CLOTHES LINE APPAREL, DIVISION OF 2810221 CANADA INC.

Décisions


CLOTHES LINE APPAREL, DIVISION OF 2810221 CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2007-006

Décision et motifs rendus
le lundi 14 juillet 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 3 décembre 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 29 mars 2007, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

CLOTHES LINE APPAREL, DIVISION OF 2810221 CANADA INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre

Audrey Chapman
Audrey Chapman
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 3 décembre 2007

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

James A. Ogilvy, membre

 

Diane Vincent, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Georges Bujold

   

Agent de la recherche :

Gabrielle Nadeau

   

Greffier adjoint :

Gillian Burnett

   

Agent de soutien du greffe :

Paul Moses

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

   

Clothes Line Apparel, Division of 2810221 Canada Inc.

Michael Kaylor

   

Intimé

Conseillers/représentants

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Philippe Lacasse
Yannick Landry

TÉMOINS :

Joelle Berdugo Adler
Présidente et chef de la direction
Diesel Canada Inc.

Gabriella Dobozy
Directrice des finances
Diesel Canada Inc.

   

Antonella Gaudio
Directrice des achats et des approvisionnements
Diesel U.S.A. Inc.

Djamel Bouhabel
Conseiller principal, Observation des politiques commerciales
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 29 mars 2007 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant la valeur en douane de certaines marchandises importées par Clothes Line Apparel, Division of 2810221 Canada Inc. (CLA) (les marchandises en cause), entre le 1er janvier et le 31 décembre 2003 (la période pertinente).

2. Les marchandises en cause consistent en divers articles de vêtements et accessoires pour hommes et femmes. Il s’agit notamment de vêtements de denim (p. ex. jeans, vestes), de chemises, de chandails et d’autres articles (p. ex. chapeaux, ceintures). Ils portent tous la marque de commerce « Diesel » ou « Diesel for Successful Living »2 .

3. En vertu de la Loi, il faut attribuer une valeur aux marchandises importées au Canada pour établir les droits de douane. Le paragraphe 47(1) prévoit que le principal mode d’évaluation de la valeur en douane des marchandises est la valeur transactionnelle des marchandises. L’article 48 ajoute que la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer des marchandises (c.-à-d. leur valeur avant ajustement), ajusté conformément à la Loi. Les parties conviennent que la méthode d’évaluation que constitue la valeur transactionnelle doit être utilisée pour l’évaluation de la valeur en douane des marchandises en cause. Le présent appel a trait exclusivement aux ajustements à la hausse apportés par l’ASFC au prix payé ou à payer pour les marchandises en cause dans la détermination de leur valeur transactionnelle.

4. En particulier, la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines commissions et redevances, payées par CLA à Diesel U.S.A. Inc. (Diesel U.S.A.), relativement à l’importation des marchandises en cause pendant la période pertinente, doivent être ajoutées à leur valeur avant ajustement et, par conséquent, être inclues dans leur valeur en douane, aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi, comme l’a déterminé l’ASFC.

5. CLA prétend que les commissions étaient des honoraires versés à son mandataire pour ses services de représentation à l’étranger à l’égard de la vente des marchandises, honoraires qui ne doivent pas être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises en cause, en vertu du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi. Elle prétend également que les redevances ne doivent pas être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises en cause puisqu’elles n’ont pas été versées en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv).

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

6. Le 8 novembre 2004, l’ASFC a avisé CLA qu’elle effectuerait une vérification de la valeur en douane à l’égard des marchandises en cause en vertu des dispositions pertinentes de la Loi. L’ASFC a demandé à CLA de lui fournir des renseignements et des documents relatifs à ses importations pendant la période pertinente et a informé CLA que des agents autorisés se rendraient à son établissement pour y faire la vérification3 .

7. Le 16 mars 2005, l’ASFC a avisé CLA des résultats de la vérification. L’agent de vérification a conclu que les commissions et les redevances versées par CLA à Diesel U.S.A. étaient passibles de droits de douane en tant qu’ajustements à ajouter au prix payé ou à payer pour les marchandises, en application des sous-alinéas 48(5)a)(i) et 48(5)a)(iv) de la Loi.

8. CLA a par la suite interjeté appel de cette décision dans le cadre du processus d’appel interne de l’ASFC.

9. Le 29 mars 2007, l’ASFC a rendu sa décision finale aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant les résultats de la vérification et concluant que les commissions et les redevances étaient des ajustements à ajouter au prix payé ou à payer pour les marchandises en cause et donc à inclure dans leur valeur en douane, conformément à l’article 484 .

10. Le 15 mai 2007, CLA a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.

11. Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2007.

12. En plus des éléments de preuve documentaires au dossier, le Tribunal a entendu les témoignages de Mme Joelle Berdugo Adler, présidente et chef de la direction de Diesel Canada Inc., de Mme Gabriella Dobozy, directrice des finances de Diesel Canada Inc.5 , de Mme Antonella Gaudio, directrice des achats et des approvisionnements de Diesel U.S.A. ainsi que de M. Djamel Bouhabel, conseiller principal, Observation des politiques commerciales, à l’ASFC.

ANALYSE

Cadre juridique

13. L’article 48 de la Loi énonce les conditions de la détermination de la valeur en douane de marchandises importées si le principal fondement de l’évaluation, c’est-à-dire la valeur transactionnelle, est utilisé. Cette méthode est axée surtout sur la valeur attribuée aux marchandises dans le cadre d’une transaction à l’exportation entre un vendeur et un acheteur au Canada qui ne sont pas des personnes liées au sens de la Loi. La principale composante de la valeur transactionnelle est le prix de vente à l’exportation. Toutefois, dans certains cas, le prix peut être ajusté à la hausse ou à la baisse compte tenu de certaines charges prévues par la Loi.

14. En particulier, le paragraphe 48(4) de la Loi prévoit que « [d]ans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5) » [nos italiques].

15. Le paragraphe 48(5) de la Loi comporte deux sous-alinéas pertinents dans le présent appel, à savoir les sous-alinéas 48(5)a)(i) et 48(5)a)(iv), qui prévoient ce qui suit :

(5) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a)  par addition, dans la mesure où ils n’y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l’acheteur, à l’exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l’étranger à l’occasion de la vente,

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d’invention, marques de commerce et droits d’auteur, que l’acheteur est tenu d’acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l’exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada.

[Nos italiques]

16. Par conséquent, en vertu du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, les commissions relatives aux marchandises supportées par l’acheteur doivent être ajoutées au prix payé ou à payer en vue d’en déterminer la valeur en douane. L'exception à la règle générale susmentionnée est que les honoraires versés ou à verser par l'acheteur à un mandataire à l'étranger à l’égard de la vente ne sont pas ajoutés au prix payé ou à payer. Les honoraires versés relativement à de tels services, appelés services de mandataire à l'achat, sont souvent appelés commissions d'achat.

17. Le fait qu’un acheteur prétende avoir retenu les services d’un mandataire à l’achat aux termes d’un contrat d’agence et qualifie sa rémunération de commissions d’achat n’établit pas l’existence d’une relation de mandataire valide. Il est important de se rappeler qu’une relation de mandataire existe seulement lorsqu’une personne, appelée le mandataire, a le pouvoir d’influer sur la situation juridique d’une autre personne, appelée le mandant, à l’égard de tierces parties. En d’autres termes, il y a relation de mandataire seulement lorsqu’un acte posé au nom d’une autre personne touche les droits de celle-ci et engage sa responsabilité à l’égard de tiers. La question de savoir si une relation de mandataire existe dans un cas donné dépend non pas de la terminologie utilisée par les parties, mais plutôt des modalités exactes de la relation6 . Conformément à ces principes, l’examen de la jurisprudence du Tribunal concernant le sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi révèle que la détermination de l’existence d’une véritable relation mandant-mandataire exige l’analyse substantielle de la relation entre les parties à la lumière des faits pertinents évalués dans leur ensemble. De façon générale, le Tribunal tient compte de facteurs comme le niveau de contrôle exercé sur le présumé mandataire, les fonctions exercées par ce dernier, dont la question de savoir s’il acquiert un droit de propriété sur les marchandises importées, la manière dont les fournisseurs sont choisis et les prix sont négociés ainsi que les conditions de financement et d’expédition de la marchandise7 .

