NORTH AMERICAN TEA & COFFEE INC.


NORTH AMERICAN TEA & COFFEE INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2007-017

Décision et motifs rendus
le mercredi 11 février 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 octobre 2008, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 23 juillet 2007, concernant une demande de réexamen d’une décision anticipée, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

NORTH AMERICAN TEA & COFFEE INC.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Vancouver (Colombie-Britannique)

Date de l’audience :

Le 17 octobre 2008

   

Membres du Tribunal :

Diane Vincent, membre présidant

 

James A. Ogilvy, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Directeur de la recherche :

Audrey Chapman

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Georges Bujold

 

Eric Wildhaber

   

Agent principal de la recherche :

Cathy Turner

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Gillian Burnett

   

Agent principal du greffe :

Stéphanie Doré

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

   

North American Tea & Coffee Inc.

Kimberley L. Cook

   

Intimé

Conseillers/représentants

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Lorne Ptack

TÉMOINS :

Geert Van Marcke
Gestionnaire, Assurance de la qualité
Intergarden Preserved Vegetables & Fruit

Dino Renaerts
Chef de cuisine/sommelier
Metropolitan Hotel Vancouver

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté par North American Tea & Coffee Inc. (North American) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision datée du 23 juillet 2007 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4), concernant une décision anticipée prise en application de l’alinéa 43.1(1)c).

2. Les marchandises en cause sont les quatre produits suivants, disponibles dans le commerce : cornichons à l’aneth, petits cornichons à l’aneth, cornichons à l’ail et à l’aneth et cornichons polonais2 .

3. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2001.10.00 de l’annexe du Tarif des douanes 3 à titre de concombres et cornichons, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 2001.90.90 à titre d’autres légumes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique, comme l’a soutenu North American.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

4. Le 13 juillet 2005, en application de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, l’ASFC a rendu une décision anticipée concernant le classement tarifaire, notamment, des marchandises en cause. L’ASFC a décidé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 2001.10.00.

5. Le 6 octobre 2005, aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi, North American a demandé à l’ASFC une révision de la décision anticipée, soutenant que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 2001.90.90.

6. Le 23 juillet 2007, l’ASFC a rendu une décision en application du paragraphe 60(4) confirmant le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 2001.10.00.

7. Le 24 septembre 2007, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, North American a interjeté appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal).

8. Le Tribunal a tenu une audience publique à Vancouver (Colombie-Britannique) le 17 octobre 2008.

9. M. Geert Van Marcke, gestionnaire, Assurance de la qualité, chez Intergarden Preserved Vegetables & Fruit, a témoigné au nom de North American. M. Dino Renaerts, chef de cuisine/sommelier au Metropolitan Hotel Vancouver, a témoigné au nom de l’ASFC.

MARCHANDISES EN CAUSE

10. North American a déposé auprès du Tribunal divers exemples des marchandises en cause comme pièces4 . Les ingrédients des marchandises en cause, énumérés sur leurs étiquettes, sont les suivants5  

- cornichons à l’aneth :

concombres, eau, vinaigre, sel, aneth, épices, chlorure de calcium, polysorbate 80, arôme, colorant (contient de la tartrazine)

- petits cornichons à l’aneth :

concombres, eau, vinaigre, sel, aneth, épices, chlorure de calcium, polysorbate 80, arôme, colorant (contient de la tartrazine)

- cornichons à l’ail et à l’aneth :

concombres, eau, vinaigre, sel, ail, chlorure de calcium, polysorbate 80, arôme, extrait de curcuma

- cornichons polonais :

concombres, eau, vinaigre, sel, aneth, graines d’aneth, chlorure de calcium, polysorbate 80, arôme, extrait de curcuma

11. En plus des marchandises en cause, North American a déposé des échantillons de divers ingrédients qui pourraient servir dans la préparation de divers types de produits alimentaires conservés au vinaigre.

ANALYSE

Cadre législatif

12. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

13. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes6 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié.

14. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[7] et les Règles canadiennes[8] énoncées à l’annexe ».

15. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite9 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes ».

16. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[10] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes) ». Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes explicatives, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada12 .

17. Après que l’application de la méthode prescrite a permis de déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

18. Dans le présent appel, les parties étaient d’accord que les marchandises en cause font partie du Chapitre 20 du Tarif des douanes et que le classement correct est dans la position no 20.01, qui prévoit ce qui suit : « Légumes, fruits et autres parties comestibles de plantes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique. » Toutefois, elles ne s’entendent pas sur le classement correct aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire.

19. L’ASFC a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2001.10.00, qui prévoit expressément les concombres et cornichons, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique. North American, par contre, est d’avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2001.90.90 à titre d’autres légumes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique.

Dispositions pertinentes du Tarif des douanes et des Notes explicatives

20. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

Chapitre 20

PRÉPARATIONS DE LÉGUMES, DE FRUITS
OU D’AUTRES PARTIES DE PLANTES

[...]

20.01 Légumes, fruits et autres parties comestibles de plantes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique.

2001.10.00 -Concombres et cornichons

10 - - - - -Conditionnés pour la vente au détail

90 - - - - -Autres

2001.90 -Autres

2001.90.10 00 - - -Oignons

2001.90.90 - - -Autres

10 - - - - -Fruits et noix

20 - - - - -Olives

30 - - - - -Relishes

- - - - -Autres :

91 - - - - - -Marinades

99 - - - - - -Autres

[...]

21. Le Tribunal fait observer que l’annexe du Tarif des douanes ne contient pas de notes de section ou de chapitre spécifiques pour ce qui concerne les marchandises en cause.

22. Les Notes explicatives pertinentes sont celles de la position no 20.01, qui prévoit ce qui suit :

[...]

Cette position comprend les légumes (voir la Note 3 du Chapitre), les fruits et les autres parties comestibles de plantes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique, avec ou sans sel, épices, moutarde, sucre ou autre édulcorants. Ces produits peuvent également contenir de l’huile ou d’autres additifs. Ils peuvent être présentés en fûts, en tonnelets, en cuveaux ou contenants analogues ou bien conditionnés pour la vente au détail en bocaux, en boîtes ou en récipients hermétiquement fermés. Certaines de ces préparations sont connues sous le[s] noms de pickles (préparations, au vinaigre ou à l’acide acétique, de morceaux de légumes variés) ou de piccallilies (préparations, à la moutarde, de morceaux de légumes variés).

Les préparations de la présente position se distinguent des sauces et condiments du no 21.03 en ce que ces derniers produits sont essentiellement des liquides, des émulsions ou des suspensions qui ne sont pas destinés à être consommés isolément, mais pour accompagner certains aliments ou préparer certains mets.

Les principaux produits conservés de cette façon sont les concombres, les cornichons, les oignons, les échalotes, les tomates, les choux-fleurs, les olives, les câpres, le maïs doux, les cœurs d’artichaut, les cœurs de palmier, les lynames, les noix vertes et les mangues.

[...]

Classement au niveau de la sous-position

23. Comme il a déjà été souligné, les parties étaient d’accord que les marchandises en cause font partie du Chapitre 20 du Tarif des douanes et que la position no 20.01 est la position correcte. Le Tribunal est d’accord sur le fait que la position correcte en l’espèce est la position no 20.01. Par conséquent, la question dont le Tribunal est saisi est celle de savoir si les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position no 2001.10 ou dans la sous-position no 2001.90.

24. North American convient que les marchandises en cause contiennent des concombres et ne conteste pas qu’une préparation de concombres qui contient seulement du sel, des épices, de la moutarde, du sucre ou d’autres édulcorants serait classée dans la sous-position no 2001.10. Toutefois, en l’espèce, elle a souligné qu’en plus des concombres et des autres ingrédients susmentionnés, les marchandises en cause contiennent soit de l’aneth soit de l’ail. North American a soutenu que l’aneth et l’ail ne sont pas des épices, mais des herbes ou des légumes, et que ce fait, à lui seul, place les marchandises en cause dans la sous-position no 2001.90 à titre d’autres légumes, préparés ou conservés au vinaigre ou à l’acide acétique13 . À cet égard, North American a soutenu que les marchandises en cause sont plus que simplement des concombres en raison des ingrédients supplémentaires, à savoir l’ail et l’aneth. Elle a soutenu que ces ingrédients supplémentaires transforment les produits en quelque chose d’autre qu’une simple préparation de concombres, conservés au vinaigre.

