Les marchandises en cause ont été importées entre 2001 et 2003. Des objets représentatifs des marchandises en cause ont été déposés comme pièces auprès du Tribunal. Il s'agit de deux types de marchandises, soit un appareil de marque déposée SpiramaxMD (Spiramax) et des plaquettes pour cet appareil. L'ASFC a classé le Spiramax dans le numéro tarifaire 8207.90.10 de l'annexe du Tarif des douanes 2 et les plaquettes dans le numéro tarifaire 8209.00.92. Outils Gladu inc. (Outils Gladu) cherche à faire classer le Spiramax dans le numéro tarifaire 8207.90.90, ou dans le numéro tarifaire 8207.70.00, ou encore dans la position no 84.66, et les plaquettes dans le numéro tarifaire 8208.20.00.

3. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes qui était en vigueur au moment où les marchandises en cause ont été importées est la suivante :

82.07 Outils interchangeables pour outillage à main, mécanique ou non, ou pour machines-outils (à emboutir, à estamper, à poinçonner, à tarauder, à fileter, à percer, à aléser, à brocher, à fraiser, à tourner, à visser, par exemple), y compris les filières pour l'étirage ou le filage (extrusion) des métaux, ainsi que les outils de forage ou de sondage.

8207.70.00 -Outils à fraiser

8207.90 -Autres outils interchangeables

8207.90.10 ---Ciseaux à billes, forets à douille, ciseaux, marteaux-bêches, bêches-front, machines à enfoncer (pour les tuyaux, les tiges et les crampons) et fleurets à pointe de diamant, pour les outils électriques portatifs;

Outils de coupage, à pointe de carbure, pour le travail du bois;

Suceurs d'aspirateurs

8207.90.90 ---Autres

82.08 Couteaux et lames tranchantes, pour machines ou pour appareils mécaniques.

8208.20.00 -Pour le travail du bois

8209.00 Plaquettes, baguettes, pointes et objets similaires pour outils, non montés, constitués par des cermets.

8209.00.10 ---Pièces rapportées de carbure de tungstène pour mèches de perceuses de pierre ou de charbon

---Autres

8209.00.91 ----Les produits suivants, en format métrique, pour scieries:

Segments de scie à pointes de carbure;

Pointes de carbure enrobées de fondants et d'alliage d'argent

8209.00.92 ----Autres pièces rapportées et mèches, de carbure

8209.00.99 ----Autres

84.66 Parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux machines des nos 84.56 et 84.65, y compris les porte-pièces et porte-outils, les filières à déclenchement automatique, les dispositifs diviseurs et autres dispositifs spéciaux se montant sur machines-outils; porte-outils pour outils ou outillage à main, de tous types.

PREUVE 3

4. Outils Gladu a convoqué M. Philippe Turcot, ingénieur en recherche et développement chez Outils Gladu, et le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en usinage du bois et en outillage pour le bois.

5. M. Turcot a décrit le Spiramax comme une fraise à couteaux jetables qui fait une coupe droite. Selon lui, le Spiramax et ses couteaux sont utilisés exclusivement dans l'industrie de la seconde transformation du bois, c'est-à-dire dans la fabrication de produits finis, tels des meubles ou du bois de plancher, faits à partir de matériaux bruts issus de l'industrie de la première transformation du bois.

6. M. Turcot a décrit les différences qui existent entre un outil à pointe de carbure et un outil à couteaux interchangeables ou jetables. À son avis, le Spiramax n'est pas un outil à pointe de carbure, car un tel outil est muni de couteaux brasés ou collés, et le Spiramax est doté de couteaux vissés. M. Turcot a précisé que les couteaux d'un outil vissé peuvent être faits de carbure, mais qu'il est inexact de décrire un tel outil comme étant à pointe de carbure, cette expression étant réservée à des outils dont l'arête tranchante de carbure est brasée ou soudée au corps même du couteau. Selon M. Turcot, les couteaux utilisés par le Spiramax sont parfaitement décrits comme des couteaux interchangeables jetables. Par ailleurs, M. Turcot a témoigné que le Spiramax n'est pas conçu pour recevoir des couteaux brasés et que, monté avec des couteaux, le Spiramax n'est pas un « porte-outils », tel qu'il est connu dans l'industrie du bois ouvré.