18. Concernant le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, qui prévoit l’ajout des redevances au prix payé ou à payer pour les marchandises importées dans la mesure où elles sont versées « [...] en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada [...]», la Cour suprême du Canada a fourni des indications claires quant au sens de cette exigence dans Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc. 8 . En résumé, la Cour suprême du Canada a conclu que les redevances doivent être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises importées si elles ont trait aux marchandises et si le défaut par l’acheteur de verser les redevances donne le droit au vendeur de refuser de lui vendre les marchandises sous licence ou de résilier le contrat de vente les visant. Dans Reebok Canada c. Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise) 9 , la Cour d’appel fédérale a ajouté que lorsqu’une personne est à la fois le vendeur des marchandises et le concédant de licence d’utilisation de la marque de commerce, il ne s’ensuit pas nécessairement que le versement de redevances par l’acheteur à cette personne constitue une condition de la vente des marchandises pour l’application du sous-alinéa 48(5)a)(iv). Selon la Cour d’appel fédérale, l’application du sous-alinéa 48(5)a)(iv) dans de tels cas nécessite l’examen de la question de savoir si le versement des redevances aux termes de la convention de redevances entre le concédant de licence (qui est aussi le vendeur) et un tiers est aussi une condition de la vente des marchandises aux termes du contrat de vente intervenu entre les mêmes parties.

19. Il n’est pas contesté dans le cadre du présent appel qu’au cours de la période pertinente, CLA a versé à Diesel U.S.A. des commissions d’un montant correspondant à 20 ou 25 p. 100 du prix d’achat des marchandises en cause. Le montant de la commission s’élevait à 20 p. 100 du prix d’achat dans le cas des jeans de marque Diesel importés par CLA et à 25 p. 100 du prix d’achat dans le cas des autres vêtements et accessoires de marque Diesel importés par CLA. Les parties conviennent aussi que CLA a versé à Diesel U.S.A. des sommes qualifiées de redevances de marque de commerce représentant 8 p. 100 du prix d’achat des marchandises en cause.

20. Compte tenu du cadre juridique applicable, comme il a été mentionné ci-haut, afin d’évaluer si de telles commissions et redevances sont passibles de droits de douane en vertu de la Loi, il est important de comprendre les relations d’affaires entre CLA, Diesel U.S.A. et les autres parties ayant participé aux transactions liées à l’importation des marchandises en cause. Il est aussi nécessaire d’identifier le vendeur des marchandises.

21. Le Tribunal examinera les faits pertinents, dont les relations d’affaires pertinentes et la séquence des événements menant à l’importation des marchandises en cause. Il déterminera ensuite si, à la lumière des faits pertinents, Diesel U.S.A. a agit au nom de CLA comme mandataire à l’achat ou si Diesel U.S.A. était le vendeur des marchandises. Cette détermination permettra au Tribunal de déterminer si les commissions versées à Diesel U.S.A. par CLA étaient « [...] des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l’étranger à l’égard de la vente [...] ». Enfin, le Tribunal déterminera si les redevances ont été versées « [...] en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada [...] ».

Relations d’affaires pertinentes

22. CLA était distributeur de la gamme de produits Diesel sur le marché canadien au cours de la période pertinente. La gamme de produits Diesel a été créée par Diesel SpA10 , société italienne qui possède et contrôle l’utilisation de la marque de commerce Diesel partout dans le monde11 . Selon les éléments de preuve, Diesel SpA est une société de conception internationale qui fabrique des jeans et des vêtements décontractés vendus dans plus de 80 pays et en coordonne la production. Même si la production de jeans en denim se fait en Italie, la majeure partie de la production de Diesel SpA est impartie à de nombreuses usines situées ailleurs dans le monde. Les éléments de preuve produits par l’ASFC indiquent que « [...] toutes les opérations internationales de logistique (de gros et de détail) sont gérées de façon centralisée et sont contrôlées minutieusement [...] »12 [traduction].

23. Mme Berdugo Adler a témoigné que Diesel SpA est la société qui a créé les produits et qui a procuré à CLA les outils pour les commercialiser et les distribuer13 . Elle a confirmé que Diesel était la seule marque vendue par CLA pendant la période pertinente14 . Le Tribunal observe que même lorsque CLA ne faisait pas partie du groupe de sociétés Diesel, CLA s’est présentée comme « Diesel Canada » sur certains documents internes et sur de la correspondance15 .

24. CLA estimait avoir acquis les droits d’importation et de vente des marchandises de marque Diesel au Canada d’une filiale américaine de Diesel SpA, Diesel U.S.A., qui elle-même détenait les droits d’utilisation de la marque de commerce et de distribution des vêtements Diesel en Amérique du Nord aux termes d’une licence consentie par Diesel SpA. Bien qu’il n’y avait aucune entente écrite entre CLA et Diesel U.S.A. à cet égard, Mme Berdugo Adler a manifesté son accord avec un énoncé du mémoire de CLA selon lequel Diesel U.S.A. a conféré à CLA une sous-licence d’utilisation de la marque Diesel sur le marché canadien. Elle a aussi qualifié cet accord de simple « entente informelle »16 . Toutefois, la représentante de Diesel U.S.A. qui a témoigné à l’audience, Mme Gaudio, n’était pas au courant de l’existence d’une sous-licence entre Diesel U.S.A. et CLA. Elle a indiqué que la convention de licence intervenue entre Diesel U.S.A. et Diesel SpA ne visait que les États-Unis (et non pas tout le marché nord-américain) et que le droit de CLA d’utiliser la marque de commerce au Canada découlait d’une licence concédée par Diesel SpA directement à CLA17 . La manière dont CLA a acquis le droit d’utiliser la marque Diesel sur la marchandise importée fait donc l’objet de témoignages contradictoires.

25. La relation entre CLA et le groupe de sociétés Diesel a débuté en 1987. Aucune entente écrite ne régissait cette relation au cours de la période pertinente, mais une « convention d’achat » intervenue entre CLA et Diesel U.S.A., qui était en vigueur entre le 1er juillet 1995 et le 31 mai 1996, a été déposée à titre d’éléments de preuve. En vertu de la convention, CLA a chargé Diesel U.S.A. d’acheter des produits en son nom auprès de divers fabricants et a convenu de verser « [...] une commission correspondant à dix p. 100 du montant net de chaque facture afférente à une vente sollicitée par [Diesel U.S.A.] au nom de [CLA] [...] »18 [traduction].

26. Selon Mme Berdugo Adler, les conditions de l’entente non écrite en place pendant la période pertinente étaient très semblables aux conditions de la « convention d’achat » échue. Elle a indiqué que le seul changement entre la « convention d’achat » échue et l’entente en place pendant la période pertinente était le montant de commissions à payer en 2003, qui est passé à 20 ou à 25 p. 100 selon les marchandises achetées19 .

