CHERRY STIX LTD.


CHERRY STIX LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2008-028

Décision et motifs rendus
le lundi 10 mai 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 décembre 2009, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 janvier 2009, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

CHERRY STIX LTD.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 2 décembre 2009

   

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant
Ellen Fry, membre
Stephen A. Leach, membre

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Directeur de la recherche :

Rose Ritcey

   

Agent de la recherche :

Gary Rourke

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

   

Agent du greffe :

Sarah MacMillan

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

   

Cherry Stix Ltd.

Michael Kaylor

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

David Aaron

TÉMOIN :

David Apperman
Vice-président, Finances
Cherry Stix Ltd.

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Cherry Stix Ltd. (Cherry Stix) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 20 janvier 2009 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4), concernant la valeur en douane de t-shirts pour femmes de styles et couleurs variés (les marchandises en cause) importés par Cherry Stix et vendus à Wal-Mart.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si, aux termes de l’article 48 de la Loi, l’ASFC a appliqué à bon droit la valeur transactionnelle quand elle a fixé la valeur en douane des marchandises en cause.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 8 janvier 2004, Cherry Stix importait les marchandises en cause.

4. Le 22 janvier 2008, aux termes du paragraphe 74(1) de la Loi, Cherry Stix demandait à l’ASFC un remboursement de droits de douane du fait que la valeur en douane aurait dû être calculée sur le prix payé par Cherry Stix à ses fournisseurs étrangers et non sur le prix payé par Wal-Mart à Cherry Stix2 .

5. Le 27 mars 2008, aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi, l’ASFC rejetait la demande de Cherry Stix.

6. Le 30 avril 2008, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, Cherry Stix demandait le réexamen de la décision de l’ASFC.

7. Le 26 janvier 2009, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC rendait sa décision définitive dans laquelle, encore une fois, elle rejetait la demande de remboursement de Cherry Stix.

8. Le 24 février 2009, Cherry Stix interjetait appel auprès du Tribunal de la décision définitive de l’ASFC. Cherry Stix a d’abord soutenu qu’il s’agissait d’établir si la valeur en douane devait être calculée selon la méthode fondée sur la valeur de référence, mais les parties ont par la suite convenu à l’audience qu’il s’agissait simplement d’établir si la méthode de la valeur transactionnelle était la bonne.

9. Le 2 décembre 2009, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario).

10. M. David Apperman, vice-président, Finances, chez Cherry Stix, a comparu au nom de la société. L’ASFC n’a convoqué aucun témoin.

QUESTION PRÉLIMINAIRE — CHOSE JUGÉE

11. Dans son mémoire, l’ASFC soutient que Cherry Stix tentait de soumettre de nouveau au Tribunal une question déjà tranchée par ce dernier dans une affaire précédente concernant Cherry Stix3 et que la question en litige dans le présent appel est chose jugée. Elle demande au Tribunal de rejeter l’appel pour ce motif.

12. Le Tribunal a invité l’ASFC et Cherry Stix à déposer des exposés écrits sur cette question. Le 6 novembre 2009, après examen des exposés, le Tribunal informait les parties qu’il avait décidé de refuser la requête en rejet de l’appel. Voici les motifs de la décision du Tribunal.

13. Afin qu’une requête en rejet d’un appel fondé sur la doctrine de la chose jugée soit accueillie, la partie requérante doit établir que la même question a été tranchée dans une affaire antérieure, que la décision antérieure était définitive et que les parties sont les mêmes dans les deux affaires4 .

14. De l’avis du Tribunal, même si les deux dernières exigences sont remplies, la première ne l’est pas.

15. Dans Cherry Stix 2004, il s’agissait d’établir si Cherry Stix pouvait être considérée comme un « acheteur au Canada » aux termes du Règlement sur la détermination de la valeur en douane 5 . Les marchandises en cause dans cet appel étaient des vêtements pour femmes et pour enfants achetés par Cherry Stix auprès de fournisseurs étrangers et vendus par la suite à des clients au Canada, notamment à Wal-Mart.

