LES INDUSTRIES SPECTRA/PREMIUM INC.

Décisions


LES INDUSTRIES SPECTRA/PREMIUM INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-053

Décision et motifs rendus
le mercredi 26 mars 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 octobre 2007, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 octobre 2006, concernant une demande de réexamen aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

LES INDUSTRIES SPECTRA/PREMIUM INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 10 octobre 2007

   

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

 

James A. Ogilvy, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

 

Georges Bujold

   

Agent de la recherche :

Gabrielle Nadeau

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour l’appelante

 

Philippe Lacasse, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Les Industries Spectra/Premium Inc. (Spectra) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 20 octobre 2006 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les condenseurs qui sont installés dans les machines pour le conditionnement de l’air des véhicules automobiles (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8415.90.29 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de parties de machines et appareils pour le conditionnement de l’air du type de ceux utilisés pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles, non présentées en ensembles complets, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8419.60.00 à titre d’appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz, comme l’a prétendu Spectra.

3. Les marchandises en cause sont utilisées comme pièces de réparation ou de remplacement des machines pour le conditionnement de l’air de véhicules automobiles et sont vendues aux distributeurs et aux installateurs professionnels de pièces de véhicules automobiles. Selon les éléments de preuve, les condenseurs tels que les marchandises en cause constituent l’une des diverses composantes d’une machine pour le conditionnement de l’air de véhicule automobile. Parmi les autres composantes, on retrouve l’évaporateur, le compresseur et le ventilateur. Les marchandises en cause sont reliées aux autres composantes par des tuyaux et des tubes. Elles ressemblent à une grille plate et se situent généralement dans les véhicules automobiles à l’avant du radiateur.

4. Les marchandises en cause ont été importées de Taïwan le 4 avril 2003. À ce moment, l’ASFC les a classées dans le numéro tarifaire 8415.90.29. Le 5 mai 2005, Spectra a demandé un remboursement des droits en vertu de l’alinéa 74(1)e) de la Loi. Le 29 août 2005, aux termes du paragraphe 59(1), l’ASFC a rejeté cette demande et déterminé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8415.90.29.

5. Le 14 novembre 2005, Spectra a demandé un nouveau réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi. Le 20 octobre 2006, l’ASFC a rejeté la demande de Spectra et confirmé sa décision relativement au classement tarifaire des marchandises en cause.

6. Le 15 janvier 2007, Spectra a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal.

7. La nomenclature du Tarif des douanes qui, selon Spectra, doit s’appliquer aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

84.19 Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement (à l’exclusion des fours et autres appareils du no 85.14), pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que le chauffage, la cuisson, la torréfaction, la distillation, la rectification, la stérilisation, la pasteurisation, l’étuvage, le séchage, l’évaporation, la vaporisation, la condensation ou le refroidissement, autres que les appareils domestiques; chauffe-eau non électriques, à chauffage instantané ou à accumulation.

[...]

8419.60.00 -Appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz

[...]

8. La nomenclature qui, selon l’ASFC, s’applique aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

84.15 Machines et appareils pour le conditionnement de l’air comprenant un ventilateur à moteur et des dispositifs propres à modifier la température et l’humidité, y compris ceux dans lesquels le degré hygrométrique n’est pas réglable séparément.

[...]

8415.20 -Du type de ceux utilisés pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles

8415.20.10 ---Présentés en ensembles complets

8415.20.90 ---Autres

[...]

8415.90 -Parties

---Des marchandises des nos tarifaires 8415.10.00, 8415.20.10, 8415.81.90, 8415.81.20, 8415.82.99 ou 8415.83.90 :

[...]

8415.90.29 ----Autres

[…]

ANALYSE

9. En l’espèce, le Tribunal doit tenir compte des articles 10 et 11 du Tarif des douanes. L’article 10 prévoit que le classement des marchandises importées est effectué conformément aux Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 3 et aux Règles canadiennes 4 . L’article 11 prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions de l’annexe, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 5 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 .

10. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade. Si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi.

11. Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La Règle 6 des Règles générales rend aussi ces règles applicables au classement au niveau de la sous-position. De même, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

12. La Règle 1 des Règles générales prévoit ce qui suit :

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

13. Les positions concurrentes de la nomenclature du tarif en cause, à savoir les positions 84.15 et 84.19, se trouvent toutes les deux au Chapitre 84 de l’annexe du Tarif des douanes. Les parties s’entendent donc pour dire que la Section XVI, qui comprend le Chapitre 84, vise les marchandises en cause. Le Tribunal est d’accord avec les parties à cet égard.

14. Les deux parties ont aussi reconnu que les marchandises en cause sont utilisées seulement comme pièces de machines pour le conditionnement de l’air dans les véhicules automobiles. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve au dossier établissent clairement ce fait, le témoin de Spectra ayant convenu qu’il n’existe aucun autre usage pour ces marchandises7 .

15. Par conséquent, les marchandises en cause sont des parties d’une machine. Pour correctement classer de telles parties de machines aux termes du Tarif des douanes, la Règle 1 des Règles générales est d’une extrême importance. Comme l’a indiqué le Tribunal dans York Barbell Co. Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A. 8  :

[...]

Lorsqu’il s’agit de classer une marchandise, soit comme partie d’un ensemble, soit comme entité propre, la Règle 1 des Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé (Règles générales) est d’une extrême importance. Cette règle stipule que le classement est déterminé d’abord par le libellé des positions tarifaires et par toute note légale pertinente. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord établir si les marchandises en question sont nommées ou décrites de façon générique dans une position donnée de la liste tarifaire. Si les marchandises sont nommées dans une position, elles sont classées à l’intérieur de celle-ci, sous réserve de toute note légale pertinente. Si tel n’est pas le cas, le Tribunal examinera la position dans laquelle se trouve le produit dont il est prétendu que les marchandises en question font partie.

[...]

[Nos italiques]

16. Par conséquent, lorsque des parties sont nommées ou décrites de façon générique dans une position donnée de l’annexe du tarif, elles doivent être classées dans cette position, sous réserve de toute Note de Section ou de Chapitre pertinente. En l’espèce, la Note 2 de la Section XVI énonce des règles supplémentaires applicables au classement des parties d’articles dans cette section. La partie pertinente prévoit ce qui suit :

[…]

2 Sous réserve des dispositions de [...] [notes non pertinentes en l’espèce], les parties de machines (à l’exception des parties des articles des nos 84.84, 85.44, 85.45, 85.46 ou 85.47) sont classées conformément aux règles ci-après :

a) les parties consistant en articles compris dans l’une quelconque des positions des Chapitres 84 ou 85 (à l’exception des nos 84.09, 84.31, 84.48, 84.66, 84.73, 84.85, 85.03, 85.22, 85.29, 85.38 et 85.48) relèvent de ladite position, quelle que soit la machine à laquelle elles sont destinées;

b) lorsqu’elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées à une machine particulière ou à plusieurs machines d’une même position (même des nos 84.79 ou 85.43), les parties, autres que celles visées au paragraphe précédent, sont classées dans la position afférente à cette ou à ces machines ou, selon le cas, dans les nos 84.09, 84.31, 84.48, 84.66, 84.73, 85.03, 85.22, 85.29 ou 85.38; toutefois, les parties destinées principalement aussi bien aux articles du no 85.17 qu’à ceux des nos 85.25 à 85.28, sont rangées au no 85.17;

[...]

17. Essentiellement, la Note 2a) prévoit que, dans le cas des marchandises visées par la Section XVI, les parties de machines qui constituent des marchandises visées par une position donnée du Chapitre 84 ou 85 doivent être classées à titre de marchandises de cette position et non à titre de parties d’une autre chose9 . Par ailleurs, la Note 2b) indique que « [...] les parties, autres que celles visées au paragraphe précédent [...] » (c’est-à-dire les parties qui ne sont pas des marchandises visées par une des positions des Chapitres 84 et 85), qui sont reconnaissables comme destinées « [...] exclusivement ou principalement [...] » à une machine particulière, doivent être classées dans la position afférente à cette machine ou, selon le cas, dans certaines positions particulières10 .

