CAPSCANADA<sup>®</sup> CORPORATION


CAPSCANADA® CORPORATION
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-003

Décision et motifs rendus
le vendredi 2 juillet 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 20 avril 2010, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 26 janvier 2009, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CAPSCANADA® CORPORATION Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 20 avril 2010

Membre du Tribunal : André F. Scott, membre présidant

Directeur de la recherche : Randolph W. Heggart

Agent de la recherche : Denise Bergeron

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Sarah MacMillan

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
CapsCanada® Corporation M. Lee Stratton
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Zoe Oxaal

TÉMOINS :

Christopher Peter Kotevich
Directeur des opérations
CapsCanada® Corporation

Dale E. Martin
Directeur général
CapsCanada® Corporation

William F. Busch
Développement des services techniques,
Spécialiste principal en développement
Dow Wolff Cellulosics

Allan Granville
Chimiste principal
Section des polymères et du papier
Service des travaux scientifiques et de laboratoire
Agence des services frontaliers du Canada

Kathleen Smith
Chimiste principal
Section des produits alimentaires
Service des travaux scientifiques et de laboratoire
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Cet appel est interjeté par CapsCanada® Corporation (CapsCanada) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datée du 26 janvier 2009, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans cet appel consiste à déterminer si des capsules végétariennes K-CAPS® (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3923.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres articles de transport ou d’emballage, en matières plastiques, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9602.00.10 à titre de capsules en gélatine pour produits pharmaceutiques, en gélatine non durcie travaillée, autre que celle de la position no 35.03, comme le soutient CapsCanada.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Les marchandises en cause ont été importées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2006 et ont été initialement classées dans le numéro tarifaire 9602.00.10.

4. Le 1er avril 2008, à la suite d’une vérification de conformité douanière faite aux termes des articles 40 et 42 de la Loi, l’ASFC reclassait les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3923.90.903 .

5. Le 20 octobre 2008, l’ASFC informait CapsCanada qu’elle avait, aux termes de l’article 59 de la Loi, rendu une décision provisoire qui maintenait le classement dans le numéro tarifaire 3923.90.90 et rejetait la demande de classement dans le numéro tarifaire 9602.00.10 présentée par CapsCanada4 .

6. Dans une lettre datée du 5 janvier 2009, l’ASFC confirmait le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3923.90.905 .

7. Le 20 avril 2009, CapsCanada interjetait appel de la décision datée du 26 janvier 2009 de l’ASFC auprès du Tribunal aux termes de l’article 67 de la Loi. Le 20 avril 2010, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Christopher Peter Kotevich, directeur des opérations de CapsCanada, M. Dale E. Martin, directeur général de CapsCanada, et M. William F. Busch, spécialiste principal en développement de Dow Wolff Cellulosics, comptant plus de 20 ans d’expérience dans les matières plastiques, ont témoigné au nom de CapsCanada. M. Alan Granville, chimiste principal, Section polymère et papier de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de l’ASFC, et Mme Kathleen Smith, chimiste principal, Section des produits alimentaires du Service des travaux scientifiques et de laboratoire de l’ASFC, ont témoigné au nom de l’ASFC. Le Tribunal a reconnu à M. Granville le titre d’expert à l’égard de la définition et de la composition de l’hydroxypropylméthyl cellulose (HPMC)6 . Le Tribunal a reconnu à Mme Smith le titre d’expert à l’égard de la définition et de la composition de la gélatine7 .

MARCHANDISES EN CAUSE

8. Les marchandises en cause sont des capsules vides en deux parties, à coquille dure, de HPMC, soit un éther de la cellulose, un dérivé chimique de la cellulose extrait de la pâte de bois résineux et mélangé avec de l’eau, du sorbitol et de la silice fondue8 .

9. CapsCanada a déposé quatre pièces, dont deux étaient désignées comme des versions claires et opaques des marchandises en cause et deux étaient des versions claires et opaques de capsules en gélatine animale9 .

10. Essentiellement, les marchandises en cause constituent une option de remplacement pour les régimes végétariens par rapport aux capsules en gélatine animale10 .

ANALYSE

Cadre législatif

11. Dans les appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

12. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes11 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

13. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[12] et les Règles canadiennes[13] énoncées à l’annexe ».

14. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite14 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes ».

15. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[15] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[16] et de leur modification, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes) ». Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada17 .

16. Après avoir suivi cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, le Tribunal passe à l’étape suivante, qui consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, en appliquant la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et les Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

17. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes des positions et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes.