7. M. Turcot a précisé que le mot « cermet »4 , dérivé des mots « céramique » et « métal », ne s'emploie pas dans l'industrie du bois, même si les couteaux en cause répondent à la définition technique de ce mot, puisqu'ils sont faits d'un alliage de céramique et de métal. Il était d'avis que l'expression « plaquette à quatre faces » désigne, en effet, un couteau à quatre faces et que l'expression « pièces rapportées » est également synonyme de « plaquette » ou « couteau » jetable et que les couteaux en cause sont de tels produits.

8. M. Turcot a témoigné que les cermets sont des matériaux dits « durs » qui comprennent les carbures cimentés, les céramiques, les diamants et quelques matériaux réfractaires, mais pas l'acier ou le bois. Enfin, M. Turcot a également déclaré qu'il ne connaît pas de norme nord-américaine qui traite de l'usinage du bois.

9. M. Yves Lemay a témoigné pour Outils Gladu où il est employé. Il a expliqué le processus de fabrication de certains outils utilisés dans l'usinage du métal et du bois. Il a également expliqué que le Spiramax est utilisé dans l'industrie du bois, tandis que les cermets déposés en preuve (pièce A-3) sont utilisés dans l'industrie de l'usinage du métal et que les outils utilisés dans l'une de ces industries ne sont pas utilisables dans l'autre. Selon lui, l'expression « outil à pointe de carbure » est réservée aux outils brasés et n'est pas employée pour désigner les outils à couteaux vissés comme le Spiramax. De même, il a témoigné que le mot « cermet » n'est pas utilisé pour décrire les couteaux utilisés par cet appareil. Enfin, selon M. Lemay, le bois n'est pas un matériau dur.

10. L'ASFC a convoqué M. George Rothschild, coordonnateur du programme d'ébénisterie au Collège Algonquin, à Ottawa, et le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en ébénisterie et en usinage du bois. M. Rothschild était d'avis que les travailleurs de l'industrie de la seconde transformation du bois ne font pas la distinction que fait M. Turcot entre les outils à pointe de carbure et les outils à couteaux jetables; selon lui, l'expression « outil à pointe de carbure » est utilisée dans tous les cas où un outil est muni d'une arête tranchante ou d'une pointe de couteau jetable qui est faite de carbure. En d'autres mots, M. Rothschild n'était pas d'avis que l'expression « outil à pointe de carbure » soit réservée aux seuls outils qui ont une arête tranchante brasée, mais plutôt que cette expression englobe également les outils qui sont munis de couteaux vissés en carbure. En somme, il était d'avis que ces outils sont désignés tout simplement suivant leur composante « carbure ». Selon M. Rothschild, cette expression qui est d'usage courant à l'heure actuelle dans l'industrie ne se retrouve pas dans les manuels d'enseignement, car ceux-ci datent d'il y a plus de 20 ans.

11. Enfin, contrairement aux autres témoins, M. Rothschild était d'avis que le bois est un matériau dur.

PLAIDOIRIE 5

12. Selon Outils Gladu, le Spiramax ne peut pas être classé dans le numéro tarifaire 8207.90.10 parce qu'il n'est pas un outil à « pointe de carbure », étant donné que ses couteaux ne sont pas brasés. Outils Gladu a soutenu que le Tribunal doit retenir la nomenclature utilisée dans l'industrie du bois où le Spiramax est connu comme une fraise à couteaux jetables ou interchangeables.