25. L’ASFC a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées à titre de concombres dans le numéro tarifaire 2001.10.00 car elles sont expressément prévues par le libellé du numéro tarifaire. À cet égard, elle a souligné que le classement des marchandises dans la position no 20.01 dépend du type de légume, préparé ou conservé. Plus précisément :

a) les concombres et cornichons sont classés dans le numéro tarifaire 2001.10.00;

b) les oignons sont classés dans le numéro tarifaire 2001.90.10;

c) les légumes, autres que les concombres, les cornichons ou les oignons, sont classés dans le numéro tarifaire 2001.90.9014 .

26. Le Tribunal fait observer que le libellé de la sous-position no 2001.10 ne comprend pas les mots « seulement » ou « uniquement ». En outre, il constate que les Notes explicatives de la position no 20.01 indiquent que « [c]ette position comprend les légumes [...] préparés ou conservés [...] avec ou sans sel, épices, moutarde, sucre ou autres édulcorants. Ces produits peuvent également contenir de l’huile ou d’autres additifs. [...] » Ce libellé implique que la position et la sous-position englobent des produits qui peuvent contenir d’autres ingrédients, comme des épices ou des additifs, comme l’a justement fait observer l’ASFC. Les Notes explicatives de la position no 20.01 prévoient en outre que, dans cette position, « [...] [c]ertaines de ces préparations sont connues sous le noms de pickles [...] ».

27. Le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont distinctes de certains autres légumes mélangés, conservés au vinaigre. En effet, le Tribunal fait observer que les « marinades mélangées sucrées » qui ont aussi fait l’objet de la décision de l’ASFC datée du 23 juillet 2007, comprennent un mélange de concombres, d’oignons et de choux-fleurs, préparés ou conservés au vinaigre. Les « marinades mélangées sucrées » contiennent aussi du sel, des épices et d’autres additifs. Dans ce dernier cas, l’ASFC a souligné que les « marinades mélangées sucrées » sont un mélange de légumes, et plus précisément de concombres, d’oignons et de choux-fleurs. En l’espèce, cependant, le Tribunal fait observer que la proportion globale d’aneth ou d’ail dans les marchandises en cause est très faible, inférieure à celle du sel, de l’eau ou du vinaigre, et de beaucoup inférieure à celle des concombres, qui à eux seuls composent plus de 50 p. 100 du produit, en poids15 . En poids, l’ingrédient légume le plus important dans les marchandises en cause est le concombre, tandis que les gousses d’ail et l’aneth constituent respectivement moins de 3 à 5 p. 100 du poids du produit, et moins que le sel, l’eau ou le vinaigre. Le Tribunal fait également observer que les concombres figurent au premier rang des ingrédients sur l’étiquette du produit. Selon le témoignage de M. Van Marcke, les ingrédients sont énumérés sur les étiquettes des produits en ordre d’importance (généralement selon leur teneur globale, en poids)16 . Ceci n’a pas été contesté par North American.

28. De l’aneth ou des gousses d’ail sont ajoutés au produit pour lui donner un arôme particulier, comme l’a indiqué M. Van Marcke. Cependant, North American n’est pas d’accord sur la caractérisation de l’aneth et de l’ail au titre d’épices. M. Van Marcke a témoigné qu’une épice est la graine d’une plante et qu’une herbe est une partie d’une plante. Il a déclaré que l’aneth est une herbe et est comprise dans la préparation de cornichons pour donner un arôme aux produits, mais que les gens peuvent aussi le consommer, par exemple lorsqu’il est utilisé dans une vinaigrette à verser sur une salade. M. Van Marcke a déclaré que, si on utilise ses feuilles, l’ail peut aussi être utilisé comme une herbe17 . Il a en outre souligné qu’en vertu des règlements sur l’étiquetage, l’ail doit être mentionné séparément dans une liste d’ingrédients et qu’il ne peut être inclus sous le terme général « épice » parce qu’il est, comme l’oignon par exemple, un légume18 .

