ARNOLD BROS. TRANSPORT LTD. ET BISON TRANSPORT INC.


ARNOLD BROS. TRANSPORT LTD. ET BISON TRANSPORT INC.
c.
MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-2008-030 et AP-2009-048

Décision et motifs rendus
le vendredi 30 avril 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À des appels entendus le 14 janvier 2010, en vertu de l’article 81.19 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national les 28 novembre 2008 et 17 février 2009, concernant des avis d’opposition signifiés en vertu de l’article 81.17 de la Loi sur la taxe d’accise.

ENTRE

 

ARNOLD BROS. TRANSPORT LTD. ET BISON TRANSPORT INC.

Appelantes

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Intimé

DÉCISION

Les appels sont rejetés.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 14 janvier 2010

   

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant
Ellen Fry, membre
Stephen A. Leach, membre

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Directeur de la recherche :

Rose Ritcey

   

Agent de la recherche :

Jan Wojcik

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

   

Agent du greffe :

Sarah MacMillan

PARTICIPANTS :

Appelantes

Conseiller/représentant

   

Arnold Bros. Transport Ltd. et
Bison Transport Inc.

Donald J. M. Comeskey

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Ministre du Revenu national

André LeBlanc

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Les présents appels sont interjetés aux termes de l’article 81.19 de la Loi sur la taxe d’accise 1 à l’égard de décisions rendues par le ministre du Revenu national (le ministre), en date des 28 novembre 2008 et 17 février 2009, à l’égard d’avis d’opposition signifiés aux termes de l’article 81.17.

2. Ces décisions rejetaient les demandes par lesquelles Arnold Bros. Transport Ltd. (Arnold) et Bison Transport Inc.2 (Bison) demandaient le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel acheté au Canada mais consommé aux États-Unis par leurs camions commerciaux transportant des marchandises du Canada aux États-Unis. Le ministre a rejeté les demandes parce qu’elles n’avaient pas été déposées dans le délai de deux ans prescrit par le paragraphe 68.1(1) de la Loi.

3. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les demandes d’Arnold et de Bison ont été déposées dans les délais prescrits par la Loi.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

Arnold

4. Arnold déposait une demande aux termes de l’article 68 de la Loi le 26 septembre 2000, par laquelle elle demandait le remboursement de la taxe d’accise censément versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité (relativement au chauffage ou au refroidissement de semi-remorques ou de conteneurs maritimes). Le combustible diesel a été acheté entre le 1er septembre 1998 et le 30 septembre 2000.

5. Le 20 novembre 2002, la Cour d’appel fédérale déterminait, dans Penner International Inc. c. Canada (C.A.) 3 , que le combustible diesel acheté au Canada mais consommé aux États-Unis par les camions commerciaux transportant des marchandises du Canada aux États-Unis devait être considéré comme une marchandise exportée au sens de la Loi et que, par conséquent, la taxe d’accise payée à l’achat du combustible diesel était admissible au remboursement de la taxe prévue à l’article 68.1 de la Loi.

6. Le 30 décembre 2002, Arnold déposait aux termes du paragraphe 68.1(1) de la Loi une demande par laquelle elle demandait le remboursement de la taxe d’accise qu’elle avait censément versée à l’égard du combustible diesel qu’elle avait acheté au Canada mais consommé aux États-Unis pendant la même période que la période visée par sa demande antérieure, c.-à-d. du 1er septembre 1998 au 30 septembre 2000. La demande indiquait qu’elle était « [...] un ajout à la [demande] déjà déposée [...] » [traduction].

7. Le 20 décembre 2004, le ministre délivrait un avis de détermination rejetant la demande du 26 septembre 2000 par laquelle Arnold demandait le remboursement de la taxe d’accise versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité. À la même date, le ministre délivrait un avis distinct de détermination rejetant la demande du 30 décembre 2002 par laquelle Arnold demandait le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté.

8. Arnold faisait signifier des avis d’opposition le 27 janvier 2005 au ministre concernant les avis de détermination du 20 décembre 2004.