27. Mme Berdugo Adler a résumé ainsi la nature de la relation au cours de la période pertinente : 1) périodiquement, on présentait à CLA la vaste collection et les diverses gammes de produits saisonniers de Diesel SpA; 2) CLA choisissait les produits, dans la collection de Diesel SpA, qu’elle allait commercialiser et vendre sur le marché canadien; 3) une fois que CLA avait vendu ses produits Diesel choisis à ses clients (c.-à-d. les commerces de détail), elle envoyait un bon de commande à Diesel U.S.A. visant certaines gammes de produits (ou CLA faisait une demande de production par l’entremise de Diesel U.S.A.); 4) une fois que Diesel U.S.A. avait reçu les commandes de CLA, elle les envoyait à Diesel SpA et des ententes visant la production des marchandises étaient conclues à cette étape; 5) Diesel U.S.A. supervisait la production des marchandises pour le compte de CLA20 .

28. Selon Mme Berdugo Adler, le rôle de Diesel U.S.A. était celui d’un facilitateur responsable de la mise en production de certaines marchandises pour CLA. Son témoignage relatif aux fonctions particulières exercées par Diesel U.S.A. était toutefois vague. Elle a indiqué que Diesel U.S.A. négociait certaines questions avec les fabricants des marchandises et visitait les usines pour le compte de CLA, mais a admis ne pas connaître les détails de ce que faisait vraiment Diesel U.S.A.21 .

29. Sur cette question, Mme Gaudio a ajouté certains détails. Voici l’essentiel de son témoignage :

[...] Diesel U.S.A. achète actuellement l’ensemble des marchandises Diesel directement des usines. Et nous avions déjà tous nos systèmes administratifs, tous nos systèmes informatiques, nos conditions de paiement et tout était déjà réglé auprès des fabricants. Donc, Diesel U.S.A. agissait comme mandataire dans le sens que [CLA] utilisait Diesel U.S.A. pour jumeler ses commandes aux nôtres, et nous les recueillions et les transmettions à Diesel SpA et aux fabricants des articles.

[...]

Nous avons regroupé l’ensemble des commandes de production [de CLA] et avons inscrit les [bons de commande] pour chaque fabricant. Encore une fois, Diesel produit tant d’articles différents qu’il s’agit d’une charge de travail très lourde. La majeure partie du travail était faite […] à la main. Nous inscrivons les bons de commande, nous les remettons aux fournisseurs, nous suivons les livraisons et vérifions qu’elles respectent les délais, nous suivons toute demande d’escompte ou toute [...] demande relative au prix ou tout passe par l’entremise de Diesel U.S.A [...] aux fabricants ou à Diesel SpA.

[...]

En d’autres termes, je devais veiller à ce que [...] Diesel U.S.A. représente convenablement tout de ce que le Canada voulait ou demandait [...] à la partie en cause, probablement Diesel SpA22 .

30. Mme Gaudio a aussi mentionné le fait que Diesel U.S.A. négociait les prix pour CLA. En réponse aux questions du Tribunal, elle a précisé que Diesel SpA était toujours tenue « au courant » pendant ces négociations. Selon son témoignage il semble que, en bout ligne, Diesel SpA était la partie qui établissait le meilleur prix final auquel un article pouvait être vendu à Diesel U.S.A. ou à CLA. Cela était dû au fait que Diesel SpA détenait un plus grand pouvoir de négociation auprès des usines que Diesel U.S.A. ou CLA. Selon Mme Gaudio, Diesel U.S.A. et CLA pouvaient décider de ne pas acheter et revendre un article particulier si le meilleur prix offert ne leur était pas acceptable23 .

31. Plus de 100 usines dans le monde ont été utilisées pour la fabrication des marchandises commandées par CLA par l’entremise de Diesel U.S.A. Même si Mme Gaudio a témoigné que ces usines étaient des fabricants indépendants non liés à Diesel SpA24 , il est indiqué, sur certaines des factures déposées à titre d’éléments de preuve, que Diesel SpA ou Diesel Service SpA est le fournisseur initial des marchandises25 . De plus, les éléments de preuve indiquent que même si CLA ou Diesel U.S.A. pouvait proposer certains fournisseurs à Diesel SpA, c’est cette dernière qui choisissait les fabricants26 . Diesel SpA déterminait aussi si un produit proposé comportait les caractéristiques appropriées sur le plan de la qualité et du style pour faire partie de la collection et être vendu au Canada sous la marque Diesel. Toute proposition de CLA à cet égard devait être approuvée par Diesel SpA27 .

32. Mme Berdugo Adler a aussi témoigné que CLA n’était pas tenue d’utiliser les services de Diesel U.S.A. et avait aussi commandé certaines marchandises portant la marque Diesel (p. ex. parfums, montres, lunettes de soleil) directement auprès d’autres sources. Elle a toutefois reconnu en contre-interrogatoire qu’au moins 80 p. 100 des achats de CLA étaient effectués par l’entremise de Diesel U.S.A. au cours de la période pertinente28 .

Examen des transactions

33. Selon les témoins de CLA, une fois que les marchandises commandées par CLA par l’entremise de Diesel U.S.A. étaient fabriquées, elles étaient toujours expédiées directement des usines étrangères au Canada29 . Cette affirmation est corroborée par les éléments de preuve documentaires au dossier relativement à la plupart des transactions, ces éléments de preuve indiquant clairement que CLA était le consignataire. Toutefois, le Tribunal observe que le témoin de l’ASFC, qui avait effectué la vérification douanière, a déclaré que dans certains cas, les marchandises avaient été livrées aux États-Unis30 . De plus, sur deux factures déposées à titre d’éléments de preuve, c’est Diesel U.S.A. qui est désignée consignataire31 . Selon les éléments de preuve, cependant, c’est CLA, et non pas Diesel U.S.A., qui prenait les dispositions nécessaires pour le transport des marchandises des usines étrangères à l’établissement de CLA à Montréal (Québec)32 .

34. Mme Berdugo Adler a témoigné que CLA possédait les marchandises à partir du moment où elles quittaient les usines étrangères à destination du Canada33 . Mme Dobozy a ajouté que CLA veillait à ce que les marchandises soient dédouanées au Canada, et Mme Gaudio a confirmé que Diesel U.S.A. ne traitait jamais avec le courtier en douane de CLA, c.-à-d. Milgram et compagnie Ltée (Milgram)34 .

35. Les témoins de CLA ont aussi affirmé que la police d’assurance couvrant les marchandises pendant leur transport au Canada appartenait à CLA. Le Tribunal observe cependant que la « liste des assurés désignés » sur le protocole d’assurance déposé à titre d’éléments de preuve comprend Diesel U.S.A. et Diesel SpA. À l’audience, les témoins de CLA ne pouvaient expliquer clairement cette situation, sauf en invoquant la possibilité que les dénominations des sociétés Diesel pouvaient avoir été ajoutées parce que la police d’assurance comportait une couverture de responsabilité du fait des produits. Comme il est mentionné plus loin, les témoins de CLA ne pouvaient pas expliquer clairement les raisons pour lesquelles Diesel U.S.A. et Diesel SpA avaient besoin de cette couverture même si, à leur avis, ces deux sociétés n’avaient jamais détenu de titre de propriété à l’égard des marchandises et que CLA assumait tous les risques à partir du moment où les marchandises quittaient l’usine. Mme Berdugo Adler a aussi reconnu qu’elle connaissait mal la police d’assurance35 .

36. En ce qui concerne les ententes de facturation et de paiement des marchandises, les éléments de preuve indiquent que les fabricants des marchandises remettaient à Diesel U.S.A. une facture d’un montant correspondant à leur prix de vente et que, d’autre part, Diesel U.S.A. remettait une facture distincte à CLA pour le même montant de base, majoré des redevances. Le Tribunal observe que les factures remises par les fabricants à Diesel U.S.A. indiquent que cette dernière, et non pas CLA, achète les marchandises des fabricants. Sur la plupart de ces factures, CLA est simplement qualifiée de consignataire. Le Tribunal observe que le délai dans lequel Diesel U.S.A. devait payer les fabricants dépendait de la facture. Sur la plupart des factures, on prévoyait 60 ou 90 jours.

