LES INDUSTRIES JAM LTÉE

Décisions


LES INDUSTRIES JAM LTÉE
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2005-006

Décision et motifs rendus
le lundi 20 mars 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 octobre 2005 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 24 février 2005 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

LES INDUSTRIES JAM LTÉE

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L’appel est rejeté.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 28 octobre 2005

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

James A. Ogilvy, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Duane Schippers

   

Greffier du Tribunal :

Valérie Cannavino

   

Ont comparu :

Giovanna Pirrera et Florent Clermont, pour l’appelante

 

Yannick Landry et Philippe Lacasse, pour l’intimé

Veuillez adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

MOTIFS DE DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de 45 décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 24 février 2005 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. Les marchandises en cause sont 29 modèles de synthétiseurs à clavier, de pianos numériques et d’orgues numériques, 13 modèles de synthétiseurs sans clavier (modules ou échantillonneurs) et 4 cartes d’extension pour synthétiseurs. Dans tous les cas, sauf celui des cartes d’extension, les marchandises fonctionnent avec l’interface numérique des instruments de musique (MIDI). Les Industries Jam Ltée a importé les marchandises dans le cadre de 45 transactions distinctes entre novembre 1999 et janvier 2004.

3. L’ASFC a classé les marchandises en cause dans trois numéros tarifaires différents : les 29 modèles de synthétiseurs à clavier, les pianos numériques et les orgues numériques ont été classés dans le numéro tarifaire 9207.10.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 , les 4 cartes d’extension pour synthétiseurs ont été classées dans le numéro tarifaire 9209.94.90; les 13 modèles de synthétiseurs sans clavier ont été classés dans le numéro tarifaire 8543.89.99.

4. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 à titre de marchandises devant servir dans des machines automatiques de traitement de l’information (c.-à-d. ordinateurs) et bénéficier des avantages auxquels ce numéro tarifaire ouvre droit. Les Industries Jam Ltée n’a pas contesté la décision de l’ASFC de classer les marchandises en cause dans les numéros tarifaires 9207.10.00, 9209.94.90 et 8543.89.99, mais a prétendu que les marchandises en cause sont admissibles à recevoir les avantages associés au classement dans le numéro tarifaire 9948.00.00. L’ASFC a prétendu que les marchandises en cause ne sont pas des « articles devant servir dans » les marchandises dénommées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 et ne peuvent donc pas être classées dans ce numéro.

5. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes en vigueur au moment de l’importation des marchandises en cause prévoit ce qui suit :

[...]

9948.00.00 Articles devant servir dans ce qui suit :

Distributeurs automatiques de billets de banque;

Machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités, lecteurs magnétiques ou optiques, machines de mise d’informations sur support sous forme codée et machines de traitement de ces informations;

Machines automatiques pour le traitement des textes;

Enregistreurs de tableaux et autres instruments pour la mesure ou le contrôle de grandeurs électriques, conçus pour servir avec des machines automatiques de traitement de l’information;

Machines à calculer électroniques;

Disques magnétiques;

Armoires de commande numérique dotées de machines automatiques de traitement de l’information;

Blocs d’alimentation des machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités;

Appareils de processus industriel, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa;

Jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision, et autres jeux électroniques;

Parties et accessoires de ce qui précède.

[...]

PREUVE

6. La présente section résume certains des témoignages clés présentés par les parties à l’audience. Outre les témoignages, la preuve présentée par les parties comprend l’ensemble des pièces, documents, rapports d’experts et autres versés au dossier du Tribunal.

7. Les Industries Jam Ltée a convoqué un témoin, soit M. Steve Knowles, expert technique chez Korg Canada (Korg).

8. M. Knowles a expliqué comment il comprend le fonctionnement technique de l’interface MIDI et comment elle permet la communication entre divers instruments de musique et entre des instruments de musique et des ordinateurs personnels. Il a décrit la manière dont les données sont transmises d’un instrument de musique à un ordinateur personnel et comment le système d’exploitation intégré aux marchandises en cause (à l’exclusion des cartes d’extension) interprète la frappe des touches pour produire un son.

