THE PAMPERED CHEF, CANADA CORPORATION

Décisions


THE PAMPERED CHEF, CANADA CORPORATION
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-048

Décision et motifs rendus
le mercredi 13 février 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu les 26 et 27 septembre 2007, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 27 septembre 2006, concernant une demande de réexamen aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

THE PAMPERED CHEF, CANADA CORPORATION

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Les 26 et 27 septembre 2007

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Ellen Fry, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Agent du greffe :

Gillian Burnett

   

Ont comparu :

Richard Wagner et Lindsay Sherman, pour l’appelante

 

Michael Roach, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant la valeur en douane de marchandises importées par The Pampered Chef, Canada Corporation (Pampered Chef Canada) de The Pampered Chef, Ltd. (Pampered Chef États-Unis) aux termes d’une décision nationale des douanes.

2. Les parties conviennent qu’en vertu de l’article 48 de la Loi, la valeur transactionnelle doit être utilisée dans la détermination de la valeur en douane. La valeur transactionnelle est établie en prenant le prix payé ou à payer pour les marchandises importées (c.-à-d. leur « valeur avant ajustement ») et en procédant aux ajustements requis par la Loi.

3. La première question en litige dans le présent appel est la détermination de la transaction qui constitue la vente pour exportation au sens du paragraphe 48(1) de la Loi.

4. Pampered Chef Canada soutient que la transaction pertinente est le transfert entre sociétés liées de Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada à un prix calculé. L’ASFC a conclu que la transaction applicable est la vente faite par Pampered Chef États-Unis à ses conseillers2 aux ventes indépendants au Canada au plein prix à la consommation.

5. La deuxième question en litige consiste à savoir si les commissions versées aux conseillers doivent être ajoutées à la valeur avant ajustement, aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi.

FAITS

6. En plus d’avoir examiné les éléments de preuve documentaires au dossier, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a entendu les témoignages de Mme Janice Gerol, vice-présidente et directrice générale de Pampered Chef Canada, de Mme Roxann Ruiz, directrice de la comptabilité chez Pampered Chef États-Unis, de M. David A. Fyfe, agent des recours de l’ASFC à la retraite qui connaît bien l’historique des relations de l’ASFC avec les sociétés Pampered Chef. Le Tribunal a aussi examiné certaines pièces. Se fondant sur son évaluation des éléments de preuve, le Tribunal a tiré les conclusions de fait exposées dans les paragraphes qui suivent.

Historique des procédures

7. Le 6 mai 1999, l’ASFC a communiqué une décision nationale des douanes à Pampered Chef États-Unis. Selon cette décision, Pampered Chef Canada n’était pas admissible en tant qu’acheteur au Canada en vertu du Règlement sur la détermination de la valeur en douane 3 et la vente pour exportation au Canada était intervenue entre Pampered Chef États-Unis et des clients distincts situés au Canada. Par conséquent, la valeur transactionnelle devait être le prix de la vente au client, majoré ou minoré des ajustements requis par la Loi 4 .

8. Le 18 avril 2005, Pampered Chef Canada a interjeté appel de la décision nationale des douanes au moyen du processus d’appel interne de l’ASFC5 .

9. Le 27 septembre 2006, l’ASFC a rendu sa décision définitive et a conclu ce qui suit : a) Pampered Chef Canada n’était pas admissible à titre d’« acheteur au Canada » au sens du Règlement; b) la vente pertinente aux fins de l’évaluation est celle qui était intervenue entre Pampered Chef États-Unis et les conseillers aux ventes indépendants situés au Canada6 .

10. Le 20 décembre 2006, Pampered Chef Canada a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.

Explication des transactions

11. Les paragraphes qui suivent expliquent les ventes intervenues entre Pampered Chef Canada et le client ainsi que le transfert intersociétés intervenu entre Pampered Chef États-Unis et Pampered Chef Canada.

12. Quant à la dernière transaction, le transfert s’inscrit dans une entente intersociétés complexe. Selon les témoins des sociétés Pampered Chef, cette entente n’a jamais été officialisée par écrit. Toutefois aucun élément de preuve n’a été présenté susceptible de démontrer que l’entente était différente de celle décrite par les témoins.

13. Comme il est expliqué plus en détail dans le paragraphe suivant, Pampered Chef États-Unis est une société de commercialisation à plusieurs niveaux œuvrant dans le domaine des produits de cuisine, qui vend ces produits lors de présentations à domicile par l’entremise de conseillers aux ventes indépendants7 . La formule suivie en matière de présentations à domicile est la suivante : après avoir trouvé une personne pour tenir et organiser la présentation, le conseiller se présente au domicile de l’hôte à la date prévue, rencontre les invités, remet des bons de commande individuels et fait une démonstration des produits Pampered Chef. Les invités peuvent acheter certains articles de la gamme de produits avant la fin de la soirée8 .

