JONATHAN BELL

Décisions


JONATHAN BELL
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2007-021

Décision et motifs rendus
le mardi 5 août 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 8 juillet 2008, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 4 décembre 2007, concernant une demande de réexamen, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

JONATHAN BELL

Appelant

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

André Scott
André Scott
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Pasquale M. Saroli
Pasquale M. Saroli
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 8 juillet 2008

   

Membres du Tribunal :

André Scott, membre présidant

 

Serge Fréchette, membre

 

Pasquale M. Saroli, membre

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Directeur de la recherche :

Audrey Chapman

   

Agent de la recherche :

Jo-Anne Smith

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

PARTICIPANTS :

Appelant

 
   

Jonathan Bell

 
   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Zoe Oxaal

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), datée du 4 décembre 2007, aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé une figurine MP-5 Destron Leader Megatron à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 . La figurine en cause fait partie de la série Transformers Masterpiece. Elle est faite de matières plastiques et se transforme d’un robot-jouet avec des pièces mobiles en une prétendue réplique d’un pistolet semi-automatique Walther modèle P-38 muni d’un viseur optique (pistolet Walther P-38).

3. La figurine en cause a été retenue par l’ASFC le 2 novembre 2007 au moment de son importation par la poste au Canada. Le 7 novembre 2007, M. Jonathan Bell a demandé le réexamen de la décision de l’ASFC concernant l’admissibilité de la figurine en cause. Le 4 décembre 2007, l’ASFC a confirmé qu’elle était d’avis que la figurine en cause était correctement classée à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que son importation au Canada était donc interdite. Le 16 décembre 2007, M. Bell a interjeté appel auprès du Tribunal.

4. Le 28 février 2008, M. Bell a déposé son mémoire auprès du Tribunal et, le 5 mai 2008, l’ASFC a déposé son mémoire. Le 17 juin 2008, l’ASFC a avisé le Tribunal que, en tenant compte d’un rapport préparé par un expert en armes à feu de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), elle ne s’opposait plus à l’appel. Le 20 juin 2008, l’ASFC a déposé, suite à la demande du Tribunal, un exemplaire dudit rapport d’expert. Le Tribunal observe que, malgré le fait que l’ASFC ne s’opposait plus à l’appel, il restait toutefois saisi de la question et devait, par conséquent, rendre une décision aux termes de l’article 67 de la Loi.

5. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

6. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

7. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit en partie ce qui suit :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

For the purposes of this tariff item,

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

. . . 

[...]

(b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, notamment, une réplique, qui est définie comme suit :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

9. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

10. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » comme suit :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

11. L’ASFC a déposé la figurine en cause comme pièce. L’ASFC a aussi fourni, comme pièce, le pistolet Walther P-38 authentique auquel la figurine en cause ressemble censément. Le Tribunal a examiné les deux pièces.

12. Tel qu’il est mentionné ci-haut, à la demande du Tribunal, l’ASFC a déposé le rapport d’expert5 préparé par M. Robin Y. Thériault de la Direction du service des laboratoires judiciaires de la GRC. Le Tribunal a reconnu à M. Thériault le titre d’expert en armes prohibées. M. Thériault a déclaré que, selon son avis d’expert, la figurine en cause n’avait pas l’apparence exacte d’une arme à feu au sens de l’article 2 du Code criminel.

ANALYSE

13. Afin de déterminer si la figurine en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si elle satisfait à la définition de « réplique » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour être considéré une « réplique », un dispositif doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas s’agir d’une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

14. M. Bell a soutenu que la figurine en cause est essentiellement un jouet et que, à cause de ses pièces grossièrement démesurés et des éléments ajoutés, elle n’a pas l’apparence exacte d’un pistolet Walther P-38 et on n’a pas voulu lui donner cette apparence. L’avis de M. Bell a été confirmé par le rapport d’expert de M. Thériault, dans lequel il est énoncé que la figurine en cause n’a pas l’apparence exacte d’une arme à feu, du fait qu’elle est environ 30 p. 100 plus grosse que le pistolet Walther P-38 réel.

15. Après avoir examiné la figurine en cause et le pistolet Walther P-38 authentique fourni par l’ASFC, le Tribunal est aussi d’avis que la figurine en cause est sensiblement plus grosse que le pistolet Walther P-38. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la figurine en cause ne satisfait par à la première condition de la définition de « réplique » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel, c.-à-d. qu’elle n’a pas été conçue de façon à avoir l’apparence exacte ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu et on n’a pas voulu lui donner cette apparence.

16. Ayant déterminé que la figurine en cause ne satisfait pas à la première condition de la définition de « réplique » en vertu du Code criminel, le Tribunal n’a pas à continuer son analyse et conclut que la figurine en cause n’est pas correctement classée à titre de « dispositif prohibé » dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Par conséquent, son importation au Canada n’est pas interdite aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

DÉCISION

17. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . Pièce du Tribunal AP-2006-052-14A.