9. M. Knowles a soumis des éléments de preuve sur les types de cartes de son et de câbles MIDI couramment disponibles dans le commerce. Il a de plus expliqué que le logiciel de commande nécessaire était habituellement installé avec la carte de son de l’ordinateur et qu’aucun autre logiciel de commande n’était nécessaire. Il a ajouté qu’il existait toute une gamme de logiciels commerciaux disponibles pouvant servir avec un ordinateur et des instruments de musique dotés d’une interface MIDI, comme des logiciels de notation et de séquencement, ajoutant que certains logiciels pouvaient être téléchargés depuis l’Internet, soit de Korg soit de tierces parties. D’après les éléments de preuve produits, en plus de pouvoir télécharger des logiciels depuis l’Internet, l’utilisateur pourrait mettre à niveau le système d’exploitation du dispositif synthétiseur lui-même par téléchargement depuis l’Internet au moyen de l’interface d’un ordinateur personnel ou de câbles MIDI. Il serait également possible de procéder à des mises à niveau à partir de disques optiques compacts, de disques souples et de puces EPROM3 .

10. M. Knowles a témoigné qu’aucune carte de son ou câble n’accompagnait les marchandises en cause au moment de leur importation. Il a précisé que les cartes de son ou les câbles n’étaient pas inclus à cause de la diversité des applications auxquelles les marchandises en cause peuvent servir et des différentes préférences de l’utilisateur final quant aux cartes de son et câbles puisque de telles cartes de son et les câbles MIDI sont largement disponibles.

11. Dans le cadre du contre-interrogatoire, M. Knowles a décrit les fonctions autonomes du Triton LE, une des marchandises en cause. En plus de produire de la musique, le Triton LE permet notamment l’enregistrement et la lecture, un certaine édition sonore, le mode combiné (plusieurs sons simultanés), un arpéggiateur (permettant la lecture de données arpéggiées comme des rythmes de tambour, des partitions de guitare basse et des raclements de guitare), un séquenceur intégré (permettant l’enregistrement sur 16 pistes différentes, et pouvant accueillir jusqu’à 16 instruments différents), une carte d’extension en option (permet l’échantillonnage), une fonction média (sauvegarde de chansons et de fichiers MIDI dans le système ou sur une carte SmartMedia), et des prises MIDI « IN » « OUT » et « THRU ». M. Knowles a également décrit les fonctions autonomes du N264 et les a qualifiées de semblables à celles du Triton LE, sauf que le N264 est doté d’un écran plus petit et ne permet pas l’échantillonnage ou l’entrée audio.

12. En réponse à des questions du Tribunal, M. Knowles a témoigné que, à l’exception des cartes d’extension, toutes les marchandises en cause peuvent produire de la musique, comme des instruments de musique, sans ordinateur. Il a ajouté que l’ordinateur accroît la fonctionnalité pour permettre, notamment, la notation, l’enregistrement et le mélange de sons réels, des leçons de musique interactives, le stockage de pièces musicales, y compris un programme d’édition et de bibliothèque, et une fonction audio perfectionnée sur plusieurs pistes. M. Knowles a toutefois admis que certaines des marchandises en cause, comme le Triton LE, peuvent accomplir jusqu’à un certain point beaucoup de ces fonctions en autonomie, à l’exception de la notation, de l’addition d’instruments ou de sons réels et des leçons de musique interactives. Il a indiqué que quelques fabricants ont intégré à leurs produits de claviers et de synthétiseurs certains de ces perfectionnements supplémentaires (Roland Corporation, par exemple, offre un programme de notation, et le produit Triton Studio de Korg pouvait exécuter l’enregistrement linéaire de deux pistes, mais il a été abandonné dans les modèles plus récents).

13. M. Knowles a de plus convenu, en réponse à une question du Tribunal, qu’une fois les données transmises du clavier à l’ordinateur, ou l’inverse, les unités pourraient être déconnectées et on pourrait travailler sur les données de façon autonome sans qu’il soit nécessaire de maintenir la communication constamment, sauf dans les cas où la fonction d’écho ou de synchronisation est activée.

