SY MARKETING INC.

Décisions


SY MARKETING INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2006-040

Décision rendue
le lundi 2 juin 2008

Motifs rendus
le jeudi 17 juillet 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 27 novembre 2007, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 29 août 2006, concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

SY MARKETING INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 27 novembre 2007

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Agent de la recherche :

Gabrielle Nadeau

   

Greffier adjoint :

Gillian Burnett

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

   

Sy Marketing Inc.

Barry Korchmar

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Jennifer Francis

TÉMOINS :

Henry Sy
Président
Sy Marketing Inc.

Massimo F. Marcone
Professeur adjoint
Département des sciences alimentaires
Collège d’agriculture de l’Ontario
Université de Guelph

   

Kathleen Smith
Chimiste alimentaire
Section des produits organiques et inorganiques
Direction des travaux scientifiques et de laboratoire
Agence des services frontaliers du Canada

Donald Bush
Expert-conseil en inspection des aliments

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté par Sy Marketing Inc. (Sy Marketing) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues le 29 août 2006 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des canettes de nectar de jus de mangue de marque PhilippineMD (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres boissons non alcoolisées, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 2009.80.19 à titre d’autres jus de tout autre fruit ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 2008.99.30 à titre d’autres fruits autrement préparés ou conservés, comme l’a soutenu Sy Marketing.

3. La nomenclature du Tarif des douanes qui, selon Sy Marketing, s’applique aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

20.08 Fruits et autres parties comestibles de plantes, autrement préparés ou conservés avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants ou d’alcool, non dénommés ni compris ailleurs.

[…]

-Autres, y compris les mélanges à l’exception de ceux du no 2008.19 :

[…]

2008.99 - -Autres

[…]

2008.99.30 - - -[…] mangues […]

[…]

20.09 Jus de fruits (y compris les moûts de raisin) ou de légumes, non fermentés, sans addition d’alcool, avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants.

[…]

2009.80 -Jus de tout autre fruit ou légume

- - -D’un fruit :

[…]

2009.80.19 - - - -Autres

4. La nomenclature du Tarif des douanes qui, selon l’ASFC, s’applique aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

22.02 Eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d’autres édulcorants ou aromatisées, et autres boissons non alcooliques, à l’exclusion des jus de fruits ou de légume du no 20.09.

[…]

2202.90 -Autres

[…]

2202.90.90 - - -Autres

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

5. Les marchandises en cause ont été importées des Philippines par Sy Marketing, importateur non résident à Santa Clara (Californie), entre le 26 juillet 2004 et le 16 décembre 2005, sous 24 numéros de transaction distincts. À la suite d’une vérification de conformité douanière, l’ASFC a déterminé qu’aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi, les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d’autres boissons non alcoolisées.

6. Sy Marketing a alors présenté des demandes de réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi. Le 29 août 2006, l’ASFC a rendu ses décisions aux termes du paragraphe 60(4), par lesquelles elle a rejeté les demandes et confirmé sa détermination antérieure à l’égard du classement tarifaire des marchandises en cause.

7. Le 27 novembre 2006, Sy Marketing a interjeté appel des décisions auprès du Tribunal.

8. Une audience publique a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 27 novembre 2007. M. Massimo F. Marcone, professeur, Département des sciences alimentaires au Collège d’agriculture de l’Ontario de l’Université de Guelph, a témoigné au nom de Sy Marketing. M. Marcone a été qualifié par le Tribunal d’expert en chimie alimentaire, en génie alimentaire et en droit alimentaire international. Mme Kathleen Smith, chimiste alimentaire de la Section des produits organiques et inorganiques de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de l’ASFC, a témoigné au nom de l’ASFC. Mme Smith a été qualifiée par le Tribunal d’expert en analyse chimique des produits alimentaires et organiques.

9. En plus des témoins experts mentionnés plus haut, le Tribunal a aussi entendu deux témoins ordinaires, à savoir M. Henry Sy, président de Sy Marketing, qui a témoigné au nom de Sy Marketing, et M. Donald Bush, expert-conseil en inspection des aliments, qui a témoigné au nom de l’ASFC.

MARCHANDISES EN CAUSE

10. Les marchandises en cause sont fabriquées aux Philippines par Profood International Corporation et importées au Canada par Sy Marketing. Selon M. Sy, au moment de l’audience, les marchandises en cause étaient principalement vendues à des épiceries orientales et à Costco Wholesale Canada Ltd.

11. Sy Marketing a déposé comme pièces auprès du Tribunal deux canettes de « Philippine Brand™ Mango Juice Nectar » (nectar de jus de mangue de marque PhilippineMD) (de 250 ml chacune). Elle a aussi déposé un Tetra Pak de « Buavita Mango Juice » (jus de mangue Buavita) (1 000 ml), qui n’était pas une marchandise en cause mais qui a servi aux fins de comparaison.

12. L’étiquette sur les marchandises en cause précise que le produit n’est « PAS fait de concentré » [traduction] et qu’il « contient 37 p. 100 de jus » [traduction]. L’étiquette indique les ingrédients suivants : « eau, NECTAR DE JUS DE MANGUE, sucre, acide citrique, acide ascorbique (vitamine C) » [traduction].

ANALYSE

13. Dans le cadre d’appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire correct des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

14. La nomenclature tarifaire est établit d’une manière considérablement détaillée à l’annexe du Tarif des douanes, qui se divise en sections et chapitres. Chaque chapitre énumère les marchandises classées dans un certain nombre de positions, de sous-positions et de numéros tarifaires. Les sections et les chapitres peuvent comprendre des notes sur leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que doit suivre le Tribunal pour interpréter l’annexe de manière à correctement classer une marchandise donnée.

15. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « […] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[3] et les Règles canadiennes[4] énoncées à l’annexe. »

16. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite5 . Par conséquent, le classement commence toujours par la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « […] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

17. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). »

18. Une fois que le Tribunal a utilisé ce processus pour déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés suivant l’application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la première et des Règles canadiennes dans le cas du dernier.

19. Dans le présent appel, le litige entre les parties se situe au niveau de la position. Sy Marketing prétend que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 20.09 à titre de jus de fruits ou, subsidiairement, dans la position no 20.08 à titre de fruits autrement préparés ou conservés. Par ailleurs, l’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 22.02 à titre d’autres boissons non alcoolisées.

20. Le libellé des positions concurrentes se lit comme suit :

20.08 Fruits et autres parties comestibles de plantes, autrement préparés ou conservés avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants ou d’alcool, non dénommés ni compris ailleurs.

20.09 Jus de fruits (y compris les moûts de raisin) ou de légumes, non fermentés, sans addition d’alcool, avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants.

22.02 Eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d’autres édulcorants ou aromatisées, et autres boissons non alcooliques, à l’exclusion des jus de fruits ou de légumes du no 20.09.

21. Le Tribunal observe qu’il n’y a aucune note de chapitre ou de section pertinente pour la détermination de la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées. Le Tribunal observe également que les parties n’ont invoqué aucun Avis de classement à l’appui de leurs arguments respectifs. Le Tribunal est toutefois d’avis que les Notes explicatives des positions nos 20.08 et 20.09 énoncent des facteurs pertinents pour le présent appel.

22. Les Notes explicatives de la position no 20.08 prévoient ce qui suit :

[…]

[Cette position] comprend notamment :

[…]

(5) Les fruits entiers, tels que pêches (y compris les brugnons et nectarines), abricots, oranges (même pelés, dénoyautés ou épépinés), écrasés et stérilisés, même additionnés d’eau ou de sirop de sucre mais en quantité insuffisante pour qu’ils soient consommables en l’état comme boissons. Les produits de l’espèce qui, par adjonction d’une quantité suffisante d’eau ou de sirop de sucre, ont été rendus consommables comme boissons, relèvent du no 22.02.

[…]

23. Les Notes explicatives de la position no 20.09 prévoient ce qui suit :

[…]

Sous réserve de conserver leur caractère originel, les jus de fruits ou de légumes de la présente position peuvent contenir les substances du type mentionné ci-après, qu’elles résultent des traitements subis ou qu’elles aient été ajoutées :

1) Sucre.

2) Autres édulcorants, naturels ou synthétiques, sous réserve que la quantité ajoutée ne dépasse pas celle nécessaire à une édulcoration normale des jus et que ces derniers remplissent, par ailleurs, toutes les conditions requises pour être rangés dans la présente position, en particulier celle relative à l’équilibre des différents composants prévu au paragraphe 4) ci-dessous.

3) Produits destinés à assurer la conservation des jus ou à prévenir la fermentation (anhydride sulfureux, anhydride carbonique, enzymes, etc.).

4) Produits destinés à assurer l’uniformité de la qualité (mise au type), tels que acide citrique, acide tartrique, à restituer aux jus des éléments détruits ou détériorés en cours de fabrication (vitamines, substances colorantes, etc.) ou à fixer l’arôme (addition de sorbitol, par exemple, aux jus de fruits en poudre ou cristallisés). Sont toutefois exclus de la présente position les jus de fruits auxquels on a ajouté un des constituants du jus (acide citrique, huile essentielle tirée du fruit, etc.) en une quantité telle que l’équilibre des différents composants dans le jus naturel est manifestement rompu, le caractère originel du produit étant, dans ce cas, modifié.

[…]

Par contre, l’adjonction d’eau à un jus de fruit ou de légume de composition normale ou l’adjonction, à un jus préalablement concentré, d’eau dans une proportion supérieure à celle qui est nécessaire pour rendre ce concentré la composition du jus dans son état naturel, confère aux produits obtenus le caractère de dilutions revêtant le caractère des boissons du no 22.02. […]

24. Sy Marketing a prétendu que même si les marchandises en cause sont produites et commercialisées comme nectars, elles respectent les dispositions des Notes explicatives de la position no 20.09, puisqu’elles ont, selon les normes permises, les mêmes composants, dans les mêmes proportions, que le fruit naturel. Elle a invoqué le rapport d’expert et le témoignage de M. Marcone qui, selon Sy Marketing, confirme que la composition des marchandises en cause correspond à celle d’une mangue. Elle a soutenu que lorsque les mangues sont traitées, il y a une perte d’eau en raison de l’évaporation et de l’activité enzymatique. Elle a toutefois soutenu que lorsque les marchandises en cause sont produites, la quantité d’eau ajoutée ne rend pas la teneur en eau supérieure à la proportion d’eau se trouvant dans le fruit naturel. Même si elle a admis que du sucre était peut-être ajouté aux marchandises en cause, elle a fait valoir que cela était permis par les dispositions des positions et des Notes explicatives. Pour ces motifs, Sy Marketing est d’avis que les marchandises en cause sont des jus de fruits visés par la position no 20.09.