16. Comme il a été mentionné précédemment, la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement appliqué la méthode de la valeur transactionnelle, aux termes de l’article 48 de la Loi, plutôt qu’une autre méthode pour fixer la valeur en douane. Il s’agit clairement d’une question différente de celle qui était soulevée dans Cherry Stix 2004. Par conséquent, le Tribunal refuse la requête en rejet du présent appel présentée par l’ASFC.

17. Le Tribunal déterminera maintenant si l’ASFC avait raison d’utiliser la valeur transactionnelle pour fixer la valeur en douane de la transaction d’importation en cause.

TRANSACTION D’IMPORTATION EN CAUSE

18. Au cours de son témoignage devant le Tribunal, M. Apperman a expliqué de quelle façon il voyait les cinq étapes principales que l’on retrouve dans les transactions d’importation en cause.

19. En premier lieu, le service de conception de Cherry Stix fait un croquis qui est ensuite transformé en échantillon que les vendeurs de la société utilisent pour faire la promotion d’un nouveau « concept » de vêtement6 .

20. En deuxième lieu, il y a le processus de marketing, dans le cadre duquel les associés aux ventes de Cherry Stix se rendent chez Wal-Mart avec le nouveau modèle7 . Wal-Mart peut faire preuve de son intérêt à l’égard de certains styles d’un article et de certaines quantités à certains prix. L’échange se fait habituellement oralement8 . Lorsque Wal-Mart se montre intéressée aux articles, Cherry Stix examine, avec ses fournisseurs étrangers, les arrangements possibles relatifs à la production, y compris les coûts, les quantités et les délais de livraison, en veillant bien à ce que les marchandises répondent aux normes de Wal-Mart. Si ces discussions exploratoires avec les fournisseurs produisent des résultats satisfaisants, Cherry Stix entame avec Wal-Mart des négociations sur la vente des articles9 .

21. En troisième lieu vient le processus de négociation de la vente. Les conditions standards de toutes les ventes à Wal-Mart sont énoncées dans son « Entente avec le fournisseur10  » [traduction]. Si les négociations de vente sont fructueuses, Wal-Mart remet à Cherry Stix un « Contrat-cadre/quantités estimatives (sans engagement ferme) » [traduction] (contrat-cadre). Le contrat-cadre contient des renseignements importants sur les transactions comme les prix et les quantités des articles et leurs dates de livraison11 .

22. En quatrième lieu suit le processus de fabrication. Cherry Stix passe une commande auprès de ses fournisseurs étrangers pour la production des marchandises visées par le contrat-cadre et ouvre une lettre de crédit irrévocable en faveur des fournisseurs. Une fois que les marchandises ont été produites conformément aux normes convenues, le groupeur de marchandises de Cherry Stix en République populaire de Chine (Chine) les fait expédier par conteneurs jusqu’à l’entrepôt du groupeur de marchandises de Wal-Mart dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique). Cherry Stix paie les frais d’expédition et d’entreposage, souscrit une assurance au nom de Cherry Stix et demeure responsable des marchandises pendant que ces dernières se trouvent dans l’entrepôt du groupeur à Vancouver12 .

23. En cinquième lieu, les marchandises sont livrées. Cherry Stix envoie par télécopieur à Wal-Mart un « Formulaire de demande de répartition » [traduction], informant cette dernière que les marchandises sont arrivées et qu’elles peuvent être livrées, et demande vers quel centre de distribution elles doivent être acheminées. Cherry Stix fait aussi effectuer des vérifications de la qualité des articles au laboratoire de Wal-Mart13 .

24. Si les tests de qualité sont favorables, Wal-Mart sépare le contrat-cadre en « Bons de commande » [traduction] individuels, attribue à chacun un numéro de client à 10 chiffres et répartit les commandes parmi les centres de distribution désigné par Wal-Mart. Cherry Stix livre alors les marchandises aux centres de distribution désignés et, pour chaque bon de commande, envoie à Wal-Mart une facture affichant le numéro de clients à 10 chiffres qui figure sur le bon de commande14 .