9. Le 2 mai 2007, la Cour fédérale concluait, dans Imperial Oil c. Canada 4 , que le combustible diesel utilisé dans un moteur à combustion interne à allumage par compression pour la production de chaleur à des fins industrielles (y compris pour alimenter un compresseur qui chauffe le réfrigérant utilisé pour chauffer ou refroidir les semi-remorques) est considéré comme de l’« huile à chauffage » en vertu de la Loi, de sorte qu’il n’est pas assujetti à la taxe d’accise payable à l’égard du « combustible diesel ».

10. Le 28 novembre 2008, le ministre délivrait un avis de décision accueillant l’opposition d’Arnold concernant la taxe d’accise censément versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité, sous réserve des ajustements relatifs au moment de certains achats. À la même date, le ministre délivrait un avis distinct de décision rejetant l’opposition d’Arnold concernant la taxe d’accise qui aurait été versée à l’égard du combustible diesel exporté, confirmant ainsi sa détermination du 20 décembre 2004.

11. Le 26 février 2009, Arnold interjetait appel auprès du Tribunal de la décision par le ministre de rejeter son opposition concernant la taxe d’accise qui aurait été versée à l’égard du combustible diesel exporté.

Bison

12. Bison déposait, en vertu de l’article 68 de la Loi, une demande le 10 octobre 2000, par laquelle elle demandait le remboursement de la taxe d’accise censément versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage. Le combustible diesel a été acheté entre le 1er septembre 1998 et le 30 septembre 2000.

13. Après que la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans Penner le 20 novembre 2002, mais avant le 21 février 20055 , Bison a aussi déposé une demande, en vertu du paragraphe 68.1(1) de la Loi, par laquelle elle demandait le remboursement de la taxe d’accise qui aurait été payée à l’égard du combustible diesel qu’elle a acheté au Canada mais exporté aux États-Unis pendant la même période que la période visée par sa demande antérieure, c.-à-d. du 1er septembre 1998 au 30 septembre 2000. Bison a demandé que sa demande antérieure « [...] soit modifiée de manière à ajouter cette demande [supplémentaire] [...] » [traduction].

14. Le 21 février 2005, le ministre délivrait un avis de détermination rejetant la demande par laquelle Bison demandait le remboursement de la taxe d’accise versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage et rejetant la demande par Bison de modifier la demande de manière à ce qu’elle vise la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté.

15. Le 23 mars 2005, Bison faisait signifier un avis d’opposition au ministre concernant l’avis de détermination du 21 février 2005.

16. Le 17 février 2009, après que la Cour fédérale a rendu sa décision dans Imperial Oil, le ministre délivrait un avis de décision accueillant l’opposition de Bison concernant la taxe d’accise censément versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage. Toutefois, l’avis de décision rejetait l’opposition de Bison concernant la taxe d’accise qu’elle avait censément versée à l’égard du combustible diesel exporté, confirmant ainsi sa détermination du 21 février 2005.

17. Le 12 août 2009, Bison interjetait appel auprès du Tribunal contre la décision du ministre de rejeter son opposition concernant la taxe d’accise qu’elle avait censément versée à l’égard du combustible diesel exporté6 .

18. Puisque les appels déposés par Arnold et Bison portaient sur le même objet, que les avocats dans les deux appels étaient les mêmes et que toutes les parties y consentaient, le Tribunal a décidé d’entendre les appels simultanément.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

19. Le paragraphe 23(1) de la Loi prévoit l’imposition d’une taxe d’accise à l’égard des marchandises mentionnées à l’annexe I. Ce paragraphe prévoit ce qui suit :

23. (1) Subject to subsections (6) to (8), whenever goods mentioned in Schedule I are imported or are manufactured or produced in Canada and delivered to a purchaser of those goods, there shall be imposed, levied and collected, in addition to any other duty or tax that may be payable under this or any other law, an excise tax in respect of the goods at the applicable rate set out in the applicable section of that Schedule, computed, if that rate is specified as a percentage, on the duty paid value or the sale price, as the case may be.

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8), lorsque les marchandises énumérées à l’annexe I sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d’accise sur ces marchandises, calculée selon le taux applicable figurant à l’article concerné de cette annexe. Lorsqu’il est précisé que ce taux est un pourcentage, il est appliqué à la valeur à l’acquitté ou au prix de vente, selon le cas.