25. Quant à sa prétention subsidiaire selon laquelle les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans la position no 20.08, Sy Marketing a soutenu que les marchandises en cause sont des purées de fruits susceptibles de consommation immédiate. Elle a de nouveau prétendu que l’adjonction d’eau pendant le procédé de fabrication ne fait que rétablir la teneur en eau se trouvant dans le fruit naturel. Par conséquent, selon Sy Marketing, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un procédé qui rend les purées « […] consommables en l’état […] », de sorte que l’exception figurant aux Notes explicatives de la position no 20.08 ne s’applique pas.

26. Le Tribunal observe qu’à l’audience, Sy Marketing a décidé d’abandonner sa prétention subsidiaire selon laquelle les marchandises en cause sont des purées de fruits visées par la position no 20.08 et a plutôt décidé d’invoquer uniquement sa prétention selon laquelle les marchandises sont des jus de fruits visés par la position no 20.098 . Toutefois, compte tenu de l’incertitude concernant la composition exacte des marchandises en cause et compte tenu des similitudes dans les circonstances visées dans les Notes explicatives qui mènent à l’exclusion des marchandises en cause de ces positions (c.-à-d. l’adjonction d’eau), le Tribunal continuera d’examiner les deux positions pour déterminer le classement tarifaire correct.

27. L’ASFC a prétendu que les résultats de tests obtenus par Mme Smith indiquent que la composition des marchandises en cause révèle qu’elles ont été faites à partir de pulpe ou de purée de mangue à laquelle une grande quantité de sucre et d’eau a été ajoutée. Elle a soutenu que, selon les Notes explicatives de la position no 20.09, l’adjonction d’eau aux jus de fruits normaux entraîne des produits dilués qui sont des boissons visées par la position no 22.02. Cependant, estimant que les marchandises en cause sont faites à partir de pulpe ou de purée de mangue plutôt que de fruits pressés et que les purées sont des produits visés par la position no 20.08, elle a aussi prétendu qu’il faut tenir compte des Notes explicatives de la position no 20.08. À cet égard, elle a fait valoir que l’adjonction d’eau aux marchandises en cause les avait rendues consommables en l’état comme boissons, de sorte que les Notes explicatives prévoient qu’elles doivent être considérées comme des boissons visées par la position no 22.02.

28. L’ASFC a prétendu que, selon leur composition, les marchandises en cause sont généralement considérées des nectars. Selon elle, les définitions du terme « nectar », y compris celle qui figure dans le Codex Alimentarius 9 , énoncent que le nectar est essentiellement un produit obtenu au moyen de l’adjonction d’eau à du jus ou à de la purée de fruit, avec ou sans d’autres ingrédients, comme le sucre, les acides et les vitamines. L’ASFC a ajouté que le Tribunal a déjà conclu, dans Excelsior Foods Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 10 , que les marchandises dont la composition est similaire aux marchandises en cause sont des nectars correctement classés dans la position no 22.02. Puisque la décision rendue par le Tribunal dans Excelsior a aussi été confirmée par la Cour d’appel fédérale11 , l’ASFC a prétendu qu’il s’agit d’un précédent d’application obligatoire qui doit être suivi en l’espèce.

29. Compte tenu du libellé des Notes explicatives des positions nos 20.08 et 20.09 et des observations des parties, il est clair pour le Tribunal qu’une question importante à laquelle il faut répondre pour trancher le présent appel consiste à savoir si les marchandises en cause contiennent de l’eau ajoutée (c.-à-d. de l’eau qui ne se trouvait pas déjà dans le jus ou la purée de mangue en son état originel) et, dans l’affirmative, en quelle quantité.

30. Le Tribunal observe que, dans la réponse de Mme Smith au rapport d’expert de M. Marcone, il est indiqué que le Règlement sur les aliments et drogues 12 exige que les ingrédients d’un produit figurent sur l’étiquette par ordre d’importance (c.-à-d. par ordre descendant par rapport à leur proportion dans le produit) et que les composants des ingrédients, s’il y a lieu, figurent immédiatement à côté de leurs ingrédients connexes13 . Sy Marketing n’a pas contesté ce fait et, à l’audience, M. Marcone a déclaré savoir que les ingrédients doivent être énumérés par ordre d’importance, du plus important au moins important14 . Puisque l’étiquette sur les marchandises en cause indique « eau » comme premier ingrédient et que l’étiquette indique aussi que le produit n’est « PAS fait de concentré » et « contient 37 p. 100 de jus », cela paraît indiquer que de l’eau a effectivement été ajoutée. Toutefois, Sy Marketing, se fondant sur le témoignage de M. Marcone, est d’avis que l’étiquette est erronée ou trompeuse15 . Par conséquent, Sy Marketing a soutenu que les marchandises en cause ne doivent pas être classées selon l’information figurant sur l’étiquette et a cité la décision rendue par le Tribunal dans Costco Canada Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 16 à l’appui de cet argument.

31. Le Tribunal convient que même si l’information figurant sur l’étiquette fournit une indication de la teneur d’un produit, elle n’est pas nécessairement concluante aux fins du classement. Par conséquent, en plus d’examiner l’information figurant sur l’étiquette, le Tribunal examinera les autres éléments de preuve pour déterminer si les marchandises en cause contiennent de l’eau ajoutée.

Les marchandises en cause contiennent-elles de l’eau ajoutée?

32. Comme il a été mentionné, Sy Marketing soutient que les marchandises en cause ne contiennent aucune autre eau ajoutée que l’eau nécessaire pour compenser toute perte d’eau causée par l’évaporation et l’activité enzymatique pendant le traitement et pour rétablir la teneur en eau du fruit naturel. D’après elle, cela est confirmé par les résultats de l’analyse de M. Marcone, qui indiquent que la composition des marchandises en cause est très semblable à la composition des mangues.

