MORRIS NATIONAL INC.

Décisions


MORRIS NATIONAL INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2005-039

Décision et motifs rendus
le vendredi 9 mars 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 octobre 2006, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par l’Agence des services frontaliers du Canada le 31 octobre et le 1er novembre 2005, concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

MORRIS NATIONAL INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Elaine Feldman
Elaine Feldman
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 11 octobre 2006

   

Membre du Tribunal :

Elaine Feldman, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent de recherche principal :

Jo-Anne Smith

   

Agent du greffe :

Valérie Cannavino

   

Ont comparu :

Paul Hughes, pour l’appelante

 

Alysia Davies, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Morris National Inc. (Morris) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues le 31 octobre et le 1er novembre 2005 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. Morris soutient que les marchandises en cause, des calendriers de l’Avent contenant des chocolats, doivent être classées à titre d’articles pour fêtes de Noël dans le numéro tarifaire 9505.10.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 . L’ASFC avait rejeté cette demande et a classé les marchandises en cause à titre d’autre chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao dans le numéro tarifaire 1806.90.90.

3. Les marchandises en cause sont enveloppées dans une matière plastique de type cellophane. Elles se composent d’une mince boîte en carton décorée selon des thèmes de Noël. La boîte comprend 24 ouvertures perforées, une ouverture pour chaque jour civil du 1er au 24 décembre. Il est de notoriété publique que les calendriers de l’Avent sont destinés au compte à rebours des 24 derniers jours avant Noël. De petits morceaux de chocolat sont cachés derrière chacune des 24 ouvertures. Les chocolats sont déposés sur un plateau en matière plastique inséré dans la boîte.

4. Les marchandises en cause ont été importées entre juillet 2001 et septembre 2004, dans le cadre de 49 transactions.

5. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes en vigueur au moment de l’importation des marchandises en cause prévoit ce qui suit :

[...]

18.06 Chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao.

[...]

1806.90 -Autres

[...]

1806.90.90 ---Autres

[...]

95.05 Articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, y compris les articles de magie et articles-surprises.

9505.10.00 -Articles pour fêtes de Noël

[...]

6. Les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 3 pertinentes sont les Notes explicatives de la position no 95.05, qui prévoient ce qui suit :

[...]

La présente position couvre :

A) Les articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements qui, compte tenu de leur utilisation, sont généralement de fabrication simple et peu robuste. Parmi ceux-ci on peut citer :

1) Articles de décoration pour fêtes utilisées pour décorer des pièces, tables, etc. (guirlandes, lanternes, etc.); articles destinés à la décoration des arbres de Noël (cheveux d’ange, boules de couleur, animaux et autres sujets, etc.); articles utilisés pour la décoration des pâtisseries traditionnellement associées à une fête particulière (animaux, drapeaux, par exemple).

2) Les articles habituellement utilisés à l’occasion des fêtes de Noël et notamment les arbres de Noël artificiels, les crèches, les sujets et animaux pour crèches, les angelots, les sabots et bûches de Noël, les pères Noël, etc.

[...]

Sont également exclus de la présente position, les articles qui comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et qui ont une fonction utilitaire tels que les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine, par exemple.

[...]

Sont également exclus de cette position :

[...]

c) Les emballages en matière plastique ou en papier utilisés à l’occasion des fêtes (régime de la matière constitutive, par exemple, Chapitres 39 ou 48).

[...]

7. M. Ossie Neumann, directeur de l’exploitation chez Morris, a témoigné à l’audience. Il a expliqué que Morris tient en stock deux catégories de produits : des articles vendus l’année durant, ou quotidiennement, et certains articles saisonniers. Les articles vendus quotidiennement varient d’une année à l’autre, mais comprennent habituellement des bonbons, des biscuits, des chocolats et des aliments en conserve comme des cœurs de palmier et des cœurs d’artichaut. Les articles saisonniers comprennent habituellement divers bonbons, des chocolats et des paniers-cadeaux, ainsi que certains articles de fantaisie, comme les marchandises en cause. D’une façon générale, les clients achètent aussi bien des articles vendus l’année durant que des articles saisonniers. M. Neumann a expliqué que les clients de Morris ont tendance à commercialiser les articles saisonniers dans des rayons distincts de ceux consacrés aux articles vendus l’année durant. Il a précisé que tous les calendriers de l’Avent vendus par Morris contiennent des chocolats et a dit ne pas connaître d’autres calendriers de l’Avent qui seraient vendus sans chocolats.

