TIFFANY WOODWORTH

Décisions


TIFFANY WOODWORTH
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-035

Décision et motifs rendus
le mardi 11 septembre 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 avril 2007 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 28 décembre 2005 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

TIFFANY WOODWORTH

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 19 avril 2007

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul Berlinguette

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Ivana Maskovic-Markusic

   

Parties :

Shereen Woodworth, pour l’appelante

 

Alysia Davies, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 28 décembre 2005 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé un collier composé d’une chaîne et d’un pendentif contenant un couteau profilé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’arme prohibée.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

For the purposes of this tariff item,

. . .

(b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire [...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

[...]

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 définit « arme prohibée » comme suit :

“prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon;

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.

7. L’article 4 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte 5 prévoit ce qui suit :

4. The weapons listed in Part 3 of the schedule are prohibited weapons for the purposes of paragraph (b) of the definition “prohibited weapon” in subsection 84(1) of the Criminal Code.

4. Les armes énumérées à la partie 3 de l’annexe sont désignées des armes prohibées pour l’application de l’alinéa b) de la définition de « arme prohibée » au paragraphe 84(1) du Code criminel.

8. Les articles 9 et 10 de la partie 3 de l’annexe du Règlement prévoient ce qui suit :

9. Any knife commonly known as a “push-dagger” that is designed in such a fashion that the handle is placed perpendicular to the main cutting edge of the blade and any other similar device other than the aboriginal “ulu” knife.

9. Tout couteau communément appelé « dague à pousser », conçu de telle façon que le manche est perpendiculaire au tranchant principal de la lame, ainsi que tout autre instrument semblable, à l’exception du couteau autochtone « ulu ».

10. Any device having a length of less than 30 cm and resembling an innocuous object but designed to conceal a knife or blade, including the device commonly known as the “knife-comb”, being a comb with the handle of the comb forming a handle for the knife, and any similar device.

10. Tout appareil d’une longueur inférieure à 30 cm, qui ressemble à un objet inoffensif mais qui est conçu pour dissimuler un couteau ou une lame, notamment l’instrument communément appelé « peigne-couteau », lequel est un peigne dont le manche sert de poignée au couteau, et tout autre appareil semblable.

9. La marchandise en cause est décrite dans la documentation des produits d’Axtion Bladez Conceptz comme un « collier-couteau classique Elvenspike de 3 po, modèle ABC-0203, dont le pendentif sert de gaine à une dague à pousser de 2 po à double tranchant en acier inoxydable 440. Le pendentif est en métal plaqué argent. De magnifiques cristaux européens Aurora Borealis authentiques spécialement conçus ornent l’avant. Accompagné d’une chaîne, il est offert dans une élégante boîte cadeau en velours noir munie d’un couvercle. Très populaire auprès des mordus de science fiction et du Seigneur des anneaux et des dames! »6 [traduction]. Le Tribunal a mesuré le couteau et a observé que sa longueur totale était d’environ 5,5 cm (lame et manche) lorsqu’il est engainé et que la longueur de la lame elle-même était d’environ 4,5 cm. La longueur de la marchandise en cause, dans son ensemble (y compris le pendentif et la chaîne), est de 35 cm.

10. Mme Shereen Woodworth a fait valoir que la marchandise en cause était conçue comme une pièce de collection qui doit être appréciée pour ses qualités artistiques et sa beauté esthétique. Elle a également soutenu qu’elle n’était pas conçue pour être utilisée comme une arme. Mme Woodworth a demandé que, si l’appel était rejeté, la marchandise en cause soit divisée en parties à des fins de classement, de telle sorte que le couteau rétractable soit retiré et détruit et que le reste du collier soit autorisé à entrer au pays7 . L’ASFC a indiqué qu’aucune disposition de la Loi sur les douanes n’autorise un reclassement d’une arme prohibée après son désassemblage et que, de toute manière, elle ne pourrait le faire sans réaliser d’autres essais sur la composition de la marchandise en cause.

11. L’ASFC a fait valoir que la marchandise en cause remplit les exigences des articles 9 et/ou 10 de la partie 3 de l’annexe du Règlement et qu’elle est par conséquent prohibée et correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

12. En ce qui concerne l’article 9 du Règlement, l’ASFC a fait valoir que la marchandise en cause satisfait aux deux critères, c’est-à-dire un couteau qui est communément appelé « dague à pousser » et qui est conçu de telle façon que le manche est perpendiculaire au tranchant principal de la lame. L’ASFC a également fait valoir que le fabricant de la marchandise en cause est un fournisseur d’armes blanches et que la documentation décrit la marchandise en cause comme étant une « dague à pousser à double tranchant » [traduction].

13. En ce qui concerne l’article 10 du Règlement, l’ASFC a fait valoir que la marchandise en cause mesure moins de 30 cm de longueur et est conçue comme un pendentif décoratif qui dissimule une lame de couteau. En faisant ce rapprochement, l’ASFC a fait valoir que la marchandise en cause est commercialisée comme une arme dissimulée que les femmes peuvent employer pour se défendre.