14. Le conseiller est rémunéré sous forme de commissions, de primes et de commissions indirectes9 par Pampered Chef Canada. Le paiement est versé par l’entremise des services de comptabilité de Pampered Chef États-Unis. La commission moyenne correspond à environ 25 p. 100 du prix à la consommation des marchandises10 . Les futurs conseillers directeurs reçoivent en plus un pourcentage des commissions de l’équipe de vente, c’est-à-dire un pourcentage sur les ventes faites par les conseillers qu’ils ont recrutés pour faire partie de l’organisation Pampered Chef. Les conseillers directeurs reçoivent en plus un pourcentage des ventes effectuées par les futurs conseillers directeurs qui relèvent d’eux et des commissions de l’équipe de vente des futurs conseillers directeurs. Des versements analogues de pourcentage sur les ventes faites par les directeurs et les équipes subalternes s’appliquent aux niveaux supérieurs à celui de directeur, c’est-à-dire à ceux de directeur supérieur et directeur principal. Toutefois, nul ne peut recevoir des commissions afférentes à plus de trois niveaux de vente, à l’exclusion du sien11 .

15. Le processus d’achat d’un produit Pampered Chef est le suivant : l’invité remplit un bon de commande et paie le prix courant de l’article désiré, les taxes applicables et des frais d’expédition de 5 $12 . Même si le paiement peut être fait en espèces ou par chèque, environ la moitié des achats sont réglés par carte de crédit13 . À la fin de la présentation, le conseiller regroupe les commandes et envoie au centre de services de soutien canadien de Pampered Chef États-Unis un « bon de commande unique14  » [traduction] qui contient les commandes relatives à l’ensemble de la présentation, les reçus de carte de crédit et les renseignements relatifs à sa propre carte de débit de Pampered Chef Canada15 .

16. Pampered Chef Canada reçoit le paiement en présentant une réclamation sur le compte de carte de crédit indiqué sur le bon de commande unique ou en débitant le compte bancaire du conseiller pour ce qui est des paiements effectués sous forme d’espèces ou de chèque16 . À cette fin, les conseillers aux ventes doivent se munir de la carte de débit « exclusive » de Pampered Chef Canada17 . Si une carte de crédit est refusée ou si le chèque présenté pour paiement est sans provision, Pampered Chef Canada comblera le déficit et réclamera par la suite un remboursement au consultant et/ou au client plutôt que de suspendre l’exécution de l’ensemble de la commande18 .

17. Le système informatique envoie ensuite une demande d’exécution de la commande à l’entrepôt de Pampered Chef États-Unis où des employés retirent les articles achetés des stocks et les chargent sur un camion pour expédition au Canada. Les montants des factures relatives à tous les envois sont additionnés mensuellement et le coût total est facturé à Pampered Chef Canada pour paiement au moyen d’un « rapport mensuel de section19  » [traduction], aussi appelé « facture de prix de transfert20  » [traduction].

18. Le processus d’exécution d’une commande est le suivant : les bons de commande sur papier sont saisis au clavier pour être convertis en format électronique par le centre de services de soutien de Pampered Chef Canada, un centre d’appels et de traitement des commandes distinct au sein de Pampered Chef États-Unis, et le coût de ce service est facturé à Pampered Chef Canada21 . Le système informatique confirme alors si le paiement de la commande a été reçu et, dans l’affirmative, achemine le paiement au compte bancaire de Pampered Chef Canada22 .

19. La facture mensuelle est divisée en deux parties :

a) la partie coût du produit indique le coût imputé engagé par Pampered Chef États-Unis pour l’achat de l’article auprès de son fournisseur (auquel s’ajoute une très faible majoration)23 ;

b) la partie prix de transfert indique une majoration par rapport au coût des marchandises pour tous les services impartis qui ne peuvent être directement saisis et facturés à Pampered Chef Canada (comme la comptabilité et l’exécution des commandes), à laquelle s’ajoute une faible marge bénéficiaire. Une étude effectuée par PricewaterhouseCoopers, dans laquelle la société d’experts-comptables a établi (aux fins de l’impôt sur le revenu des sociétés) une formule d’attribution du coût des services impartis à Pampered Chef Canada24 , constitue le fondement du prix de transfert.