29. North American a de plus fait valoir que l’ail et l’aneth ne sont compris dans aucune des catégories dénommées dans les Notes explicatives de la position no 20.01. Plus précisément, ils ne sont ni du sel, ni de la moutarde, ni du sucre, ni un édulcorant, et ne sont pas non plus une huile19 . North American a également fait valoir que, d’après le langage ordinaire et le témoignage de M. Van Marcke, l’ail et l’aneth ne sont pas des épices, mais des herbes ou des légumes. À l’appui de son affirmation, North American a renvoyé aux Notes explicatives du Chapitre 7, qui comprend les « LÉGUMES, PLANTES, RACINES ET TUBERCULES ALIMENTAIRES »20 , et a souligné que l’ail est classé dans la position no 07.03, les concombres et les cornichons dans la position no 07.07 et l’aneth dans la position no 07.09.

30. North American a soutenu que les rédacteurs des Notes explicatives de la position no 20.01 avaient choisi l’emploi du mot « épice » et qu’il faut attribuer un sens à ce choix. Elle a soutenu que les rédacteurs connaissaient les mots « aromatisant » et « assaisonnement » puisqu’ils sont utilisés ailleurs dans la nomenclature21 . Elle a ajouté qu’une épice doit donc être quelque chose de différent d’un assaisonnement ou d’un aromatisant.

31. L’ASFC a soutenu que ni l’aneth ni l’ail compris dans l’une quelconque des marchandises en cause ne modifient en quoi que ce soit leur nature, à savoir des concombres conservés au vinaigre, de la sous-position no 2001.10. Elle a ajouté que la présence d’autres ingrédients, comme l’ail, l’aneth, les épices, les édulcorants ou les additifs, dans les préparations ou les conserves de légumes n’a pas d’incidence sur le classement des marchandises en cause puisque les Notes explicatives prévoient expressément l’inclusion de tels types « d’autres ingrédients », c.-à-d. « [...] avec ou sans sel, épices, moutarde, sucre ou autres édulcorants. Ces produits peuvent également contenir de l’huile ou d’autres additifs [...] » [nos italiques].

32. Le Tribunal reconnaît que l’ail frais et l’aneth sont énumérés au nombre des légumes alimentaires au Chapitre 7. Toutefois, quant à la distinction entre les épices et les autres aromatisants dérivés de légumes comme les herbes, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve ne suffisent pas à établir l’existence d’une ligne de démarcation précise entre les épices et les herbes. Les Notes explicatives ne sont d’aucune utilité à cet égard, et les définitions des dictionnaires portent à conclure à l’absence d’une telle distinction dans le langage courant.

33. Le Canadian Oxford Dictionary définit le mot « herb » (herbe) comme « [...] toute plante dotée de feuilles, de graines, ou de fleurs utilisées comme aromatisant ,nourriture, médicament, parfum, etc. [...] » [traduction], et le mot « spice » (épice) comme « [...] une substance légumineuse aromatique ou piquante utilisée pour donner un arôme aux aliments [...] »22 [traduction]. D’après ces définitions, tant les épices que les herbes servent d’aromatisants, mais la partie de la plante qui sert à donner un arôme ne fonde pas de distinction clairement définie entre ces deux mots. Le Tribunal souligne que les définitions susmentionnées n’excluent pas une partie de la plante, par exemple les feuilles, au titre d’épice, et ne limitent pas non plus l’emploi du mot « épice » aux seules graines, contrairement à ce que North American a soutenu. Le mot « garlic » (ail) est défini comme « [...] le bulbe à odeur forte et à saveur piquante de cette plante, composé de gousses, utilisé comme condiment en cuisson [...] » [traduction], et le mot « dillweed » (aneth) est défini comme « [...] les feuilles de la plante d’aneth utilisées comme assaisonnement »23 [traduction]. Le Tribunal fait observer que ces deux substances végétales sont utilisées comme aromatisants et pourraient répondre à la définition que donne le dictionnaire du mot « épice », ce qui est cohérent avec l’utilisation du mot « épice » employé par l’ASFC lorsqu’elle renvoie aux « épices alimentaires aromatiques » [traduction].

