VIQAR HASAN

Décisions


VIQAR HASAN
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2007-005

Décision et motifs rendus
le mardi 29 juillet 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 18 décembre 2007, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 15 mars 2007, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

VIQAR HASAN

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Randolph W. Heggart
Randolph W. Heggart
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 18 décembre 2007

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Georges Bujold

   

Agent de la recherche :

Jo-Anne Smith

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Gillian Burnett

   

Agent de soutien du greffe :

Danielle Lanteigne

PARTICIPANTS :

Appelant

Conseiller/représentant

   

Viqar Hasan

Viqar Hasan

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Agnieszka Zagorska

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), datée du 15 mars 2007, aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé le couteau en cause à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 . Le couteau en cause est un couteau pliant, modèle « Spec-Elite II » (article no SE18), fabriqué par SOG Speciality Knives and Tools Inc. (SOG), qui a été exporté des États-Unis.

3. Le couteau en cause a été retenu par l’ASFC le 21 décembre 2006 au moment de son importation par la poste au Canada. M. Viqar Hasan a demandé le réexamen de la décision de l’ASFC concernant l’admissibilité du couteau en cause. Le 15 mars 2007, l’ASFC a confirmé qu’elle était d’avis que le couteau en cause était correctement classé à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que son importation au Canada était donc interdite. Le 15 mai 2007, M. Hasan a interjeté appel auprès du Tribunal.

4. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces conformément aux articles 21 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

5. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

6. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit en partie ce qui suit :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

For the purposes of this tariff item,

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

. . . 

[...]

(b) ”automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

7. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 définit « arme prohibée » comme suit :

“prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon;

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.

8. L’ASFC a déposé le couteau en cause comme pièce. Le couteau en cause est doté d’une agrafe réversible pour poche/ceinture, du mécanisme Arc-LockMC et d’un manche noir assorti de garnitures en acier inoxydable. Selon la documentation sur le produit, le mécanisme Arc-LockMC est « [...] un des meilleurs dispositifs de verrouillage au monde [...] » [traduction], a fait l’objet d’essais à une pression supérieure à 1 000 lb qui n’ont pas entraîné de défaillance du mécanisme et offre « [...] la possibilité d’une ouverture et d’une fermeture extrêmement rapides d’une seule main [...] »5 [traduction]. Le couteau est doté de deux ergots. Selon la documentation sur le produit, « [...] l’action du ressort permet l’ouverture rapide et en douceur d’une seule main [...] » [traduction]. La lame, faite d’acier inoxydable, se verrouille en position ouverte; son tranchant est droit (non dentelé). On peut lire sur l’un des côtés de la lame l’inscription « SOG Spec Elite II » et, sur l’autre, « Seki Japan ». Lorsqu’il est ouvert, le couteau mesure quelque 273 mm (10,75 po) de long et, la lame, 148 mm (5 po).

9. De plus, l’ASFC a déposé un rapport d’expert6 préparé par M. Kenneth Doyle du Service de police d’Ottawa de même qu’un DVD7 produit par M. Doyle, qui décrit et montre le fonctionnement du couteau en cause. M. Hasan n’a pas mis en doute les qualifications d’expert en armes de M. Doyle. Le Tribunal a accepté M. Doyle à titre d’expert en armes prohibées. M. Doyle a déclaré que, selon son avis d’expert, le couteau en cause est une arme prohibée au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel. Selon les éléments de preuve fournis par M. Doyle, il est possible d’ouvrir et de verrouiller le couteau sans utiliser les ergots ou les vis qui se trouvent sur le manche du couteau. Voici un extrait du rapport de M. Doyle :

[...]

Le 6 décembre 2007, j’ai montré le fonctionnement du couteau ci-dessus à [des représentants de l’ASFC]. Après en avoir fait la description, j’ai utilisé le couteau et j’ai fait une démonstration de son fonctionnement en utilisant les vis fixées près de la base de la lame de même que de son fonctionnement sans utilisation de ces vis. Le couteau s’est ouvert de façon rapide et efficace à maintes reprises sans utilisation de ces vis. La force centrifuge a été le seul moyen utilisé pour ouvrir le couteau à plusieurs reprises. La démonstration du fonctionnement du couteau a été enregistrée au moyen d’une caméra vidéo numérique; je l’ai fait passer de la position fermée à la position entièrement ouverte, puis à la position verrouillée en utilisant aussi bien la force centrifuge que les vis.

