SERGE POIRIER

Décisions


SERGE POIRIER
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-012

Décision et motifs rendus
le jeudi 8 mars 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 14 décembre 2006, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président l’Agence des services frontaliers du Canada le 12 avril 2006, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

SERGE POIRIER

Appelant

ET

 

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 14 décembre 2006

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

 

Mante Molepo

   

Agent du greffe :

Valérie Cannavino

   

Parties :

Serge Poirier, pour l’appelant

 

Andrew Gibbs, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le 12 avril 2006, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé deux fusils dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositifs prohibés. Le premier est un fusil airsoft à ressort Neonfire Delta Force M4A1 RIS; le deuxième est un fusil airsoft à ressort Neonfire M733 Commando RIS (les fusils en cause).

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 18 novembre 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes porte ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 porte ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées ».

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

[...]

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, notamment, une réplique, qui est définie comme il suit :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm;

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme il suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm;

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » comme suit :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

9. M. Serge Poirier a tenté d’importer les fusils en cause par la poste. Le fusil airsoft à ressort Neonfire Delta Force M4A1 RIS est doté d’un garde-main RIS intégral et d’une poignée avant et comporte un chargeur pleine grandeur contenant jusqu’à 18 coups et 400 coups dans son réservoir, une crosse télescopique, un module de lampe, un viseur laser, une bretelle en nylon, un sélecteur de tir et un capuchon rouge en plastique à l’extrémité du canon. Le fusil airsoft à ressort Neonfire M733 Commando RIS est doté d’un garde-main RIS intégral comprenant une structure à cinq rails de montage et une poignée avant et comporte une lampe DEL, un dispositif de visée, un sélecteur de tir, une crosse pliante, une bretelle en nylon, un chargeur d’une capacité de 400 coups et l’extrémité de la bouche de son canon est rouge orange. L’ASFC a allégué que les fusils en cause sont des objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’un fusil d’assaut M4A1 — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

10. L’ASFC a produit les fusils en cause à titre d’objets déposés comme pièces, et le Tribunal les a examinés. Le Tribunal a aussi examiné les armes à feu véritables dont les fusils en cause ont censément l’apparence, que l’ASFC a également produites à titre d’objets déposés comme pièces.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par Mme Kara Hind du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. M. Poirier n’a pas contesté la compétence de Mme Hind en tant qu’experte dans le domaine des armes. Le Tribunal a reconnu à Mme Hind le titre d’experte en armes prohibées.

PLAIDOIRIE

12. M. Poirier est président du Safari Aventure Loowak inc. Il a fait valoir que les fusils en cause avaient été importés pour que son entreprise s’en serve dans la tenue d’exercices d’entraînement simulés, uniquement à des fins de divertissement. M. Poirier a soutenu que les fusils en cause devraient être dédouanés parce qu’ils ressemblent au fusil à air Crosman Stinger R34 vendu dans les magasins Canadian Tire. M. Poirier a allégué que l’interdiction d’importer les fusils en cause équivaut à de la discrimination, puisque le seul objectif de leur utilisation est la simulation d’exercices d’entraînement.

13. L’ASFC a soutenu que les dispositifs prohibés incluent, entre autres choses, les répliques d’armes à feu et que les fusils en cause satisfont à toutes les conditions énoncées dans la définition de « réplique » aux termes du Code criminel et qu’ils sont donc des dispositifs prohibés.

DÉCISION

14. Pour décider si les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si ils satisfont à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour que les fusils en cause satisfassent à cette définition, chacun doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a soutenu que les fusils en cause reproduisent le plus fidèlement possible l’apparence du fusil d’assaut M4A1. Le fusil d’assaut M4A1 sert aux forces militaires américaines, comme la Delta Force, les Navy SEALs et le Marine Corps. La famille des fusils M4 suit celle des fusils M16. La vente des fusils M4 fabriqués par Colt’s Manufacturing Company LLC est restreinte aux forces militaires et aux corps de police. Les fusils en cause sont dotés des mêmes accessoires que le véritable fusil M4A1.

16. L’ASFC a soutenu que les fusils en cause ne sont pas des armes à feu puisque les projectiles qu’ils tirent ne sont pas susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, comme l’exige la définition de l’expression « arme à feu » au sens de l’article 2 du Code criminel. Le Tribunal est d’accord avec l’ASFC sur le fait que, pour qu’il soit réputé être une arme à feu, un fusil airsoft doit tirer un projectile à une vitesse initiale supérieure à 124 mètres (407 pieds) à la seconde. Puisque la vitesse initiale des projectiles tirés par les fusils en cause est inférieure au seuil susmentionné6 , le Tribunal est d’accord avec l’ASFC sur le fait qu’ils ne sont pas des armes à feu. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2, le Tribunal est convaincu que la deuxième condition de la définition de « réplique » est satisfaite, à savoir que ni l’un ni l’autre des fusils en cause n’est une arme à feu.

17. L’ASFC a soutenu que les fusils en cause reproduisent l’apparence du fusil d’assaut M4A1, un fusil dérivé du fusil M16, fabriqué entre 1958 et 1964. Le fusil M4A1 n’a pas été fabriqué avant 1898, l’année avant laquelle une arme à feu doit avoir été fabriquée pour être réputée être une arme à feu historique au sens du Code criminel. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », à savoir que ni l’un ni l’autre des fusils en cause est un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

18. Par conséquent, puisque les fusils en cause satisfont aux trois conditions requises pour être considérés des « réplique[s] » aux termes du Code criminel, le Tribunal conclut qu’ils sont des dispositifs prohibés. Il conclut donc que les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

19. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.3701.

5 . L.R.C. 1985, c.C-46.

6 . Mme Hind a indiqué dans son rapport que le fusil airsoft à ressort Neonfire Delta Force M4A1 RIS et le fusil airsoft à ressort Neonfire M733 Commando RIS tirent des projectiles dont la vitesse initiale est de 72 et 77 mètres à la seconde respectivement.