20. L’article 9.1 de l’annexe I de la Loi mentionne le combustible diesel et énonce le tarif applicable.

21. Le paragraphe 2(1) de la Loi indique que le « combustible diesel » ne comprend pas l’huile utilisée comme huile à chauffage. Il prévoit ce qui suit :

“diesel fuel” includes any fuel oil that is suitable for use in internal combustion engines of the compression-ignition type, other than any such fuel oil that is intended for use and is actually used as heating oil.

« combustible diesel » S’entend notamment de toute huile combustible qui peut être utilisée dans les moteurs à combustion interne de type allumage par compression, à l’exception de toute huile combustible destinée à être utilisée et utilisée de fait comme huile à chauffage.

22. En outre, l’alinéa 23(8)c) de la Loi prévoit que la taxe d’accise imposée aux termes du paragraphe 23(1) n’est pas exigible dans le cas du combustible diesel utilisé pour la production d’électricité. Il prévoit ce qui suit :

(8) The tax imposed under subsection (1) is not payable in the case of

. . .

(c) diesel fuel for use in the generation of electricity, except where the electricity so generated is used primarily in the operation of a vehicle.

(8) La taxe imposée en vertu du paragraphe (1) n’est pas exigible :

[...]

c) dans le cas de combustible diesel devant servir à la production d’électricité, sauf lorsque l’électricité ainsi produite est principalement utilisée pour faire fonctionner un véhicule.

23. Le paragraphe 68(1) de la Loi permet à une personne de demander, dans le délai prescrit, le remboursement de la taxe d’accise versée par erreur à l’égard de toute marchandise. Il prévoit ce qui suit :7

68. (1) If a person, otherwise than pursuant to an assessment, has paid any moneys in error in respect of any goods, whether by reason of mistake of fact or law or otherwise, and the moneys have been taken into account as taxes, penalties, interest or other sums under this Act, an amount equal to the amount of the moneys shall, subject to this Part, be paid to the person if the person applies for the payment of the amount within two years after the payment of the moneys.

68. (1) Lorsqu’une personne, sauf à la suite d’une cotisation, a payé relativement à des marchandises, par erreur de fait ou de droit ou autrement, des sommes d’argent qui ont été prises en compte à titre de taxes, de pénalités, d’intérêts ou d’autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à ces sommes d’argent est versé à la personne, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

24. Le paragraphe 68.1(1) de la Loi permet à une personne de demander, dans le délai prescrit, le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard des marchandises qui ont été exportées du Canada. Il prévoit ce qui suit :

68.1 (1) Where tax under this Act has been paid in respect of any goods and a person has, in accordance with regulations made by the Minister, exported the goods from Canada, an amount equal to the amount of that tax shall, subject to this Part, be paid to that person if that person applies therefor within two years after the export of the goods.

68.1 (1) Lorsque la taxe prévue par la présente loi a été payée sur des marchandises qu’une personne a exportées du Canada en conformité avec les règlements pris par le ministre, un montant égal à cette taxe est, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, payé à la personne si elle en fait la demande dans les deux ans suivant l’exportation des marchandises.

25. Toutefois, suivant la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Penner, le gouvernement a modifié la Loi en y ajoutant le paragraphe 68.1(3) pour indiquer clairement que le remboursement de la taxe d’accise ne peut être accordé à l’égard du combustible diesel transporté à l’extérieur du pays dans le réservoir d’essence d’un véhicule. Le paragraphe 68.1(3) prévoit ce qui suit :

68.1 (3) For greater certainty, no amount is payable to a person under subsection (1) in respect of tax paid on gasoline or diesel fuel transported out of Canada in the fuel tank of the vehicle that is used for that transportation.

68.1 (3) Il est entendu qu’aucun montant n’est à payer à une personne aux termes du paragraphe (1) au titre de la taxe payée sur l’essence ou le combustible diesel qui est transporté en dehors du Canada dans le réservoir à combustible du véhicule qui sert à ce transport.