18. Compte tenu de ce qui précède, la Note 2 de la Section XVI est une note de section pertinente dont le Tribunal doit donc tenir compte aux termes de la Règle 1 des Règles générales. Cette note confirme que le Tribunal doit d’abord se demander, afin de classer les marchandises en cause, si, d’après les termes des positions pertinentes, les marchandises sont nommées ou décrites de façon générique, c’est-à-dire, visées par une position donnée du Chapitre 84 ou 85. Dans la mesure où elles le sont, elles doivent être classées dans cette position, non à titre de parties, mais à titre de marchandises expressément nommées.

19. Se fondant sur la Règle 1 des Règles générales et conformément aux dispositions de la Note 2a) de la Section XVI, Spectra a prétendu que les marchandises en cause, qui sont des parties de machines (non des parties des articles des positions exclues), sont des marchandises visées par une position du Chapitre 84, à savoir la position no 84.19, et qu’elles doivent donc être classées dans cette position. Plus particulièrement, elle a soutenu que les condenseurs sont des « appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz » au sens attribué à ces termes dans la sous-position no 8419.60 et qu’elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8419.60.00.

20. L’ASFC n’était pas d’accord pour dire que les marchandises en cause sont des « appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz » visées par la position no 84.19. Selon elle, il ne s’agit pas de parties qui sont elles-mêmes des marchandises visées par une des positions du Chapitre 84 ou 85. Pour cette raison, elle a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées en fonction de la Note 2a) de la Section XVI et que, en fonction de la Note 2b), puisque les marchandises en cause sont reconnaissables comme exclusivement destinées à une machine particulière (c’est-à-dire à des machines pour le conditionnement de l’air de véhicules automobiles), elles constituent des « parties, autres que celles visées au paragraphe précédent », qui doivent être classées avec les machines de ce genre, soit dans la position no 84.15, qui vise les machines pour le conditionnement de l’air.

21. Aux termes de la Règle 1 des Règles générales, le Tribunal déterminera d’abord si les marchandises en cause sont visées par la position no 84.19, comme l’a prétendu Spectra, ou si elles sont correctement classées à titre de parties de machines pour le conditionnement de l’air aux termes de la position no 84.15, comme l’a déterminé l’ASFC. Il déterminera ensuite le classement approprié au niveau du numéro tarifaire.

Position no 84.19

22. Spectra a reconnu que, pour avoir gain de cause en l’espèce, il lui incombait de démontrer que les marchandises en cause sont visées par la position no 84.19. À cette fin, elle s’est fondée sur les Notes explicatives de la position no 84.15, qui énoncent que « […] [l]es éléments des groupes pour le conditionnement de l’air, présentés séparément, [...] sont à classer selon les dispositions de la Note 2a) de la Section XVI [...] ». Spectra a aussi soutenu que ces notes renvoient expressément à la position no 84.19 parmi les positions potentiellement applicables aux parties de machines pour le conditionnement de l’air.

23. De plus, Spectra a tout particulièrement invoqué les Notes explicatives de la position no 84.19. Premièrement, elle a prétendu que les marchandises en cause sont des condenseurs et que les Notes explicatives donnent expressément les « […] condenseurs d’azote ou d’autres gaz […] » comme exemple de marchandises auxquelles la position no 84.19 s’applique. Deuxièmement, elle a prétendu que les marchandises en cause sont conçues pour effectuer une opération de condensation, comme le décrivent les Notes explicatives et comme le précisent les termes de la position. Troisièmement, elle a soutenu que les Notes explicatives indiquent clairement que cette position ne se limite pas à des « appareils et dispositifs », mais vise plutôt une vaste gamme de marchandises qualifiées de « matériels industriels ». À l’appui de cet argument, Spectra a renvoyé à la version française de la position no 84.19 et du numéro tarifaire 8419.60.00, où le terme qui correspond à « machinery » est le mot « appareils11  », qui correspond aussi dans la version française des Notes explicatives au terme « apparatus ». Elle a aussi fait observer que les exemples d’« appareils et dispositifs » dans les Notes explicatives de la position no 84.19 sont qualifiés de « […] matériels industriels susmentionné12 […] » [nos italiques]. Spectra est d’avis que cet argument est renforcé par les Notes explicatives du Chapitre 84, selon lesquelles « […] [l]es nos 84.02 à 84.24 groupent les [...] machines et appareils qui y sont repris principalement en raison de leur fonction13 […] » [nos italiques].