14. M. Daniel A. Vermette, compositeur et concepteur sonore affilié à In Extenso, un studio de postproduction établi à Montréal, a témoigné au nom de Les Industries Jam Ltée. Le Tribunal lui a reconnu le titre d’expert en instruments de musique exploitant MIDI et leur utilisation dans un studio de production sonore et dans les productions sonores et musicales. Il a décrit la portée des connaissances expertes de M. Vermette comme étant celle d’un artiste, relativement à la conception et à l’usage d’instruments de musique MIDI, et, par conséquent, n’a pas reconnu à ce dernier le titre d’expert technique en technologie MIDI.

15. M. Vermette a dit bien connaître les marchandises en cause et se servir de ces marchandises ou de marchandises semblables dans le cadre de sa profession.

16. M. Vermette a décrit l’historique du développement du protocole MIDI et sa participation, à titre d’artiste, à son développement. Il a déclaré que ce protocole avait, à l’origine, été élaboré pour rendre les communications possibles et les normaliser. Il a dit au Tribunal que l’interface MIDI était à l’origine destinée au milieu de la musique, aux musiciens, aux synthétiseurs et au marché de masse. Il a ensuite décrit l’évolution de la technologie informatique relativement à l’utilisation du protocole MIDI et les efforts de développement continus visant une meilleure utilisation de l’informatique au moyen de dispositifs fonctionnant avec l’interface MIDI.

17. D’après M. Vermette, il suffit d’un câble MIDI pour relier un ordinateur pouvant tourner sur MIDI et les synthétiseurs et claviers en cause, puisque tous les ordinateurs sont maintenant dotés de cartes de son. M. Vermette a ajouté que le logiciel et les câbles MIDI ne sont pas inclus avec les marchandises au moment de leur importation parce qu’il existe une gamme d’applications diverses dont l’utilisateur final peut avoir besoin (par exemple, il pourrait avoir besoin de câbles plus longs et d’un logiciel particulier).

18. M. Vermette a confirmé que les fonctions clés pour lesquelles l’ordinateur était nécessaire comprenaient la notation de musique et la capacité de mémoire. Il a précisé que les ordinateurs étaient également avantageux pour ce qui est de faciliter la collaboration entre artistes, d’enregistrer différents sons et de modifier les sons. Il a témoigné que l’ordinateur tournant sur MIDI était devenu un complément important et était indispensable à l’utilisation des marchandises en cause. Il a ajouté que dans son travail, pourvu qu’il dispose d’un bon « poste de travail »4 et selon la fonctionnalité du clavier dont il se sert, il pouvait accomplir une grande partie de son travail en autonomie sans avoir besoin de relier le clavier à un ordinateur.

19. M. Vermette a décrit les différences entre le programme d’édition de sons et le logiciel de séquencement ainsi que la capacité accrue que permet l’utilisation de ce dernier sur un ordinateur. Il a témoigné que les séquenceurs intégrés accomplissaient, pour l’essentiel, la même chose qu’un logiciel de séquencement sur ordinateur; toutefois, il a ajouté que le logiciel de séquencement était plus rapide et que sa capacité était plus grande. D’une façon similaire, le programme de bibliothèque, qui sert à stocker une multitude de sons, tire avantage de la plus grande capacité de mémoire d’un ordinateur, puisque la capacité de stockage de données sonores sur la carte intégrée aux marchandises en cause est limitée.

20. L’ASFC a convoqué un témoin, soit M. Tony Mungham, chef, Services électroniques et informatiques, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de l’ASFC. Le Tribunal lui a reconnu le titre d’expert en électronique, en systèmes informatiques et en production musicale.

21. M. Mungham a donné une explication technique détaillée du protocole MIDI, faisant observer que la personne envoie des événements, et non pas des sons, au moyen du protocole MIDI. Il a déclaré que MIDI était un protocole de communication qui avait été créé pour permettre la communication entre les instruments de musique de fabricants différents. Il a précisé que le protocole comporte trois niveaux : l’interconnexion physique des dispositifs, la messagerie et le format de fichier standard MIDI pour le stockage de l’information.

22. M. Mungham a informé le Tribunal que l’interface MIDI n’était pas un protocole standard utilisé dans les ordinateurs et n’avait pas été conçue pour les ordinateurs. De plus, il a affirmé que les cartes de son MIDI n’étaient pas la norme dans tous les ordinateurs. Toutefois, il a reconnu que la carte Sound Blaster (pièce A-1) était une carte de son standard que l’on trouve dans les ordinateurs.