CADRE LÉGISLATIF

25. En vertu de la Loi sur les douanes, afin d’imposer des droits de douane sur des marchandises importées, il faut d’abord leur attribuer une valeur . L’article 46 de la Loi précise que la valeur en douane doit être fixée conformément aux articles 47 à 55.

26. L’article 47 de la Loi prévoit ce qui suit :

47. (1) The value for duty of goods shall be appraised on the basis of the transaction value of the goods in accordance with the conditions set out in section 48.

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d’après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l’article 48.

(2) Where the value for duty of goods is not appraised in accordance with subsection (1), it shall be appraised on the basis of the first of the following values, considered in the order set out herein, that can be determined in respect of the goods and that can, under sections 49 to 52, be the basis on which the value for duty of the goods is appraised:

(a) the transaction value of identical goods that meets the requirements set out in section 49;

(b) the transaction value of similar goods that meets the requirements set out in section 50;

(c) the deductive value of the goods; and

(d) the computed value of the goods

(2) Lorsque la valeur en douane des marchandises n’est pas déterminée par application du paragraphe (1), elle l’est d’après les valeurs suivantes qui peuvent constituer la base de l’appréciation par l’application des articles 49 à 52, prises dans l’ordre où elles s’appliquent :

a) la valeur transactionnelle de marchandises identiques répondant aux exigences visées à l’article 49;

b) la valeur transactionnelle de marchandises semblables répondant aux exigences visées à l’article 50;

c) la valeur de référence des marchandises;

d) la valeur reconstituée des marchandises.

27. Le paragraphe 48(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

48. (1) Subject to subsections (6) and (7), the value for duty of goods is the transaction value of the goods if the goods are sold for export to Canada to a purchaser in Canada and the price paid or payable for the goods can be determined . . . .

48. (1) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [...].

PLAIDOIRIE

28. Cherry Stix soutient que ni le contrat-cadre ni le bon de commande ne prévoit que la méthode de la valeur transactionnelle doit être utilisée et ce, pour les motifs suivants :

le contrat-cadre ne concernait pas une « vente », mais seulement une entente de vente. Cette entente ne comportait pas un transfert de titre, soit une condition essentielle pour qu’il y ait vente. Le contrat-cadre n’était plutôt qu’une entente sur une vente qui ne serait effective qu’à une date ultérieure, au moment de la réalisation de nombreuses conditions;

même s’il concernait une vente, le bon de commande ne visait pas des marchandises « vendues pour exportation ». Une « vente » est essentiellement un transfert de titre en contrepartie du paiement du prix d’achat alors qu’une vente pour exportation désigne la vente d’une marchandise qui est destinée à l’exportation. Lorsque les marchandises ont été livrées et que le titre a été transféré à Wal-Mart en vertu du bon de commande, il s’agissait d’une transaction de vente intérieure étant donné que les marchandises avaient déjà été importées.

29. Cherry Stix ajoute que les transactions de vente entre elle-même et son fournisseur étranger ne peuvent être visées par la méthode de la valeur transactionnelle parce que Cherry Stix n’est pas un « acheteur au Canada » au sens du Règlement. Cette question a été tranchée dans Cherry Stix 2004, affaire qui, à son avis, concernait des transactions d’importation conçues de la même façon que les transactions d’importation en cause.

30. L’ASFC soutient qu’à son avis, le contrant-cadre constituait en fait une vente en vue d’exporter à un acheteur au Canada, c.-à-d. Wal-Mart, et que, par conséquent, il faut appliquer la méthode de la valeur transactionnelle. À cet égard, l’ASFC encourage le Tribunal à adopter une approche pour l’interprétation du terme « vendues pour exportation » qui, selon elle, est plus conforme aux réalités commerciales. Elle soutient que le Parlement voulait que la valeur transactionnelle soit la principale méthode d’évaluation et que ce n’est que lorsqu’il est impossible d’appliquer cette dernière qu’il faut recourir à une autre méthode.

