KA WONG

Décisions


KA WONG
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2005-036

Décision et motifs rendus
le mardi 18 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 12 juillet 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 8 septembre 2005 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

KA WONG

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 12 juillet 2006

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseillers pour le Tribunal :

Philippe Cellard

 

Nick Covelli

   

Agent du greffe :

Béatrice Gemmel

   

Parties :

Ka Wong, pour l’appelant

 

Joanna Hill, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 8 septembre 2005 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé le fusil en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositif prohibé. Le fusil en cause est une mitraillette airsoft Elite MP5 A4 fabriquée par I Chih Shivan Enterprise Co., Ltd., de Taïwan, qui est censément une réplique d’une mitraillette Heckler & Koch MP5.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 10 juin 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, laquelle est définie ainsi :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » ainsi :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » ainsi :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

9. M. Ka Wong a tenté d’importer le fusil en cause par la poste. Il s’agit d’une réplique d’une carabine automatique à piles AEG Airsoft, grandeur nature, tirant des balles BB en plastique.

10. L’ASFC a déposé le fusil en cause à titre d’objet déposé comme pièce, et le Tribunal l’a examiné. Le Tribunal a également examiné l’arme à feu réelle dont le fusil en cause est censé avoir l’apparence, que l’ASFC avait également déposée à titre d’objet déposé comme pièce.

PLAIDOIRIE

11. M. Wong a soutenu que le fusil en cause est disponible au Canada et qu’il l’a acheté pour l’ajouter à sa collection et non pas dans un dessein criminel. Il a ajouté être pleinement conscient de la question de la sécurité dans le maniement des armes à feu et être en possession d’un permis d’armes à feu à autorisation restreinte et sans restrictions.

12. L’ASFC a soutenu que le fusil en cause est une réplique, car il est conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, en l’espèce la mitraillette Heckler & Koch MP5, ou auquel on a voulu donner cette apparence. Elle a soutenu que ledit fusil n’est ni une arme à feu ni une réplique d’une arme à feu historique. Invoquant la décision rendue par le Tribunal dans Robert Gustas c. Sous-M.R.N. 6 , l’ASFC a de plus fait valoir que la question de l’existence d’autres fusils de ce genre offerts en vente au Canada n’est pas pertinente en l’espèce7 .

DÉCISION

13. Pour décider si le fusil en cause est classé correctement dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’il satisfait à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour que le fusil en cause satisfasse à cette définition, il doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

14. L’ASFC a soutenu que le site Web du fabricant annonce le fusil en cause comme reproduisant le plus fidèlement possible la mitraillette Heckler & Koch MP5. Selon l’examen du fusil en cause et de la mitraillette MP5 dont il est inspiré effectué par le Tribunal, ces deux armes se ressemblent étroitement, si elles ne sont pas identiques, des points de vue de la taille, de la forme et de l’apparence générale. Le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que la mitraillette MP5 est une arme à feu au sens du Code criminel, étant donné qu’il s’agit d’une arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer des balles, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que le fusil en cause satisfait à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a soutenu que le fusil en cause n’est pas une arme à feu puisque le projectile qu’elle tire, c’est-à-dire des balles BB de 6 mm en plastique, n’est pas susceptible d’infliger des lésions corporelles graves à une personne. En outre, d’après le site Web du fabricant, la vitesse initiale du projectile est de 95 mètres (312 pieds) par seconde. L’ASFC a prétendu que, pour être réputé une arme à feu et non une réplique, un fusil du type Airsoft doit tirer un projectile à une vitesse initiale supérieure à 124 mètres (407 pieds) par seconde. À l’appui de sa position, elle a produit en preuve une télécopie d’un message daté du 22 octobre 1999 provenant du Laboratoire judiciaire central de la GRC. Cet élément de preuve n’a pas été contesté. Parce que le fusil en cause tire un projectile à une vitesse initiale inférieure au seuil susmentionné, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire qu’il n’est pas une arme à feu. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que le fusil en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il n’est pas une arme à feu.

16. L’ASFC a soutenu que la mitraillette Heckler & Koch MP5 n’est pas une arme à feu historique, car elle n’a pas été fabriquée avant 1898, l’année avant laquelle une arme à feu doit avoir été fabriquée pour être réputée être une « arme à feu historique » au sens du Code criminel. Elle a déposé des éléments de preuve qui établissent que ce modèle particulier de mitraillette a été conçu dans les années 1960. M. Wong n’a pas contesté cet élément de preuve et, dans son propre examen du fusil en cause, le Tribunal a constaté qu’il s’agit d’un fusil de conception apparemment moderne. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition d’une « réplique », à savoir que le fusil en cause n’a pas été conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

17. Par conséquent, le fusil en cause satisfait aux trois conditions requises pour se conformer à la définition de « réplique » aux termes du Code criminel. Étant donné que le Code criminel prévoit qu’une « réplique » est un « dispositif prohibé », le Tribunal conclut que le fusil en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, son importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

18. En ce qui a trait à l’argument de M. Wong selon lequel des fusils semblables sont offerts en vente au Canada, le Tribunal rappelle la décision qu’il a rendue dans Gustas selon laquelle ce facteur n’est pas pertinent en l’espèce. Dans son mémoire, M. Wong a aussi déclaré ce qui suit : « Je détiens présentement un permis valide d’armes à feu à autorisation restreinte et sans restrictions8  » [traduction]. Comme l’a souligné l’ASFC, M. Wong n’est pas propriétaire d’une entreprise titulaire d’un permis l’autorisant à acquérir et à posséder le fusil en cause, comme le prescrit le numéro tarifaire 9898.00.00. À cet égard, le Tribunal fait observer qu’il est possible d’importer légalement au Canada des répliques à certaines conditions. Il incombe à l’importateur d’obtenir le permis pertinent pour ce faire.

19. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1440.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . (3 janvier 2002), AP-96-006 (TCCE) [Gustas].

7 . L’ASFC a invoqué Gustas, où le Tribunal avait conclu que l’existence de marchandises semblables sur le marché n’avait aucune influence sur sa détermination que le produit en cause était ou n’était pas une arme prohibée au sens du Code criminel.

8 . Pièce AP-2005-036-4A.