37. Quant aux factures correspondantes remises par Diesel U.S.A. à CLA36 , leur sous-total est toujours le même que le montant total à payer figurant sur la facture initiale remise par les fabricants à Diesel U.S.A. Cependant, elles indiquent aussi qu’une redevance correspondant à 8 p. 100 du sous-total est à payer en sus du montant initial. CLA était aussi assujettie à un délai de paiement plus court que Diesel U.S.A., c.-à-d. 55 jours dans tous les cas37 . Par conséquent, Diesel U.S.A. disposait généralement de 5 à 35 jours pour payer l’usine après l’échéance du délai de paiement de CLA.

38. Le Tribunal ajoute que, sur tous les documents de douane déposés à titre d’éléments de preuve par les parties (c.-à-d. les factures et les formulaires B3 de Douanes Canada), Diesel U.S.A. figure comme vendeur des marchandises. De même, de nombreux documents internes de CLA figurant au dossier, comme ses « bordereaux de réception », sur lesquels la livraison des marchandises commandées est inscrite, font explicitement référence à Diesel U.S.A. comme le vendeur des marchandises38 . Sur cette question, le témoin de l’ASFC a déclaré que, lors de sa vérification, il avait remarqué que les documents des livres internes de CLA et les autres documents de CLA auxquels il avait accès indiquaient toujours que Diesel U.S.A. était le vendeur des marchandises39 .

39. Les factures de Diesel U.S.A. ordonnent à CLA de « faire les chèques à l’ordre de Diesel U.S.A., Inc. ». Les éléments de preuve indiquent que CLA a effectivement payé Diesel U.S.A. pour les marchandises, y compris les redevances, dans le délai de paiement de 55 jours40 . Selon Mme Gaudio, une fois que Diesel U.S.A. recevait de CLA le paiement des marchandises vendues et facturées, elle transmettait les redevances indiquées séparément à Diesel SpA et versait les montants reçus au titre du prix d’achat des marchandises aux fournisseurs initiaux41 . Le Tribunal souligne l’absence d’éléments de preuve au dossier concernant le moment de tels paiements par Diesel U.S.A. à Diesel SpA ou aux fournisseurs qui confirme que Diesel U.S.A. a effectivement remis les fonds reçus de CLA aux fabricants ou à Diesel SpA dans le cas des redevances.

40. Des éléments de preuve indiquent que le versement des commissions n’était pas effectué en même temps que les paiements des marchandises et des redevances. Les témoins de CLA ont déclaré que les commissions étaient facturées séparément à CLA, mensuellement, par Diesel U.S.A.42 . Les éléments de preuve documentaires déposés par CLA soutiennent cette affirmation, puisqu’ils indiquent que les factures de commissions étaient d’un montant correspondant à 20 ou 25 p. 100 des achats totaux effectués par CLA dans un mois donné43 . Toutefois, le témoin de l’ASFC a contredit les témoins de CLA à cet égard et a déclaré que, dans certains cas, les commissions et les marchandises avaient fait l’objet d’une seule facture de la part de Diesel U.S.A. Sur cette question, l’ASFC a déposé à titre d’éléments de preuve une facture sur laquelle le montant total à payer comprend le coût des marchandises achetées par CLA et une commission correspondant à 25 p. 100 de ce coût44 . Enfin, selon les éléments de preuve, les factures de commissions et les factures de marchandises étaient libellées dans la même devise, soit en dollars américains ou en euros, selon la facture, et CLA a payé Diesel U.S.A. en dollars américains ou en euros, selon la demande45 .

Qui était le vendeur des marchandises?

41. CLA a prétendu que la déposition de ses témoins démontre l’existence d’une relation vendeur-acheteur entre CLA et les fabricants des marchandises. Elle a soutenu que les vendeurs des marchandises à CLA sont les usines qui les ont fabriquées puisque les bons de commande étaient simplement transmis par Diesel U.S.A. par souci de commodité administrative, puisque Diesel U.S.A. agissait aussi comme acheteur et importateur de marchandises similaires destinées au marché américain. Selon CLA, chaque fois qu’elle décidait d’acheter des marchandises, elle concluait un nouveau contrat de vente avec les fabricants. L’argument de CLA sous-entend que la vente pour exportation était une vente de l’usine à CLA.

42. Par conséquent, la position de CLA veut que Diesel U.S.A. était simplement son mandataire à l’achat, aux termes d’une entente non écrite. Les témoins de CLA étaient d’avis que cette entente non écrite était très semblable à la « convention d’achat » échue en mai 1996, c’est-à-dire sept ans avant les importations en question, la principale différence étant le montant de commission à payer. Se fondant sur la déposition de ses témoins, CLA a prétendu que Diesel U.S.A. n’achetait pas pour revendre les marchandises en cause, mais ne faisait que servir de « facilitateur », car : 1) elle ne faisait que transmettre le coût des marchandises à CLA; 2) n’obtenait pas de droit de propriété sur les marchandises, étant donné que CLA assumait tous les risques concernant les marchandises une fois qu’elles quittaient les usines; 3) elle exécutait toutes les fonctions généralement associées aux mandataires-acheteurs (p. ex. placer des commandes, en faire le suivi, négocier pour le compte de CLA, payer les fabricants avec des fonds reçus d’avance de CLA). CLA a ajouté que le fait qu’elle prenait les dispositions nécessaires pour le transport des marchandises et recevait une copie des factures originales des fabricants indiquait l’existence d’une véritable relation mandant-mandataire.

43. L’ASFC a soutenu que Diesel U.S.A. achetait les marchandises importées et les payait, de sorte qu’elle assumait la responsabilité normale d’un acheteur avant de les revendre à CLA. L’ASFC a prétendu qu’il y avait deux contrats de vente, soit le premier entre Diesel U.S.A. et les fabricants, et le second entre Diesel U.S.A. et CLA. Selon elle, celui qui vendait les marchandises à CLA était Diesel U.S.A. puisque les éléments de preuve démontraient que Diesel U.S.A. acquérait un droit de propriété sur les marchandises pour ensuite les revendre à CLA. L’ASFC est d’avis que la vente pour exportation était donc une vente de Diesel U.S.A. à CLA.

44. À l’appui de cet argument, l’ASFC a fait référence : 1) aux documents de douane, aux factures commerciales et aux documents internes de CLA, qui indiquent clairement que Diesel U.S.A. est le vendeur des marchandises; 2) au témoignage de son vérificateur, M. Bouhabel, qui a expliqué les motifs des conclusions qu’il a tirées pendant sa vérification douanière et selon lesquels Diesel U.S.A. a acquis un titre de propriété à l’égard des marchandises et n’était pas un véritable mandataire à l’achat; 3) au fait que Diesel U.S.A. est connue et se décrit comme grossiste, et non pas comme mandataire à l’achat. En réponse à l’argument de CLA voulant que Diesel U.S.A. ait exercé les fonctions habituelles d’un mandataire à l’achat, l’ASFC a soutenu qu’à la lumière des éléments de preuve présentés, d’importantes décisions relatives à l’achat des marchandises n’ont pas été prises par CLA et que Diesel U.S.A. gérait les intérêts de Diesel SpA au même moment où elle prétendait gérer les intérêts de CLA. À cet égard, elle a soutenu que CLA ne contrôlait aucunement Diesel U.S.A., puisque l’ensemble des procédés de production, des communications avec les fournisseurs et des modes de distribution était géré par Diesel SpA. Selon l’ASFC, les seules décisions que CLA pouvait prendre avait trait à la sélection des articles parmi plusieurs possibilités. Elle devait accepter les décisions prises par Diesel SpA quant aux sources, aux prix, à la conception et au style des marchandises. Par conséquent, l’ASFC a plaidé que Diesel U.S.A. n’agissait pas comme mandataire de CLA.