23. M. Mungham a témoigné que les éléments nécessaires pour créer une connexion MIDI entre les marchandises en cause et un ordinateur comprenaient le matériel avec l’interface MIDI, un logiciel pour commander l’interface MIDI, un logiciel d’application et un câble MIDI présentant les bonnes spécifications électriques pour la connexion au connecteur DIN à 5 broches du clavier. Il a de plus qualifié l’interface MIDI d’interface entraînée par le courant utilisée pour réduire le bruit.

24. M. Mungham a aussi expliqué la différence entre un séquenceur et un éditeur. Au moyen d’un clavier Triton de Korg (pièce B-1), il a fait la démonstration au Tribunal de l’utilisation d’un séquenceur intégré sans connexion avec un ordinateur.

25. M. Mungham a témoigné que les marchandises en cause sont des instruments de musique autonomes dont on peut jouer pour créer de la musique sans l’aide d’un ordinateur. Il a ajouté que connecter le dispositif (synthétiseur avec ou sans clavier) à un ordinateur tournant sur MIDI étendrait la fonctionnalité du dispositif devant servir dans le contexte de production musicale. Il a déclaré que l’ordinateur augmentait la fonction des dispositifs mais que leur fonction ne dépendait pas de l’ordinateur. Il a souligné que les marchandises en cause étaient de véritables instruments de musique en soi et étaient prêts à jouer « à leur sortie de la boîte » [traduction] sans être reliées à un ordinateur. Il a témoigné que les marchandises en cause ont été conçues au départ pour être des instruments de musique.

26. M. Mungham a aussi témoigné que l’interface MIDI permet la connexion des marchandises en cause à d’autres instruments de musique. Il a affirmé que, en ajoutant un port MIDI à un ordinateur, l’utilisateur fait de cet ordinateur un autre dispositif MIDI.

27. D’après M. Mungham, l’ordinateur ne sait même pas qu’il est relié à un instrument de musique car il y a ni reconnaissance de la connexion ni contrôle des erreurs. M. Mungham a décrit l’effet d’un débranchement du câble MIDI de l’ordinateur tout en pressant une touche du clavier pour expliquer que l’ordinateur, après le débranchement, penserait toujours que l’événement se produisait (c.-à-d. que la note était toujours jouée).

28. En réponse à des questions du Tribunal, M. Mungham a indiqué que, avec le bon logiciel d’application (c.-à-d. un logiciel de séquencement), il était possible de télécharger des données à partir d’un clavier dans un ordinateur et de les sauvegarder. Avec une application d’édition d’événements, il est possible de se servir de l’ordinateur pour manipuler les données sans avoir de connexion au clavier quoique, pour la lecture au moyen d’une boucle d’asservissement audible, l’usager voudrait probablement que le clavier soit connecté, pour entendre les résultats des modifications des données.

PLAIDOIRIE

29. La présente section donne un aperçu de certains des arguments clés des parties. Il ne s’agit pas d’un exposé exhaustif des arguments présentés par les parties dans leurs mémoires ou à l’audience.

30. Les Industries Jam Ltée a soutenu que les marchandises sont des marchandises « devant servir dans » des machines de traitement de l’information (c.-à-d. des ordinateurs). Elle a soutenu que les marchandises sont fixées aux ordinateurs lorsqu’elles sont utilisées avec des ordinateurs.

31. Les Industries Jam Ltée a prétendu que toutes les marchandises peuvent être physiquement reliées à un ordinateur au moyen de câbles MIDI ou d’une connexion via une interface d’ordinateur personnel. Elle a ajouté que, pourvu que l’ordinateur ait un port MIDI, tout ce qu’il faut pour connecter physiquement les marchandises à l’ordinateur ce sont des câbles MIDI achetés séparément. Si on se sert de l’interface de l’ordinateur personnel, il faut alors acheter un logiciel de commande supplémentaire et l’installer dans l’ordinateur. Elle a soutenu que les câbles MIDI sont facilement disponibles, puisque l’interface MIDI est une norme depuis 1983.