31. L’ASFC invoque la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises qui prévoit ce qui suit : « Sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n’ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production15 . »

32. L’ASFC mentionne aussi un avis consultatif de l’Organisation mondiale des douanes dans lequel cette dernière recommande que, pour assurer l’uniformité de l’interprétation et de l’application des termes commerciaux, le mot « vente » soit compris dans son sens le plus large16 .

33. L’ASFC cite de plus le paragraphe 31(1) de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario, qui prévoit notamment ce qui suit : « Lorsque le contrat de vente autorise ou oblige le vendeur à expédier les objets à l’acheteur, leur livraison au transporteur, désigné ou non par l’acheteur, vaut livraison à l’acheteur en l’absence de preuve contraire17 . » Selon l’ASFC, en vertu de cette disposition, la livraison des marchandises au groupeur en Chine constituait une livraison à Wal-Mart, ce qui entraînait l’exécution de la vente. Selon l’ASFC, cette vente était une vente pour exportation au Canada au sens du paragraphe 48(1) de la Loi et, par conséquent, la valeur transactionnelle des marchandises à ce moment-là doit être considérée comme la valeur en douane.

ANALYSE

34. Il est important de souligner dès le départ que les parties s’entendent sur les faits suivants : 1) Cherry Stix a acquis le titre sur les marchandises de son fournisseur avant leur importation au Canada; 2) il existait un contrat sur la vente des marchandises entre Cherry Stix et Wal-Mart avant l’importation des marchandises en cause; 3) une vente de ces marchandises a réellement été effectuée entre les parties. Les éléments de preuve sont compatibles avec les conclusions.

35. Le paragraphe 48(1) de la Loi énonce les trois conditions suivantes qu’il faut respecter avant que la valeur transactionnelle puisse être utilisée pour fixer la valeur en douane :

il doit y avoir une vente pour exportation;

il doit y avoir un acheteur au Canada;

le prix payé ou à payer doit être déterminable18 .

36. Dans Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc. 19 , la Cour suprême du Canada a soutenu ce qui suit : « Aux fins de détermination de la valeur en douane de marchandises pour l’application de l’art. 48 de la Loi sur les douanes, la vente pour exportation pertinente est celle qui a pour effet de transférer à l’importateur le titre relatif aux marchandises. L’importateur est la partie qui détient ce titre au moment où les marchandises sont introduites au Canada20 . » Donc, le Tribunal doit établir si, comme le soutient l’ASFC, il y a eu transfert du titre relatif aux marchandises en cause de Cherry Stix à Wal-Mart avant leur importation au Canada. Sinon, il est impossible d’appliquer la méthode de la valeur transactionnelle.

37. Le Tribunal convient avec l’ASFC que la loi la plus pertinente qui peut aider le Tribunal à prendre sa décision est la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario. En effet, les éléments de preuve vont nettement dans ce sens21 . Les paragraphes 18(1) et 18(2) de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario prévoient ce qui suit :

(1) La propriété d’objets déterminés ou certains est transférée à l’acheteur au moment où les parties au contrat ont l’intention de la transférer.

(2) Pour déterminer l’intention des parties, il y a lieu de considérer les stipulations du contrat, la conduite des parties et les circonstances de l’espèce.

38. Pour établir le moment auquel les parties souhaitaient que la propriété (c.-à-d. le titre) des marchandises soit transférée, le Tribunal examinera d’abord les conditions du contrat entre les parties. L’entente avec le fournisseur, le manuel d’information du fournisseur, qui forment une partie intégrante de l’entente, de même que le bon de commande, constituent le cadre contractuel dans lequel doivent fonctionner les fournisseurs de Wal-Mart. Ensemble, ces trois documents établissent le cadre contractuel et l’ensemble des dispositions contractuelles qui s’appliquent à la relation commerciale, du début des négociations entre les parties à l’égard de l’achat possible de marchandises jusqu’à la réalisation finale de la vente desdites marchandises.