20. Les montants totaux des factures mensuelles se reflètent dans les états financiers annuels de Pampered Chef Canada. Dans son état des résultats, le coût des marchandises vendues correspond à la somme des parties des factures mensuelles portant sur le coût des produits, et le poste relatif au prix de transfert correspond à la somme des parties de chaque facture portant sur le prix de transfert. (Les coûts mensuels afférents au centre de services de soutien sont inscrits sous « rémunération — services canadiens de soutien » [traduction].) Sur le bilan de Pampered Chef Canada, le profit est inscrit comme bénéfices non répartis ou avoir des actionnaires25 . Les marchandises en transit qui ont été achetées par Pampered Chef Canada mais qui n’ont pas encore été livrées au client figurent sur le bilan comme actif sous « stock — charges reportées au titre des marchandises vendues26  » [traduction].

21. Pampered Chef États-Unis n’attend pas d’avoir reçu le paiement de Pampered Chef Canada avant d’expédier les marchandises27 . Elle se fie plutôt au fait qu’elle sait que les fonds sont dans le compte bancaire de Pampered Chef Canada et juge minimes les risques de non-paiement. À l’occasion, Pampered Chef Canada aura payé à l’avance une partie des marchandises destinées à l’année suivante28 .

22. Pampered Chef Canada est responsable des droits de douane et assume le risque de dommage, de perte, de défaut de livraison et de retour, ainsi que les garanties et la responsabilité du fait des produits une fois que les articles achetés sont chargés sur un camion à l’entrepôt de Pampered Chef États-Unis29 .

23. L’expéditeur de Pampered Chef États-Unis, UPS, livre la commande à l’unité UPS centrale canadienne. L’expéditeur dédouane les marchandises et les livre à l’hôte de la présentation, qui est chargé de livrer les articles commandés à divers invités-clients30 . Pampered Chef Canada défraie l’ensemble des droits de douane et des frais de transport engagés31 . Pampered Chef Canada n’inscrit le paiement comme revenu dans son grand livre qu’au moment où l’hôte livre l’article acheté au client32 .

LOI

24. Le paragraphe 45(1) de la Loi prévoit ce qui suit : « Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 46 à 55. “acheteur au Canada” S’entend au sens des règlements […]. »

25. L’article 2.1 du Règlement prévoit ce qui suit : « Pour l’application du paragraphe 45(1) de la Loi, “acheteur au Canada” s’entend : a) d’un résident; b) d’une personne, autre qu’un résident, qui a un établissement stable au Canada [...] ».

26. L’article 2 du Règlement définit « établissement stable » comme le « [l]ieu d’affaires fixe d’une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l’intermédiaire duquel elle exerce son activité. »

27. L’article 48 de la Loi prévoit ce qui suit :

(1) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [...]

(4) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n’y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l’acheteur, à l’exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l’étranger à l’occasion de la vente [...]

ANALYSE

28. Pour utiliser la méthode de la valeur transactionnelle mentionnée au paragraphe 48(1) de la Loi, il faut répondre à quatre questions :

• Quelle est la vente pour exportation au Canada?

• Qui est l’acheteur au Canada?

• Le prix payé ou à payer peut-il être déterminé?

• Quels ajustements doit-on faire au prix payé ou à payer?

Quelle est la vente pour exportation au Canada?

29. Les deux parties conviennent que la vente pour exportation est la vente effectuée par Pampered Chef États-Unis à son entrepôt aux États-Unis, mais à qui? Le Tribunal conclut que la vente pour exportation est faite à Pampered Chef Canada.

30. Dans Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., la Cour suprême du Canada a déclaré que « [...] la vente pour exportation pertinente est celle qui a pour effet de transférer à l’importateur le titre relatif aux marchandises. L’importateur est la partie qui détient ce titre au moment où les marchandises sont introduites au Canada. [...]33  »

31. Pampered Chef Canada soutient que le titre relatif aux marchandises passe de Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada lorsque les marchandises quittent l’entrepôt aux États-Unis. Selon Mme Ruiz, c’est à partir de ce moment que Pampered Chef Canada assume tous les risques relatifs aux marchandises.

32. Le Tribunal souligne que, dans son appel de la décision nationale des douanes auprès de l’ASFC, Pampered Chef Canada a soutenu que le « titre est transféré à Pampered Chef Canada au centre de distribution de Pampered Chef États-Unis à Addison (Illinois)34  » [traduction]. Les états financiers 2004 de Pampered Chef Canada35 indiquent des postes dans l’état des résultats pour le paiement du transport à UPS et des droits de douane. Le rapport mensuel de section 200436 de Pampered Chef Canada indique également le poste « 41200 Marchandises expédiées - UPS » [traduction], qui représente des réclamations par le centre de services de soutien auprès d’UPS pour les envois perdus.