45. Ayant examiné les arguments des parties et sous-pesé l’ensemble des éléments de preuve dont il était saisi, le Tribunal conclut que Diesel U.S.A. était le vendeur des marchandises en cause et que les ventes pour exportation étaient des ventes faites par Diesel U.S.A. à CLA.

46. Premièrement, le Tribunal a comparé la « convention d’achat » échue et les ententes commerciales en vigueur pendant la période pertinente, à la lumière des témoignages et des éléments de preuve documentaires au dossier. Le Tribunal est d’avis que les témoins de CLA ont tort de considérer que la « convention d’achat » échue constitue une bonne indication de l’entente en vigueur en 2003. Le Tribunal observe que les ententes en place en 2003 étaient considérablement différentes des modalités de la « convention d’achat » échue. Les conditions qui ne s’appliquaient pas pendant la période pertinente étaient notamment les suivantes :

• L’alinéa 2c), selon lequel Diesel U.S.A. ne pouvait aucunement être tenue au paiement des factures. Par opposition, les éléments de preuve indiquent qu’au cours de la période pertinente, c’était Diesel U.S.A. qui a payé toutes les factures émises par les fabricants et que CLA n’a payé que pour les marchandises facturées par Diesel U.S.A. Rien dans les éléments de preuve n’indique que CLA avait des obligations relatives au paiement des factures émises par les fabricants et que ceux-ci s’attendaient à des paiements de CLA. En fait, le témoignage de Mme Gaudio indique que les fabricants considéraient Diesel U.S.A. comme leur acheteur. Il est donc raisonnable de conclure que Diesel U.S.A. avait des obligations à l’égard du paiement de telles factures.

• L’alinéa 2d), selon lequel Diesel U.S.A. devait contribuer à la prise des dispositions nécessaires à l’expédition des marchandises. Par opposition, les éléments de preuve indiquent qu’au cours de la période pertinente, Diesel U.S.A. n’a participé à aucun aspect de l’expédition des marchandises. Mme Gaudio a confirmé que Diesel U.S.A. n’avait jamais traité avec des transitaires46 .

• L’alinéa 2e), selon lequel Diesel U.S.A. devait aider CLA à prendre les dispositions nécessaires pour le paiement des marchandises et des frais accessoires relatifs à l’expédition des marchandises. Comme il a été mentionné ci-haut, au cours la période pertinente, Diesel U.S.A. n’a pris aucune disposition relative à l’expédition des marchandises et CLA n’a pris aucune disposition pour le paiement des marchandises aux fabricants. Par conséquent, Diesel U.S.A. n’a pas « aidé » CLA à l’égard de telles dispositions.

• L’article 4, selon lequel la commission de 10 p. 100 devait être versée en dollars américains au moment où l’importateur (CLA) payait chaque facture. Par opposition, au cours de la période pertinente, les éléments de preuve démontrent que les paiements de la commission pouvaient être effectués en dollars américains ou en euros et qu’ils n’étaient généralement pas effectués au moment où CLA défrayait le coût des marchandises elles-mêmes. Comme il a été indiqué ci-haut, les témoins de CLA et les éléments de preuve documentaires déposés par CLA ont indiqué que les commissions étaient facturées séparément par Diesel U.S.A. à une date ultérieure.

47. De plus, le Tribunal observe que l’article 6 de la « convention d’achat » échue comportait la disposition suivante : « [...] rien dans la présente convention ne doit être interprété comme [...] permettant à une partie de créer une obligation au nom de l’autre ». Cette disposition contredit l’argument de CLA selon lequel il y avait une relation mandant-mandataire entre CLA et Diesel U.S.A. Il est bien établi qu’une relation de mandataire est la relation entre deux personnes où l’une d’elle, appelée le mandataire, est considérée en droit représenter l’autre, appelée le mandant, de manière à pouvoir influer sur la situation juridique du mandant, notamment par la conclusion de contrats47 .

48. Mme Berdugo Adler a déclaré qu’elle ne « croyait » pas que cette disposition représentait « l’esprit de l’entente [de CLA] » conclue avec Diesel U.S.A. et que, dans les transactions en cause, Diesel U.S.A. avait créé une obligation au nom de CLA48 . Mme Gaudio a aussi nié que cette disposition décrivait la relation entre les parties au cours de la période pertinente et a affirmé que Diesel U.S.A. était tenue d’agir comme mandataire pour CLA49 .

49. Le Tribunal considère que les témoins de CLA ne paraissaient pas bien connaître la structure juridique de leur relation d’affaires quotidienne. Comme il a été mentionné ci-haut, leurs témoignages sur les détails de l’entente en place au cours de la période pertinente étaient vagues et, à certains égards, incompatibles avec d’autres éléments de preuve. Selon le Tribunal, ces considérations minent la crédibilité et, par conséquent, la valeur probante de leurs témoignages sur l’existence d’une relation mandant-mandataire entre Diesel U.S.A. et CLA.

50. Vu l’absence d’entente écrite, le Tribunal devait fonder sa décision sur d’autres types d’éléments de preuve démontrant les relations d’affaires de CLA. Le Tribunal observe qu’il y a deux ensembles de factures distincts : un premier ensemble est adressé par les fabricants à Diesel U.S.A. à titre d’acheteur; l’autre est adressé par Diesel U.S.A. à CLA et le total à payer indiqué sur ces factures comprend les redevances. Les paiements faits par CLA à Diesel U.S.A. correspondent au total des factures adressées par Diesel U.S.A. à CLA. Cette structure est compatible avec une relation dans le cadre de laquelle Diesel U.S.A. a acquis un titre de propriété à l’égard des marchandises avant de les vendre à CLA. Le Tribunal est d’avis que s’il y avait une relation de mandataire, les transactions auraient pu être structurées de façon beaucoup plus simple, au moyen d’une seule facture adressée par l’usine à CLA, CLA payant l’usine directement. Le fait que Diesel U.S.A. refacturait CLA suggère qu’elle n’agissait pas à titre de mandataire à l’achat, mais plutôt à titre de vendeur des marchandises.

51. Le Tribunal fait aussi remarquer que Diesel U.S.A. a fait plus que simplement refacturer CLA pour le prix d’achat des marchandises. Les éléments de preuve indiquent clairement que le délai dans lequel CLA devait payer Diesel U.S.A. était toujours de 55 jours, mais les factures au dossier indiquent que Diesel U.S.A. disposait d’un délai plus long pour payer l’usine, et parfois beaucoup plus long, p. ex. 90 jours. Ainsi, les deux ensembles de factures comportaient différents délais de paiement. Le Tribunal est d’avis que cela confirme qu’il y avait deux contrats de vente comportant chacun différentes parties et différentes conditions.

52. S’il y avait eu une véritable relation de mandant-mandataire entre CLA et Diesel U.S.A., CLA aurait bénéficié des délais de paiement plus longs puisque, dans une telle relation juridique, il n’y aurait eu qu’un seul contrat de vente entre CLA (par l’entremise de Diesel U.S.A. comme mandataire) et les fabricants. Dans le cadre d’une relation de mandataire, le mandataire agit pour le compte du mandant et a le pouvoir de le lier envers les tiers. Il s’ensuit nécessairement que toutes les conditions des contrats négociés par le mandataire avec des tiers pour le compte du mandant lient ce dernier. Dans ce scénario hypothétique, CLA aurait été l’acheteur et aurait bénéficié de tous les droits et assumé l’ensemble des obligations convenus dans le contrat entre son mandataire et le vendeur. Le Tribunal est d’avis que cela signifie que si Diesel U.S.A. avait vraiment créé des obligations liant juridiquement CLA dans ses transactions avec les fabricants, les droits ou les privilèges qu’elle a obtenus des fabricants dans de telles transactions auraient été ceux de CLA. Le fait que tel n’était pas le cas soutient l’avis du Tribunal selon lequel Diesel U.S.A. a agi pour son propre compte, et non pas à titre de mandataire à l’achat pour CLA, et qu’elle était plutôt l’acheteur des marchandises auprès des fabricants et le vendeur des marchandises à CLA.

