A. Z.

Décisions


A. Z.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-057

Décision et motifs rendus
le mercredi 30 janvier 2008


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 31 octobre 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 17 janvier 2007, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

A. Z. 

Appelant

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa, Ontario

Date de l’audience :

Le 31 octobre 2007

   

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Agent de la recherche :

Jo-Anne Smith

   

Agent du greffe :

Danielle Lanteigne

   

Parties :

A. Z., pour l’appelant

 

Claudine Patry, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), datée du 17 janvier 2007, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ASFC a correctement classé deux fusils à balles de peinture à titre de dispositifs prohibés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 . Les fusils en cause sont deux fusils identiques à balles de peinture de modèle Real Action Marker (RAM) RAP4, fabriqués à Hong Kong par Asia Paintball Supply (APS) Ltd. et distribués en Amérique du Nord par Real Action Paintball, de Santa Clara (Californie). Ils sont présumés être des répliques d’une carabine de modèle Colt M4.

3. Les fusils en cause ont été retenus par l’ASFC les 31 octobre et 29 novembre 2006 au moment de leur importation par la poste au Canada. Le 4 décembre 2006, A. Z. a demandé le réexamen de la décision de l’ASFC concernant l’admissibilité des fusils en cause. Le 17 janvier 2007, l’ASFC a confirmé qu’elle était d’avis que les fusils en cause étaient correctement classés à titre de dispositifs prohibés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que leur importation au Canada était donc interdite. Le 1er février 2007, A.Z. a interjeté appel auprès du Tribunal.

4. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

5. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

6. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit en partie ce qui suit :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

For the purposes of this tariff item,

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

. . . 

[...]

(b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

7. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique d’arme à feu, qui est définie comme il suit :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

8. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme il suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

9. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » comme il suit :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

10. L’ASFC a déposé les fusils en cause comme pièces. L’ASFC a aussi fourni comme pièce la véritable arme à feu à laquelle les fusils en cause sont présumés ressembler. Le Tribunal a examiné toutes les pièces.

11. De plus, l’ASFC a déposé un rapport d’expert5 préparé par M. Jacques Rioux de la Direction du service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les qualifications de M. Rioux à titre d’expert en armes n’ont pas été mises en doute par A.Z. Le Tribunal a accepté M. Rioux à titre d’expert en armes prohibées. M. Rioux a déclaré que, selon son avis d’expert, les fusils en cause sont des répliques au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

12. A.Z. a prétendu que des fusils identiques aux fusils en cause sont en vente au Canada chez des détaillants qui les commandent de la même société. Il a aussi mentionné qu’il connaît plusieurs chasseurs qui commandent de véritables fusils de chasse des États-Unis et qui n’ont jamais eu de difficultés. De plus, A. Z. a soutenu que, si on ne lui permettait pas d’avoir les fusils en cause, il devrait être en mesure de les retourner afin d’obtenir un remboursement ou un crédit du fournisseur.

13. Selon l’ASFC, les fusils en cause sont des répliques et sont conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une véritable arme à feu, à savoir la carabine de modèle Colt M4, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou on a voulu leur donner cette apparence. Elle a soutenu que les fusils en cause n’étaient pas des armes à feu ni des répliques d’armes à feu historiques. Concernant les arguments de A. Z., l’ASFC a soutenu que la présence de marchandises similaires, plus réalistes ou plus dangereuses, sur le marché canadien n’avait aucun rapport avec la détermination du Tribunal qui consiste à savoir si les fusils en cause sont des dispositifs prohibés au sens du Code criminel 6 . L’ASFC a souligné que le Tribunal a réitéré à de nombreuses reprises qu’il n’est pas un tribunal d’équité et qu’il doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigé7 . Elle a ajouté que le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur la disposition des marchandises.

ANALYSE

14. Afin de déterminer si les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’ils satisfont à la définition de « réplique » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour être considéré une « réplique », un dispositif doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas s’agir d’une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a fait valoir que le site Web8 du distributeur fait la publicité des fusils en cause en les décrivant comme « identiques au fusil légendaire M4 utilisé par les équipes d’intervention et l’armée américaine9  » [traduction], de sorte qu’ils ont l’apparence exacte de la carabine de modèle Colt M4 ou qu’ils la reproduisent le plus fidèlement possible. Le Tribunal a constaté, après examen des fusils en cause et de la véritable carabine de modèle Colt M4 qui a servi de modèle, une grande ressemblance de taille, de forme et d’apparence générale. À la lumière de la documentation relative à la carabine de modèle Colt M4 fournie par l’ASFC10 , le Tribunal convient que cette carabine est une arme à feu au sens du Code criminel parce qu’il s’agit d’une arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer des balles, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les fusils en cause satisfont à la première condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’ils sont conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou qu’on a voulu leur donner cette apparence.

