NEW ASIA (BRAMPTON) FOOD CENTRE (2002) INC.

Décisions


NEW ASIA (BRAMPTON) FOOD CENTRE (2002) INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-042

Décision et motifs rendus
le mardi 31 juillet 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 24 mai 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada les 19 octobre et 6 novembre 2006, concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

NEW ASIA (BRAMPTON) FOOD CENTRE (2002) INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 24 mai 2007

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Serge Fréchette, membre

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Agent de la recherche :

Jo-Anne Smith

   

Agent du greffe :

Marija Renic

   

Ont comparu :

Linda Hua et Yen Ly-Yong, pour l’appelante

 

Claudine Patry, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues les 19 octobre et 6 novembre 2006 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises connues sous le nom de « Bánh Pho’Thu’’Ng Hng – Chantaboon Rice Stick » (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1902.30.40 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres pâtes alimentaires sans viande, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 1902.19.29 à titre d’autres pâtes alimentaires non cuites ni farcies ni autrement préparées, contenant de la farine et de l’eau uniquement, comme l’a soutenu New Asia (Brampton) Food Centre (2002) Inc. (New Asia).

3. Les marchandises en cause sont des nouilles de riz plates faites de farine de riz et d’eau. Elles sont fabriquées sous la forme de longues nouilles plates d’une largeur de 1 mm, 3 mm et 5 mm et emballées dans de la cellophane transparente.

4. Les marchandises en cause ont été importées entre juillet et décembre 2005.

5. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes en vigueur au moment de l’importation des marchandises en cause prévoit ce qui suit :

[...]

19.02 Pâtes alimentaires, même cuites ou farcies (de viande ou d’autres substances) ou bien autrement préparées, telles que spaghetti, macaroni, nouilles, lasagnes, gnocchi, ravioli, cannelloni; couscous, même préparé.

-Pâtes alimentaires non cuites ni farcies ni autrement préparées :

[...]

1902.19 - -Autres

[...]

- - -Autres, contenant de la farine et de l’eau uniquement :

[...]

1902.19.29 - - - -Autres

[...]

1902.30 -Autres pâtes alimentaires

[...]

1902.30.40 - - -Autres, sans viande

[...]

6. À l’audience, l’ASFC a soulevé trois questions préliminaires. Premièrement, elle a fait opposition au dépôt en preuve, par New Asia, de certaines nouilles de riz instantanées, au motif qu’elles n’étaient pas les marchandises en cause et qu’elles n’étaient pas pertinentes en l’espèce. Le conseiller juridique a demandé, si le Tribunal devait recevoir cet élément de preuve, qu’il le pondère convenablement, compte tenu que les nouilles de riz instantanées n’étaient pas les marchandises en cause. Deuxièmement, le conseiller juridique a demandé au Tribunal de prendre en compte le fait que l’ASFC n’avait été avisée que la veille de l’audience que New Asia témoignerait et que cela lui avait porté préjudice, étant donné le temps qui restait pour la préparation. Troisièmement, le conseiller a demandé de produire en preuve un passage du chapitre 20 du Tarif des douanes qui n’était pas inclus dans le mémoire de l’ASFC.

7. Le Tribunal a tranché la première question en décidant d’admettre les nouilles de riz instantanées en preuve et, comme il le fait dans le cas de tous les éléments de preuve, en lui accordant le poids qu’elles méritaient. New Asia a expliqué pourquoi les nouilles de riz instantanées étaient pertinentes à sa défense. En ce qui a trait à la deuxième question, le Tribunal a fait observer que New Asia avait écrit et expédié une lettre, le 12 mai 2007, qui signifiait à l’avance la teneur principale de son témoignage et indiquait qu’il y aurait à l’audience une démonstration portant sur deux genres de nouilles. Le Tribunal ayant reçu cette lettre le 14 mai 2007, New Asia a donc satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 34(3) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 selon laquelle toute appelante, si elle a l’intention d’utiliser des objets à l’audience, doit les déposer auprès du Tribunal au moins 10 jours avant la tenue de celle-ci. Le Tribunal a autorisé la représentante de New Asia, Mme Linda Hua, à agir à titre de témoin, tout en précisant qu’elle pourrait faire l’objet d’un contre-interrogatoire par l’ASFC qui ne serait pas nécessairement limité à la démonstration des deux genres de nouilles. En ce qui a trait à la troisième question, le Tribunal a accepté de verser le passage demandé du chapitre 20 du Tarif des douanes au dossier, puisque le Tribunal pouvait, de toute façon, prendre connaissance d’office de ce texte.