24. Par conséquent, Spectra a affirmé que les marchandises en cause sont visées par les termes de la position no 84.19 parce que, à son avis, les éléments de preuve établissent qu’il s’agit d’appareils pour le traitement de matériaux au moyen d’un processus impliquant la condensation d’un gaz en un liquide. Elle a affirmé que la position no 84.19 décrit les marchandises en cause même si, à elles seules, sans les autres composantes des machines pour le conditionnement de l’air auxquelles elles sont reliées, elles ne peuvent effectuer une opération de condensation. Selon Spectra, ce qui importe est que, lorsque les marchandises fonctionnent conjointement avec les autres composantes, elles soumettent des matières à des opérations qui comportent de la condensation et elles liquéfient effectivement un gaz.

25. Dans la mesure où elle doit démontrer que les marchandises en cause constituent des « […] matériels industriels […] », comme l’indiquent les Notes explicatives, Spectra a affirmé qu’il s’agissait effectivement de matériels industriels. À cet égard, elle a soutenu que les termes « industrie » et « industriel » ont un sens large et ne doivent pas être interprétés de manière à exclure les activités de services. Se fondant sur les éléments de preuve selon lesquels les marchandises en cause sont utilisées dans un milieu de services professionnels, particulièrement en l’espèce dans l’industrie de la réparation automobile14 , Spectra a soutenu qu’il s’agissait de matériels industriels.

26. L’ASFC a prétendu que le classement tarifaire commence toujours au niveau de la position et que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 84.19 pour deux raisons. Premièrement, selon elle, les Notes explicatives de la position no 84.19 indiquent que cette position vise seulement les appareils non domestiques, de sorte qu’elle exclut expressément les appareils domestiques. Selon l’ASFC, les marchandises en cause constituent des appareils domestiques et ne sont donc pas visées par la position no 84.19. À l’appui de cet argument, l’ASFC a soutenu que même si les Notes explicatives ne définissent pas les termes « non domestique » et « domestique », ces termes suggèrent que les appareils domestiques sont l’opposé des appareils industriels. Selon l’argument de l’ASFC, il s’ensuit que si les marchandises en cause ne sont pas destinées à un usage industriel, elles sont donc destinées à un usage domestique, ce qu’exclut la position no 84.19. L’ASFC a affirmé que les marchandises en cause ne sont pas destinées à un usage industriel ni utilisées dans une industrie. En réponse à l’argument de Spectra à cet égard, l’ASFC a affirmé que la définition du dictionnaire du terme « industrie » fait principalement référence aux activités ou aux intérêts de production ou de fabrication. Elle a ajouté que le fait que les marchandises en cause soient vendues à des professionnels de l’industrie automobile ne signifie pas qu’elles sont destinées à un usage industriel. À cet égard, l’ASFC a prétendu que l’argument de Spectra avait trait à la vente des marchandises plutôt qu’à leur usage réel.