33. Dans son rapport d’expert, M. Marcone a déclaré que les seuls sucres solubles se trouvant dans les marchandises en cause étaient le fructose, le glucose et le saccharose. Il a ajouté que la quantité totale des trois sucres solubles, le ratio glucose-fructose et la quantité de saccharose exprimée en pourcentage du sucre total étaient conformes aux quantités généralement indiquées dans les ouvrages scientifiques de référence ayant trait au jus ainsi qu’à la pulpe ou purée de mangue de même qu’aux résultats obtenus à partir de ses propres travaux d’analyse effectués sur des mangues « Fat Cat » dans son laboratoire. M. Marcone a aussi déclaré que l’acidité totale des marchandises en cause était conforme à ce qu’énoncent les ouvrages scientifiques. Enfin, M. Marcone a comparé les résultats susmentionnés avec les résultats obtenus pour un autre produit de mangue commercial, le jus de mangue Buavita, et les a trouvés analogues. En fonction de ces résultats, M. Marcone a déclaré qu’à son avis, la composition des marchandises en cause est très semblable à celle des mangues et que, pour cette raison, l’étiquette sur le produit ne fournit pas une description exacte de sa teneur. À son avis, les marchandises en cause sont composées intégralement de jus de mangue.

34. L’ASFC, par contre, soutient que les marchandises en cause contiennent de l’eau ajoutée et que cela peut être prouvé par la démonstration que le sucre présent dans les marchandises en cause ne provient pas seulement des mangues. Selon l’ASFC, si du sucre a été ajouté aux marchandises en cause, il faut aussi avoir ajouté de l’eau pour contrebalancer l’adjonction de sucre et maintenir une concentration totale de sucre semblable à celle des mangues.

35. En réponse au rapport d’expert de M. Marcone, Mme Smith a déclaré qu’elle a effectué une analyse du rapport isotopique du carbone des marchandises en cause pour détecter la présence de sucre ajouté. Elle a expliqué qu’en comparant le ratio des isotopes de carbone stables 13C et 12C obtenus pour les marchandises en cause et les valeurs de référence citées dans les ouvrages scientifiques concernant les mangues, le sucre de cane et le glycose17 , elle a été en mesure de déterminer qu’environ la moitié du sucre se trouvant dans les marchandises provenait d’une source de sucre de cane ou de glycose. Plus particulièrement, en comparant un ratio de -18,7 obtenu pour les marchandises en cause et le ratio moyen de -11,5 pour le sucre de cane et le glycose et un ratio de -25,5 pour les mangues, elle a déterminé qu’environ la moitié du sucre devait provenir d’une source de sucre de cane ou de glycose afin de diminuer le ratio de -25,5, qui est le ratio généralement constaté pour les mangues, à -18,7, qui est le ratio constaté pour les marchandises en cause18 .

36. Dans son témoignage, Mme Smith a déclaré que si la moitié du sucre provenait d’une source supplémentaire, l’autre moitié devait provenir des mangues. Puisqu’elle avait indiqué antérieurement dans son rapport d’expert que la quantité totale de sucre comptait pour 12,4 p. 100 des marchandises en cause19 , elle a conclu que 6,2 p. 100 des marchandises en cause comprenaient du sucre tiré d’une source de mangue et qu’une autre tranche de 6,2 p. 100 des marchandises en cause était composée de sucre provenant d’une source de sucre de cane ou de glycose. Ensuite, en comparant la quantité de sucre se trouvant normalement dans la pulpe ou purée de mangue (elle a utilisé une valeur de 15 p. 100 en fonction des ouvrages)20 et la quantité de sucre de mangue se trouvant dans les marchandises en cause (c.-à-d. 6,2 p. 100), elle a été en mesure de déterminer que les marchandises en cause étaient composées d’environ 40 p. 100 de pulpe ou purée de mangue, ce qui se rapproche beaucoup de la teneur de 37 p. 100 de jus indiquée sur l’étiquette. En fonction de ces résultats, elle a établi que les marchandises en cause étaient constituées d’environ 50 p. 100 d’eau ajoutée tandis que l’autre tranche de 50 p. 100 était constituée de pulpe ou purée de mangue, de sucre ajouté et d’une faible quantité d’autres ingrédients. Elle a donc conclu que son analyse était conforme à l’ordre d’importance figurant sur la liste des ingrédients de l’étiquette des marchandises en cause (c.-à-d. eau, nectar de jus de mangue, sucre, etc.).

37. Concernant les conclusions de M. Marcone, Mme Smith a déclaré qu’à son avis, la quantité totale de sucre et les ratios spécifiques d’un type de sucre par rapport à un autre ne sont importants pour l’identification d’un fruit que s’il n’y a pas de sucre ajouté. Elle a reconnu que s’il n’y avait pas de sucre ajouté, les résultats obtenus par M. Marcone seraient compatibles aux résultats relatifs aux mangues. Elle est toutefois d’avis que la présence de sucre ajouté dans les marchandises en cause entraîne des conclusions très différentes.