8. Mme Hua, gestionnaire chez New Asia, a témoigné à l’audience. Son témoignage a consisté principalement à faire une démonstration concrète en utilisant les marchandises en cause et une marque de nouilles de riz instantanées4 . Les deux genres de nouilles ont d’abord été montrées au Tribunal en leur état sec original puis trempées dans l’eau chaude durant exactement 20 minutes. Mme Hua a ensuite déposé les échantillons des deux genres de nouilles dans des tasses et des plats étiquetés aux fins de comparaison. Elle a soutenu que les marchandises en cause n’avaient pas beaucoup changé de couleur et, même si elles étaient un peu flexibles, elles demeuraient très dures et ne pouvaient être mangées ni digérées. En comparaison, elle a fait valoir que les nouilles de riz instantanées avaient changé de couleur, étaient beaucoup plus flexibles et, avec un trempage un peu plus long, pouvaient être mangées. Mme Hua a conclu que les marchandises en cause et les nouilles de riz instantanées étaient très différentes et que, après un trempage de 20 minutes, les marchandises en cause ne devaient être réputées cuites, puisque leur aspect, texture et autres attributs indiquaient qu’elles étaient non cuites.

ANALYSE

9. En l’espèce, le Tribunal doit tenir compte des articles 10 et 11 du Tarif des douanes. L’article 10 prévoit que le classement des marchandises importées est effectué en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 5 et les Règles canadiennes 6 . L’article 11 prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions de l’annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 7 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 8 .

10. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade. Si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi.

11. La Règle 1 des Règles générales prévoit ce qui suit :

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

12. La Règle 6 des Règles générales prévoit ce qui suit :

6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

13. De plus, la Règle 1 des Règles canadiennes prévoit ce qui suit :

1. Le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé, étant entendu que ne peuvent être comparés que les numéros tarifaires de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires.

14. Le Tribunal fait observer que les parties sont d’accord sur le fait que les marchandises en cause sont des pâtes alimentaires et doivent être classées dans la position no 19.02. Le litige entre les parties se situe uniquement au niveau de la sous-position. La question à ce niveau est celle de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’autres pâtes alimentaires ou si elles doivent être classées à titre d’autres pâtes alimentaires non cuites ni farcies ni autrement préparées. Autrement dit, la question à trancher est celle de savoir si les nouilles de riz sont « non cuites ».

15. Les parties sont également d’accord sur le fait qu’un certain traitement à la vapeur est nécessaire dans le procédé de fabrication des nouilles de riz et que les marchandises en cause ont été traitées à la vapeur moins que les nouilles de riz instantanées au moment de leur fabrication. La documentation contenue dans le mémoire de l’ASFC indique que, contrairement au blé, le riz ne contient pas de gluten et que le traitement à la vapeur est donc nécessaire à la gélatinisation de l’amidon de riz pour obtenir une pâte qui se tient. Après extrusion, les nouilles peuvent aussi être soumises à la vapeur pour en améliorer la stabilité et la texture.

16. New Asia a soutenu que pour être réputé « cuit », un aliment doit être suffisamment cuit pour être prêt à manger. Elle a utilisé l’exemple d’une pomme de terre qui, si on la fait cuire pendant une minute uniquement, ne serait pas considérée comme ayant été « cuite » car elle ne serait pas prête à manger. Elle a ajouté que les marchandises en cause ne sont pas prêtes à manger et ne peuvent donc être considérées comme étant « cuites ».

17. New Asia a ajouté que le traitement à la vapeur ne sert pas toujours à cuire, et a donné en exemple le papier et les textiles qui font l’objet d’un traitement à la vapeur dans le cadre de leurs procédés de fabrication, mais qui ne sont pas considérés comme ayant été cuits.

18. New Asia a déclaré que les nouilles de riz instantanées sont « cuites » car on peut les manger après simplement les avoir fait tremper dans l’eau chaude, tandis que les marchandises en cause ne sont pas prêtes à manger à la suite d’un simple trempage.

19. L’ASFC a soutenu que le traitement à la vapeur est une forme de cuisson et que, par conséquent, ayant été traitées à la vapeur dans le cadre de leur fabrication, les nouilles ne sont pas « non cuites ». Elle a aussi déposé une décision9 de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour indiquer comment un produit de nouilles de riz doit être classé.