39. Le premier paragraphe de l’entente avec le fournisseur prévoit ce qui suit : « LA PRÉSENTE ENTENTE EST UN DOCUMENT AYANT FORCE OBLIGATOIRE ET LES PARTIES ACCEPTENT D’ÊTRE LIÉES PAR TOUTES LES CONDITIONS QUI Y FIGURENT; CEPENDANT, LA PRÉSENTE ENTENTE ET LES AUTRES CONDITIONS QUI Y SONT INCORPORÉES N’OBLIGENT PAS L’ACHETEUR À ACHETER DES MARCHANDISES OU D’AUTRE BIENS22  » [traduction].

40. L’entente avec le fournisseur prévoit de plus qu’un bon de commande est requis pour finaliser une transaction de vente entre Wal-Mart et un fournisseur et énonce les conditions générales devant figurer sur le bon de commande. On peut notamment y lire ce qui suit : « Le présent bon de commande énonce la totalité de l’entente survenue entre le Vendeur et l’Acheteur en ce qui concerne la vente et l’achat des marchandises et il est valide uniquement s’il est signé ou initialé par un acheteur autorisé de l’Acheteur » [traduction]. On y trouve la disposition particulière suivante : « L’acceptation du présent bon de commande se fait uniquement par l’expédition de marchandises de la façon prévue aux présentes et L’ACCEPTATION EST EXPRESSÉMENT SOUMISE À L’ENSEMBLE DES CONDITIONS DU PRÉSENT BON DE COMMANDE [...]23  » [traduction].

41. Il est donc clair que Wal-Mart et Cherry Stix souhaitaient que le bon de commande soit un élément essentiel de la réalisation de toute transaction de vente qui se déroulerait aux conditions générales énoncées dans l’entente avec le fournisseur. Il est aussi clair que l’acceptation de la commande passée par Wal-Mart au moyen du bon de commande se fait uniquement au moment de l’expédition de marchandises par Cherry Stix à Wal-Mart. Le Tribunal en conclut que l’entente avec le fournisseur établit que les parties n’avaient pas l’intention que le transfert du titre de marchandises ait lieu avant l’importation, mais plutôt qu’il se fasse uniquement au moment de la réalisation de la transaction de vente soit, conformément au cadre contractuel adopté par les parties, au moment où Cherry Stix expédie les marchandises à Wal-Mart. En résumé, la réalisation de la vente et, par conséquent, le transfert du titre relatif aux marchandises en cause ne peuvent avoir lieu qu’au moment où Wal-Mart, l’acheteur, envoie le bon de commande à Cherry Stix, le fournisseur, et que Cherry Stix accepte le bon de commande en expédiant les marchandises en cause à Wal-Mart.

42. Le Tribunal examinera maintenant la conduite des parties. Comme il sera question plus bas, les éléments de preuve révèlent que la façon dont l’opération en cause a été menée est conforme à l’intention véhiculée par les conditions figurant dans les documents contractuels.

43. Selon les témoignages, le bon de commande est émis par Wal-Mart après la conclusion d’un contrat-cadre24 . D’autres éléments de preuve au dossier, comprenant notamment divers documents relatifs aux transactions et des communications écrites entre Cherry Stix et Wal-Mart, convainquent le Tribunal que 1) la conclusion du contrat-cadre se déroule avant l’importation des marchandises en cause25 et que 2) l’émission du bon de commande par Wal-Mart a lieu après l’importation26 .

44. Il ressort clairement de la conduite des parties que le contrat-cadre n’est pas l’étape finale de la transaction. Il ne permet pas de conclure la vente. Il ne constitue qu’une étape intermédiaire dans une transaction qui en comprend de nombreuses. Le contrat-cadre permet de confirmer l’intérêt de Wal-Mart à l’égard de l’achat de certaines marchandises de Cherry Stix. Au moment de la conclusion du contrat-cadre, de nombreuses conditions devaient encore être respectées avant que Wal-Mart n’émette le bon de commande à l’intention de Cherry Stix. En fait, comme les éléments de preuve l’indiquent, certains aspects très importants de la transaction n’étaient pas définis à ce stade-là (comme les prix, l’inspection des marchandises, les tests de qualité et les conditions relatives à l’expédition)27 . De plus, les éléments de preuve démontrent que Cherry Stix demeurait responsable des marchandises jusqu’au moment de leur expédition à Wal-Mart28 .