13. Si le Tribunal n'est pas convaincu que le Spiramax doit être classé dans le numéro tarifaire 8207.90.90 à titre d'autre outil interchangeable (et plus particulièrement dans le numéro de classement 8207.90.90.83 à titre de « [m]èches, autre que pour toupies, pour le travail du bois, avec outils interchangeables »), Outils Gladu a proposé deux autres classements possibles : soit la position no 84.66, à titre de porte-outils, ou le numéro tarifaire 8207.70.00, à titre d'outil à fraiser.

14. Par ailleurs, Outils Gladu a soutenu que le numéro tarifaire 8209.00.92 ne convient pas au classement des couteaux pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 , à la position no 82.09, précisent que les articles qui y sont classés sont utilisés dans le travail des métaux et autres matières dures7 . Or, Outils Gladu a soutenu que le Tribunal doit retenir les témoignages selon lesquels le bois n'est pas un matériau dur. D'autre part, elle a soutenu que le Tribunal doit retenir les témoignages selon lesquels les couteaux sont connus dans l'industrie du bois comme étant des « couteaux jetables de carbure », des « plaquettes de carbure », des « dents de carbure » ou encore des « lames de carbure », mais non des « cermets », ce terme étant réservé aux couteaux de métal et de céramique utilisés par d'autres industries. Outils Gladu a également souligné d'autres différences physiques entre les couteaux et les cermets, qui sont ressorties des témoignages, et s'est appuyée sur des définitions provenant de normes européennes8 .

15. Au soutien de sa prétention voulant que les couteaux soient classés dans la position no 82.08, Outils Gladu s'est appuyée sur les Notes explicatives afférentes qui stipulent en partie :

La présente position comprend les couteaux et les lames tranchantes, de forme carrée ou rectangulaire, circulaire ou autre, destinés à être montés sur des machines ou des appareils mécaniques. Elle ne couvre pas, par contre, les couteaux tranchants et pièces tranchantes pour outils à main des nos 82.01 à 82.05 (les fers à rabots, par exemple).

On y range notamment les couteaux et lames tranchantes :

2) pour le travail du bois :

a) Les couteaux, lames et fers pour machines à raboter le bois ou pour machines à bois similaires.

16. Quant à l'ASFC, elle a soutenu que le Spiramax est un outil pour la coupe du bois qui est à pointe de carbure et qu'il se classe donc dans le numéro tarifaire 8207.90.10, car ce numéro décrit plus précisément les marchandises en cause que le numéro tarifaire résiduel 8207.90.90.

17. L'ASFC a soutenu que l'exposé d'Outils Gladu contient un aveu que le Spiramax est bel et bien un outil « à pointe de carbure »9 ce qui, à son avis, confirmerait le témoignage de M. Rothschild selon lequel cette qualité demeure, peu importe que les couteaux soient brasés ou vissés.

18. L'ASFC a soutenu que la règle 2a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 10 fait en sorte que le Spiramax est un outil de coupe même s'il est importé dans un état qui demande un certain assemblage, en l'occurrence le vissage des couteaux au corps de l'outil par des vis.

19. Par ailleurs, l'ASFC a fait valoir que les définitions des dictionnaires usuels de langue française et anglaise ne permettent pas de désigner le Spiramax comme un outil à fraiser ou une fraise du numéro tarifaire 8207.70.00, ces termes étant réservés à des outils pour le travail de métaux.

20. L'ASFC a également présenté des arguments à l'encontre du classement dans la position no 84.66 proposé par Outils Gladu, faisant valoir que le Spiramax n'est pas un porte-outils pour fins de classement tarifaire du seul fait qu'il est importé dans un état démonté (c.-à-d. les couteaux ne sont pas vissés), car même ainsi il possède toutes les caractéristiques essentielles de l'article monté.

21. Quant aux couteaux, l'ASFC a soutenu qu'ils sont des plaquettes pour outils non montés constituées par des cermets tel qu'il est prévu dans le numéro tarifaire 8209.00.92. Elle a fait valoir que même les témoins d'Outils Gladu ont reconnu que les couteaux répondent à la définition théorique de ce que sont des « cermets », car ils sont constitués de carbure de tungstène de cobalt. Elle a demandé au Tribunal de ne pas retenir la distinction entre cermets pour le travail du métal et cermets pour le travail du bois que fait valoir Outils Gladu, prétendant que cette distinction n'est pas prévue dans la nomenclature tarifaire.