53. Sur cette question, le Tribunal observe également que les éléments de preuve n’indiquent pas que Diesel U.S.A. a inscrit au crédit de CLA l’intérêt ou les avantages financiers qu’elle aurait gagné sur les paiements de CLA pendant la période suivant le moment où CLA a payé Diesel U.S.A. mais se terminant avant que Diesel U.S.A. ne soit tenue de payer les fabricants. Bien qu’il soit vrai que Diesel U.S.A. a transmis le coût des marchandises à CLA sans y ajouter de somme qualifiée de majoration par les parties, Diesel U.S.A. recevait quand même un montant supplémentaire correspondant à 20 ou 25 p. 100 du prix versé au moyen de commissions selon les éléments de preuve documentaires au dossier. Par conséquent, Diesel U.S.A., en tant que vendeur des marchandises, pouvait amplement réaliser un bénéfice sur la vente, même si les parties n’ont pas qualifié ce bénéfice de majoration en soi.

54. Le Tribunal ajoute que la plupart des factures, provenant du fabricant ou de quiconque, indiquent que Diesel U.S.A. est l’acheteur auprès de l’usine et/ou le vendeur à CLA. CLA n’y figure que comme consignataire (c.-à-d. l’adresse d’expédition) sur la plupart des documents. De même, l’expression « le Canada était le consignataire » a été utilisée par le représentant de Diesel U.S.A. pendant l’audience50 . Plusieurs documents font référence à Diesel U.S.A. et à CLA en distinguant clairement leur rôle.

55. Il est vrai que, si on l’examine sans regarder les autres facteurs, le fait que CLA a pris les dispositions de transport nécessaires et a traité avec le courtier en douane pourrait être interprété comme une indication que CLA a acheté les marchandises des fabricants. Toutefois, les documents déposés à titre d’éléments de preuve qui concernent l’expédition et l’importation indiquent que Diesel U.S.A. est le vendeur et que CLA n’est que le consignataire. Les témoins de CLA ont déclaré que les renseignements figurant aux factures douanières et aux documents de transaction émis par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont été fournis par Milgram, le courtier en douane51 . Les témoins de CLA ont aussi affirmé que seule CLA (et non pas Diesel U.S.A.) traitait avec Milgram. Il est donc raisonnable de conclure que la raison pour laquelle Milgram a inscrit Diesel U.S.A. comme vendeur à CLA sur ces documents est que ces renseignements lui ont été fournis par CLA.

56. De plus, la police d’assurance de CLA désigne Diesel U.S.A. comme partie assurée. Cela indique que Diesel U.S.A. avait un intérêt assurable à l’égard des marchandises et en assumait certains des risques, notamment le dommage et la perte. Les représentants de CLA et le représentant de Diesel U.S.A. qui ont témoigné à l’audience ne savaient pas trop pourquoi tel était le cas, mais les représentants de CLA ont invoqué comme explication possible que la dénomination de Diesel U.S.A. a été inclue parce que la police couvrait des demandes en matière de responsabilité du fait des produits. Le Tribunal ne comprend pas pourquoi cette couverture serait requise si Diesel U.S.A. n’avait jamais eu de titre de propriété à l’égard des marchandises et que CLA assumait tous les risques à partir du moment où les marchandises quittaient l’usine, comme l’ont indiqué les témoins de CLA. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que la police d’assurance fait naître d’autres doutes sur les déclarations des témoins de CLA selon lesquelles CLA était propriétaires des marchandises après leur départ des usines.

57. CLA a ajouté que, dans des cas antérieurs, le Tribunal avait conclu qu’une commission d’achat était une commission légitime non passible de droits de douane dans les cas où l’importateur, à titre de mandant dans la transaction, dispose d’une certaine indépendance et souplesse et que, dans le contexte du présent appel, CLA a démontré l’existence d’un degré suffisant d’indépendance et de contrôle sur les activités de Diesel U.S.A. Le Tribunal ne peut accepter cet argument. Le Tribunal est d’avis que, de façon générale, les éléments de preuve produits indiquent le contraire. Comme il a été mentionné dans l’exposé des relations d’affaires et des transactions pertinentes, les principales décisions relatives à l’achat des marchandises n’étaient pas prises par CLA. Par exemple, CLA ne prenait pas la décision définitive sur le choix des fabricants, le type et la qualité des marchandises ou le prix à payer. C’est Diesel SpA qui prenait ce genre de décision. En outre, le fait que Diesel U.S.A. ait obtenu des conditions de paiement plus avantageuses des fabricants que celles qu’elle avait accordées à CLA contredit sans équivoque l’opinion selon laquelle CLA exerçait un contrôle considérable sur Diesel U.S.A.

58. Par conséquent, le Tribunal estime que la déposition des témoins de CLA selon laquelle Diesel U.S.A. n’était qu’un mandataire à l’achat n’est pas crédible à la lumière des autres éléments de preuve susmentionnés. Malgré la prétention de CLA que Diesel U.S.A. fournissait des services de mandataire à l’achat et le fait qu’elle qualifie la relation de relation mandant-mandataire, le Tribunal conclut que les faits du présent appel indiquent que leur relation est une relation vendeur-acheteur.

Les commissions doivent-elles être ajoutées au prix payé ou à payer?

59. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que Diesel U.S.A. a acquis un titre de propriété à l’égard des marchandises et les a vendues à CLA. Par conséquent, Diesel U.S.A., par définition, ne peut être le mandataire à l’achat de CLA et les commissions ne peuvent être « [...] des honoraires versés ou à verser par [l’acheteur] à son mandataire à l’étranger à l’occasion de la vente [...] ». Par conséquent, le Tribunal conclut qu’en vertu du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, les commissions doivent être ajoutées au prix payé ou à payer des marchandises, comme l’a déterminé l’ASFC.

Les redevances doivent-elles être ajoutées au prix payé ou à payer?

60. CLA a souligné que les redevances qu’elle a versées à Diesel U.S.A. ont été remises par Diesel U.S.A. à Diesel SpA. Dans le cadre de son argument selon lequel le vendeur des marchandises est, dans chaque cas, l’usine qui les a fabriquées, CLA a prétendu que les fabricants n’ont aucun intérêt à l’égard du versement de redevances puisque les fabricants de vêtements ne sont pas titulaires des droits de licence d’utilisation de la marque Diesel. CLA a soutenu que les fabricants des marchandises ne peuvent exiger le versement de redevances avant de lui livrer les marchandises parce qu’ils ne sont pas parties à la convention de licence. Diesel SpA est propriétaire des droits de licence, et l’entente s’applique strictement à CLA et Diesel SpA. Pour ces motifs, et fondant son argument sur l’interprétation du sous-alinéa 48(5)a)(iv) par la Cour suprême du Canada dans Mattel Canada et par la Cour d’appel fédérale dans Reebok Canada, CLA a prétendu que les redevances qu’elle avait versées à Diesel U.S.A. n’étaient pas une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

61. L’ASFC a prétendu que le montant des redevances était indiqué sur la plupart des factures commerciales fournies par CLA pendant la vérification douanière. Selon elle, de telles redevances étaient liées aux marchandises importées puisque CLA ne pouvait pas acheter de marchandises portant la marque Diesel sans verser les redevances. À cet égard, elle a ajouté qu’il ressortait des documents commerciaux que CLA ne pouvait acheter les marchandises sans verser les redevances puisque les coûts des marchandises et des redevances étaient calculés sur la même facture et additionnés. De l’avis de l’ASFC, CLA était tenue de payer le total de la facture, de sorte que les redevances étaient une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