33. L’ASFC soutient que la vente pour exportation est intervenue entre Pampered Chef États-Unis et le conseiller. Elle soutient que le conseiller est présent à la présentation, qu’il recueille les commandes, qu’il les regroupe, qu’il perçoit l’argent et qu’il transmet les commandes consolidées à Pampered Chef États-Unis. Le conseiller est aussi chargé de recouvrer les créances irrécouvrables.

34. Pampered Chef Canada soutient qu’il n’y a aucun contrat de vente entre Pampered Chef États-Unis et le conseiller. Le seul contrat de vente intervient plutôt entre le client et Pampered Chef Canada.

35. Dans l’ensemble, le Tribunal est convaincu que la vente pour exportation est la vente faite par Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada. Le conseiller joue un rôle de facilitateur, pour lequel il reçoit une commission, et non le rôle de celui qui achète les marchandises importées pour son propre compte et les revend par la suite à profit.

36. Le Tribunal est d’avis que le titre est transféré de Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada à l’entrepôt de Pampered Chef États-Unis plutôt qu’au conseiller. Les principaux éléments de preuve menant à cette conclusion sont les témoignages irréfutés des témoins des sociétés Pampered Chef selon lesquelles Pampered Chef Canada est responsable des droits de douane et assume le risque de dommage, de perte, de défaut de livraison et de retour, ainsi que les garanties et la responsabilité du fait des produits une fois que les articles achetés sont chargés sur un camion à l’entrepôt de Pampered Chef États-Unis.

37. Le Tribunal reconnaît que les éléments de preuve indiquent que les conseillers avaient une certaine responsabilité quant aux créances irrécouvrables37 . Toutefois, Mme Gerol a déclaré que les créances irrécouvrables sont rares mais que, dans un tel cas, Pampered Chef Canada s’impliquerait et règlerait la question de manière à ne pas retarder une commande. L’état des résultats 2004 de Pampered Chef Canada indique une provision pour créances irrécouvrables au montant de 4 567 $, soit un pourcentage minuscule de son chiffre d’affaires d’environ 31 millions de dollars.

38. L’ASFC se fonde sur l’étude de PricewaterhouseCoopers afin de réfuter le témoignage des deux témoins des sociétés Pampered Chef. Le Tribunal n’accorde pas beaucoup d’importance à cette étude parce qu’elle a été préparée à une autre fin et est antérieure de deux ans à la décision nationale des douanes. De plus, sur certaines questions essentielles, comme l’étendue de la responsabilité de Pampered Chef Canada pour les risques liés aux produits et à la distribution, les témoins des sociétés Pampered Chef ont carrément contredit l’étude38 . De toute manière, le rapport lui-même semble envisager un transfert de titre de Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada « afin d’établir le bénéfice approprié sans lien de dépendance pour le transfert de biens corporels39  » [traduction].

Qui est l’acheteur au Canada?

39. Le Tribunal conclut que Pampered Chef Canada répond aux critères d’acheteur au Canada. Comme il a déjà été mentionné, dans le Règlement, « [...] “acheteur au Canada” s’entend : a) d’un résident; b) d’une personne, autre qu’un résident, qui a un établissement stable au Canada [...] ».

40. Pampered Chef Canada a concédé qu’elle n’était pas admissible à titre de résident au sens du Règlement, étant donné que le terme suppose l’existence d’une direction et d’un contrôle au Canada. Elle a cependant soutenu que les locaux de Pampered Chef Canada sont en effet admissibles comme « établissement stable », qui est défini comme le « [l]ieu d’affaires fixe d’une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l’intermédiaire duquel elle exerce son activité. » Pampered Chef Canada a un bureau en Ontario, des employés, un entrepôt et des comptes bancaires, et on peut dire qu’elle en gère l’exploitation à partir de ces locaux.

41. La Cour d’appel fédérale a énoncé ainsi le critère applicable à « l’exercice d’activités » au Canada : la société achète-t-elle et vend-elle des marchandises pour son propre compte dans un but lucratif au Canada40 ? Dans le présent appel, Pampered Chef Canada vend des marchandises à des clients au Canada, comme le démontrent les bons de commande utilisés aux présentations et le fait que les paiements sont envoyés directement à Pampered Chef Canada ou déposés par le conseiller dans un compte auquel la société a accès. Le Tribunal est aussi d’avis qu’il est manifeste que Pampered Chef Canada achète des marchandises à Pampered Chef États-Unis et qu’elle les revend au Canada à profit.

