LA COMPAGNIE GLOBE ÉLECTRIQUE INC.


LA COMPAGNIE GLOBE ÉLECTRIQUE INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2008-022

Décision et motifs rendus
le vendredi 16 avril 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 février 2010 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 30 octobre 2008 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

LA COMPAGNIE GLOBE ÉLECTRIQUE INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 2 février 2010

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Georges Bujold

   

Directeur de la recherche :

Randolph W. Heggart

   

Agent de la recherche :

Gary Rourke

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

   

Agent du greffe :

Cheryl Unitt

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

   

La Compagnie Globe Électrique Inc.

Michael Sherbo

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Agnieszka Zagorska

TÉMOIN :

Philip Miozzo
Gestionnaire de produits
La Compagnie Globe Électrique inc.

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par La Compagnie Globe Électrique inc. (Globe) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision, datée du 30 octobre 2008, rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4), dans laquelle il confirmait sa décision anticipée de classement tarifaire en vertu de l’alinéa 43.1(1)c).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des luminaires de sécurité « trois en un », modèle no 24412 (les marchandises en cause), sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9405.40.90 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres appareils d’éclairage électriques, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8513.10.10 à titre de lampes de poche, comme le soutient Globe.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 21 mars 2007, Globe demandait une décision anticipée sur le classement tarifaire des marchandises en cause. Le 18 mai 2007, l’ASFC rendait une décision selon laquelle les marchandises en cause étaient classables dans le dans le numéro tarifaire 9405.40.90 à titre d’autres appareils d’éclairage électriques.

4. Le 20 juillet 2007, Globe demandait une révision de la décision anticipée3 aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi.

5. Le 30 octobre 2008, l’ASFC rendait une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi selon laquelle elle maintenait sa décision du 18 mai 2007.

6. Le 23 janvier 2009, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, Globe interjetait appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.

7. Le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario) le 2 février 2010.

8. M. Philip Miozzo, gestionnaire de produits chez Globe, a témoigné au nom de Globe.

MARCHANDISES EN CAUSE

9. Les marchandises en cause sont des lumières électriques légères, de forme circulaire, munies d’une prise rétractable et dotées d’une pile rechargeable. Les marchandises en cause ont trois fonctions distinctes. Premièrement, elles peuvent être branchées sur une prise murale, utilisées comme veilleuses et automatiquement allumées au crépuscule et éteintes à l’aube. Deuxièmement, elles peuvent servir de luminaires de sécurité, fournissant de l’éclairage pour une certaine période au moyen de la pile rechargeable quand il n’y a pas de courant dans la prise. Troisièmement, elles peuvent être utilisées comme lampe baladeuse lorsque elles sont débranchées, utilisant l’énergie de la pile rechargeable4 .

ANALYSE

Cadre législatif

10. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

11. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes5 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

12. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[6] et les Règles canadiennes[7] énoncées à l’annexe. »

13. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite8 .

14. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[9] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[10] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada11 .

15. L’article 13 de la Loi sur les langues officielles 12 prévoit que les versions française et anglaise de toute loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur.

16. Le classement commence donc par la Règle 1 des Règles générales, qui prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes.

Questions de classement tarifaire

17. La position no 85.13 énonce ce qui suit :

Lampes électriques portatives, destinées à fonctionner au moyen de leur propre source d’énergie (à piles, à accumulateurs, électromagnétiques, par exemple), autres que les appareils d’éclairage du no 85.12.

18. Les Notes explicatives de la position no 85.13 énoncent ce qui suit :

Seules constituent des lampes portatives, les lampes [...] qui sont conçues pour être utilisées à la main ou sur la personne. Elles sont généralement pourvues d’une poignée ou d’un dispositif d’attache et sont reconnaissables grâce à leur forme particulière et à leur faible poids. Ne répondent pas à cette définition [...] les appareils d’éclairage, que l’on branche sur une installation fixe ( 94.05).

19. La position no 94.05 énonce ce qui suit :

Appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs [...]

20. Les Notes explicatives de la position no 94.05 énoncent ce qui suit :

Les principaux types d’appareils d’éclairage repris ici sont :

1) Les lampes pour l’éclairage des locaux : lampes à suspension, à globe, plafonniers, lustres, lampes-appliques, lampes-colonnes, lampadaires, torchères, lampes de table, de chevet, de bureau, lampes-veilleuses, lampes étanches pour locaux humides, par exemple.

