LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

Décisions


LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-041

Décision et motifs rendus
le jeudi 29 novembre 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 septembre 2007 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 26 septembre 2006 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 13 septembre 2007

   

Membre du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Agent principal de la recherche :

Gabrielle Nadeau

   

Greffier adjoint :

Gillian Burnett

   

Ont comparu :

Michael Sherbo et Andrew Simkins, pour l’appelante

 

Jennifer Francis, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 26 septembre 2006 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. Vers le 30 septembre 2005, l’ASFC a rendu une décision anticipée, demandée par La Société Canadian Tire Limitée (Canadian Tire) le 23 juin 2005, par laquelle elle a classé des poubelles à pédale en acier inoxydable (les marchandises en cause) dans le numéro tarifaire 7323.93.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres articles de ménage en fonte, fer ou acier.

3. Le 5 décembre 2005, Canadian Tire a demandé le réexamen de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi. Le 26 septembre 2006, l’ASFC a confirmé la décision anticipée initiale.

4. Le 11 décembre 2006, Canadian Tire a interjeté appel auprès du Tribunal, aux termes de l’article 67 de la Loi.

5. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d’appareils mécaniques, comme l’a soutenu Canadian Tire, ou si elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7323.93.00 à titre d’articles de ménage en fonte, fer ou acier, comme l’a déterminé l’ASFC.

6. Canadian Tire a déposé comme pièces deux formats de marchandises en cause. Les marchandises sont décrites de la façon suivante :

• Elles ont un extérieur en acier inoxydable.

• Elles sont munies d’un mécanisme servant à les ouvrir sans l’usage des mains.

• Elles ont un seau en plastique muni d’une poignée servant au vidage des déchets.

• Selon la documentation publicitaire, elles ont un couvercle qui se referme de façon serrée pour contrôler les odeurs.

LÉGISLATION

7. Lors d’appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant des questions de classement tarifaire, le Tribunal établit le classement correct des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

8. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe. »

9. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et des sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[3] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). »

10. Les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 4 sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite.

11. Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La Règle 6 des Règles générales rend aussi ces règles applicables au classement au niveau de la sous-position. De même, les Règles canadiennes 5 rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

12. La Règle 1 des Règles générales prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

ANALYSE

13. Les numéros tarifaires concurrents sont les suivants :

[...]

73.23 Articles de ménage ou d’économie domestique et leurs parties, en fonte, fer ou acier; paille de fer ou d’acier; éponges, torchons, gants et articles similaires pour le récurage, le polissage ou usages analogues, en fer ou en acier.

[...]

7323.93.00 - -En aciers inoxydables

[...]

84.79 Machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

[...]

8479.89.99 - - - -Autres

[...]

14. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des machines ou des appareils mécaniques. La Note f) de la Section XV du Tarif des douanes (de laquelle relève le Chapitre 73) exclut expressément les articles de la Section XVI (machines, appareils et matériel électrique). Par conséquent, étant donné que le classement demandé par Canadian Tire (position no 84.79) relève de la Section XVI, le Tribunal n’a qu’à recourir à la Règle 1 des Règles générales pour classer les marchandises en cause. Dans la mesure où les marchandises sont visées par la définition de ces termes, elles seraient classées au Chapitre 84 de la Section XVI, et ainsi exclues du Chapitre 73.

15. De plus, la Note supplémentaire 1 de la Section XVI du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

Dans la présente Section, l’expression « à commande mécanique » se rapporte aux produits comprenant une combinaison plus ou moins complexe de parties mobiles et stationnaires et contribuant à la production, la modification ou la transmission de la force et du mouvement.