27. Selon le deuxième argument de l’ASFC, les marchandises en cause ne constituent pas en soi des « appareils » au sens attribué à ce terme à la position no 84.19. Elle a soutenu que dans une décision antérieure, soit Alliance Ro-Na Home Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 15 , le Tribunal a adopté la définition suivante du terme « machines » : « […] machines ou parties constituantes d’une machine, considérées dans leur ensemble [...]16  ». Dans cette même décision, le Tribunal a défini une machine comme étant « […] tout instrument qui sert à transmettre la force ou à modifier son application17 […] ». Se fondant sur ces définitions et sur les éléments de preuve au dossier, l’ASFC a affirmé que, prises séparément, les marchandises en cause ne sont pas des « appareils » parce qu’elles ne servent à aucune fin et ne peuvent fonctionner. Sans l’action des autres composantes des machines pour le conditionnement de l’air, les marchandises en cause ne pourraient exercer une fonction de condensation et transformer un gaz en liquide.

28. La position no 84.19 prévoit ce qui suit :

Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement (à l’exclusion des fours et autres appareils du no 85.14), pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que le chauffage, la cuisson, la torréfaction, la distillation, la rectification, la stérilisation, la pasteurisation, l’étuvage, le séchage, l’évaporation, la vaporisation, la condensation ou le refroidissement, autres que les appareils domestiques; chauffe-eau non électriques, un chauffage instantané ou à accumulation.

29. Selon le libellé de cette position, les marchandises en cause doivent satisfaire à trois conditions pour y être classées. Il doit s’agir d’« [1] [a]ppareils et dispositifs [...] pour le traitement de matières [2] par des opérations impliquant un changement de température telles que [...] la condensation ou le refroidissement, [3] autres que les appareils domestiques […] ».

30. En ce qui concerne les deux premières conditions, compte tenu des Notes explicatives, le Tribunal est d’avis que, même si la version anglaise de la position no 84.19 n’utilise pas expressément le terme « appareils » (« apparatus »), elle vise néanmoins les marchandises qui constituent des appareils. Toutefois, le Tribunal n’est pas convaincu que cette interprétation élargit la gamme de marchandises visées à la position no 84.19, comme l’a affirmé Spectra. Dans le contexte des Notes explicatives, le terme « appareils » semble être utilisé comme synonyme du terme « machines ». Selon les définitions du dictionnaire fournies par Spectra, le terme « appareils » signifie « […] un ensemble de matériaux, d’instruments, de dispositifs ou de machines destinés à un usage particulier; tout instrument ou dispositif composé destiné à une action ou à une opération mécanique ou chimique déterminée : machine, mécanisme […] » [traduction, nos italiques] ou « tout mécanisme complexe ou machine conçu ou préparé en vue de la réalisation d’un but particulier18  […] » [traduction]. Compte tenu que le terme « appareils » peut signifier « machines » et qu’à tout le moins, ces deux termes ont des sens similaires, le Tribunal ne voit pas comment le fait de qualifier les marchandises en cause d’« appareils » influe sur leur classement aux termes de l’annexe du tarif.

31. Pour tirer la conclusion recherchée par Spectra, le Tribunal devrait convenir que les marchandises en cause sont des « machines » ou, de la façon dont Spectra interprète ce terme, des appareils « [...] pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que [...] la condensation ou le refroidissement [...] » et, plus particulièrement, des appareils pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz.

32. Le Tribunal n’accepte pas cet argument. Il est d’avis que les marchandises en cause ne constituent pas en soi des appareils ou dispositifs « [...] pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que [...] la condensation ou le refroidissement [...] » au sens attribué à ces termes à la position no 84.19. Selon le libellé de la position no 84.19, le Tribunal considère que le produit décrit de façon générique comme un « appareil » doit exercer la fonction décrite dans la position et que les termes de la position ne font pas référence à des composantes individuelles qui contribuent à cette fonction. Même si on peut affirmer que, dans l’ensemble, une machine pour le conditionnement de l’air d’un véhicule automobile est un appareil qui soumet des matières à des opérations impliquant un changement de température comme la condensation, les marchandises en cause, à elles seules, ne soumettent pas les matières à des opérations comportant de la condensation.