[Nos italiques]

21. Globe soutient que les marchandises en cause entrent dans la portée de la position no 85.13 parce qu’elles sont des lampes électriques portatives, destinées à fonctionner au moyen de leur propre source d’énergie. De son avis, les marchandises en cause, parce qu’elles sont munies d’une pile rechargeable interne, sont composées d’un matériel léger, et ont une forme qui les rend confortables lorsqu’elles sont utilisées à la main, répondent aussi aux conditions énoncées dans les Notes explicatives de la position no 85.13. Globe soutient de plus que le fait que les marchandises en cause possèdent des caractéristiques qui leur permettent de servir de luminaires de sécurité ou de veilleuses ne change en rien le fait qu’elles sont conformes aux exigences du numéro tarifaire 8513.10.10.

22. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont des lampes-veilleuses, munies d’une fiche à deux trous que l’on branche sur une prise de courant. Puisqu’une prise de courant est une installation fixe, l’ASFC soutient que les marchandises en cause sont exclues du classement dans la position no 85.13 en vertu des Notes explicatives de cette position.

23. Tel qu’il est mentionné ci-haut, les marchandises en cause ont trois fonctions. Sur une carte insérée par Globe dans l’emballage du produit, les trois fonctions sont énumérées dans l’ordre suivant : veilleuse, luminaire de sécurité et lampe de poche13 . M. Miozzo décrit les marchandises en cause comme « [...] une veilleuse, un luminaire en cas de panne de courant et une lampe de poche, tout-en-un14  » [traduction]. Cependant, le site Web de Globe présente les marchandises en cause dans la catégorie de « veilleuses ». Il ne présente pas les marchandises en cause ni dans la catégorie de « lampes » ni dans la catégorie de « luminaires de sécurité »15 . Lorsqu’on l’a questionné au sujet de la catégorisation sur le site Web de Globe, M. Miozzo a confirmé que ce produit « [...] entre dans la catégorie de veilleuses chez Globe Electric [...]16 . »

24. Lorsque les marchandises en cause fonctionnent à titre de veilleuses, elles sont branchées sur une prise de courant et s’allument automatiquement lorsqu’il fait sombre et s’éteignent à la lumière. Selon les publications de Globe sur le produit, les marchandises en cause peuvent fonctionner ainsi pendant 100 000 heures17 .

25. Lorsque les marchandises en cause fonctionnent à titre de luminaires de sécurité, le courant qui provient de la pile est utilisé lors d’une panne de courant. Selon les publications de Globe sur le produit, les marchandises en cause peuvent fonctionner pendant un maximum de 60 minutes lorsque la pile est chargée à bloc18 .

26. Lorsque les marchandises en cause fonctionnent à titre de lampes de poche, elles sont portées dans la main plutôt que branchées sur une prise de courant et s’alimentent au moyen de la pile rechargeable. Selon le témoignage de M. Miozzo, les marchandises en cause peuvent fonctionner à titre de lampes de poche pendant une à deux heures. La lampe est ronde et légère mais sa forme et sa fiche pliante font qu’elle n’a pas la conception physique associée normalement à une lampe de poche.

27. En résumé, les éléments de preuve indiquent que, même si les marchandises en cause ont techniquement trois fonctions, Globe considère les marchandises en cause comme des veilleuses et les commercialise à ce titre19 . Cette approche est compatible avec le fait que la capacité de rendement des marchandises en cause à titre de lampes de poche ou luminaires de sécurité est très mineure par rapport à leur capacité à titre de veilleuses.

Conclusion

28. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des veilleuses, non pas des lampes de poche ou des luminaires de sécurité.

29. Les Notes explicatives de la position no 94.05 énoncent clairement que cette position vise les veilleuses. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90 à titre d’autres appareils d’éclairage électriques.

DÉCISION

30. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Mémoire de l’appelante, onglet 7.

4 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2010, aux pp. 6-7.

5 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

6 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

7 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

8 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

9 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

10 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

11 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13, 17.

12 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31.

13 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2010, à la p. 9; recueil de textes à l’appui de l’intimé, onglet 2.

14 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2010, à la p. 6.

15 . Recueil de textes à l’appui de l’intimé, Volume II, onglet 3, aux pp. 9-11.

16 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2010, à la p. 15.

17 . Mémoire de l’appelante, onglet 1.

18 . Ibid.; Transcription de l’audience publique, 2 février 2010, à la p. 7. Même si M. Miozzo a témoigné que les marchandises en cause fonctionneraient pendant au moins deux heures lors d’une panne de courant, le Tribunal conclut que la différence entre le temps de fonctionnement indiqué dans les publications sur le produit et le témoignage du témoin est négligeable.

19 . http://www.globe-electric.com/pr/fr/ni.html.