38. Dans son témoignage, M. Marcone a reconnu que son rapport d’expert n’indiquait pas que le sucre se trouvant dans les marchandises en cause ne venait que de mangues et a convenu qu’en effectuant une analyse du rapport isotopique du carbone, on pourrait détecter la présence de sucre ajouté21 . M. Marcone a aussi convenu que, s’ils étaient exacts, les résultats de l’analyse du rapport isotopique du carbone obtenus par Mme Smith indiqueraient qu’environ la moitié du sucre se trouvant dans les marchandises en cause provenait d’une source de sucre de cane ou de glycose22 . Toutefois, M. Marcone a contesté la valeur de référence de -25,5 utilisée par Mme Smith pour les mangues. Il a expliqué que, puisque les mangues sont un composé biologique, il aurait fallu utiliser une fourchette de valeurs de référence. Il a observé que l’ouvrage à partir duquel Mme Smith a obtenu la valeur indiquait des fourchettes de valeurs pour les principaux fruits commerciaux, mais non pas pour les mangues. M. Marcone était d’avis qu’en appliquant la fourchette indiquée pour le jus de raisin dans ce même ouvrage à la valeur de référence pour les mangues, on pouvait conclure qu’aucun sucre n’avait été ajouté ou, subsidiairement, que beaucoup plus de sucre avait été ajouté.

39. À l’audience, Mme Smith a attesté que les valeurs de référence utilisées pour l’analyse du rapport isotopique du carbone ont été tirées d’un ouvrage qui compilait les résultats d’articles de revues de référence et que le tableau d’où provenait la valeur de référence pour les mangues ne comportait pas de fourchettes. Elle a cependant reconnu qu’il existe une fourchette pour les mangues mais que, pour des raisons d’espace, l’ouvrage ne les indiquait pas. À son avis, les fruits qui ont des valeurs de référence se situant environ à -25 sont appelés plantes C3 et ces plantes ont des valeurs de référence qui se situent généralement entre -22 et -30. Selon Mme Smith, même si on tenait pour acquis que la valeur de référence pour les mangues était de -22 plutôt que de -25,5, les analyses mèneraient néanmoins à la conclusion selon laquelle une grande quantité de sucre, et donc d’eau, a été ajoutée aux marchandises en cause.

40. Le Tribunal observe que, pour l’essentiel, dans les analyses effectuées par M. Marcone et Mme Smith, la base de comparaison avec les marchandises en cause était le fruit frais. Toutefois, dans certains cas, M. Marcone a utilisé du jus de mangue comme base de comparaison. Même si cela peut paraître à première vue problématique compte tenu du fait que la position no 20.08 exige une comparaison avec le fruit lui-même (ou la purée) et que la position no 20.09 exige une comparaison avec le jus, M. Marcone et Mme Smith ont attesté qu’aux fins d’analyse comme celle de la teneur en sucre et de l’acidité totale, il n’importait pas que des fruits frais ou du jus aient été utilisés comme base de comparaison23 . M. Marcone a cependant observé qu’il pouvait y avoir des différences par rapport à d’autres éléments constitutifs du fruit frais et du jus. Puisque les principaux éléments de preuve présentés par les deux témoins experts étaient essentiellement des comparaisons entre les types et les niveaux de sucre sous une forme ou sous une autre, le Tribunal est d’avis qu’il doit examiner les analyses utilisant le fruit frais (ou la purée) et le jus comme base de comparaison pour déterminer si de l’eau a été ajoutée aux marchandises en cause.

41. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve produits et le témoignage rendu par Mme Smith indiquent clairement qu’afin de déterminer si de l’eau a été ajoutée aux marchandises en cause, il est nécessaire de déterminer d’abord si du sucre a été ajouté. Même si M. Marcone était d’avis que la quantité totale de sucre se trouvant dans les marchandises en cause était semblable à la quantité de sucre se trouvant dans les mangues, le Tribunal n’est pas convaincu que cela suffit en soi pour établir que les marchandises en cause sont composées entièrement de purée ou de jus de fruit. Comme l’indique les éléments de preuve d’expert, on peut facilement voir que, tant que de l’eau et du sucre sont ajoutés à un produit en proportions appropriées, le pourcentage total de sucre de ce produit peut toujours être ajusté de manière à correspondre approximativement au pourcentage de sucre se trouvant naturellement dans un autre fruit ou jus.

42. Le Tribunal observe que les deux témoins experts ont convenu que la présence de sucre ajouté pouvait être détectée au moyen d’une analyse du rapport isotopique du carbone des marchandises en cause. Le Tribunal observe aussi que même si M. Marcone n’a pas effectué une telle analyse, il a tenté de soulever des doutes sur les conclusions de Mme Smith en se fondant sur le fait que la valeur de référence de -25,5 utilisée pour les mangues pouvait varier à l’intérieur d’une fourchette et que si elle se situait dans la partie inférieure de la fourchette, on devait conclure à l’absence d’adjonction de sucre.

43. Le Tribunal n’a pas été convaincu par les affirmations de M. Marcone. Pour qu’on puisse conclure à l’absence d’adjonction de sucre aux marchandises en cause, la valeur de référence des mangues devrait se situer aux environs de -18,7 (c.-à-d. le ratio obtenu pour les marchandises en cause), soit environ 7 sous ce qu’on présume être la valeur de référence moyenne de -25,5. Si cela était le cas, cela impliquerait que les valeurs de référence pour les mangues peuvent se situer dans une fourchette de 14 (c.-à-d. -25,5 ± 7). En consultant l’ouvrage duquel Mme Smith a tiré ses valeurs de référence24 , on peut constater que, pour les fruits et jus dont la fourchette était indiquée, la fourchette la plus large avait trait au jus de raisin, soit une fourchette de 7. L’application d’une telle fourchette aux mangues entraînerait des valeurs de référence susceptibles de se situer entre -22 et -29 (c.-à-d. -25,5 ± 3,5). Cela est essentiellement conforme à l’avis de Mme Smith selon lequel la mangue est une plante « C3 » et que les valeurs de référence pour ces types de plantes se situent dans une fourchette de -22 à -30. Le Tribunal fait remarquer que l’avis de Mme Smith est appuyé par le fait que, pour tous les fruits énumérés dans l’ouvrage susmentionné dont la valeur de référence moyenne se situe à près de -25, les fourchettes indiquées se trouvaient toujours entre -22 et -30. Par conséquent, le Tribunal convient que la valeur de référence la plus basse possible qui aurait pu être utilisée pour les mangues était de -22.