34. North American a prétendu que le mot « épice » a été choisi, et non les mots aromatisant ou assaisonnement, dans un but précis et qu’il s’agit-là de termes distincts. Le Tribunal est d’avis que, lorsqu’on les ajoute à une substance alimentaire, les épices et les autres additifs n’en sont pas les éléments déterminants, autrement dit qu’ils ne sont pas le facteur déterminant aux fins du classement dans la position no 20.01. Plutôt, les deux facteurs qui déterminent le classement sont la présence de légumes et la méthode de conservation, et non le type d’ingrédients aromatisants. Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis que la définition que donne le Canadian Oxford Dictionary du mot « spice » (épice) permet de décrire l’ail et l’aneth comme étant des épices, au sens des Notes explicatives de la position no 20.01.

35. Les Notes explicatives de la position no 20.01 prévoient également ce qui suit : « [...] Ces produits peuvent également contenir de l’huile ou d’autres additifs [...] » [nos italiques]. À cet égard, le Tribunal a tenu compte de la définition suivante du mot « additive » (additif) que donne le Canadian Oxford Dictionary : « [...] quelque chose d’ajouté, notamment une substance ajoutée à une autre pour lui conférer des attributs particuliers (additif alimentaire) [...] »24 [traduction]. À la lumière des éléments de preuve au dossier et des qualités aromatisantes que confèrent l’ail et l’aneth aux marchandises en cause, le Tribunal est d’avis que l’expression « ou d’autres additifs » comprise dans les Notes explicatives de la position no 20.01 peut également englober les ingrédients aromatisants, comme l’ail et l’aneth en l’espèce.

36. Les parties ont invoqué certaines dispositions réglementaires sur l’étiquetage et un document du ministère de la Santé (Santé Canada) intitulé « Dictionnaire sur les additifs alimentaires »25 . Bien que les règlements sur l’énumération des ingrédients des produits et la définition que donne Santé Canada de l’expression « additif alimentaire » peuvent aider à comprendre l’acception technique ou industrielle de termes particuliers, il ne s’agit pas là de facteurs ayant une force exécutoire quant à la question de classement tarifaire dont le Tribunal est saisi. De plus, le Tribunal fait observer certaines incohérences entre les Notes explicatives et la liste des additifs alimentaires qui peuvent être utilisés au Canada. Par exemple, dans les Notes explicatives, l’huile, d’une façon générale, est considérée comme étant un additif, tandis que seulement certains types précis d’huile sont inclus dans la liste des additifs autorisés au Canada. Le Tribunal estime donc que le « Dictionnaire sur les additifs alimentaires » n’est pas un guide utile aux fins du classement tarifaire qui fait l’objet de l’espèce.

37. À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est d’avis que l’ail et l’aneth sont ajoutés aux marchandises en cause pour leur donner un arôme et pourraient être soit des épices soit des additifs au sens des Notes explicatives. Aucun élément de preuve au dossier n’indique que les marchandises en cause sont commercialisées en tant que conserves à la fois de concombres et d’aneth, ou de concombres et d’ail. Plutôt, le Tribunal comprend que l’aneth et l’ail donnent un arôme au vinaigre, ce qui ensuite donne un arôme aux concombres en conserve. Le Tribunal n’est pas d’avis que les éléments de preuve mis à sa disposition indiquent que les consommateurs achètent les marchandises en cause pour obtenir de l’aneth conservé au vinaigre, ou de l’ail conservé au vinaigre.