26. Le paragraphe 68.1(3) de la Loi s’applique seulement à l’égard des demandes de remboursement reçues par le ministre après le 17 février 20038 .

27. Par conséquent, en bref, une demande de remboursement de la taxe d’accise, que celle-ci ait été versée à l’égard de combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour la production d’électricité ou versée à l’égard de combustible diesel exporté, doit être présentée dans les deux ans suivant le paiement de la taxe d’accise ou de l’exportation des marchandises. Dans le cas du combustible diesel transporté à l’extérieur du Canada dans le réservoir d’essence d’un véhicule utilisé pour ce transport, la demande doit aussi avoir été présentée au plus tard le 17 février 2003.

ANALYSE

28. Les parties conviennent que, comme il a été indiqué, les demandes de remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté ont été déposées par Arnold le 30 décembre 2002 et par Bison après le 20 novembre 2002 (c.-à-d. après la décision dans Penner). La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si ces demandes (les demandes en cause) ont été déposées dans les délais prescrits.

29. Manifestement, ces demandes ont été déposées après l’expiration du délai de deux ans prescrit par le paragraphe 68.1(1) de la Loi (c.-à-d. qu’elles ont été faites plus de deux ans après la présumée exportation du combustible diesel)9 et puisque la demande de Bison a été déposée après le 20 novembre 2002, elle pourrait avoir été déposée après l’échéance du 17 février 2003 prescrite par le paragraphe 63(2) de la Loi d’exécution du budget de 2003.

30. Toutefois, Arnold et Bison soutiennent qu’à la suite de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Penner, elles ont immédiatement pris des mesures pour élargir leurs demandes antérieures de remboursement de la taxe d’accise versée par erreur à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité (les demandes initiales) de manière à englober le combustible diesel exporté pendant la même période. Elles soutiennent qu’en prenant ces mesures, c.-à-d. en déposant des demandes le 30 décembre 2002 et après le 20 novembre 2002, respectivement, elles ont demandé les remboursements dans le délai de deux ans après l’exportation du combustible diesel, comme l’exige le paragraphe 68.1(1) de la Loi.

31. Arnold et Bison affirment que lorsque le ministre délivrait des avis de détermination les 20 décembre 2004 et 21 février 2005, il connaissait la décision Penner ainsi que le fait qu’Arnold et Bison désiraient élargir les demandes initiales de manière à englober le combustible diesel exporté. À leur avis, les demandes initiales étaient toujours « ouvertes » et établissaient un droit aux remboursements en vertu de la Loi. Puisque les demandes initiales ont été modifiées avant leur examen par le ministre, celui-ci avait, selon elles, l’obligation d’appliquer la décision Penner à son examen des demandes modifiées.

32. Arnold et Bison prétendent aussi que les circonstances des présents appels peuvent être distinguées des circonstances dans Papiers Scott Ltée c. Canada 10 . Dans Papiers Scott, la Cour d’appel fédérale, en confirmant les décisions rendues par le Tribunal11 et la Cour fédérale12 , déterminait qu’une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale versée à l’égard du papier mouchoir ne pouvait pas être par la suite interprétée de manière à comprendre la taxe versée à l’égard du papier de toilette. Arnold et Bison soutiennent que dans les présents appels, il y a seulement un produit en cause — le combustible diesel. Elles affirment qu’il y a une seconde distinction, en ce qu’elles ont informé le ministre qu’elles souhaitaient élargir les demandes initiales avant que le ministre n’établisse d’avis de détermination et non pas après, contrairement à la situation dans Papiers Scott. Elles soutiennent qu’il y a une troisième distinction, en ce que les présents appels portent sur des demandes de remboursement de la taxe d’accise, tandis que Papiers Scott portait sur une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale.

33. À l’appui de leur position, Arnold et Bison mentionnent aussi la décision rendue par le Tribunal dans Erin Michaels Mfg. Inc. c. M.R.N. 13 , où des renseignements supplémentaires ont été découverts avant que le ministre ne tranche une demande de remboursement.