14. En ce qui concerne les arguments de Mme Woodworth ayant trait à l’utilisation prévue de la marchandise en cause, l’ASFC a fait savoir qu’il s’agit d’arguments équitables qui ne peuvent faire partie d’une décision sur un point de droit régissant le classement du collier.

ANALYSE

15. Le Tribunal estime que la marchandise en cause est correctement classée comme arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

16. Tel que susmentionné, la marchandise en cause doit être classée comme arme prohibée si elle correspond à la définition de l’article 9 ou 10 de la partie 3 de l’annexe du Règlement.

17. Puisque le paragraphe 136(2) du Tarif des douanes prévoit que le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes 8 « ne s’applique pas aux marchandises visées » du numéro tarifaire 9898.00.00, les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé 9 et les Règles canadiennes 10 ne s’appliquent pas. De plus, la note 1 du chapitre 98 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Les dispositions du présent Chapitre ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle générale interprétative 3a). Les marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent Chapitre peuvent être classées dans ladite disposition si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées. » Par conséquent, les marchandises qui peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 doivent être classées dans ce numéro tarifaire.

18. La marchandise en cause ne correspond pas à la définition d’une arme dissimulée aux termes de l’article 10 du Règlement parce qu’elle mesure plus de 30 cm de longueur.

19. Toutefois, le Tribunal convient avec l’ASFC que la marchandise en cause remplit les exigences de l’article 9 du Règlement. Les deux critères à remplir sont que la marchandise en cause doit être a) « [...] communément appelé[e] “dague à pousser” [...] » et b) « [...] conçu[e] de telle façon que le manche est perpendiculaire au tranchant principal de la lame [...] ». Pour ce qui est du premier critère, Mme Woodworth et le fabricant de la marchandise en cause y font référence comme une « dague à pousser »11 . Pour ce qui est du second critère, le Tribunal conclut que la marchandise en cause a un manche qui est perpendiculaire au tranchant principal de la lame12 .

20. Même si Mme Woodworth a fait valoir que la marchandise en cause est conçue pour être utilisée comme un bijou et non comme une arme, cet élément ne peut être pris en compte pour déterminer le classement tarifaire de la marchandise en cause, en raison des dispositions pertinentes de la législation et du Règlement.

21. En ce qui concerne la demande de Mme Woodworth de diviser la marchandise en cause en parties à des fins de classement, le Tribunal fait mention de la décision de la Cour suprême du Canada dans Deputy M.N.R.C.E. v. MacMillan & Bloedel (Alberni) Ltd. 13 , où il est indiqué que la période pour déterminer le classement tarifaire est au moment de l’entrée au Canada des marchandises assujetties aux droits. La Cour suprême du Canada en est venue à cette conclusion en raison du libellé de la législation canadienne sur les douanes en vigueur en 195514 . De l’avis du Tribunal, le principe énoncé dans MacMillan Bloedel est toujours valable aujourd’hui, malgré les diverses modifications que le Parlement a apportées aux lois sur les douanes au fil des ans depuis cette affaire15 . Par conséquent, il n’est pas de la compétence du Tribunal de classer séparément les parties de la marchandise en cause. Toutefois, le Tribunal fait remarquer que l’ASFC a peut-être des procédures administratives pour désactiver l’arme et permettre de retourner le collier à Mme Woodworth après la désactivation.

22. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . D.O.R.S./98-462 [Règlement].

6 . Mémoire de l’intimé, onglet 3 à la p. 10.

7 . Lettre au Tribunal datée du 18 janvier 2007.

8 . Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe. »

9 . Supra note 2, annexe.

10 . Ibid.

11 . Pièces du Tribunal nos AP-2006-035-4 et AP-2006-035-7; mémoire de l’intimé, onglet 3.

12 . Mémoire de l’intimé, onglet 3.

13 . [1965] R.C.S. 366 [MacMillan Bloedel].

14 . Le paragraphe 43(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1952, c. 58, modifié par 3-4 Eliz. II, c. 32 (1955), prévoit ce qui suit : « Sous réserve du présent article, une détermination de la classification tarifaire ou une estimation de la valeur en douane de toutes marchandises, faite au moment de leur déclaration en douane, est définitive et péremptoire, à moins que l’importateur, dans les soixante jours de la date de déclaration en douane, ne fasse une demande écrite, selon la forme et de la manière prescrites, à un appréciateur fédéral des douanes en vue d’une nouvelle détermination ou estimation »[traduction].

15 . Le paragraphe 17(1) de la Loi sur les douanes prévoit ce qui suit : « Les marchandises importées sont passibles de droit à compter de leur importation jusqu’à paiement ou suppression des droits » [nos italiques]. Voir également le paragraphe 20(1) du Tarif des douanes, qui prévoit ce qui suit : « [...] est perçu [...] sur les marchandises énumérées dans [l’annexe], au moment de leur importation, un droit de douane, payable en conformité avec [le Tarif des douanes et l’annexe] [...] » [nos italiques].