33. En fait, selon le témoignage du témoin expert de l’ASFC19 , en soi, un condenseur destiné aux machines pour le conditionnement de l’air de véhicules automobiles n’exerce aucune fonction20 . Par conséquent, le Tribunal convient avec l’ASFC que, sans l’action des autres composantes, particulièrement le compresseur, l’évaporateur et le ventilateur, les marchandises en cause ne peuvent soumettre des matières à des opérations qui comportent de la condensation et transformer le gaz ou la vapeur en liquide.

34. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne relèvent pas de la position no 84.19. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans les numéros tarifaires de cette position, notamment le numéro tarifaire 8419.60.00 à titre d’appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz, comme l’a prétendu Spectra. En ce qui concerne le numéro tarifaire spécifique invoqué par Spectra, la conclusion du Tribunal selon laquelle celui-ci ne vise pas les marchandises en cause est soutenue par le témoignage de l’expert, qui a affirmé que l’expression « appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz » ne décrit pas ces marchandises et que les condenseurs, à eux seuls, ne liquéfient pas d’air ou d’autres gaz21 . Aux termes des Règles canadiennes qui régissent le classement des marchandises au niveau du numéro tarifaire, étant donné que les condenseurs ne liquéfient pas eux-mêmes de l’air ou des gaz, ils ne peuvent être considérés comme des marchandises à classer dans le numéro tarifaire 8419.60.00.

35. Étant donné la conclusion du Tribunal, il n’est pas nécessaire de déterminer si les marchandises en cause constituent des appareils ou dispositifs « [...] autres que les appareils domestiques […] », la troisième condition à respecter pour que les marchandises soient classées dans la position no 84.19, afin de statuer sur le présent appel. Le Tribunal n’abordera donc pas les observations des parties sur cette question.

Position no 84.15

36. Étant donné que le Tribunal a conclu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 84.19, il s’agit de savoir si elles sont correctement classées dans la position no 84.15, comme l’a déterminé l’ASFC. Le Tribunal souligne que, dans la mesure où les marchandises en cause ne sont pas visées par la position no 84.19, Spectra n’a pas prétendu qu’elles étaient des parties constituant en soi des marchandises visées par une autre position du Chapitre 84 ou 85 et devaient être classées dans une autre position conformément à la Note 2a) de la Section XVI. Le Tribunal n’a relevé aucune autre position pertinente qui nécessiterait que les marchandises soient classées à titre de marchandises en soi plutôt qu’à titre de parties d’autres marchandises. Le Tribunal estime donc qu’étant donné que les marchandises en cause sont destinées seulement à l’usage d’une machine particulière, à savoir les machines pour le conditionnement de l’air de véhicules automobiles, elles doivent être classées avec les machines de ce genre, conformément aux dispositions de la Note 2b) de la Section XVI.

37. Aux termes de la Règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause doivent donc être classées avec les machines pour le conditionnement de l’air. Il ne fait aucun doute que la position no 84.15 vise les machines pour le conditionnement de l’air. Par conséquent, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 84.15.

38. En ce qui concerne le classement des marchandises en cause dans la sous-position pertinente de la position no 84.15, le Tribunal souligne que les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause constituent des parties de machines pour le conditionnement de l’air du type de celles utilisées pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles. De telles machines pour le conditionnement de l’air doivent être classées dans la sous-position no 8415.20, qui comprend deux numéros tarifaires, soit le no 8415.20.10 qui vise les machines pour le conditionnement de l’air utilisés pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles et présentés en ensembles complets, et le no 8415.20.90, qui vise les autres machines pour le conditionnement de l’air utilisées pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles. Par conséquent, les machines pour le conditionnement de l’air utilisées pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles qui ne sont pas présentées en ensembles complets doivent être classées dans le numéro tarifaire 8415.20.90. Aux termes des Règles générales et des Règles canadiennes, le Tribunal conclut que les machines pour le conditionnement de l’air, dont les marchandises en cause font parties, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8415.20.90.