DÉCISION

22. L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 11 . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il faut tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 12 et des Notes explicatives. Lorsqu'il applique les Règles générales, le Tribunal doit tenter d'appliquer d'abord la règle 1, ne passant à la règle suivante que si la règle précédente ne permet pas le classement des marchandises en cause. La règle 1 exige que le classement soit déterminé d'après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres.

23. D'après le témoignage expert de M. Turcot et les renseignements au dossier, le Tribunal constate que le Spiramax est un appareil qui accueille des couteaux jetables qui y sont fixés à l'aide de vis. Ces couteaux ont plus d'une lame tranchante de sorte que, lorsqu'une d'elles est émoussée par l'usure, le couteau peut être tourné sur lui-même pour mettre rapidement à profit une autre lame de ce même couteau.

24. Le Tribunal constate également que les couteaux qui sont vissés au Spiramax sont faits de carbure et que cet appareil est utilisé exclusivement pour le travail du bois. Mais la question essentielle du présent litige est de savoir si le Spiramax est pour autant un outil « à pointe de carbure », car même si les parties conviennent que le Spiramax est un « autre outil interchangeable » de la sous-position no 8207.90, il y a désaccord sur le numéro tarifaire dans lequel il devrait être classé. Si le Tribunal concluait que le Spiramax est un outil à pointe de carbure pour le travail du bois, il serait classé dans le numéro tarifaire 8207.90.10, sinon il serait classé comme « autre outil interchangeable » dans le numéro tarifaire 8207.90.90.

25. Le Tribunal retient des témoignages, et plus particulièrement du témoignage expert de M. Turcot, que les outils qui sont connus sous l'expression « outils à pointe de carbure » par l'industrie du bois, et plus particulièrement par l'industrie de la seconde transformation du bois, sont différents du Spiramax.

26. En l'espèce, le Tribunal accepte les témoignages qui veulent que les outils à pointe de carbure soient ceux qui ont une pointe de carbure qui est brasée directement et de manière permanente au corps de l'outil. Ceci est confirmé par la norme européenne portée à son attention13 . Par ailleurs, le Tribunal n'a pas retenu le témoignage à l'effet contraire de M. Rothschild car, à son avis, il n'a pas été en mesure de soutenir de façon satisfaisante ses affirmations quant aux marchandises en cause14 .

27. Aussi, tel qu'il a en été fait état plus haut, le Tribunal a été à même de constater que le Spiramax à couteaux vissés et les outils à pointe de carbure brasés sont physiquement et techniquement différents les uns des autres.

28. Par conséquent, suivant la règle 1 des Règles générales, le Tribunal est d'avis que le Spiramax n'est pas un outil à pointe de carbure tel qu'il est communément connu par l'industrie du bois, et ne s'apparente pas physiquement ou techniquement à de tels appareils. Plutôt, le Tribunal est d'avis que le Spiramax est un outil de coupage, à couteaux jetables de carbure, pour le travail du bois, qui se classe dans le numéro tarifaire 8207.90.90.

29. Par ailleurs, le Tribunal note que le Spiramax peut se présenter dans un état démonté lors de l'importation. La règle 2 des Règles générales s'applique aux articles incomplets, non terminés, démontés ou non montés, ainsi qu'aux mélanges. Si le Spiramax se présente dans un tel état, le Tribunal constate que le numéro tarifaire 8207.90.90 s'applique toujours, même en vertu de la règle 2. En effet, suivant la règle 2a), « [t]oute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article ... complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu'il est présenté à l'état démonté ou non monté. » La Note explicative VII de la règle 2a) se lit, en partie, comme suit : « Est à considérer comme article présenté à l'état démonté ou non monté pour l'application de la présente Règle, l'article dont les différents éléments sont destinés à être assemblés soit à l'aide de moyens comme des vis, boulons, écrous, etc., soit par rivetage ou soudage, par exemple, à la condition cependant qu'il s'agisse seulement d'opérations de montage... Les éléments non montés d'un article, qui sont en nombre excédant celui requis pour la constitution d'un article complet, suivent leur régime propre. »