38. Par conséquent, compte tenu des Notes explicatives de la position no 20.01, le Tribunal considère que l’ail et l’aneth sont de la nature des épices, ou sont d’autres additifs, qui sont présents pour leurs propriétés aromatisantes. Le Tribunal est d’avis que l’aneth ou l’ail ne transforment pas les marchandises en cause en quelque chose d’autre que des concombres, conservés au vinaigre.

39. À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont simplement différentes préparations d’un légume, conservé au vinaigre, c.-à-d. des concombres ordinairement connus sous le nom de cornichons à l’aneth. Par conséquent, aux fins de leur classement tarifaire, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont correctement dénommées à titre de concombres au vinaigre.

40. Le Tribunal est d’avis que North American ne peut pas réussir à étayer sa position en invoquant les notes de sous-positions 1 et 2 du Chapitre 20, qui prévoient ce qui suit :

1. Au sens du no 2005.10, on entend par légumes homogénéisés des préparations de légumes finement homogénéisées, conditionnées pour la vente au détail comme aliments pour enfants ou pour usages diététiques, en récipients d’un contenu d’un poids net n’excédant pas 250 g. Pour l’application de cette définition, il est fait abstraction des divers ingrédients ajoutés, le cas échéant, à la préparation, en faible quantité, comme assaisonnement ou en vue d’en assurer la conservation ou à d’autres fins. Ces préparations peuvent contenir, en faible quantité, des fragments visibles de légumes. Le no 2005.10 a la priorité sur toutes les autres sous-positions du no 20.05.

2. Au sens du no 2007.10, on entend par préparations homogénéisées des préparations de fruits finement homogénéisées, conditionnées pour la vente au détail comme aliments pour enfants ou pour usages diététiques, en récipients d’un contenu d’un poids ne[t] n’excédant pas 250 g. Pour l’application de cette définition, il est fait abstraction des divers ingrédients ajoutés, le cas échéant, à la préparation, en faible quantité, comme assaisonnement ou en vue d’en assurer la conservation ou à d’autres fins. Ces préparations peuvent contenir, en faible quantité, des fragments visibles de fruits. Le no 2007.10 a la priorité sur toutes les autres sous-positions du no 20.07.

41. North American a soutenu que ces notes de sous-positions montrent comment une petite quantité d’ingrédients ajoutés comme assaisonnement peut jouer un rôle critique dans le classement. Elle a aussi soutenu que ces notes de sous-positions illustrent que les ingrédients utilisés comme assaisonnement ne sont pas considérés faire partie de la « préparation » comme telle. Elle a souligné que ces notes de sous-positions prescrivent de ne pas tenir compte des ingrédients d’assaisonnement dans le classement des préparations prévues dans les sous-positions nos 2005.10 et 2007.10, alors qu’aucune directive semblable n’est donnée en ce qui concerne les préparations de la sous-position no 2001.10. De l’avis de North American, cette distinction donne lieu de tirer une « conclusion logique [...] que l’ajout d’ingrédients d’assaisonnement doit être prise en compte aux fins du classement des marchandises au niveau des sous-positions »26 [traduction].

42. Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument ci-dessus. Le libellé des notes de sous-positions énonce expressément qu’elles s’appliquent « [a]u sens » des sous-positions nos 2005.10 et 2007.10. De ce fait, le Tribunal est d’avis qu’aucune « conclusion logique » ne doit être tirée de l’absence de mention semblable ailleurs dans la nomenclature.

43. De plus, North American a soutenu que le Tarif des douanes prévoit expressément les « marinades » au niveau statistique, à 10 chiffres, dans le numéro de classement 2001.90.90.91 et que ce fait appuie le classement dans la sous-position no 2001.90. L’ASFC a soutenu que North American ne peut appuyer son allégation concernant la sous-position no 2001.90 sur le numéro statistique en suffixe pour les « marinades », puisque le classement se fonde exclusivement sur la nomenclature jusqu’aux numéros tarifaires à huit chiffres seulement. Le Tribunal est d’accord avec l’ASFC sur ce point. En effet, il est bien établi que les numéros de classement à 10 chiffres n’ont aucune incidence sur le classement, lequel doit toujours se faire en conformité avec les articles 10 et 11 du Tarif des douanes.