32. Les Industries Jam Ltée a soutenu que les marchandises sont fonctionnellement intégrées puisque les marchandises qui utilisent le protocole MIDI peuvent communiquer avec l’ordinateur et vice versa. Elle a ajouté que les fichiers MIDI ne sont pas des fichiers de son, mais plutôt des instructions servant à produire un son qui sont transmises vers et depuis les instruments électroniques. L’ordinateur peut donner des instructions au synthétiseur pour qu’il joue certaines notes. En outre, l’ordinateur peut enregistrer et mixer de la musique à partir de l’information reçue du synthétiseur, et peut afficher et imprimer de la musique selon l’application logicielle particulière installée.

33. Les Industries Jam Ltée a ajouté que les cartes d’extension en cause sont des accessoires des autres marchandises en cause (les synthétiseurs, les claviers et les dispositifs MIDI). Par conséquent, elle a soutenu que, si le Tribunal décide que les autres marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00, les cartes d’extension doivent également être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00.

34. L’ASFC a soutenu que, au moment de leur importation, les marchandises ne peuvent être physiquement connectées à un ordinateur car elles ne sont pas accompagnées des câbles nécessaires et que 26 des 42 marchandises en cause n’ont pas d’interface MIDI.

35. L’ASFC a prétendu que les marchandises ne peuvent être fonctionnellement intégrées à un ordinateur en leur état au moment de leur importation. Elle a soutenu que, en plus d’avoir besoin de câbles MIDI pour établir une connexion physique, un ordinateur ne peut communiquer avec des instruments de musique MIDI (et donc être fonctionnellement intégré) que lorsque l’interface MIDI existe et que l’ordinateur est doté du logiciel MIDI et du logiciel d’application MIDI convenables.

36. L’ASFC a ajouté que les marchandises en cause produisent de la musique sans être reliées à un ordinateur et, puisqu’elles sont de véritables instruments de musique et dispositifs en soi, elles ne sont pas des articles « devant servir à » ou « devant servir dans » des ordinateurs et ne sont pas admissibles aux avantages prévus par le numéro tarifaire 9948.00.00.

37. L’ASFC n’a pas traité spécifiquement de la question du classement des cartes d’extension.

DÉCISION

38. Il incombe à Les Industries Jam Ltée d’établir que les marchandises en cause sont des « [...] [a]rticles devant servir dans [...] » des machines de traitement de l’information et leurs unités5 . Les deux parties s’entendent sur le fait que les marchandises en cause sont des « articles ».

39. Le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes 6 définit les expressions « devant servir dans » ou « devant servir à » comme il suit :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation.

40. Le Tribunal a examiné, dans plusieurs décisions7 , la signification des expressions « devant servir dans » ou « devant servir à » au sens du numéro tarifaire 9948.00.00 et de son prédécesseur, le Code 2100.

41. Le Tribunal est d’avis que la version française de la définition de « devant servir dans » indique clairement que les marchandises en cause doivent entrer dans la composition des marchandises hôtes :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation. [Soulignement ajouté]

42. En conformité avec la condition susmentionnée, dans toutes les affaires citées ci-dessus dans lesquelles le Tribunal a examiné la signification des expressions « devant servir dans » ou « devant servir à », les marchandises pour lesquelles les appelantes tentaient d’obtenir les avantages du numéro tarifaire 9948.00.00 ou de son prédécesseur, le Code 2100, présentaient une relation particulière avec les marchandises hôtes. Dans tous les cas, les marchandises « devant servir dans » ou « devant servir à » apportaient un complément à la fonction de la marchandise hôte. Dans toutes ces affaires, il était clair quelle était la marchandise hôte et quelle était la marchandise complémentaire.

43. En l’espèce, ce lien n’a pas été établi. Les éléments de preuve présentés par tous les témoins établissent de façon constante que les marchandises en cause (à l’exclusion des cartes d’extension) pourraient être utilisées comme instruments de musique en autonomie, et le sont sans qu’il soit nécessaire de les relier à un ordinateur. Les témoins ont tous produit des éléments de preuve sur la manière dont la connexion des marchandises en cause à un ordinateur tournant sur MIDI améliorait les capacités des marchandises utilisées comme instruments de musique. Le Tribunal trouve la preuve d’expert présentée par M. Vermette particulièrement convaincante à cet égard. M. Vermette a témoigné qu’il pouvait accomplir une très grande partie de son travail de façon autonome sans devoir connecter les marchandises en cause à un ordinateur, mais que l’ordinateur était devenu un complément important et indispensable à l’usage des marchandises en cause.

