JONATHAN ET NICOLETTE ROSS

Décisions


JONATHAN ET NICOLETTE ROSS
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-013

Décision et motifs rendus
le mardi 13 mars 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 février 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 27 mars 2006, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

JONATHAN ET NICOLETTE ROSS

Appelants

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.


Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa, Ontario

Date de l’audience :

Le 6 février 2007

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Michael W. Morden

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Béatrice Gemmel

   

Parties :

Patricia Ribecco, pour les appelants

 

Alysia Davies, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le 27 mars 2006, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé un fusil dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositif prohibé. Le fusil en cause est une carabine airsoft, modèle Colt Commando M733, fabriquée par Tokyo Marui Company du Japon, qui est censément une réplique du fusil Colt Commando M733 (ou M4).

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 9 décembre 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes porte ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 porte ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » [...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

[...]

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, notamment, une réplique, qui est définie comme il suit :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme il suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » comme il suit :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

9. M. Jonathan Ross, agissant au nom de M. Adam Ribecco, a tenté d’importer le fusil en cause par la poste. Il s’agit d’une carabine airsoft, automatique, à piles, modèle Colt Commando M733, grandeur nature, qui tire des balles BB en plastique.

10. L’ASFC a déposé le fusil en cause à titre d’objet déposé comme pièce. L’ASFC a également déposé, à titre d’objet déposé comme pièce, l’arme à feu véritable dont le fusil en cause est censé avoir l’apparence. Le Tribunal a examiné les deux pièces susmentionnées. De plus, l’ASFC a présenté comme élément de preuve un rapport de laboratoire judiciaire, daté du 10 janvier 2007, préparé par le Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada.

11. M. Ribecco a fait valoir que le fusil en cause avait été acheté d’une entreprise auprès de laquelle d’autres personnes avaient, à sa connaissance, déjà effectué des achats semblables. Il a aussi soutenu que le fusil serait utilisé dans des conditions sûres et contrôlées.

12. L’ASFC a soutenu que le fusil en cause est une réplique et a fait valoir qu’il s’agit d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu véritable, à savoir le fusil Colt Commando M733 (ou M4) — ou auquel on a voulu donner cette apparence. Elle a soutenu que le fusil en cause en soi n’est ni une arme à feu ni une réplique d’une arme à feu historique. Invoquant la décision rendue par le Tribunal dans Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 6 , l’ASFC a de plus fait valoir que la question de l’importation d’autres armes identiques ou similaires n’est pas pertinente dans l’examen de la question de savoir si un produit est interdit d’importation en vertu du Tarif des douanes.

ANALYSE

13. Afin de décider si le fusil en cause est classé correctement dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’il satisfait à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour qu’un produit satisfasse à cette définition, il doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

14. L’ASFC a soutenu que les sites Web des vendeurs7 présentent le fusil en cause comme « reproduisant très fidèlement le fusil historique Colt Commando »8 [traduction] et « un fusil ressemblant étroitement au Colt Commando, y compris les marques de commerce »9 [traduction] et donc, que le fusil en cause reproduit le plus fidèlement possible le fusil Colt Commando M733 (ou M4). L’examen du fusil en cause et du fusil Colt Commando véritable dont il est inspiré effectué par le Tribunal a révélé que ces deux armes se ressemblent étroitement, si elles ne sont pas identiques, en ce qui a trait à la taille, la forme et l’apparence générale. Le Tribunal est d’accord avec l’ASFC sur le fait que le fusil Colt Commando M733 (ou M4) est une arme à feu au sens du Code criminel, étant donné qu’il s’agit d’une arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer des balles, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. D’après la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que le fusil en cause satisfait à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a soutenu que le fusil en cause n’est pas une arme à feu puisque le projectile qu’elle tire, c’est-à-dire des balles BB de 6 mm en plastique, n’est pas susceptible d’infliger des lésions corporelles graves à une personne. En outre, d’après la spécification du fabricant, la vitesse initiale du projectile tiré par le fusil en question est de 90 mètres à la seconde. L’ASFC a soutenu que, pour être réputé une arme à feu et non une réplique, un fusil du type airsoft doit tirer un projectile à une vitesse initiale supérieure à 124 mètres à la seconde. À l’appui de sa position, elle a invoqué les éléments de preuve contenus dans le rapport du laboratoire judiciaire, selon lequel la vitesse initiale moyenne du projectile tiré par le fusil en cause était inférieure à 124 mètres à la seconde. Cet élément de preuve n’a pas été contesté. Puisque le fusil en cause tire un projectile à une vitesse initiale inférieure au seuil susmentionné, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire qu’il n’est pas une arme à feu. D’après la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que le fusil en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il n’est pas une arme à feu.

16. L’ASFC a soutenu que le fusil Colt Commando M733 (ou M4) n’est pas une arme à feu historique, car il n’a pas été fabriqué avant 1898, l’année avant laquelle une arme à feu doit avoir été fabriquée pour être réputée être une « arme à feu historique » au sens du Code criminel. Elle a déposé des éléments de preuve qui établissent que ce modèle particulier de fusil a été conçu dans les années 1960. Cet élément de preuve n’a pas été contesté et, dans son propre examen du fusil en cause, le Tribunal a constaté qu’il s’agit d’un fusil de conception apparemment moderne. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition d’une « réplique », à savoir que le fusil en cause n’a pas été conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

17. Par conséquent, le fusil en cause satisfait aux trois conditions requises pour se conformer à la définition de « réplique » aux termes du Code criminel. Étant donné que le Code criminel prévoit qu’une « réplique » est un « dispositif prohibé », le Tribunal conclut que le fusil en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que, à ce titre, son importation au Canada est interdite en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

18. En ce qui a trait à l’argument selon lequel des fusils semblables ont été achetés et importés au Canada en provenance de la même entreprise, le Tribunal rappelle simplement les décisions qu’il a rendues dans Ericksen et Romain L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 10 où le Tribunal a déclaré qu’il « [...] n’est pas un tribunal d’équité et doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée [...] »11 et qu’il « [...] n’est pas pertinent que toute expédition antérieure [...] n’ait pas été interceptée par l’ASFC ou par ses prédécesseurs. Que l’ASFC prenne ou non une mesure administrative ne peut pas changer la loi . . . . »12

DÉCISION

19. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.4135.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) [Ericksen].

7 . Mémoire de l’ASFC, onglets 9, 10, 11, 12.

8 . Mémoire de l’ASFC, onglet 9 à la p. 1.

9 . Mémoire de l’ASFC, onglet 10 à la p. 3.

10 . (18 octobre 2005) AP-2004-007 (TCCE) [Klaasen].

11 . Ericksen à la p. 3.

12 . Klaasen à la p. 2.