34. Le ministre est en désaccord avec la position avancée par Arnold et Bison, selon laquelle les demandes en cause élargissaient les demandes initiales. Le ministre soutient que les demandes initiales avaient trait au combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité, tandis que les demandes en cause avaient trait au combustible diesel exporté. Le ministre estime donc que les demandes en cause étaient nouvelles et distinctes et avaient été déposées après l’expiration du délai de deux ans prescrit par le paragraphe 68.1(1) de la Loi et que, dans le cas de Bison, la demande a aussi été présentée après l’échéance du 17 février 2003 prescrite par le paragraphe 63(2) de la Loi d’exécution du budget de 2003.

35. Le ministre est aussi en désaccord avec l’interprétation que font Arnold et Bison de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Papiers Scott. Le ministre fait remarquer que, dans Papiers Scott, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’en déposant sa demande en mai 1992, Papiers Scott Ltée ne demandait pas ni n’avait l’intention de demander un remboursement de la taxe versée par erreur à l’égard du papier de toilettes. Il déclare qu’en déposant leurs demandes initiales, Arnold et Bison ne demandaient ni n’avaient l’intention de demander un remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté. Le ministre soutient que les demandes initiales ne mentionnaient pas la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté et n’indiquaient aucunement qu’elles étaient présentées en vue de la conformité aux délais prescrits par la Loi dans l’attente de la décision dans Penner. Le ministre fait remarquer que, puisque Arnold et Bison ignoraient qu’elles pouvaient recevoir un remboursement à l’égard du combustible diesel exporté avant novembre 2002, moment où la décision dans Penner était rendue, elles ne pouvaient pas avoir voulu réclamer un remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté au moment du dépôt des demandes initiales.

36. Enfin, le ministre prétend que, contrairement à la situation dans Erin Michaels, Arnold et Bison n’avaient pas mal calculé le montant de taxes versées par erreur à l’égard des marchandises pour lesquelles elles présentaient une demande autrement valide.

37. Dans la décision qu’il a rendue dans Papiers Scott Ltée c. M.R.N., le Tribunal déclarait qu’afin d’éviter de vider de son sens le délai de deux ans prescrit par l’article 68 de la Loi, une demande de remboursement de la taxe d’accise fondée sur cet article doit fournir une indication raisonnable de son objet. Le Tribunal déclarait ce qui suit14  :

[...] L’article 68 de la Loi indique que le montant des sommes d’argent versées par erreur par une personne sera payé à cette personne « si elle en fait la demande » dans le délai prescrit. Selon le Tribunal, une personne n’a pas satisfait à l’exigence selon laquelle elle doit « en [faire] la demande » si elle n’a pas donné une indication raisonnable de l’objet visé dans sa demande. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’article 68 prescrit qu’une personne qui demande un remboursement doit indiquer la nature de l’erreur alléguée.

Accepter l’interprétation donnée par l’appelante obligerait le Tribunal à ne pas tenir compte du libellé explicite de la partie de l’article qui se rapporte au délai de prescription de deux ans. Le délai de prescription n’aurait plus d’objet si un demandeur pouvait simplement présenter une demande générale, dans le délai prescrit de deux ans, puis invoquer ensuite cette demande pour appuyer un nombre illimité de demandes spécifiques, présentées sur un nombre illimité d’années, au fur et à mesure que de nouvelles erreurs possibles sont décelées. [...]

38. La Cour d’appel fédérale a souscrit à l’avis du Tribunal selon lequel une demande de remboursement de la taxe d’accise aux termes de l’article 68 de la Loi exigeait que les marchandises visées soient clairement identifiées. La Cour d’appel fédérale déclarait ce qui suit :15

L’article [68] permet à une personne qui a payé des taxes par erreur d’obtenir un remboursement. Les mots clés de la version anglaise de l’article sont, à mon avis, « applies therefor ». La version française utilise les mots « si elle en fait la demande ». Par conséquent, pour qu’une personne obtienne un remboursement pour les sommes d’argent versées par erreur, elle doit « en faire la demande » dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes. Cela signifie nécessairement que la personne doit faire une demande pour les sommes d’argent payées par erreur. À mon avis, cela ne peut être fait sans préciser l’erreur qui est au cœur de la demande de remboursement. Pour préciser l’erreur, il est essentiel d’indiquer les marchandises auxquelles le paiement de [la taxe de vente fédérale] se rapporte étant donné que, sans cette information, rien n’explique l’erreur et, par conséquent, il n’y a aucune possibilité de remboursement par Revenu Canada parce que Revenu Canada ne serait pas en mesure de faire le calcul des sommes à rembourser.