16. Selon l’ASFC, les fusils en cause ne sont pas des armes à feu étant donné que les projectiles qu’ils tirent ne sont pas susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne comme l’exige la définition d’« arme à feu » énoncée à l’article 2 du Code criminel. À cet égard, le Tribunal accepte la preuve non contestée fournie par M. Rioux dans son rapport d’expert et selon laquelle, au cours des essais, les fusils en cause ont tiré des balles de peinture à des vélocités moyennes de 94,60 mètres par seconde et de 95,76 mètres par seconde. Selon l’avis d’expert de M. Rioux, ces vélocités ne suffisent pas à infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. M. Rioux a souligné que la Direction du service des laboratoires judiciaires de la GRC interprète le terme « lésions corporelles graves » comme signifiant la pénétration ou la rupture de l’œil. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal convient avec l’ASFC que les fusils en cause ne sont pas des armes à feu. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les fusils en cause satisfont à la deuxième condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’armes à feu.

17. Selon l’ASFC, la carabine de modèle Colt M4 n’est pas une arme à feu historique étant donné qu’elle n’a pas été fabriquée avant 1898, soit l’année avant laquelle une arme à feu doit avoir été fabriquée pour être considérée une « arme à feu historique » en vertu du Code criminel. Elle a présenté des éléments de preuve établissant que ce modèle particulier de fusil a été mis sur le marché en 199111 . Ces éléments de preuve n’ont pas été contestés. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les fusils en cause satisfont à la troisième condition de la définition de « réplique », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été conçus de façon à avoir l’apparence exacte ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu historique, ou qu’on n’a pas voulu leur donner cette apparence.

18. Par conséquent, les fusils en cause satisfont aux trois conditions de la définition de « réplique » énoncée au Code criminel. Puisque le Code criminel prévoit qu’une « réplique » est un « dispositif prohibé », le Tribunal conclut que les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, de sorte que leur importation au Canada est interdite en vertu du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

19. Pour ce qui est de l’argument selon lequel des fusils identiques aux fusils en cause ont été achetés et importés au Canada de la même société et que des gens ont commandé de véritables fusils de chasse des États-Unis sans difficultés, le Tribunal fait référence aux décisions qu’il a rendues dans Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 12 et Romain L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 13 , où le Tribunal a dit qu’il « [...] n’est pas un tribunal d’équité et doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée14  » et qu’« [...] il n’est pas pertinent que toute expédition antérieure [...] n’ait pas été interceptée par l’ASFC ou par ses prédécesseurs. Que l’ASFC prenne ou non une mesure administrative ne peut pas changer la loi15 . »

20. L’autre argument soulevé par A. Z. portait sur la disposition des fusils en cause. Comme le Tribunal l’a déjà énoncé dans Catherine Roozen c. Sous-M.R.N. 16 et Charles Leung c. Sous-M.R.N. 17 , le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur la disposition des marchandises. Si A. Z. désire que cette question soit examinée, il incombe à l’ASFC ou aux tribunaux judiciaires de le faire.

DÉCISION

21. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . Pièce du Tribunal AP-2006-057-17A.

6 . À l’appui de cet argument, l’ASFC a cité les décisions rendues par le Tribunal dans Robert Gustas c. Sous-M.R.N. (14 janvier 1997), AP-96-006 (TCCE), et Don L. Smith c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (26 septembre 2003), AP-2002-009 (TCCE).

7 . À titre d’exemple, l’ASFC a cité la décision rendue par le Tribunal dans John Campeau c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 mars 2006), AP-2005-024 (TCCE).

8 . Mémoire de l’intimé, onglet 7.

9 . Mémoire de l’intimé, onglet 7 à la p. 1.

10 . Mémoire de l’intimé, onglets 9, 10.

11 . Mémoire de l’intimée, onglet 16.

12 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) [Ericksen].

13 . (18 octobre 2005), AP-2004-007 (TCCE) [Klaasen].

14 . Ericksen, à la p. 3.

15 . Klaasen, à la p. 2.

16 . (1er mars 1999), AP-96-057 (TCCE).

17 . (27 février 2002), AP-99-080 (TCCE).