Dispositions pertinentes du Tarif des douanes, des Règles générales et des Notes explicatives

18. La nomenclature du Tarif des douanes qui, selon CapsCanada, doit s’appliquer aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

96.02 Matières végétales ou minérales à tailler, travaillées, et ouvrages en ces matières; ouvrages moulés ou taillés en cire, en paraffine, en stéarine, en gommes ou résines naturelles, en pâtes à modeler, et autres ouvrages moulés ou taillés, non dénommés ni compris ailleurs; gélatine non durcie travaillée, autre que celle du no 35.03, et ouvrages en gélatine non durcie.

[...]

9602.00.10 [...]

Capsules en gélatine pour produits pharmaceutiques [...].

19. La note 2 du chapitre 96 énonce ce qui suit :

2. Par matières végétales ou minérales à tailler, au sens du no 96.02, on entend :

a) les grains durs, les pépins, les coques et noix et les matières végétales similaires (noix de corozo ou de palmier-doum, par exemple), à tailler;

b) l’ambre (succin) et l’écume de mer, naturels ou reconstitués, ainsi que le jais et les matières minérales analogues au jais.

20. Les Notes explicatives du chapitre 96 prévoient ce qui suit :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre couvre les matières à tailler et à mouler (y compris les ouvrages) [...] et divers autres objets qui ne sont pas repris dans d’autres positions de la ”Nomenclature’.

21. Les Notes explicatives de la position no 96.02 prévoient ce qui suit :

Pour l’interprétation du terme travaillées, les dispositions du second paragraphe des Notes explicatives du no 96.01 sont applicables mutatis mutandis à la présente position [...]

[Les Notes explicatives de la position no 96.01 prévoient ce qui suit : « Sont considérées comme travaillées au sens de la présente position, les matières qui ont subi des ouvraisons excédant la simple préparation prévue pour chacune d’elles dans les différentes positions afférentes à la matière première [...] »]

[...]

II.- OUVRAGES MOULÉS OU TAILLÉS EN CIRE, EN PARAFFINE, EN STÉARINE, EN GOMMES OU RÉSINES NATURELLES, EN PÂTES À MODELER, ET AUTRES OUVRAGES MOULÉS OU TAILLÉS, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS; GÉLATINE NON DURCIE TRAVAILLÉE ET OUVRAGES EN GÉLATINE NON DURCIE

Ce groupe comprend, d’une part, un ensemble d’ouvrages moulés ou taillés en diverses matières, non couverts d’une manière plus spécifique par d’autres positions de la ”Nomenclature’ (tels que les ouvrages en matières plastiques du Chapitre 39 [...]) et, d’autre part, la gélatine non durcie travaillée et les ouvrages en cette matière (autres que les articles du n° 35.03 [...]).

On entend par « ouvrages moulés » en ces matières, les objets obtenus dans la forme voulue pour leur utilisation. [...]

Sous réserve des exclusions mentionnées ci-après, relèvent notamment de ce groupe :

[...]

(8) [...]

2°) Les capsules pour produits pharmaceutiques [...].

22. La nomenclature du Tarif des douanes que l’ASFC estime applicable aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

39.23 Articles de transport ou d’emballage, en matières plastiques; bouchons, couvercles, capsules et autres dispositifs de fermeture, en matières plastiques.

[...]

3923.90 -Autres

3923.90.90 - - -Autres

23. Les notes du chapitre 39 prévoient ce qui suit :

1. Dans la Nomenclature, on entend par matières plastiques les matières des positions nos 39.01 à 39.14 qui, lorsqu’elles ont été soumises à une influence extérieure (généralement la chaleur et la pression avec, le cas échéant, l’intervention d’un solvant ou d’un plastifiant), sont susceptibles ou ont été susceptibles, au moment de la polymérisation ou à un stade ultérieur, de prendre par moulage, coulage, profilage, laminage ou tout autre procédé, une forme qu’elles conservent lorsque cette influence a cessé de s’exercer.

[...]

2. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

w) les articles du Chapitre 96 (brosses, boutons, fermetures à glissière, peignes, embouts et tuyaux de pipes, fume-cigarettes ou similaires, parties de bouteilles isolantes, stylos, porte-mine, par exemple).

[...]

6. Au sens des nos 39.01 à 39.14, l’expression formes primaires s’applique uniquement aux formes ci-après :

[...]

b) [...] poudres (y compris les poudres à mouler), granulés, flocons et masses non cohérentes similaires.

24. Les Notes explicatives du chapitre 39 prévoient ce qui suit :

D’une manière générale, le présent Chapitre comprend des substances appelées polymères, des demi-produits et des ouvrages en ces matières, pour autant qu’ils ne soient pas exclus par la Note 2 du Chapitre.