8. Mme Kathleen Smith a également témoigné à l’audience, à titre de chimiste principale par intérim à la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de l’ASFC. Elle a procédé à diverses analyses en laboratoire sur les marchandises en cause, comme le décrit son rapport déposé par l’ASFC à cet égard4 . Elle a témoigné au sujet du poids de chacun des composants des marchandises en cause, à savoir l’enveloppe en cellophane, la boîte en carton, les chocolats et le plateau en matière plastique.

9. M. John Rowsome, président de L’Association canadienne des fabricants de confiseries (ACFC), a également témoigné au nom de l’ASFC. Le Tribunal lui a reconnu le titre d’expert en commercialisation et distribution de confiseries. M. Rowsome a expliqué que l’ACFC compte parmi ses membres des fabricants de confiseries présents sur les marchés national et international. Ces fabricants distribuent leurs produits par l’intermédiaire de quatre circuits de distribution, à savoir les pharmacies, les chaînes d’épiceries, les dépanneurs et les magasins à grande surface (comme Costco, Wal-Mart, la Compagnie de la Baie d’Hudson et Zellers).

10. M. Rowsome a expliqué de quelle façon les confiseries en chocolat sont préparées et comment l’emballage saisonnier sert à commercialiser les produits saisonniers. Il a soutenu que de tels produits sont une partie importante du commerce de confiseries parce qu’ils représentent environ le quart de toutes les ventes de chocolats au Canada. Il a ajouté qu’il n’existe pas de rapport fixe entre le coût des chocolats et le coût de l’emballage au sein de la branche de production. Par exemple, les chocolatiers haut de gamme peuvent produire de petites quantités de chocolats et se servir d’emballages haut de gamme, ce qui entraîne des coûts d’emballage plus élevés, tandis que les fabricants de chocolats en série achètent un plus grand nombre de boîtes. Il a affirmé que les membres de l’ACFC considèrent les calendriers de l’Avent comme des produits en chocolat saisonniers qui aident les détaillants à attirer des clients et stimulent les ventes de leurs autres produits avant Noël.

11. Enfin, M. Rowsome a dit qu’il avait été convenu à la réunion de l’International Confectionery Association, tenue en juin 2006 à Chicago, en Illinois, que les calendriers de l’Avent étaient correctement classés à titre de chocolat dans la position no 18.06 et que tout changement de classement aurait une incidence sur la branche de production de la confiserie parce que celle-ci s’appuie sur la précision des données statistiques recueillies eu égard à cette position pour prendre diverses décisions d’affaires.

12. Le dernier témoin à comparaître au nom de l’ASFC a été Mme Jacqui Shone, directrice générale de la vente au détail chez Purdy’s Chocolates (Purdy’s). Elle a affirmé que Purdy’s avait à deux reprises fabriqué des calendriers de l’Avent pour le temps des Fêtes, mais que Purdy’s avait cessé d’en produire à cause du coût élevé de l’emballage par rapport au coût global du produit. Purdy’s a considéré qu’un tel produit ne représentait pas une bonne valeur en contrepartie de l’argent versé par les clients. Mme Shone a déclaré que l’emballage saisonnier avait pour but de vendre des chocolats.

ANALYSE

13. Aux fins du présent appel, le Tribunal doit tenir compte de l’article 10 du Tarif des douanes qui prévoit que le classement tarifaire des marchandises est effectué en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 5 et les Règles canadiennes 6 . La Règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé [...] » d’après les Règles générales. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade. Si le classement des marchandises ne peut être déterminé par application de la Règle 1 des Règles générales, il doit alors être tenu compte de la Règle 2 des Règles générales et ainsi de suite jusqu’à ce que le classement soit effectué.

14. De plus, le Tribunal tient compte de l’article 11 du Tarif des douanes qui prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions de l’annexe, il faut tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 7 et des Notes explicatives.

15. L’argumentation de Morris peut se résumer comme il suit. Elle ne conteste pas le fait que les chocolats sont correctement classés dans la position no 18.06. Elle soutient toutefois que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées à ce titre parce qu’elles sont présentées dans un calendrier de l’Avent qui comprend des casse-tête, des jeux et des découpages, tous associés au temps des Fêtes. À l’appui de son affirmation, Morris a déclaré que les parents achètent le produit pour leurs enfants au moment précis de l’année qui coïncide avec le début du temps des Fêtes, et non pas à d’autres moments de l’année. Morris ajoute que, en conformité avec la Règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause présentent un caractère « festif » qui confère à l’ensemble son caractère essentiel. Elle a dit ne pas être d’accord sur l’affirmation qu’elles sont simplement des chocolats dont l’emballage est décoré selon le thème de Noël. Subsidiairement, Morris a soutenu que les marchandises doivent être classées par application de la Règle 3 b) ou 3 c).