62. À la lumière du libellé du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi et de la décision de la Cour suprême du Canada dans Mattel Canada, le Tribunal doit constater le respect de trois conditions pour conclure que les redevances sont passibles de droits de douane, à savoir : 1) les paiements doivent en réalité être des redevances ou des frais de licence; 2) les paiements doivent être relatifs aux marchandises importées; 3) les paiements doivent être effectués par l’acheteur en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. Dans le présent appel, on ne conteste pas que les paiements en question sont des redevances. Les parties n’ont pas formulé d’observations détaillées à l’égard de la deuxième condition et paraissent convenir que les redevances versées par CLA à Diesel U.S.A. sont « relatives aux » marchandises importées. De toute manière, compte tenu du fait que les paiements sont calculés en fonction d’un pourcentage du prix de la vente des marchandises à CLA, le Tribunal estime qu’on ne peut sérieusement contester que les redevances sont « relatives aux » marchandises importées. Toutefois, les parties avaient des divergences d’opinions sur la question de savoir si les redevances étaient une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

63. Comme il a été indiqué ci-haut, le Tribunal conclut que Diesel U.S.A. était propriétaire des marchandises avant de les vendre à CLA. L’argument de CLA selon lequel les redevances n’étaient pas acquittées en tant que condition de la vente, cet argument étant fondé sur son avis que le fabricant, et non Diesel U.S.A., était le vendeur des marchandises dans le cadre de chaque transaction, n’est donc pas pertinent. Il ne s’agit pas de savoir si les fabricants ont un intérêt à l’égard des redevances ou ce qui serait arrivé à des envois donnés si CLA n’avait pas versé les redevances; il s’agit plutôt de savoir si le versement des redevances était une condition de la vente des marchandises par Diesel U.S.A. à CLA.

64. Selon les témoins de CLA, il n’y avait aucune entente écrite sur les redevances, quoique CLA a prétendu dans son mémoire qu’il y avait une convention de sous-licence entre Diesel U.S.A. et CLA. Au cours de sa vérification, l’ASFC a aussi demandé des copies de toute entente de redevances en vigueur pendant la période pertinente, mais n’en a reçues aucune. En l’absence d’entente écrite, le Tribunal ne peut qu’examiner d’autres types d’éléments de preuve pour déterminer si les redevances étaient une condition de la vente. Cela distingue le présent appel des situations en cause dans Mattel Canada et Reebok Canada.

65. À la lumière du témoignage de Mme Berdugo Adler, le Tribunal est d’avis que Diesel U.S.A. détenait sous licence les droits nord-américains afférents à la marque de commerce Diesel pour les marchandises en cause et avait convenu de permettre à CLA d’utiliser la marque de commerce pour ses ventes au Canada (malgré l’absence d’entente écrite à cet égard). Mme Gaudio a déclaré être d’avis que les droits de Diesel U.S.A. étaient limités au marché américain et que c’était Diesel SpA qui concédait sous licence les droits visant le Canada puisqu’il n’y avait « pas vraiment de sous-licence » de Diesel U.S.A., mais le Tribunal estime que ce témoignage n’est pas crédible en raison de son manque apparent de connaissances personnelles sur ces questions juridiques. Le Tribunal est d’avis que son témoignage sur cette question constitue plutôt une expression d’opinion qu’un énoncé des faits. Outre les déclarations de Mme Gaudio, aucun élément de preuve ne démontre que CLA a conclu une entente avec Diesel SpA (et non avec Diesel U.S.A.) concernant les questions de propriété intellectuelle. Le Tribunal est donc dans l’impossibilité de conclure que CLA avait conclu avec Diesel SpA une entente relative aux redevances. Toutefois, le Tribunal accepte le témoignage selon lequel la relation d’affaires entre CLA et Diesel U.S.A. ne permettait pas à cette dernière de vendre des marchandises de marque Diesel au Canada52 .

66. Pour trancher la question de savoir si les redevances étaient passibles de droits de douane, le Tribunal a examiné minutieusement les circonstances entourant ces paiements et conclut que le versement des redevances faisait partie intégrante des ententes commerciales intervenues entre Diesel U.S.A. et CLA. En particulier : 1) les redevances étaient facturées à CLA sur les mêmes factures de Diesel U.S.A. que le coût des marchandises elles-mêmes; 2) toutes les factures déposées à titre d’éléments de preuve, qui font référence aux marchandises de marque Diesel, comprenaient des redevances, à l’exception des factures de Diesel SpA portant sur la publicité et les documents promotionnels; 3) des éléments de preuve documentaires considérables confirment le versement de redevances ainsi que le fait que les paiements de redevance s’inscrivaient dans les mêmes transactions financières que le paiement des marchandises achetées de Diesel U.S.A.53 ; 4) il ressort du témoignage que le versement des redevances était chose courante. Selon Mme Gaudio, CLA n’avait jamais fait défaut de verser des redevances. Les parties ne pouvaient pas à recenser un cas où les redevances n’avaient pas été payées.

67. Le Tribunal a aussi examiné les éléments de preuve relatifs à la nature de la relation d’affaires entre les parties. Compte tenu du fait que Diesel U.S.A. était propriétaire des marchandises, détenait sous licence les droits de propriété intellectuelle pour le marché nord-américain et avait convenu de ne pas faire de vente au Canada, le Tribunal estime qu’il n’aurait pas été commercialement raisonnable pour Diesel U.S.A. de vendre des marchandises à CLA si le versement de redevances n’avait pas été une condition de la vente. Les éléments de preuve sur la facturation et le paiement de redevances soutiennent cette conclusion.

68. Comme l’a soutenu l’ASFC, le Tribunal observe qu’en l’absence de contrat écrit régissant le versement de redevances (contrairement à la situation dans Mattel Canada et Reebok), il est nécessaire d’examiner les conditions des factures commerciales pour déterminer si le versement de redevances constitue une condition de vente. Dans cette affaire, les factures entre Diesel U.S.A. et CLA indiquent des montants de redevances correspondant à 8 p. 100 du coût facturé des marchandises elles-mêmes en tant que charges à payer par CLA. Puisque ces montants figurent à titre d’éléments de preuve sur la plupart des factures déposées et en l’absence d’éléments de preuve concluants démontrant que les conditions des factures ne reflétaient pas les conditions de la vente intervenues entre Diesel U.S.A. et CLA, le Tribunal conclut que les redevances versées étaient une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. Le Tribunal est d’avis que si CLA n’avait pas payé ces montants qui faisaient partie du total à payer de la facture, elle n’aurait pas pu acheter les marchandises auprès de Diesel U.S.A. Le Tribunal accepte l’argument de l’ASFC voulant qu’afin d’acheter les marchandises, CLA ne pouvait se limiter à payer le sous-total des factures.