20. Comme l’a soutenu l’ASFC, la version anglaise du Larousse gastronomique définit « cooking » (cuisson) comme une « opération culinaire consistant à chauffer un aliment dans le but de le rendre salubre et agréable au goût. »10 [traduction]. Cette définition est cohérente avec l’avis de New Asia sur la signification de « cuisson ». Le Tribunal admet cette définition. Un aliment qui a été « cuit » est un aliment qui a fait l’objet d’un processus de « cuisson ». « Non cuit » signifie qui « n’a pas été cuit ». Autrement dit, les nouilles de riz doivent être considérées comme « non cuites » si elles n’ont pas fait l’objet d’une opération consistant à les chauffer dans le but de les rendre agréables au goût.

21. Le Tribunal fait observer que les Notes explicatives de la position no 19.02 semblent compatibles avec cette définition du mot « cuisson ». La partie pertinente des Notes explicatives prévoit ce qui suit : « Les pâtes alimentaires de cette position peuvent être cuites [...] La cuisson a pour objet de ramollir les pâtes sans en modifier la forme initiale » [nos italiques]. Il peut donc être dit que la « cuisson » sert à rendre les pâtes alimentaires agréables au goût.

22. Le Tribunal est d’accord avec New Asia sur le fait qu’un produit qui a été traité à la vapeur n’a pas nécessairement été cuit. Il ressort clairement des éléments de preuve que les nouilles de riz ne peuvent être fabriquées sans faire l’objet d’un traitement à la vapeur. Sans un tel traitement, la farine de riz et l’eau ne se lieront pas pour permettre la formation de nouilles. La vapeur permet l’adhérence entre la farine de riz et l’eau, et son objet n’est pas de ramollir les pâtes alimentaires ou de les rendre, de quelque façon que ce soit, salubres et agréables au goût. Le Tribunal est donc d’avis que le traitement à la vapeur fait partie du procédé de fabrication; il est assimilable au traitement à la vapeur du papier et des textiles plutôt qu’à un procédé de cuisson. Le Tribunal fait observer que si la position de l’ASFC était accueillie, cela signifierait que les pâtes alimentaires de riz ne pourraient jamais être classées dans la sous-position no 1902.11 ou 1902.19, car elles ne pourraient jamais être considérées comme non cuites.

23. En outre, la démonstration concrète faite par New Asia a clairement établi que, même après avoir été trempées dans l’eau chaude pendant 20 minutes, les marchandises en cause n’étaient pas agréables au goût, c’est-à-dire que, aux termes de la définition dont il a déjà été discuté, elles n’étaient pas cuites.

24. L’article 11 du Tarif des douanes prescrit que le Tribunal doit tenir compte des avis de classement de l’OMD. Même si l’ASFC a déposé une décision de l’OMD à l’appui de ses arguments, les éléments de preuve ne permettent ni de savoir si le produit visé dans cet avis était identique aux marchandises en cause ni dans quelle mesure ce produit et les marchandises en cause sont similaires. L’avis de l’OMD renvoie à des « nouilles de riz séchées conditionnées dans un sac en matière plastique » [traduction] et ajoute que les « produits ont été précuits » [traduction]. Toutefois, il n’est pas dit clairement si la nature de la « précuisson » peut se comparer au traitement à la vapeur des marchandises en cause. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que l’avis de classement de l’OMD s’applique aux marchandises en cause.

DÉCISION

25. À la lumière de ce qui précède et conformément à la Règle 6 des Règles générales et à la Règle 1 des Règles canadiennes, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 1902.19.29 à titre d’autres pâtes alimentaires non cuites ni farcies ni autrement préparées, contenant de la farine et de l’eau uniquement. Le Tribunal fait observer que, même si New Asia a établi la comparaison entre le degré de vapeur appliqué aux marchandises en cause et celui appliqué aux nouilles de riz instantanées, le Tribunal n’a pas tiré de conclusion sur le classement tarifaire des nouilles de riz instantanées.

26. Par conséquent, l’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.R. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Vifon® Ph Bò, nouilles de riz instantanées à la vietnamienne.

5 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

6 . Supra note 2, annexe.

7 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

8 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

9 . Mémoire de l’intimé, onglet 25, Avis de classement transmis par le Secrétariat aux administrations membres, dossier L07794A (lettre 01.NL.0394), 5 juillet 2001.

10 . Mémoire de l’intimé, onglet 20.