16. Morris a par ailleurs fait valoir son opposition à l’application de l’avis des douanes N-1798 à l’espèce. L’avis des douanes N-179 indique que les substances alimentaires sont exclues du classement dans la position no 95.05. À l’appui de son argument, Morris a ajouté qu’aucune note comprise dans l’annexe du Tarif des douanes ou dans les Notes explicatives n’exclut expressément du Chapitre 95 les substances alimentaires de la position no 18.06 ou d’une autre position. Morris a aussi soutenu que la décision rendue par le Tribunal dans Wilton Industries Canada Limited c. Le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 9 confirmait son opinion sur cette question.

17. Le Tribunal est d’accord sur le fait que la Règle 1 des Règles générales s’applique pour décider du classement des marchandises en cause. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

18. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve mis à sa disposition montrent que les marchandises en cause sont surtout (en poids et en quantité) un assortiment de 24 substances alimentaires en chocolat10 . De plus, le Tribunal conclut qu’il ne peut être dit qu’elles tirent leur caractère essentiel de leur emballage, car les témoignages entendus confirment qu’un calendrier de l’Avent ne se vend pas seul, c.-à-d. sans chocolats11 . Le Tribunal fait également observer que l’indication du poids sur l’emballage ne se rapporte qu’au poids du chocolat et que les seuls ingrédients énumérés sont ceux inclus dans le chocolat.

19. Le Tribunal est donc d’accord sur la position défendue par l’ASFC selon laquelle les marchandises doivent être classées dans la position no 18.06.

20. Comme il l’a déjà indiqué, le Tribunal est d’avis qu’il ressort clairement des éléments de preuve que les marchandises en cause ne sont pas des articles pour fêtes, mais des chocolats dans des emballages présentant un motif à caractère festif. Le Tribunal fait également observer que les Notes explicatives de la position no 95.05 n’autorisent pas le classement de marchandises dans la position no 95.05 au seul titre de leur « motif festif »; au contraire, certaines marchandises comportant un motif à caractère festif sont expressément exclues du classement dans cette position. Par conséquent, le Tribunal n’est pas d’avis que le caractère festif de l’emballage des chocolats transforme les marchandises en cause en autre chose que ce qu’elles sont, à savoir des chocolats présentés dans des emballages saisonniers appropriés servant à des fins de commercialisation et de vente. Le Tribunal fait observer que M. Rowsome a déclaré que les fabricants modifient l’emballage des marchandises toute l’année durant en fonction de la demande saisonnière.

21. Le Tribunal est également d’avis que sa conclusion visant le classement des marchandises en cause par application de la Règle 1 des Règles générales se trouve confirmée par les dispositions de la Règle 5 b), qui prévoit ce qui suit :

[...] les emballages contenant des marchandises sont classés avec ces dernières lorsqu’ils sont du type normalement utilisé pour ce genre de marchandises. Toutefois, cette disposition n’est pas obligatoire lorsque les emballages sont susceptibles d’être utilisés valablement d’une façon répétée.

22. Enfin, le Tribunal rappelle la décision qu’il a rendue dans Confiserie Regal Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national 12 dans laquelle il a fait observer que l’emballage n’est habituellement pas un facteur déterminant aux fins du classement. Le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont des chocolats présentés dans un emballage de fantaisie pour Noël, à savoir des calendriers de l’Avent.

DÉCISION

23. Pour les motifs qui précèdent, les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1806.90.90, à titre d’autre chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao.

24. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1. [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

4 . Mémoire de l’intimé, onglet 5.

5 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

6 . Supra note 2, annexe.

7 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

8 . Agence des services frontaliers du Canada, « Application de la position 95.05 » (3 novembre 1997).

9 . (24 septembre 2002) AP-2001-081 (TCCE).

10 . Mémoire de l’intimé, onglet 5 à la p. 2; Transcription de l’audience publique, 11 octobre 2006, aux pp. 33-34.

11 . Transcription de l’audience publique, 11 octobre 2006, à la p. 27.

12 . (25 juin 1999), AP-98-043, AP-98-044 et AP-98-051 (TCCE).