30. Par conséquent, le Spiramax démonté et un nombre suffisant de couteaux et de vis d'attache de couteaux nécessaires à faire fonctionner cet appareil, lorsqu'ils sont importés ensemble, sont classés dans le numéro tarifaire 8207.90.90. Par contre, tous les couteaux et toutes les vis excédant le nombre requis pour la constitution du Spiramax en article complet sont classés séparément. Le Tribunal n'a pas entendu d'argument relativement aux vis; il se limitera donc à se pencher sur les arguments présentés par les parties relativement au classement des couteaux.

31. Il faut donc déterminer comment classer les couteaux qui sont importés séparément ou qui excèdent le nombre requis pour monter le Spiramax.

32. Le Tribunal constate que la note 4 de la section XV prévoit ce qui suit :

Dans la Nomenclature, le terme cermets s'entend d'un produit contenant une combinaison hétérogène microscopique d'un composant métallique et d'un composant céramique. Ce terme couvre également les métaux durs (carbures métalliques frittés) qui sont des carbures métalliques frittés avec du métal.

33. Le Tribunal observe que les couteaux sont composés de carbure de tungsten fritté au cobalt et répondent donc à la définition générique de « cermet ». M. Turcot a reconnu que cela était vrai au point de vue technique, mais il était d'avis que les couteaux utilisés dans l'industrie du bois ne sont jamais désignés ainsi. Selon lui, les cermets ne sont utilisés que dans l'industrie de l'usinage du métal. Le Tribunal est d'avis que ce point de vue est appuyé par les Notes explicatives de la position no 82.09 qui sont rédigées, en partie, comme suit :« Les articles visés à la présente position ... possèdent une grande dureté à froid et à chaud et une très haute résistance à la flexion. En raison de ces qualités particulières, les articles ainsi réalisés trouvent un emploi très étendu dans la confection d'outils - sur lesquels ils sont rapportés par soudure, brasage ou serrage - qui, du fait de leur grande vitesse de coupe, sont utilisés pour le travail des métaux et autres matières dures (outils de tours, fraises, filières d'étirage, forets, etc.) »15 [soulignement ajouté]. À ce sujet, le Tribunal est d'avis que le rapprochement fait par les mots « et autres », entre « métaux » et « matières dures », empêche que le bois ne soit compris comme matière dure.

34. À ce sujet, le témoin de l'ASFC était d'avis que le bois est un matériau dur, mais cette affirmation n'a pas convaincu le Tribunal qui a préféré les avis davantage motivés des témoins d'Outils Gladu; ces derniers étaient d'avis que le bois n'est pas reconnu comme un tel matériau, ce terme étant, en génie, réservé aux céramiques, métaux réfractaires, diamants et carbures cimentés. Surtout, le Tribunal retient du témoignage de M. Lemay que le Spiramax ne pourrait être utilisé pour usiner du métal, parce que ses couteaux sont trop fragiles et le corps même de l'outil ne résisterait pas à une telle opération16 .

35. Ceci étant dit, aux termes de la règle 1 des Règles générales, le Tribunal est d'avis qu'il faille classer les couteaux en question dans la position no 82.08. Le Tribunal est d'avis qu'il ressort des éléments de preuve que les couteaux sont montés sur le Spiramax qui, à son tour, est un outil installé dans une machine pour l'usinage du bois17 . Le Tribunal n'accepte pas la prétention de l'ASFC que, pour être classés dans la position no 82.08, les couteaux doivent être destinés directement à la machine18 . Le Tribunal fait observer, à cet égard, que la Note explicative 1 de la position no 82.08 prévoit que les couteaux et lames qui ne sont pas montés directement sur les machines mais fixés sur les outils utilisés avec ces machines sont des couteaux et lames au sens de la position no 82.08. Parce qu'ils sont « [p]our le travail du bois », le Tribunal est d'avis que les couteaux doivent être classés dans le numéro tarifaire 8208.20.00.

