SCOTT ARTHUR

Décisions


SCOTT ARTHUR
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-052

Décision et motifs rendus
le mercredi 30 janvier 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 31 octobre 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 18 décembre 2006, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

SCOTT ARTHUR

Appelant

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 31 octobre 2007

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Agent de la recherche :

Jo-Anne Smith

   

Agent du greffe :

Danielle Lanteigne

   

Parties :

Scott Arthur, pour l’appelant

 

Claudine Patry, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), datée du 18 décembre 2006, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé un pistolet airsoft à titre de dispositif prohibé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 . Le pistolet en cause est un pistolet airsoft à ressort de modèle UA-959C (Israel Eagle) fabriqué par Unicorn Hobby Corporation, de Taiwan. Il est présumé être une réplique du pistolet Desert Eagle produit par Israel Military Industries Ltd.

3. Le pistolet en cause a été retenu par l’ASFC le 7 novembre 2006 au moment de son importation par la poste au Canada. Le 16 novembre 2006, M. Scott Arthur a demandé le réexamen de la décision de l’ASFC concernant l’admissibilité du pistolet en cause. Le 18 décembre 2006, l’ASFC a confirmé qu’elle était d’avis que le pistolet en cause était correctement classé à titre de dispositif prohibé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que son importation au Canada était donc interdite. Le 18 janvier 2007, M. Arthur a interjeté appel auprès du Tribunal.

4. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

5. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

6. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit en partie ce qui suit :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

For the purposes of this tariff item,

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

. . . 

[...]

(b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

7. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique d’arme à feu, qui est définie comme il suit :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

8. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme il suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

9. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » comme il suit :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

10. L’ASFC a déposé le pistolet en cause comme pièce. L’ASFC a aussi fourni, comme pièce, l’arme à feu authentique à laquelle le pistolet en cause est présumé ressembler. Le Tribunal les a examinés.

11. De plus, l’ASFC a déposé un rapport d’expert5 préparé par M. Terry O. Pipes de la Direction du service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les compétences de M. Pipes à titre d’expert en armes n’ont pas été mises en doute par M. Arthur. Le Tribunal a accepté M. Pipes à titre d’expert en armes prohibées. M. Pipes a déclaré que, selon son avis d’expert, le pistolet en cause est une réplique au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

12. M. Arthur a prétendu qu’on ne pouvait croire que le pistolet en cause était réel car il émet un son de ressort très doux, un « ping », lorsqu’il est déchargé, que l’extrémité permanente du canon est de couleur orange vif et qu’il tire des balles BB légères en plastique à une plus faible vélocité que les fusils à plomb. Il a ajouté que des produits semblables au pistolet en cause et des produits plus réalistes que le pistolet en cause sont en vente en magasin au Canada et que plusieurs de ces produits tirent des balles en plomb à des vélocités allant jusqu’à 500 pieds par seconde (152,4 mètres par seconde). M. Arthur a aussi fait valoir qu’il était âgé de plus de 18 ans, qu’il avait un permis de possession et d’acquisition, qu’il était un propriétaire enregistré d’armes à feu et qu’il se conformait à toutes les pratiques d’entreposage et de manipulation sécuritaires des armes à feu.

13. Selon l’ASFC, le pistolet en cause est une réplique conçue de façon à avoir l’apparence exacte d’une véritable arme à feu, à savoir le pistolet Desert Eagle produit par Israel Military Industries Ltd., ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou à laquelle on a voulu donner cette apparence. Elle a soutenu que le pistolet en cause ne constituait pas en soi une arme à feu ni une réplique d’une arme à feu historique. Concernant certains des arguments de M. Arthur, l’ASFC a indiqué que la présence de marchandises similaires plus réalistes ou plus dangereuses sur le marché canadien n’avait aucun rapport avec la question devant le Tribunal qui consiste à savoir si le pistolet en cause est un dispositif prohibé, au sens du Code criminel 6 . Elle a ajouté que le fait d’être un propriétaire responsable d’armes à feu n’est pas pertinent aux fins de la détermination du classement tarifaire du pistolet en cause. Enfin, l’ASFC a souligné que le Tribunal avait réitéré à de nombreuses occasions qu’il n’était pas un tribunal d’équité et qu’il devait veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée7 .

ANALYSE

14. Afin de déterminer si le pistolet en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’il satisfait à la définition de « réplique » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour être considéré une « réplique », un dispositif doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas s’agir d’une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a prétendu que le site Web8 du fabricant qualifie le pistolet en cause de modèle grandeur nature de l’arme de poing Israel Eagle, les mots « real gun » (arme véritable) figurant quatre fois dans la description et l’adjectif « realistic » (réaliste) y figurant trois fois. Elle a donc soutenu que le pistolet en cause est conçu de façon à avoir l’apparence exacte du pistolet Desert Eagle ou à le reproduire le plus fidèlement possible, ou qu’on a voulu lui donner cette apparence. À son avis, le capuchon orange de 6 mm qui dépasse de l’extrémité du canon n’est pas une caractéristique qui sert à différencier le pistolet en cause d’une véritable arme à feu9 . Le Tribunal a pu constater, en examinant le pistolet en cause et le véritable pistolet Desert Eagle qui a servi de modèle, qu’il y avait une grande ressemblance de taille, de forme et d’apparence générale.