44. En fonction des éléments de preuve présentés, le Tribunal est convaincu que, même si une valeur de référence de -22 avait été utilisée pour les mangues, elle aurait néanmoins mené à la conclusion qu’une quantité importante de sucre a été ajoutée aux marchandises en cause. Le Tribunal estime également qu’à la lumière de la preuve présentée par Mme Smith, l’adjonction d’une quantité importante de sucre aux marchandises en cause, même si elle maintient un pourcentage total de sucre semblable au pourcentage se trouvant naturellement dans le fruit ou le jus de mangue, mène inévitablement à la conclusion selon laquelle les marchandises ont été diluées par l’adjonction d’eau.

45. Cette conclusion est conforme à l’étiquette apposée aux marchandises en cause qui, comme il a été mentionné, indique que l’eau est le premier ingrédient et que le sucre est le troisième ingrédient et indique aussi que le produit contient 37 p. 100 et non 100 p. 100 de jus. Même si Sy Marketing a prétendu que l’information figurant sur l’étiquette était erronée, elle n’a présenté aucun élément de preuve du fabricant des marchandises en cause à l’appui de cette prétention. Le Tribunal estime qu’il serait très improbable qu’une étiquette indique qu’un produit contienne 37 p. 100 de jus s’il en contenait en réalité 100 p. 100. En fait, M. Bush, qui a déclaré bien connaître les normes de l’industrie pour les jus et les nectars de fruits, a témoigné qu’il n’avait jamais vu un produit composé entièrement de jus dont l’étiquette indique une composition différente. Par conséquent, compte tenu de la conclusion selon laquelle du sucre et de l’eau ont été ajoutés et des estimations fournies par Mme Smith quant à la quantité réelle de sucre et d’eau ajoutés, l’information figurant sur l’étiquette concernant les ingrédients et leur ordre d’importance paraît exacte.

46. Ayant conclu que les marchandises en cause contiennent une quantité importante d’eau ajoutée et que l’information figurant sur l’étiquette paraît exacte, le Tribunal examinera maintenant la position dans laquelle les marchandises doivent être classées.

Position no 20.09

47. La position no 20.09 couvre les « [j]us de fruits […] non fermentés, sans addition d’alcool, avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants ». De plus, les Notes explicatives de la position no 20.09 énoncent que « […] l’adjonction d’eau à un jus de fruit ou de légume de composition normale ou l’adjonction, à un jus préalablement concentré, d’eau dans une proportion supérieure à celle qui est nécessaire pour rendre à ce concentré la composition du jus dans son état naturel, confère aux produits obtenus le caractère de dilutions revêtant le caractère des boissons du no 22.02. […] ».

48. Par conséquent, pour être classées dans la position no 20.09, les marchandises en cause doivent, selon le Tribunal, être des jus de fruits auxquels aucune eau n’a été ajoutée ou un concentré de jus auquel n’a pas été ajouté d’eau dans une proportion supérieure à celle qui est nécessaire pour rendre à ce concentré la composition du jus dans son état naturel.

49. À la lumière des éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont été produites à partir de purée de mangue et non à partir de jus de mangue. Dans son mémoire, Sy Marketing a indiqué que les mangues avaient été transformées en purée et, à l’audience, Mme Smith a déclaré qu’à son avis, les marchandises en cause avaient été produites à partir de purée de mangue parce qu’il s’agit de la forme courante de mangue transformée en d’autres produits. Selon elle, cela est dû au fait que, puisque les mangues sont si pulpeuses, il n’est pas vraiment économiquement réalisable d’en tirer du jus.

50. Comme il est indiqué dans Excelsior, le procédé de production d’une purée comporte l’homogénéisation de l’ensemble du fruit, moins le noyau et la pelure, tandis que le procédé de production de jus comporte généralement la pression du fruit pour en extraire le liquide de la partie solide25 . Dans Excelsior, le Tribunal a aussi déclaré qu’étendre l’acception du mot « jus » à des produits qui sont fabriqués par l’adjonction d’eau à une purée « […] aurait pour conséquence de lui enlever son sens ordinaire et irait à l’encontre de l’esprit des Notes explicatives de la position no 20.09 »26 . Puisque le Tribunal estime que les marchandises en cause ont été produites à partir de purée de mangue plutôt que de jus de mangue, elles ne peuvent être classées dans la position no 20.09.

51. Toutefois, le Tribunal fait observer que même si les marchandises en cause avaient été produites à partir de jus de mangue27 , il aurait conclu, compte tenu des Notes explicatives de la position no 20.09, que l’adjonction d’une quantité importante d’eau aux marchandises en cause a engendré des produits dilués de la nature des boissons visées par la position no 22.02, de sorte qu’elles ne peuvent être classées dans la position no 20.09.