36. Enfin, le Tribunal s'est penché sur les autres classements possibles proposés par Outils Gladu, mais les rejette.

37. Tout d'abord, le Tribunal n'a pas été convaincu que le Spiramax est un porte-outils de la position no 84.66. Les témoins d'Outils Gladu ont soutenu que, une fois assemblé et les couteaux fixés, le Spiramax était un outil. On a témoigné également que, sans couteaux, le Spiramax serait un porte-outils et les couteaux ne seraient pas des outils19 . Le Tribunal ne peut donc concevoir comment le Spiramax peut à la fois être un porte-outils et un outil.

38. Par ailleurs, le Tribunal a rejeté la proposition de classement du Spiramax dans le numéro tarifaire 8207.70.00, n'ayant pas été convaincu que cet article est un outil à fraiser, car le Tribunal note que, selon les témoignages des deux parties, le mot « fraiser » s'entend des opérations faites dans l'industrie de la première transformation du bois et non dans l'industrie de la seconde transformation du bois, qui est la spécialité d'Outils Gladu20 .

39. En résumé, l'appel est admis. Le Spiramax (monté ou démonté) est classé dans le numéro tarifaire 8207.90.90. Les couteaux en nombre suffisant pour faire du Spiramax un outil complet monté suivent le classement du Spiramax lorsqu'ils sont importés avec ce dernier. Dans ce dernier cas, les couteaux excédentaires au nombre nécessaire au montage du Spiramax sont classés dans le numéro tarifaire 8208.20.00. Il en est de même pour les couteaux importés seuls.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . La présente section constitue un résumé des témoignages présentés par les parties à l'audience. Outre les témoignages, la preuve présentée par les parties comprend l'ensemble des pièces, documents, rapports d'experts et autres versés au dossier du Tribunal.

4 . Les plaquettes et objets similaires de la position no 82.09 sont constitués par des cermets.

5 . La présente section donne un aperçu des arguments des parties. Il ne s'agit pas d'un exposé exhaustif des arguments présentés par les parties dans leur mémoire ou à l'audience.

6 . Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

7 . Ibid. à la p. 1363.

8 . Transcription de l'argumentation publique, 4 février 2004, aux pp. 43-45.

9 . Mémoire de l'appelante, para. 77.

10 . Supra note 2, annexe [Règles générales]. La règle 2a) se lit comme suit : « Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu'il présente, en l'état, les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. Elle couvre également l'article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu'il est présenté à l'état démonté ou non monté. »

11 . Ibid.

12 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

13 . EN 847-1 : 1997. Le Tribunal note que, selon les éléments de preuve au dossier, les principaux manufacturiers d'outils similaires aux marchandises en cause sont européens. Le Tribunal fait aussi observer que, selon les éléments de preuve, il n'existe pas de normes nord-américaines sur la sécurité des outils dans l'usinage du bois ou qui traitent des définitions relativement à cette industrie.

14 . Transcription de l'audience publique, 3 février 2005, aux pp. 191-192, 204-205.

15 . Notes explicatives aux pp. 1362-1363.

16 . Transcription de l'audience publique, 4 février 2005, pp. 235-236.

17 . Transcription de l'audience publique, 3 février 2005, aux pp. 102-103.

18 . Transcription de l'argumentation publique, 4 février 2005, à la p. 89.

19 . Transcription de l'audience publique, 3 février 2005, aux pp. 104-105.

20 . Ibid. à la p. 200; Transcription de l'audience publique, 4 février 2005, aux pp. 256-257.