[Nos italiques]

16. M. Mario Vasiliu, ingénieur agréé par l’Ordre des ingénieurs de l’Ontario, a comparu au nom de Canadian Tire et il a été reconnu par le Tribunal à titre d’expert dans le domaine du génie mécanique et, plus précisément, concernant ce qui constitue une « machine » et un « appareil mécanique ». Il a déclaré que les marchandises en cause contiennent un mécanisme composé de trois leviers et d’une tige poussoir qui transmet la force exercée sur la pédale pour lever le couvercle de la poubelle. Cela représente une contribution (constitutes work), selon M. Vasiliu.

17. M. David Thibodeau, ingénieur agréé dans la province d’Ontario, a comparu au nom de l’ASFC. Il a été reconnu par le Tribunal à titre d’expert dans le domaine de la conception et de l’analyse de machines. Il a affirmé que pour qu’un dispositif mécanique « contribue de façon utile », il doit agir sur un corps externe.

18. M. Thibodeau s’est fondé sur la définition du mot « work », figurant dans un dictionnaire d’ingénierie, pour conclure que la force de la machine doit être exercée sur un corps externe. M. Thibodeau a déclaré que l’application de la force d’une machine à elle-même n’entraîne pas une contribution, de sorte que les marchandises en cause ne sont donc pas des machines même si elles contiennent un mécanisme.

19. M. Vasiliu n’était pas d’accord avec l’exigence selon laquelle la force doit être appliquée sur un corps externe et s’est fondé essentiellement sur la définition figurant à la Note supplémentaire 1 de la Section XVI du Tarif des douanes déjà mentionnée6 .

20. Selon M. Vasiliu, les marchandises en cause contiennent un mécanisme qui transforme la force appliquée à la pédale pour soulever le couvercle de la poubelle.

21. De plus, M. Vasiliu a fourni les définitions suivantes du terme « lever 7  » (levier) :

1. Barre rigide utilisée comme levier : barre rigide qui pivote autour d’un point (pivot) et sert à bouger ou à lever un poids à une extrémité au moyen de l’application de force à l’autre extrémité

2. Dispositif ou machine : dispositif mécanique ou machine qui fonctionne au moyen d’un levier

[Traduction]

22. Selon M. Vasiliu, ces définitions démontrent que la plus simple des machines, le levier, agit sur un corps externe.

23. M. Vasiliu a aussi déclaré que les marchandises en cause étaient des appareils mécaniques. Les experts s’entendaient pour dire que les marchandises en cause contenaient un dispositif mécanique. Canadian Tire a donné les définitions suivantes du terme « appliance 8  » (appareil) : « instrument ou dispositif ayant un usage ou une fonction particulière » [traduction] et « pièce d’équipement servant à l’adaptation d’un outil ou d’une machine à une fin particulière » [traduction].

« Machine » et « appareil mécanique »

24. L’ASFC s’est penchée sur la question du terme « machine », mais n’a pas examiné la question de savoir si les marchandises en cause étaient des appareils mécaniques, même si elle a souligné que la jurisprudence interprète les termes « machine » et « appareil mécanique » comme ayant un sens analogue.

25. Canadian Tire a fourni les définitions suivantes du terme « mechanical appliance » (appareil mécanique) : « pièce d’équipement servant à l’adaptation d’un outil ou d’une machine à une fin particulière » [traduction] et « instrument ou dispositif ayant un usage ou une fonction particulière » [traduction]. Pour déterminer si les marchandises en cause sont des appareils mécaniques, le Tribunal a aussi tenu compte de la Note supplémentaire 1 de la Section XVI du Tarif des douanes. Le Tribunal a aussi souligné que ce libellé est semblable à celui de la définition du terme « machine », qui a été adoptée par la Cour d’appel fédérale9 .