45. Le Tribunal estime qu’il n’existe pas d’autres circonstances pertinentes dont il devrait tenir compte qui pourraient être visées par l’article 18 de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario.

46. En résumé, après avoir examiné les conditions du contrat entre Cherry Stix et Wal-Mart, de même que la conduite de ceux-ci dans la réalisation de la transaction en cause29 , le Tribunal conclut que Cherry Stix, et non Wal-Mart, détenait le titre relativement aux marchandises en cause au moment de l’importation30 .

CONCLUSION

47. Comme il a été mentionné précédemment, le paragraphe 48(1) de la Loi exige qu’il soit satisfait à trois conditions avant que ne puisse être appliquée la méthode de la valeur transactionnelle à l’établissement de la valeur en douane de marchandises importées. Étant donné que le processus d’importation des marchandises en question ne satisfait pas à la première condition, la méthode de la valeur transactionnelle ne peut être utilisée.

DÉCISION

48. L’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Mémoire de l’intimé, onglet A, para. 10.

3 . Cherry Stix Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 octobre 2005), AP-2004-009 (TCCE) [Cherry Stix 2004].

4 . Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chung, [1993] 2 C.F. 42.

5 . D.O.R.S./97-443 [Règlement].

6 . Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, à la p. 49.

7 . Ibid. aux pp. 50-51. Il arrive que les acheteurs de Wal-Mart se rendent chez Cherry Stix.

8 . Ibid. aux pp. 10, 55, 57.

9 . Ibid. aux pp. 7, 13, 58, 74.

10 . Recueil de documents confidentiels de l’appelante, onglet 1.

11 . Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 13-14, 67-68.

12 . Ibid. aux pp. 15-20, 29-30, 72-73, 85-86.

13 . Ibid. aux pp. 22-28.

14 . Ibid. aux pp. 29-32.

15 . 1980, U.N. Doc. A/Conf. 97/18 (180); 19 I.L.M. 668 (1980), para. 3(1).

16 . Organisation mondiale des douanes, Comité technique de l’évaluation en douane, « Application de l’article 1er de l’Accord sur l’évaluation en douane aux marchandises importées à des prix inférieurs à leur prix de production », doc. no VT0084F1.

17 . L.R.O. 1990, c. S.1.

18 . The Pampered Chef, Canada Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 février 2008), AP-2006-048 (TCCE); Ferragamo U.S.A. Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 mars 2007), AP-2005-053 (TCCE).

19 . [2001] 2 R.C.S. 100 [Mattel].

20 . Mattel au para. 45.

21 . Recueil de documents confidentiels de l’appelante, onglet 1 à la p. 3, onglet 4 à la p. 42.

22 . Ibid., onglet 1 à la p. 1; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 33-34.

23 . Recueil de documents confidentiels de l’appelante, onglet 1 aux pp. 2, 5; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 35-36.

24 . Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 13-14, 28-32.

25 . Recueil de documents de l’appelante, onglets 3-6; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 13-14.

26 . Recueil de documents de l’appelante, onglets 12-15; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 30-31.

27 . Recueil de documents de l’appelante, onglets 9-11, Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 23-30.

28 . Recueil de documents de l’appelante, onglet 8; Dossier confidentiel des documents de l’appelante, onglet 1; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 16-19, 30, 34.

29 . De l’avis du Tribunal, il n’y avait pas d’autres circonstances à prendre en compte pour satisfaire aux exigences du paragraphe 18(2) de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario.

30 . Recueil de documents de l’appelante, onglets 3-6, 8, 12-15; Transcription de l’audience publique, 2 décembre 2009, aux pp. 15, 30-31.