42. De plus, l’ASFC a concédé que, si la vente pour exportation était faite par Pampered Chef États-Unis à Pampered Chef Canada, cette dernière respecterait les critères de « l’exercice d’activités » au Canada41 .

Le prix payé ou à payer peut-il être déterminé?

43. Cette question n’était pas en litige, et le Tribunal conclut que le prix payé ou à payer peut être déterminé. Il semble évident que le prix payé pour les marchandises doit être le prix facturé, comme l’indique le rapport mensuel42 . Ce prix facturé comprend le coût des marchandises vendues et le prix de transfert des marchandises, qui, selon Mme Ruiz, était une rubrique couvrant tous les coûts non affectés associés à la vente des marchandises à la société liée.

Quels ajustements doit-on faire au prix payé ou à payer?

44. La dernière question à régler consiste à savoir si la commission versée au conseiller doit être ajoutée à la valeur facturée des marchandises. Le Tribunal est d’avis qu’elle ne doit pas être ajoutée.

45. Le paragraphe 48(5) de la Loi prévoit qu’il faut ajouter à la valeur avant ajustement les commissions engagées par l’acheteur à l’égard des marchandises « [...] dans la mesure où [elles] n’ [...] ont pas déjà été inclus[es] [...] » dans le prix payé ou à payer. Le Tribunal est d’avis que le contexte indique clairement que cette exigence a trait à la vente pour exportation, c’est-à-dire au transfert entre sociétés liées et non à une vente postérieure au Canada.

46. Les éléments de preuve indiquent que Pampered Chef Canada verse les commissions aux conseillers pour leurs services de facilitation de la vente des marchandises au client au Canada. Le conseiller recrute l’hôte, organise la présentation au domicile de l’hôte, fait une démonstration des marchandises, prend les commandes de marchandises au nom de Pampered Chef Canada et dépose le produit de la vente ou l’envoie à Pampered Chef Canada. Ces services ne sont pas liés à la vente qui intervient entre Pampered Chef États-Unis et Pampered Chef Canada.

CONCLUSION

47. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . Le genre masculin est utilisé partout dans cet exposé de motifs à la seule fin d’alléger le texte.

3 . D.O.R.S./86-792 [Règlement].

4 . Mémoire confidentiel de l’intimé, onglet 1.

5 . Mémoire public de l’intimé, au para. 11.

6 . Mémoire confidentiel de l’intimé, onglet 7.

7 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, à la p. 121.

8 . Ibid. aux pp. 29-31.

9 . Ibid. aux pp. 69, 142.

10 . Ibid. à la p. 142.

11 . Ibid. aux pp. 94-96.

12 . Mémoire de l’appelante, onglet 5.

13 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, à la p. 37.

14 . Mémoire de l’appelante, onglet 6.

15 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, aux pp. 38-40.

16 . Ibid. à la p. 109.

17 . Ibid. à la p. 129.

18 . Ibid. aux pp. 111-112, 167.

19 . Ibid. aux pp. 124, 141; mémoire de l’appelante, onglet 24L (pièce confidentielle).

20 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, à la p. 134.

21 . Ibid. à la p. 100.

22 . Ibid. aux pp. 43, 54, 129, 189.

23 . Ibid. à la p. 183.

24 . Ibid. à la p. 198.

25 . Ibid. aux pp. 140-151.

26 . Ibid. à la p. 170.

27 . Ibid. à la p. 192.

28 . Ibid. à la p. 158.

29 . Ibid. aux pp. 89, 159-161, 164, 172-174, 193.

30 . Ibid. à la p. 131.

31 . Ibid. aux pp. 132, 178.

32 . Ibid. aux pp. 194-196.

33 . [2001] 2 R.C.S. 100 à la p. 121.

34 . Mémoire confidentiel de l’intimé, onglet 2 à la p. 2.

35 . Pièce du Tribunal AP-2006-048-24N (protégée).

36 . Pièce du Tribunal AP-2006-048-24L (protégée).

37 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, aux pp. 310-311.

38 . Ibid. aux pp. 159-166.

39 . Mémoire confidentiel de l’intimé, onglet 9 à la p. 1.

40 . AAi.FosterGrant of Canada Co. c. Canada (Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada), 2004 CAF 259 (CanLII), au para. 18.

41 . Transcription de l’audience publique, 26 et 27 septembre 2007, à la p. 317.

42 . Pièce du Tribunal AP-2006-048-8B (protégée).