16. En ce qui concerne le capuchon de couleur orange vif qui dépasse de l’extrémité du canon, le Tribunal est d’avis que cela ne distingue pas suffisamment le pistolet en cause du pistolet Desert Eagle. Concernant la prétention de M. Arthur selon laquelle le pistolet en cause ne peut être confondu avec un véritable pistolet parce qu’il émet un son de ressort très doux, un « ping », lorsqu’il est déchargé, le Tribunal souligne que le son émis par le pistolet en cause n’est pas une caractéristique visuelle susceptible de le distinguer d’une véritable arme à feu. Comme le Tribunal l’a indiqué dans Vito V. Servello c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, « [...] l’interdiction d’importer des répliques découle logiquement de la préoccupation que ces dernières puissent être à tort perçues comme des armes à feu, en raison de leur apparence10  ».

17. À l’examen de la documentation relative au pistolet Desert Eagle fournie par l’ASFC11 , le Tribunal convient que le pistolet Desert Eagle est une arme à feu au sens du Code criminel parce qu’il s’agit d’une arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer des balles, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que le pistolet en cause satisfait à la première condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’il s’agit d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

18. L’ASFC a prétendu que le pistolet en cause n’est pas une arme à feu, étant donné que les projectiles qu’elle tire ne sont généralement pas susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne comme l’exige la définition d’« arme à feu » énoncée à l’article 2 du Code criminel. Elle a souligné que, selon les spécifications du fabricant, le pistolet en cause tire des balles BB en plastique à une vélocité de 88 mètres par seconde. L’ASFC a fait valoir que le Tribunal a reconnu dans de nombreuses affaires qu’une arme à feu inflige des lésions corporelles ou la mort si elle a une vélocité supérieure à 124 mètres par seconde. Le Tribunal souligne que la preuve non contestée fournie par M. Pipes dans son rapport d’expert indique que, au cours des essais, le pistolet en cause a tiré des projectiles airsoft en plastique de 6 mm à une vélocité moyenne de 52 mètres par seconde. Selon l’avis d’expert de M. Pipes, cette vélocité n’est pas suffisante pour infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. M. Pipes a souligné que la Direction du service des laboratoires judiciaires de la GRC interprète le terme « lésions corporelles graves » comme signifiant la pénétration ou la rupture de l’œil. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal convient avec l’ASFC que le pistolet en cause n’est pas une arme à feu. Le Tribunal est donc convaincu que le pistolet en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une arme à feu.

19. Selon l’ASFC, le pistolet Desert Eagle n’est pas une arme à feu historique étant donné qu’elle n’a pas été fabriquée avant 1898, soit l’année avant laquelle une arme à feu doit avoir été fabriquée pour être considérée une « arme à feu historique » en vertu du Code criminel. Elle a présenté des éléments de preuve établissant que le modèle particulier du pistolet Desert Eagle, dont le pistolet en cause a été conçu de façon à en avoir l’apparence, a été mis sur le marché en 199612 . Ces éléments de preuve n’ont pas été contestés. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que le pistolet en cause satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’il n’a pas été conçu de façon à avoir l’apparence exacte ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu historique, ou qu’on n’a pas voulu lui donner cette apparence.

20. Par conséquent, le pistolet en cause satisfait aux trois conditions de la définition de « réplique » énoncée dans le Code criminel. Puisque le Code criminel prévoit qu’une « réplique » est un « dispositif prohibé », le Tribunal conclut que le pistolet en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00, de sorte que son importation au Canada est interdite en vertu du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

21. En ce qui concerne l’argument selon lequel des pistolets similaires plus réalistes ou plus dangereux sont en vente en magasin au Canada, le Tribunal fait référence aux décisions qu’il a rendues dans Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 13 et Romain L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 14 , où le Tribunal a dit qu’il « [...] n’est pas un tribunal d’équité et doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée15  » et qu’« [...] il n’est pas pertinent que toute expédition antérieure [...] n’ait pas été interceptée par l’ASFC ou par ses prédécesseurs. Que l’ASFC prenne ou non une mesure administrative ne peut pas changer la loi16 . »

22. Concernant l’argument de M. Arthur selon lequel il est un propriétaire responsable d’armes à feu, le Tribunal convient avec l’ASFC qu’il ne s’agit pas d’une considération pertinente aux fins de la détermination du classement tarifaire du pistolet en cause.

DÉCISION

23. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . Pièce du Tribunal AP-2006-052-14A.

6 . À l’appui de cet argument, l’ASFC a cité les décisions rendues par le Tribunal dans Robert Gustas c. Sous-M.R.N. (14 janvier 1997), AP-96-006 (TCCE), et Don L. Smith c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (26 septembre 2003), AP-2002-009 (TCCE).

7 . À titre d’exemple, l’ASFC a cité la décision rendue par le Tribunal dans John Campeau c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 mars 2006), AP-2005-024 (TCCE).

8 . Mémoire de l’intimé, onglet 1.

9 . L’ASFC a fait référence à deux décisions où le Tribunal a conclu qu’un capuchon rouge en plastique à l’extrémité d’un canon n’est pas considéré une caractéristique distinctive. Voir Serge Poirier c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (8 mars 2007), AP-2006-012 (TCCE), et Stanley T. Wong c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (12 juillet 2006), AP-2002-102 (TCCE).

10 . (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE) à la p. 4.

11 . Mémoire de l’intimé, onglets 10, 11.

12 . Mémoire de l’intimé, onglet 11.

13 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) [Ericksen].

14 . (18 octobre 2005), AP-2004-007 (TCCE) [Klaasen].

15 . Ericksen à la p. 3.

16 . Klaasen à la p. 2.