[...]

[Traduction]

10. M. Hasan a soutenu que SOG ne prétend pas que le couteau s’ouvre au moyen d’un mouvement brusque ou de la force centrifuge. Il a déclaré qu’il tenait pour acquis qu’il y avait une vis de serrage sur le manche du couteau qui, bien serrée, empêche le couteau de s’ouvrir au moyen de la force centrifuge. M. Hasan a aussi soutenu que le même couteau est en vente dans des magasins de détail au Canada. Il a soutenu que ces circonstances donnent lieu à un traitement différent ou à une double norme et que, pour corriger la situation, il faudrait interdire le couteau pour tous ou lui remettre le sien.

11. L’ASFC a affirmé que le couteau en cause est une arme prohibée au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel parce qu’il est muni d’une lame qui s’ouvre automatiquement au moyen de la force centrifuge ou au moyen d’une pression de la main appliquée sur un ressort ou un autre dispositif inséré dans la poignée du couteau ou fixé à cette dernière. À l’appui de cette position, l’ASFC a cité la définition que donnent les dictionnaires du terme « force centrifuge », l’opinion d’expert de M. Doyle et la décision du Tribunal dans l’affaire Digital Canoe Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 8 dans laquelle il a été statué qu’un couteau pliant semblable avait été correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

12. En ce qui concerne l’argument de M. Hasan selon lequel des couteaux identiques sont en vente en magasin au Canada, l’ASFC a fait référence à la décision rendue par le Tribunal dans Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 9 où il a été conclu que cet argument ne constituait pas un motif sur lequel le Tribunal pouvait se fonder pour classer des marchandises.

ANALYSE

13. Pour déterminer si le couteau en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’il satisfait à la définition d’« arme prohibée » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour être considérée prohibée, une arme doit être soit 1) un couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche, soit 2) une arme, qui n’est pas une arme à feu, désignée comme telle par règlement.

14. Après un examen minutieux des éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que le couteau en cause est un couteau dont la larme s’ouvre automatiquement par force centrifuge. D’ailleurs, la démonstration et la narration données par M. Doyle dans le DVD ont confirmé que, lorsque le couteau est tenu dans la main, un simple mouvement brusque du poignet vers l’extérieur dégage la lame du manche qui se retrouve en position entièrement droite et verrouillée, le couteau étant ainsi prêt à être utilisé. De plus, la démonstration de M. Doyle a fait ressortir très clairement qu’il existe plusieurs méthodes d’ouverture du couteau en cause au moyen de divers mouvements brusques, sans qu’il soit nécessaire d’utiliser les vis situées au bout du manche, près de la lame. Le Tribunal est d’avis que cet action est automatique et qu’il est accompli au moyen de ce qu’on appelle couramment la force centrifuge, ce qui satisfait à la définition d’« arme prohibée » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel.

15. Par conséquent, le Tribunal conclut que le couteau en cause est correctement classé à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, de sorte que son importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

16. Quant à l’argument selon lequel des couteaux identiques sont en vente en magasin au Canada, le Tribunal fait référence aux décisions qu’il a rendues dans Ericksen et dans Romain L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 10 , où le Tribunal a déclaré qu’il « [...] n’est pas un tribunal d’équité et [qu’il] doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée [...] »11 et qu’« [...] il n’est pas pertinent que toute expédition antérieure [...] n’ait pas été interceptée par l’ASFC ou par ses prédécesseurs. Que l’ASFC prenne ou non une mesure administrative ne peut pas changer la loi [...] » 12 .

DÉCISION

17. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . Mémoire de l’intimé, onglet 3.

6 . Pièce du Tribunal AP-2007-005-15A.

7 . Pièce du Tribunal AP-2007-005-15B.

8 . (12 juillet 2006), AP-2004-047 (TCCE).

9 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) [Ericksen].

10 . (18 octobre 2005), AP-2004-007 (TCCE) [Klaasen].

11 . Ericksen à la p. 3.

12 . Klaasen à la p. 2.