39. Le Tribunal est d’avis qu’il est clair qu’une demande de remboursement de la taxe d’accise aux termes de l’article 68.1 de la Loi, comme une demande aux termes de l’article 6816 , doit nommer les marchandises visées afin de rendre exécutoire la prescription de deux ans.

40. Lorsque les demandes initiales ont été déposées aux termes de l’article 68 de la Loi, elles identifiaient clairement les marchandises visées et l’objectif pour lequel elles étaient utilisées. Dans le cas d’Arnold, les marchandises étaient qualifiées de combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité dans les conteneurs frigorifiques (reefers)17 , alimenter les chaufferettes (pour les semi-remorques) ou les conteneurs maritimes. Dans le cas de Bison, les marchandises étaient qualifiées de combustible diesel pour usage comme huile à chauffage dans les semi-remorques. Ces demandes de remboursement étaient manifestement fondées sur l’utilisation finale du combustible. Selon le Tribunal, les deux demandes ne contiennent aucun terme qu’on pourrait raisonnablement interpréter comme englobant une demande concernant la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté. De plus, selon le Tribunal, rien au dossier n’indique qu’avant le dépôt des demandes en cause, Arnold ou Bison avait l’intention de demander le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté. Par conséquent, le Tribunal convient avec le ministre que les éléments de preuve n’indiquent pas qu’Arnold ou Bison, dans leur demande initiale, présentait ou avait l’intention de présenter une réclamation concernant la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté.

41. Arnold et Bison ont tenté d’établir une distinction entre les circonstances dans Papiers Scott et les présents appels en soulevant trois motifs.

42. Le Tribunal n’a pas été convaincu par ces arguments.

43. Concernant le premier argument, selon lequel les présents appels ne portent que sur un seul produit, c.-à-d. le combustible diesel, les différents motifs pour lesquels des remboursements de taxe d’accise sont réclamés constituent des distinctions importantes. Les demandes initiales faisaient référence au combustible diesel consommé dans le réchauffement ou le refroidissement de semi-remorques ou de conteneurs maritimes, tandis que les demandes en cause faisaient référence au combustible diesel consommé aux États-Unis par les tracteurs routiers (c.-à-d. des camions commerciaux) transportant des marchandises du Canada aux États-Unis. De plus, les demandes initiales étaient fondées sur l’utilisation finale du combustible, tandis que les demandes en cause étaient fondées sur le fait que le combustible était exporté.

44. Concernant le deuxième argument, il est clair que la Loi exigeait qu’Arnold et Bison respectent les délais prescrits. Les faits d’aviser le ministre de leur intention d’élargir les demandes initiales avant que le ministre ne délivre des avis de détermination, de ne pas savoir qu’elles pouvaient réclamer le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté avant la décision Penner et d’agir rapidement après la décision Penner ne constituent pas des raisons valables de ne pas respecter ces délais prescrits.

45. Concernant le troisième argument, bien que Papiers Scott portait sur une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale, le Tribunal estime que les principes énoncés dans cette affaire s’appliquent aussi aux demandes présentées aux termes de l’article 68.1 de la Loi, même s’il s’agit d’une différente taxe.

46. Enfin, le Tribunal est d’avis que la décision qu’il a rendue dans Erin Michaels n’est aucunement utile dans Arnold et Bison dans le contexte des présents appels. La question en litige en l’espèce consistait à savoir si le montant du remboursement réclamé en raison d’une présumée erreur donnée pouvait être augmenté. Cette affaire ne portait pas sur l’élargissement des motifs fondant la réclamation d’un remboursement.

47. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les demandes en cause ont été déposées après l’expiration du délai de deux ans prescrit par le paragraphe 68.1(1) de la Loi. Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal n’a pas à déterminer si la demande de Bison a aussi été déposée après l’échéance du 17 février 2003 prescrite par le paragraphe 63(2) de la Loi d’exécution du budget de 2003.

DÉCISION

48. Pour les motifs qui précèdent, les appels sont rejetés.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi].

2 . L’appelante dans l’appel no AP-2009-048 était initialement identifiée comme Bison Diversified Inc. s/n Bison Transport. Toutefois, le 1er avril 2010, le représentant de l’appelante informait le Tribunal que le 8 avril 2002 Bison Diversified Inc. avait changé sa raison sociale pour celle de Bison Transport Inc. Le 13 avril 2010, le Tribunal informait les parties à l’appel que l’intitulé de la cause ferait maintenant référence à Bison Transport Inc.

3 . [2003] 2 C.F. 581 (C.A.F.) [Penner].

4 . 2007 CF 464 [Imperial Oil].

5 . La demande par laquelle Bison demandait le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté est datée du 11 décembre 2005. Toutefois, puisque les éléments de preuve indiquent que le ministre a rejeté cette demande le 21 février 2005, le Tribunal estime que la date indiquée sur la demande est inexacte et que Bison a en réalité demandé le remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel exporté avant le 21 février 2005.

6 . Le 17 juillet 2009, en réponse à une demande de prorogation du délai pour déposer un appel en vertu de l’article 81.19, présentée par Bison en vertu du paragraphe 81.32(1) de la Loi, le Tribunal, en vertu du paragraphe 81.32(7), accordait la prorogation du délai et donnait à Bison jusqu’au 14 août 2009 pour déposer un appel. Voir Bison Diversified Inc. s/n Bison Transport (17 juillet 2009), EP-2009-001 (TCCE).

7 . En 2007, l’article 68 de la Loi était modifié par l’article 43 de la Loi d’exécution du budget de 2007, L.C. 2007, c. 29, et les modifications étaient réputées être entrées en vigueur le 3 septembre 1985. Même si les changements apportés au paragraphe 68(1) de la Loi étaient très mineurs par nature, on ajoutait un nouvel article (article 68.01) prévoyant un mécanisme précis permettant aux utilisateurs finaux de déposer des demandes de remboursement de la taxe d’accise versée à l’égard du combustible diesel utilisé comme huile à chauffage ou pour produire de l’électricité. Le paragraphe 43 de la Loi d’exécution du budget de 2007 prévoyait aussi que si une demande qui avait déjà été faite en vertu de l’article 68 de la Loi aurait pu l’être en vertu de l’article 68.01 de la Loi, elle était réputée avoir été faite en vertu de l’article 68.01 de la Loi. Le Tribunal n’a pas jugé utile de reproduire ces dispositions en l’espèce puisqu’elles ne sont pas pertinentes aux fins de l’analyse du Tribunal et de sa décision sur les présents appels.

8 . Voir le paragraphe 63(2) de la Loi d’exécution du budget de 2003, L.C. 2003, c. 15.

9 . Le combustible diesel a été exporté pendant la période allant du 1er septembre 1998 au 30 septembre 2000.

10 . 2006 CAF 372 (CanLII) [Papiers Scott].

11 . Papiers Scott Ltée c. M.R.N. (11 avril 2002), AP-2000-034 (TCCE).

12 . Papiers Scott Ltée c Canada, 2005 CF 1354 (CanLII).

13 . (10 janvier 1997), AP-94-330 (TCCE) [Erin Michaels].

14 . Papiers Scott Ltée c. M.R.N. (11 avril 2002), AP-2000-034 (TCCE) à la p. 5.

15 . Papiers Scott, au para. 49.

16 . Le Tribunal fait remarquer que les articles 68 et 68.1 de la Loi sont formulés de façon très similaire. Dans les deux cas, les demandes de remboursement de la taxe versée à l’égard des biens doivent être présentées dans un délai de deux ans (s’écoulant à partir du versement de la taxe pour l’article 68 et de l’exportation des marchandises pour l’article 68.1).

17 . Le terme anglais « reefer » est l’abréviation de « refrigerated container » (conteneur frigorifique).