44. En outre, d’après la preuve, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause ne contribuent pas à la fonction d’une machine automatique de traitement de l’information et que l’ordinateur n’en a pas besoin pour fonctionner ou pour exécuter ses fonctions8 . À l’appui de cette conclusion, le Tribunal renvoie au témoignage de M. Mungham selon lequel, même une fois le clavier physiquement connecté, l’ordinateur ne sait pas qu’il est connecté. L’ordinateur ne fait que recevoir les données à son port MIDI ou envoyer des données depuis ce port vers le clavier. Il n’y a ni reconnaissance ni contrôle des erreurs9 . Les Industries Jam Ltée n’a pas contesté ces affirmations de M. Mungham dans le cadre du contre-interrogatoire.

45. Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal n’est pas convaincu que les marchandises en cause apportent un complément aux fonctions d’un ordinateur lorsqu’elles y sont connectées. Plutôt, l’inverse semble être vrai, c’est-à-dire que leur connexion à un ordinateur permet aux marchandises en cause d’avoir une plus grande capacité. Grâce à la connexion de l’instrument MIDI à un ordinateur, ce sont les fonctions de l’instrument qui se trouvent étendues ou améliorées et non pas celles de l’ordinateur. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause (à l’exclusion des cartes d’extension) ne sont pas des marchandises « devant servir dans » des machines de traitement de l’information au sens du numéro tarifaire 9948.00.00.

46. Enfin, en ce qui a trait aux diverses cartes d’extension en cause, Les Industries Jam Ltée a prétendu qu’elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 à titre de « [...] [p]arties et accessoires de ce qui précède ». Le Tribunal n’est pas d’accord.

47. Comme il l’a décidé dans Sony II 10 , le renvoi aux « [...] [p]arties et accessoires de ce qui précède » dans le numéro tarifaire 9948.00.00, lu selon son sens grammatical correct, compte tenu de la ponctuation utilisée dans le numéro tarifaire, signifie « parties et accessoires » des articles énumérés dans le numéro tarifaire 9948.00.00. Pour que les cartes d’extension soient classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00, Les Industries Jam Ltée devrait pouvoir convaincre le Tribunal que les cartes d’extension « devaient servir dans » des parties et accessoires des articles énumérés dans le numéro tarifaire 9948.00.00 (un ordinateur, par exemple). D’après les éléments de preuve produits par Les Industries Jam Ltée, les cartes d’extension étaient insérées dans des synthétiseurs à clavier et sans clavier. Aucun élément de preuve n’a été produit pour établir que les cartes d’extension devaient servir dans l’un ou l’autre des articles énumérés dans le numéro tarifaire 9948.00.00 ou devaient servir dans des parties et accessoires de ces articles énumérés. Par conséquent, le Tribunal conclut que les cartes d’extension en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00.

48. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Mémoire morte reprogrammable.

4 . M. Knowles a défini un « poste de travail » comme un type d’unité « monobloc » intégrant un clavier, un contrôleur et des fonctions de séquencement et d’édition.

5 . Agri-Pack c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (2 novembre 2004), AP-2003-010, (TCCE) [Agri-Pack], confirmé dans [2005] CAF 414.

6 . L.C. 1997, c. 36.

7 . Voir Agri-Pack; Sony du Canada Ltée c. Sous-M.R.N. (12 décembre 1996), AP-95-262 (TCCE); Imation Canada Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (29 novembre 2001), AP-2000-047 (TCCE); PHD Canada Distributing Ltd. c. Commissaire des douanes et du revenu (25 novembre 2002), AP-99-116 (TCCE); Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE) [Sony II].

8 . Voir, par exemple, la discussion dans Sony II à la p. 12.

9 . Transcription de l’argumentation publique, 28 octobre 2005, aux pp. 222-224.

10 . Sony II à la p. 12. Le Tribunal a conclu que l’interprétation indiquée de « [...] [p]arties et accessoires de ce qui précède », en se fondant sur la ponctuation utilisée dans le numéro tarifaire, signifiait les « articles devant servir dans des parties et accessoires d’une machine automatique de traitement de l’information » (ou des articles énumérés dans le numéro tarifaire).