[...]

Organisation générale du Chapitre

[...] le Sous-Chapitre II [couvre] [...] les demi-produits et les ouvrages.

[...]

Dans le sous-Chapitre II, [...] [l]es [positions] nos 39.16 à 39.25 couvrent les demi-produits ou certains ouvrages particuliers en matières plastiques. [...]

25. Les Notes explicatives de la position no 39.23 prévoient ce qui suit :

La présente position couvre l’ensemble des articles en matières plastiques servant communément à l’emballage ou au transport de tous genres de produits. [...]

Classement tarifaire en cause

26. Dans cet appel, les parties conviennent que les marchandises en cause sont composées de HPMC, un éther de cellulose, mais ne s’entendent pas sur la position dans laquelle elles doivent être classées dans la nomenclature du Tarif des douanes.

27. CapsCanada prétend que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 96.02. Selon CapsCanada, les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 96.02 à titre de gélatine non durcie travaillée, autre que celle du no 35.03, et ouvrages en gélatine non durcie ou, subsidiairement, à titre d’autres ouvrages moulés ou taillés, non dénommés ni compris ailleurs.

28. CapsCanada fait référence à la définition de « travaillées » dans les Notes explicatives de la position no 96.01, soit des matériaux qui ont subi des procédés allant au-delà de la simple préparation permise dans la position pour les matières premières en question. Appliquant cette définition, CapsCanada se fonde sur les éléments de preuve selon lesquels le HPMC est transformé à partir de la pâte de bois résineux, mélangée avec de l’eau, du sorbitol et de la silice fondue afin d’obtenir un mélange gélatineux et ensuite mis sous forme de capsule avant d’être durci18 .

29. CapsCanada prétend que le HPMC est une gélatine végétale, et non pas la gélatine animale couverte par la position no 35.03.

30. CapsCanada soutient que les marchandises en cause peuvent être classées à titre d’ouvrages moulés ou taillés, non dénommés ni compris ailleurs, parce qu’ils sont moulés. La note 2 du chapitre 96 fait référence à des « [...] matières végétales ou minérales à tailler [...] ». Le HPMC est tiré de matières végétales à tailler (c.-à-d. la pâte de bois résineux), et les marchandises en cause ne sont pas visées ailleurs dans la nomenclature.

31. CapsCanada fait valoir qu’une détermination du classement des marchandises en cause dans la position no 96.02 aux États-Unis étaye davantage sa position.

32. CapsCanada affirme que les marchandises en cause sont expressément décrites dans le numéro tarifaire 9602.00.10 à titre de capsules en gélatine pour des produits pharmaceutiques.

33. CapsCanada ajoute que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 39.23 à titre d’articles de transport ou d’emballage de marchandises en matières plastiques notamment parce qu’elles ne visent pas l’usage répété, se dissolvent après l’ingestion et leurs fonctions sont différentes de celles des ouvrages énoncés dans la position no 39.23 (p. ex. emballages cloches, fioles, tonneaux, emballages à plantes, plateaux pour étaler les autres produits et récipients encastrables à nourriture)19 . CapsCanada ajoute que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 39.23 parce que la note 2w) du chapitre 39 en exclut les articles du chapitre 96.

34. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas de la « gélatine », au sens des Notes explicatives de la position no 35.03, des définitions des dictionnaires, des connaissances et de la science dans l’industrie, qui font référence à un produit animal et non pas à un produit tiré de la pâte de bois résineux20 .

35. L’ASFC souligne que bien que les ouvrages en gélatine non durcie soient visés par la position no 96.02, les ouvrages de HPMC, même s’il s’agit d’ouvrages moulés, ne sont pas des « matières végétales à tailler », puisque la note 2a) du chapitre 96 fait en sorte que cette expression ne comprend que « les grains durs, les pépins, les coques et noix et les matières végétales similaires [...] » et qu’ils sont dénommés ou compris dans la position no 39.23.

36. Selon l’ASFC, les marchandises en cause respectent tous les critères de classement dans le numéro tarifaire 3923.90.90, notamment parce qu’à titre d’autres articles de transport de marchandises, en matières plastiques, elles transportent des médicaments dans le corps humain et que la définition de « matières plastiques » figurant à la note 1 du chapitre 39 comprend l’éther de cellulose21 .

37. Le Tribunal commence son analyse en examinant le bien-fondé de la position de l’ASFC par rapport à la position no 39.23.

38. À cette fin, le Tribunal souligne que CapsCanada admet que les marchandises en cause sont des « articles »22 .