69. Le Tribunal observe également que, dans Reebok Canada, la Cour d’appel fédérale a conclu que le versement de redevances aux termes de l’entente en matière de redevances entre les parties n’était pas une condition de la vente des marchandises puisque le contrat de vente entre les mêmes parties (qui prenait la forme d’un bon de commande) n’indiquait pas que le versement des redevances en constituait une condition explicite54 . Par opposition, dans le cadre du présent appel, la plupart des factures émises par Diesel U.S.A., qui, en l’absence d’entente écrite, comme il est mentionné ci-haut, doivent être interprétées comme reflétant les conditions des ventes intervenues entre Diesel U.S.A. et CLA, indiquent explicitement que les redevances doivent être payées. Par conséquent, lorsqu’on l’examine à la lumière des faits du présent appel, la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Reebok Canada n’appuie pas la prétention de CLA selon laquelle le versement des redevances ne constitue pas une condition de la vente des marchandises en application du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

70. De plus, le Tribunal est d’avis que le fait que les versements de redevances aient été remis par Diesel U.S.A. à Diesel SpA (c.-à-d. que ces versements étaient simplement transférés) ne modifie par la conclusion qui précède. Bien que Diesel U.S.A. ait pu avoir une entente avec Diesel SpA à cet égard, cela ne fait pas en sorte que le versement de redevances ne constituait pas une condition de la vente des marchandises par Diesel U.S.A. à CLA. Ce qui compte, c’est que l’obligation de CLA d’effectuer les versements de redevances constitue une partie intégrante des ententes commerciales intervenues entre CLA et Diesel U.S.A.

71. Enfin, le Tribunal observe le témoignage selon lequel, une fois qu’un envoi de marchandises donné quittait l’usine à destination des installations de CLA, agissant à titre de consignataire, Diesel U.S.A. ne pouvait pas interrompre la livraison si elle apprenait que CLA ne verserait pas les redevances. Bien que cela était peut-être le cas, le Tribunal estime que cela est lié à la capacité de Diesel U.S.A. de faire exécuter son droit de percevoir les redevances plutôt qu’à la question de savoir si les redevances constituent une condition de vente. Selon le Tribunal, cela ne change pas le fait que, à la lumière des éléments de preuve, Diesel U.S.A. et CLA ont convenu que les redevances sont une condition de vente. Si CLA faisait défaut de verser les redevances à l’égard de marchandises données, elle contreviendrait à son entente avec Diesel U.S.A. concernant les redevances (c.-à-d. qu’elle contreviendrait à son contrat de vente avec Diesel U.S.A.). Diesel U.S.A. pourrait devoir demander une indemnité si elle désirait faire appliquer ses droits, n’étant pas en position d’interrompre la livraison. Ce scénario ne signifie toutefois pas que Diesel U.S.A. accepterait de vendre les marchandises ni ne fait-il en sorte que le versement de redevances ne serait pas une condition de vente.

72. Par conséquent, le Tribunal conclut que les versements de redevances étaient une condition des ventes et qu’en vertu du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, les redevances doivent être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises, comme l’a déterminé l’ASFC.

CONCLUSION

73. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . Dans son exposé, CLA réfère à la marque de vêtements et d’accessoires « Diesel ». Toutefois, la marque de commerce déposée au Canada est « Diesel for Successful Living ». Voir cahier de documents de l’intimé, onglet 4.

3 . Cahier de documents de l’intimé, onglet 2.

4 . Ibid., onglet 1.

5 . Selon les renseignements au dossier, Mme Berdugo Adler et Mme Dobozy sont aussi, respectivement, présidente et contrôleur de CLA. Voir pièce du Tribunal AP-2007-006-10.

6 . G.H.L. Fridman, The Law of Agency, 7e éd., Toronto, Butterworths, 1996 aux pp. 11-12.

7 . Chaps-Ralph Lauren, Division of 131384 Canada Inc. c. Sous-M.R.N. (1er novembre 1995), AP-94-190 et AP-94-191 (TCCE); Mexx Canada Inc. c. Sous-M.R.N. (16 février 1995), AP-94-035, AP-94-042 et AP-94-165 (TCCE); Radio Shack, A Division of InterTAN Canada Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A. (16 septembre 1993), AP-92-193 et AP-92-215 (TCCE).

8 . [2001] 2 R.C.S. 100 [Mattel Canada].

9 . 2002 CAF 133 [Reebok Canada].

10 . Dans les documents soumis au Tribunal, la société est parfois désignée sous la dénomination « Diesel SPA » et parfois sous la dénomination « Diesel S.p.a. ».

11 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 63-64.

12 . Cahier de documents de l’intimé, onglet 3.

13 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 10-11.

14 . Ibid. à la p. 87.

15 . Ibid. aux pp. 158-159; cahier de documents de l’appelante, onglet 6. La relation entre CLA et Diesel SpA a changé en 2006 lorsque Diesel SpA ou un des membres de son groupe a acquis 70 p. 100 des actions de CLA. Selon le témoignage de Mme Berdugo Adler (transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, à la p. 58), « Diesel » a acquis une participation majoritaire dans CLA. Elle n’a pas précisé si l’acheteur était Diesel SpA, Diesel U.S.A. ou une autre société dont Diesel SpA est propriétaire ou qu’elle contrôle. Par conséquent, il semble que CLA fait maintenant affaires sous la dénomination Diesel Canada Inc. et est une personne morale liée à Diesel SpA ou à Diesel U.S.A.

16 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 63, 80-81.

17 . Ibid. aux pp. 132-134.

18 . Cahier de documents de l’appelante, onglet 1 (voir les sections 1 et 4).

19 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 39, 93.

20 . Ibid. aux pp. 12-20.

21 . Ibid. aux pp. 43-45, 89.

22 . Ibid. aux pp. 107, 109, 118.

23 . Ibid. aux pp. 128-131.

24 . Ibid. aux pp. 110, 123.

25 . Cahier de documents de l’appelante, onglet 3; cahier de documents de l’intimé, onglet 6.

26 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 72-73, 119-120, 124-125.

27 . Ibid. aux pp. 75-76, 104-105.

28 . Ibid. aux pp. 70-71. Il faut souligner que cet appel a trait exclusivement aux marchandises achetées et importées par CLA par l’entremise de Diesel U.S.A. pendant la période pertinente.

29 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 18, 32-33, 37, 52-54.

30 . Ibid. aux pp. 165, 172, 207-208.

31 . Cahier de documents de l’intimé, onglet 6 (factures nos 664 et 697 de Uniforms Program SpA).

32 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 17-19, 78-79.

33 . Ibid. aux pp. 57, 99, 103.

34 . Ibid. aux pp. 33, 139-140.

35 . Cahier de documents de l’appelante, onglet 2; transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 95-99, 140-141.

36 . Les témoins de CLA ont déclaré que CLA a aussi reçu une copie de la facture remise à Diesel U.S.A. par les usines.

37 . Cahier de documents de l’intimé, onglet 6.

38 . Ibid.

39 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 163, 166-167, 180-181, 208.

40 . Ibid. aux pp. 30-31, 113, 128; cahier de documents de l’intimé, onglet 6.

41 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 111-112, 134.

42 . Ibid. aux pp. 138-139. Voir aussi cahier de documents de l’appelante, onglet 3.

43 . Cahier de documents de l’appelante, onglet 3. Voir la facture no 416592 de Diesel U.S.A. à CLA datée du 1er août 2003, au montant de 112 640,45 $US représentant les commissions à payer sur les achats de CLA pour le mois de juillet 2003. La somme de 112 640,45 $US correspond à 25 p. 100 du total de 450 561,79 $US facturé par Diesel U.S.A. à l’égard des achats totaux de CLA en juillet 2003.

44 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 177-178; cahier de documents de l’intimé, onglet 7 (facture no CA 2003335, datée du 21 octobre 2003).

45 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 90-93 et 137-139.

46 . Ibid. à la p. 140.

47 . R. c. Kelly, [1992] 2 R.C.S. 170, à la p. 183.

48 . Transcription de l’audience publique, 3 décembre 2007, aux pp. 77-79, 103.

49 . Ibid. aux pp. 112-113.

50 . Ibid. aux pp. 128, 135.

51 . Ibid. à la p. 100.

52 . Ibid. aux pp. 141-143.

53 . Cahier de documents de l’appelante, onglet 3; cahier de documents de l’intimé, onglet 6.

54 . Reebok Canada, para. 4-5, 12.