52. Le Tribunal souligne qu’outre ses observations selon lesquelles l’eau ajoutée aux marchandises en cause pendant le procédé de fabrication visait simplement à rétablir la teneur en eau du fruit naturel, Sy Marketing n’a pas prétendu que les marchandises en cause étaient faites de concentré ni n’a présenté d’éléments de preuve en ce sens. L’étiquette sur le produit indique également qu’il n’est « PAS fait de concentré ». Par conséquent, le Tribunal n’estime pas que la preuve indique que les marchandises en cause sont faites de concentré, de sorte qu’à la lumière des Notes explicatives de la position no 20.09, il n’a pas à déterminer si une quantité d’eau dans une proportion supérieure à celle qui est nécessaire pour rendre au concentré de jus de mangue la composition du jus dans son état naturel a été ajoutée.

53. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 20.09.

Position no 20.08

54. La position no 20.08 couvre les « [f]ruits et autres parties comestibles de plantes, autrement préparés ou conservés avec ou sans addition de sucre ou d’autres édulcorants ou d’alcool, non dénommés ni compris ailleurs ». De plus, les Notes explicatives de la position no 20.08 énoncent que « […] [l]es produits de l’espèce [c.-à-d. les fruits entiers écrasés et stérilisés] qui, par adjonction d’une quantité suffisante d’eau ou de sirop de sucre, ont été rendus consommables comme boissons, relèvent du no 22.02 ».

55. Par conséquent, pour être classées dans la position no 20.08, les marchandises en cause doivent, selon le Tribunal, être des purées de fruits (c.-à-d. des fruits entiers écrasés) qui ne contiennent pas d’eau ajoutée en quantité suffisante pour être consommables comme boissons.

56. Comme il a été mentionné, il ressort que les marchandises en cause sont plus susceptibles d’avoir été produites à partir de purée de mangue qu’à partir de jus de mangue. Il a aussi été établi qu’une quantité importante d’eau a été ajoutée aux marchandises en cause. De plus, il est manifeste que les marchandises en cause se veulent consommables comme boissons et peuvent effectivement être consommées comme telles. Cela ressort de l’examen de l’emballage des marchandises en cause et du produit lui-même après son versement dans un verre.

57. Par conséquent, la dernière question à laquelle il faut répondre consiste à savoir si c’est l’eau ajoutée qui a rendu les marchandises en cause consommables comme boissons ou si la purée de mangue le serait sans adjonction d’eau.

58. À l’audience, M. Marcone a attesté que, lorsque la mangue est initialement transformée en purée, elle est une masse malléable crémeuse qui ne peut pas vraiment se boire28 . M. Marcone a aussi expliqué qu’une fois que la mangue est transformée en purée, des enzymes comme la pectinase commencent à travailler plus rapidement que dans le fruit frais pour distiller la purée et libérer l’eau (c.-à-d. pour liquéfier la purée). Toutefois, il a fait la mise en garde selon laquelle, au fil du temps, la purée de mangue pouvait théoriquement devenir aussi mince que les marchandises en cause en raison de l’effet de la pectinase, mais qu’il y aurait du gaspillage avant cette étape sauf en cas de pasteurisation. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal est d’avis que l’adjonction d’une grande quantité d’eau aux marchandises en cause était nécessaire pour les rendre consommables comme boissons conformément aux Notes explicatives de la position no 20.08.

59. À la lumière de ce qui précède et remarquant que Sy Marketing n’a pas maintenu sa position selon laquelle, subsidiairement, les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 20.08, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 20.08.

Position no 22.02

60. Ayant conclu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 20.08 ou no 20.09, le Tribunal doit examiner la seule autre position invoquée, à savoir la position no 22.02. Cette position couvre les « [e]aux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d’autres édulcorants ou aromatisées, et autres boissons non alcooliques, à l’exclusion des jus de fruits ou de légumes du no 20.09 ».

61. Les Notes explicatives de la position no 22.02 prévoient ce qui suit :

[…]

B) Autres boissons non alcooliques, à l’exclusion des jus de fruits ou de légumes du no 20.09.

On range notamment dans ce groupe :

1) Les nectars de tamarin rendus propres à la consommation en tant que boisson par addition d’eau, de sucre ou d’autres édulcorants et par tamisage.

[…]

Sont exclus de la présente position :

[…]

c) Les jus de fruits ou de légumes, même s’ils sont directement employés comme boissons (no 20.09).

[…]

62. Les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause consistent en d’autres boissons non alcoolisées, conformément aux Notes explicatives de la position no 22.0229 . De plus, les Notes explicatives des positions nos 20.08 et 20.09 prévoient essentiellement que les produits découlant de l’adjonction d’eau à des purées ou des jus de fruits, selon le cas, doivent être classés dans la position no 22.02. Par conséquent, en vertu de la Règle 1 des Règles générales, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 22.02.

63. Le Tribunal doit ensuite déterminer dans quelle sous-position les marchandises doivent être classées. La position no 22.02 comprend deux sous-positions, à savoir la sous-position no 2202.10 (« Eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d’autres édulcorants ou aromatisées ») et la sous-position no 2202.90 (« Autres »). Il ressort des Notes explicatives de la position no 22.02 que la sous-position no 2202.10 couvre les boissons comme les eaux minérales et les boissons gazeuses, tandis que la sous-position no 2202.90 couvre les autres boissons non alcoolisées comme les nectars et les boissons contenant du lait. Par conséquent, en vertu de la Règle 6 des Règles générales, la sous-position appropriée est le no 2202.90.