26. Aux fins de son analyse, le Tribunal considérera donc que les termes « machine » et « appareil mécanique » sont interchangeables. Le Tribunal est d’avis que, afin de déterminer le classement correct des marchandises en cause, il doit examiner les marchandises dans leur ensemble. La question devant le Tribunal consiste à savoir si la poubelle à pédale contribue et non pas de savoir si une partie de la poubelle à pédale agit sur une autre partie de la poubelle à pédale pour contribuer. Selon le Tribunal, cette méthode est appuyée par le libellé de la position no 84.79, qui prévoit ce qui suit : « Machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre [...] », la version anglaise prévoyant ce qui suit : « Machines and mechanical appliances having individual functions [...] » [gras ajouté pour souligner]. L’expression « ayant une fonction propre » et son équivalent anglais indiquent clairement que ce sont les marchandises dans leur ensemble qui doivent exercer une fonction propre, et non une partie de celles-ci.

27. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause produisent, modifient ou transmettent de la force à un corps externe (c.-à-d. les déchets), et non seulement au couvercle.

28. M. Thibodeau a expliqué la notion de « contribution utile » et a utilisé les marchandises en cause comme exemple en déclarant que si celles-ci étaient qualifiées de machines, il n’y aurait aucune contribution parce qu’elles n’agissent pas sur les déchets. Si la pédale est qualifiée de machine, elle fait manifestement bouger le couvercle. Par conséquent, la pédale est une machine, mais les marchandises en cause sont les poubelles à pédale dans leur ensemble10 .

29. Les marchandises en cause sont conçues pour contenir des déchets. Les deux parties s’entendent pour dire que le mécanisme de levage du couvercle n’a aucun effet sur les déchets. Aucune force n’est appliquée aux déchets, et les déchets ne sont pas déplacés11 .

30. Canadian Tire a cité la décision Société Canadian Tire Ltée c. Sous-M.R.N. 12 à l’appui de son argument selon lequel de simples dispositifs peuvent être classés dans le Chapitre 84 comme machines et appareils mécaniques. Dans cette affaire, les marchandises étaient des chariots-dévidoirs en plastique pour tuyaux d’arrosage. Le Tribunal a souligné qu’un simple dispositif, soit le dévidoir à tambour actionné à la main, agissait sur un corps externe, le tuyau d’arrosage.

31. Dans une autre affaire invoquée par Canadian Tire, Les produits maison Jascor Inc. c. Sous-M.R.N. 13 , les marchandises étaient des siphons à crème fouettée. Encore une fois, la question était de savoir si les marchandises étaient des appareils mécaniques. Dans cette affaire, le Tribunal a souligné que la pression appliquée à la soupape pour permettre la libération d’un gaz du cylindre agissait sur un corps externe, la crème, ce qui donnait de la crème fouettée.

32. À l’appui de sa prétention selon laquelle les marchandises en cause munies d’un dispositif mécanique sont des machines aux termes du Chapitre 84, Canadian Tire a également cité la Note I des Notes explicatives de la position no 84.70, qui prévoit ce qui suit : « Font notamment partie de ce groupe : 1) Les cuves et autres récipients [...] équipés de dispositifs mécaniques (agitateurs, etc.) [...] » Le Tribunal a toutefois fait remarquer que, dans l’exemple donné, il s’agit d’un récipient équipé d’un agitateur, soit un dispositif qui agit sur un corps externe.

DÉCISION

33. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des machines ou des appareils mécaniques. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7323.93.00.

34. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

4 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

5 . Supra note 2, annexe.

6 . Transcription de l’audience publique, 13 septembre 2007, à la p. 15.

7 . Encarta Encyclopedia 1993-2004, Microsoft Corporation, s.v. « lever ».

8 . Merriam-Webster OnLine, s.v. « appliance ».

9 . Voir, par exemple, Ingersoll-Rand Door Hardware Canada Inc. c. Sous-M.R.N.D.A., 15 C.E.R. 47 à la p. 51 (C.A.F.).

10 . Transcription de l’audience publique, 13 septembre 2007, à la p. 35.

11 . Ibid. aux pp. 35-36.

12 . (12 octobre 1995), AP-94-157 (TCCE).

13 . (3 décembre 1996), AP-95-277 (TCCE).