44. Dans ses observations écrites, North American a soutenu, à titre subsidiaire, que les marchandises en cause pourraient être considérées comme des mélanges et donc classées d’après les Règles 2 b) et 3 a) et b) des Règles générales. Selon un tel argument, les marchandises en cause seraient composées de matières différentes, y compris des concombres et divers ingrédients ajoutés comme assaisonnement. À cet égard, North American a soutenu que la Règle 2 b) prescrit que le classement des marchandises en cause doit être effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3. North American a soutenu que les deux sous-positions nos 2001.10 et 2001.90 sont à considérer, au regard des marchandises en cause, comme également spécifiques en vertu de la Règle 3 a) puisque chaque sous-position se rapporte à une partie seulement des matières constituant les produits mélangés que sont les marchandises en cause. D’après North American, en vertu de la Règle 3 b), il s’ensuit que les marchandises en cause doivent être classées d’après la matière ou le composant du mélange qui leur confère leur caractère essentiel, qui, en l’espèce, serait à classer dans la sous-position no 2001.90.

45. Le Tribunal, lorsqu’il a conclu que les marchandises en cause sont, pour l’essentiel, des concombres, conservés au vinaigre, de la sous-position no 2001.10, est arrivé à sa conclusion par l’application de la Règle 1. Par conséquent, le Tribunal n’a pas eu besoin de tenir compte de la Règle 2 ou de la Règle 3.

DÉCISION

46. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2001.10.00.

47. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Au début du présent appel, les marchandises en cause comprenaient aussi les cornichons tranchés sucrés. Cependant, à l’audience, North American a concédé que l’ASFC avait correctement classé ces cornichons dans le numéro tarifaire 2001.10.00. Transcription de l’audience publique, 17 octobre 2008, aux pp. 82-83.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Pièce A-03: « Cornichons à l’ail et à l’aneth » de marque Compliments; pièce A-04 : « Petits cornichons à l’aneth avec l’ail supplémentaire » de marque Western Family; pièce A-05 : « Mini-cornichons à l’aneth avec ail » de marque Safeway; pièce A-07 : « Cornichons à l’aneth polski ogorki » de marque Western Family.

5 . Pièce du Tribunal AP-2007-017-1 et Mémoire de l’intimé, onglet 4.

6 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

7 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

8 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

9 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position. De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

10 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

11 . Organisation mondiale des douanes, 3e éd., Bruxelles, 2002 [Notes explicatives].

12 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), para. 13, 17.

13 . Aux termes de la Règle 6 des Règles générales, le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles 1 à 5. Autrement dit, pour classer les marchandises en question, le Tribunal doit d’abord examiner les termes des sous-positions de la position no 20.01 en application de la Règle 1.

14 . Mémoire de l’intimé, para. 15.

15 . Lorsqu’ils sont présents, l’ail, l’aneth et le sel représentent chacun de 3 à 7 p. 100 des marchandises en cause en poids, tandis que les concombres représentent de 50 à 55 p. 100 des marchandises en cause, en poids, le reste étant composé du mélange d’eau et de vinaigre. Transcription de l’audience publique, 17 octobre 2008, aux pp. 56-57.

16 . Transcription de l’audience publique, 17 octobre 2008, à la p. 67.

17 . Ibid. à la p. 59.

18 . Ibid. à la p. 61.

19 . Ibid. à la p. 89.

20 . Dossier des sources invoquées de l’appelante, onglet 2.

21 . Transcription de l’audience publique, 17 octobre 2008, à la p. 95.

22 . Deuxième éd., s.v. « herb », « spice ».

23 . Deuxième éd., s.v. « garlic », « dillweed ».

24 . Deuxième éd., s.v. « additive ».

25 . Mémoire de l’intimé, onglet 6.

26 . Mémoire de l’appelante, para. 18.