39. Les marchandises en cause sont-elles donc des « articles de transport ou d’emballage », en matières plastiques? Le sens ordinaire de l’expression « transport » est l’acte ou le processus qui consiste à transporter, transmettre ou transférer23 . M. Kotevich a affirmé que les marchandises en cause englobent une seule dose d’un ingrédient pharmaceutique actif (c.-à-d. un médicament) et le transmet dans le corps humain, où il se dissout et libère son contenu24 . Même s’ils ont indiqué que les marchandises en cause visent essentiellement le marché des aliments fonctionnels (c.-à-d. les vitamines), M. Martin et M. Busch ont aussi affirmé qu’il s’agissait d’un mode d’administration orale de médicaments25 . Par conséquent, malgré le fait qu’elles se dissolvent dans le corps humain, les marchandises en cause transportent, transmettent ou transfèrent des médicaments ou des vitamines dans le corps humain, c’est-à-dire qu’elles sont des articles de transport de marchandises.

40. Les marchandises en cause sont-elles des articles en matières plastiques? La note 1 du chapitre 39 définit l’expression « matières plastiques » comme des « [...] matières [...] lorsqu’elles ont été soumises à une influence extérieure (généralement la chaleur et la pression avec, le cas échéant, l’intervention d’un solvant ou d’un plastifiant) sont susceptibles ou ont été susceptibles, au moment de la polymérisation ou à un stade ultérieur, de prendre par moulage [...] une forme qu’elles conservent lorsque cette influence a cessé de s’exercer ». Les Notes explicatives du Chapitre 39 ajoutent que ce chapitre couvre « [...] les polymères [...] et des ouvrages en ces matières [...] ». Comme il a été mentionné, les parties conviennent que les marchandises en cause sont tirées d’un dérivé chimique de la cellulose extraite de la pâte de bois résineux, le HPMC. Le Tribunal a entendu en témoignage que le HPMC est un produit « synthétisé », un « polymère »26 . Le HPMC prend la forme d’une poudre blanche sèche, qui est dissoute dans l’eau27 . La solution est chauffée avec du sorbitol ajouté comme « plastifiant »28 . Des tiges de moulage sont trempées dans la solution et sont chauffées, retirées et séchées. Le film entourant les tiges de moulage sèche et durcit, conservant une forme solide29 . Le film est alors retiré des tiges de moulage, coupé à la bonne longueur et joint pour former des capsules30 . Par conséquent, les marchandises en cause respectent les critères concernant les « matières plastiques » prescrits par la note 1 du chapitre 39 et les Notes explicatives du chapitre 39.

41. Par conséquent, les marchandises en cause peuvent à première vue être classées dans la position no 39.23.

42. Les marchandises en cause peuvent-elles aussi être classées dans la position no 96.02, comme le soutient CapsCanada?

43. Une question fondamentale qui se pose à cet égard consiste à savoir si le HPMC mélangé avec de l’eau et du sorbitol constitue un type de gélatine non durcie. Selon CapsCanada, lorsqu’il est mélangé avec de l’eau, le HPMC forme une gélatine végétale, à savoir une autre gélatine que celle de la position no 35.03 pour l’application de la position no 96.02. Les Notes explicatives de la position no 35.03 définissent la « gélatine » comme « [...] des matières protéiques solubles dans l’eau, obtenues par traitement des peaux, des cartilages, des os, des tendons ou des matières animales similaires, ordinairement au moyen d’eau chaude, acidifiée ou non » [nos italiques]. À sa lecture, le mot gélatine semble se limiter à une matière protéique tirée de matières animales 31 .

44. Le Tribunal constate toutefois que les définitions des dictionnaires citées par les deux parties et présentées en preuve à l’audience soulignent aussi, dans leur définition principale du mot « gélatine », que le terme fait référence à une substance tirée de matières animales32 . Le Tribunal ajoute que Mme Smith a affirmé que le mot « gélatine » fait référence à une protéine tirée de la peau et des os des animaux33 . M. Busch, témoignant pour CapsCanada, a reconnu que le HPMC tiré de la pâte de bois résineux n’est pas de la « gélatine » en soi34 . Le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter des sens ordinaires et scientifiques du mot « gélatine » en considérant les solutions à base de HPMC comme de la « gélatine » aux fins du classement tarifaire.

45. Le Tribunal fait aussi remarquer les aveux de M. Kotevich et M. Martin selon lesquelles les marchandises en cause sont généralement appelées « capsules végétales », et non pas « capsules en gélatine »35 .

46. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas de la « [...] gélatine non durcie travaillée, autre que celle du no 35.03, et ouvrages en gélatine non durcie ».

47. Quant à la position subsidiaire de CapsCanada selon laquelle les marchandises en cause sont des « matières végétales ou minérales à tailler, travaillées, et ouvrages en ces matières [...] », le Tribunal fait remarquer que la note 2 du chapitre 96 définit ainsi les matières végétales ou minérales à tailler :

a) les grains durs, les pépins, les coques et noix et les matières végétales similaires (noix de corozo ou de palmier-doum, par exemple), à tailler;

b) l’ambre (succin) et l’écume de mer, naturels ou reconstitués, ainsi que le jais et les matières minérales analogues au jais.

En raison de leur composition d’éther de cellulose mélangé avec du sorbitol, les marchandises en cause ne peuvent pas être qualifiées de matières végétales ou minérales à tailler ou ouvrages en ces matières.

48. De plus, les marchandises en cause ne peuvent être qualifiées d’« [...] ouvrages moulés ou taillés en cire, en paraffine, en stéarine, en gommes ou résines naturelles, en pâtes à modeler, et autres ouvrages moulés ou taillés, non dénommés ni compris ailleurs [...] » pour l’application de la position no 96.02 compte tenu des Notes explicatives du chapitre 96, qui précisent que les marchandises en cause doivent être composées de ces matières.

49. Le Tribunal conclut aussi que les marchandises en cause ne peuvent être qualifiées de résine naturelle compte tenu du fait que le HPMC est un produit synthétisé.

50. Enfin, le Tribunal souligne que les marchandises en cause ne sont pas des articles moulés au sens des Notes explicatives de la position no 96.02 parce que le groupe comprend des articles moulés de diverses matières, dans la mesure où ces articles ne sont pas dénommés ni compris dans d’autres positions de la nomenclature. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans le chapitre 39; par conséquent, ces notes ne s’appliquent pas.

51. Concernant les documents de la Commission du commerce international des États-Unis qu’a présentés CapsCanada, le Tribunal rappelle que les parties sont libres d’invoquer les décisions d’autres pays à l’appui de leurs positions, mais que de tels documents ne lient pas le Tribunal et, pour les motifs susmentionnés, ne sont pas déterminants aux fins du présent appel.

Conclusion

52. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.23 et, en particulier, dans le numéro tarifaire 3923.90.90 à titre d’articles de transport ou d’emballage, en matières plastiques.

DÉCISION

53. L’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2009-003-06A, onglet 9.

4 . Ibid., onglet 10.

5 . Ibid., onglet 11.

6 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, aux pp. 157-173.

7 . Ibid. aux pp. 199-205.

8 . Pièce du Tribunal AP-2009-03-06A, onglets 2, 3; Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, aux pp. 32, 143-146, 174.

9 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, aux pp. 20-22, 36, 187, 188.

10 . Ibid. aux pp. 53-54, 59-60, 74, 100-102.

11 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

12 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

13 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

14 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

15 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

16 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

17 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), aux para. 13, 17.

18 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, aux pp. 126-128.

19 . Pièce du Tribunal AP-2009-003-06A, au para. 17.

20 . Les Notes explicatives de la position no 35.03 définissent ainsi le terme gélatine : « Les gélatines et les colles de la présente position sont des matières protéiques solubles dans l’eau, obtenues par traitement des peaux, des cartilages, des os, des tendons ou des matières animales similaires, ordinairement au moyen d’eau chaude, acidifiée ou non ».

21 . Notes explicatives du chapitre 39.

22 . Pièce du Tribunal AP-2009-003-06A, au para. 38.

23 . Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., définit « conveyance » (transport) de la façon suivante : « 1 a l’acte ou le processus de transporter, b la communication [...] c transmission. 2 a un moyen de transport [...] 3 Droit a [...] transfert » [traduction].

24 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, aux pp. 29-30, 36, 59, 63, 139.

25 . Ibid. aux pp. 99-101, 121-122.

26 . Ibid. aux pp. 119-120, 135, 144-146, 178.

27 . Ibid. aux pp. 41-42, 144.

28 . Ibid. aux pp. 46-47.

29 . Ibid. aux pp. 42-45.

30 . Ibid. à la p. 39.

31 . Notes explicatives de la position no 35.03.

32 . Pièce du Tribunal AP-2009-003-14A, onglets 1, 19, 24a, 24b; pièce du Tribunal AP-2009-003-13B, onglets 11, 12.

33 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2010, à la p. 205.

34 . Ibid. à la p. 155.

35 . Ibid. aux pp. 55, 77, 99.