64. Enfin, le Tribunal doit déterminer dans quel numéro tarifaire les marchandises en cause doivent être classées. La sous-position no 2202.90 est divisée en cinq numéros tarifaires de premier niveau, à savoir bière non alcoolisée, vin non alcoolisé, jus non concentrés enrichis de vitamines ou de minéraux, boissons contenant du lait et autres. Puisque les marchandises en cause ne relèvent manifestement pas des quatre premiers numéros tarifaires, elles doivent être classées dans le cinquième. En conséquence, vu la Règle 1 des Règles canadiennes, le numéro tarifaire approprié est le no 2202.90.90.

DÉCISION

65. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d’autres boissons non alcoolisées.

66. L’appel est donc rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

4 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

5 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position. De même, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

6 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

7 . Organisation mondiale des douanes, 3e éd., Bruxelles, 2002 [Notes explicatives].

8 . Transcription de l’audience publique, 27 novembre 2007, aux pp. 214-215.

9 . Voir l’article 2.1.6 de la Norme générale Codex pour les jus et les nectars de fruits (CODEX STAN 247-2005). La Commission du Codex Alimentarius a été créée en 1963 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’élaboration de normes, de lignes directrices et de textes connexes en alimentation, comme des codes de pratique aux termes du Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Les principaux objectifs de ce programme sont de protéger la santé des consommateurs, garantir des pratiques commerciales équitables dans le commerce des aliments et promouvoir la coordination des travaux de normalisation alimentaire entrepris par les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux internationaux.

10 . (23 septembre 2004), AP-2002-113 (TCCE) [Excelsior].

11 . Excelsior Foods Inc. c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 376.

12 . C.R.C., c. 870.

13 . C.R.C., c. 870, art. B.01.008(3) et B.01.008(5).

14 . Transcription de l’audience publique, 27 novembre 2007, à la p. 94.

15 . Rapport de témoin expert de M. Marcone, pièce du Tribunal AP-2006-040-22A à la p. 5; Transcription de l’audience publique, 27 novembre 2007, aux pp. 96, 113, 190.

16 . (30 novembre 2001), AP-2000-050 (TCCE).

17 . Les valeurs de référence pour les mangues, le sucre de cane et le glycose ont été obtenues dans S. Nagy et R. L. Wade, éd., Methods to Detect Adulteration of Fruit Juice Beverages, vol. 1, Auburndale (Floride), Agscience, Inc. aux pp. 42, 43. Ces pages ont été jointes au rapport présenté par Mme Smith en réponse au rapport d’expert de M. Marcone. Voir la pièce du Tribunal AP-2006-040-44A.

18 . Cette conclusion découle du fait que le ratio pour les marchandises en cause se situe environ à mi-chemin entre le ratio pour les mangues et le ratio pour le sucre de cane et le glycose. En d’autres termes, un ratio de -18,7 se situe environ à mi-chemin entre -11,5 et -25,5.

19 . Rapport d’expert de Mme Smith, pièce du Tribunal AP-2006-040-23B à la p. 1 du rapport de laboratoire.

20 . Même si Mme Smith a déclaré qu’en fonction des ouvrages de référence, le contenu en sucre de la purée de mangue va généralement de 15 p. 100 à 20 p. 100, elle n’a pas fourni de références vérifiables pour ces chiffres. Toutefois, le Tribunal observe que dans son rapport d’expert, M. Marcone a utilisé des valeurs de référence semblables qui allaient d’environ 15 p. 100 à 17 p. 100 et que celles-ci ont été tirées de publications de référence.

21 . Transcription de l’audience publique, 27 novembre 2007, aux pp. 85, 86.

22 . Ibid. aux pp. 68, 69.

23 . Ibid. aux pp. 109, 155.

24 . Le Tribunal observe que les valeurs de référence ont été tirées d’un ouvrage qui contient une compilation des résultats tirés d’articles de revues de référence et non pas simplement d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie, comme l’a suggéré Sy Marketing.

25 . Voir Excelsior à la p. 8. Les Notes explicatives de la position no 20.09 énoncent également que « [l]es jus de fruits ou de légumes de la présente position sont, en règle générale, obtenus par pression de fruits ou de légumes frais, sains et mûrs [...] ».

26 . Voir Excelsior à la p. 9.

27 . Même si Mme Smith était d’avis que les marchandises en cause avaient été produites à partir de purée de mangue, elle a souligné qu’il était possible que les produits aient été fabriqués à partir de jus de manque. Le Tribunal fait observer qu’étant donné que la mangue est pulpeuse et peut produire des jus qui paraissent plus épais que les jus tirés d’autres fruits, il n’est peut-être pas toujours possible d’établir clairement la distinction entre les marchandises faites à partir de purée de mangue et les marchandises faites à partir de jus de mangue. C’est ce que reconnaissent les Notes explicatives de la position no 20.09, qui énoncent ce qui suit : « [...] Il arrive cependant que certains jus – ceux tirés notamment de fruits pulpeux (abricots, pêches, tomates, par exemple) – contiennent encore, en suspension ou sous forme de dépôt, une partie de la pulpe à l’état finement divisé. »

28 . Transcription de l’audience publique, 27 novembre 2007, aux pp. 44, 99.

29 . Il ressort du libellé de la position no 22.02 et des Notes explicatives de cette position que les jus de fruits de la position no 20.09 ne peuvent être classés dans la position no 22.02. Toutefois, comme le Tribunal a déjà déterminé que les marchandises en cause ne sont pas des jus de fruits relevant de la position no 20.09, il n’est pas à première vue impossible que les marchandises puissent être classées dans la position no 22.02.