39. De plus, la position no 84.15 comprend une sous-position particulière qui s’applique aux parties de certaines marchandises classées dans certains numéros tarifaires de cette position, à savoir la sous-position 8415.90, qui comprend quatre numéros tarifaires susceptibles de s’appliquer aux parties du type de machines pour le conditionnement de l’air de véhicules automobiles pertinentes en l’espèce, c’est-à-dire celles qui sont visées par le numéro tarifaire 8415.20.90. Ces numéros tarifaires sont les seuls qui sont susceptibles de s’appliquer aux parties des marchandises visées par le numéro tarifaire 8415.20.90. Il s’agit du numéro tarifaire 8415.90.21 (châssis, cadres de châssis ou cabinets extérieurs devant servir à la fabrication de marchandises de ces numéros tarifaires, dont le no 8415.20.90), du numéro tarifaire 8415.90.22 (autres châssis, cadres de châssis ou cabinets extérieurs), du numéro tarifaire 8415.90.23 (autres parties devant servir à la fabrication de marchandises de ces numéros tarifaires) et du numéro tarifaire 8415.90.29 (autres). Étant donné que les marchandises en cause ne sont pas des marchandises nommées dans les trois premiers numéros tarifaires énumérés pour les parties de marchandises visées par le numéro tarifaire 8415.20.90, elles doivent être classées dans la catégorie résiduelle « autres » du numéro tarifaire 8415.90.29 aux termes de la Règle 1 des Règles générales et des Règles canadiennes.

40. Selon les éléments de preuve présentés et les règles d’interprétation applicables, le Tribunal conclut que les marchandises en cause constituent des parties de machines pour le conditionnement de l’air utilisées pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles, au sens ordinaire attribué à ces termes dans la description figurant au numéro tarifaire 8415.90.29.

DÉCISION

41. Pour conclure, le Tribunal détermine que les marchandises en cause constituent des parties utilisées exclusivement dans les machines pour le conditionnement de l’air du type de celles utilisées pour le confort des personnes dans les véhicules automobiles, non présentées en ensembles complets, de sorte qu’elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8415.90.29 à titre de parties de marchandises visées par le numéro tarifaire 8415.20.90.

42. Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

4 . Supra note 2, annexe.

5 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

6 . Organisation mondiale des douanes, 3e éd., Bruxelles, 2002 [Notes explicatives].

7 . Transcription de l’audience publique, 10 octobre 2007 à la p. 17.

8 . (16 mars 1992), AP-91-131 (TCCE) à la p. 3.

9 . Sous réserve de certaines exclusions non pertinentes en l’espèce.

10 . Les positions particulières énumérées à la Note 2b) ne sont pas pertinentes en l’espèce.

11 . Dans la version française de l’annexe du Tarif des douanes, la position no 84.19 prévoit ce qui suit : « Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement [...] pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que le chauffage, la cuisson, la torréfaction, la distillation, la rectification, la stérilisation, la pasteurisation, l’étuvage, le séchage, l’évaporation, la vaporisation, la condensation ou le refroidissement, autres que les appareils domestiques; chauffe-eau non électriques, à chauffage instantané ou à accumulation. » Par ailleurs, la version française du numéro tarifaire 8419.60.00 prévoit ce qui suit : « Appareils et dispositifs pour la liquéfaction de l’air ou d’autres gaz ».

12 . [Note du réviseur] Dans la version anglaise du présent exposé, le Tribunal cite, à la présente note, la version française des Notes explicatives.

13 . Ibid.

14 . Transcription de l’audience publique, 10 octobre 2007 aux pp. 13, 18.

15 . (17 septembre 2001), AP-2000-028 (TCCE).

16 . Ibid. à la p. 6.

17 . Ibid. à la p. 6.

18 . Dossier des sources invoquées de l’appelante, onglets 11 et 12.

19 . À l’audience, M. Bruce Aitken a été reconnu comme expert dans la conception et la fonctionnalité d’unités pour le conditionnement de l’air.

20 . Transcription de l’audience publique, 10 octobre 2007 aux pp. 25, 27.

21 . Transcription de l’audience publique, 10 octobre 2007 aux pp. 27-28.