SANUS SYSTEMS


SANUS SYSTEMS
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-007

Décision et motifs rendus
le jeudi 8 juillet 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 2 juin 2010, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 6 février 2009, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SANUS SYSTEMS Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 2 juin 2010

Membre du Tribunal : Pasquale Michaele Saroli, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Agents principaux de la recherche : Gary Rourke
Jan Wojcik

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Lindsay Vincelli

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Sanus Systems Michael Sherbo
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Lorne Ptack

TÉMOIN :

Celeste Irvine-Jones
Architecte d’intérieur
Creative Friction

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Sanus Systems (Sanus) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains supports de télévision à écran plat (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.20.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres meubles en métal, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8529.90.90 à titre d’autres parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des positions nos 85.25 à 85.28, comme le soutient Sanus.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 7 juillet 2008, aux termes du paragraphe 43.1(1) de la Loi, Sanus déposait une demande de décision anticipée de classement tarifaire des marchandises en cause. Sanus soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8529.90.903 .

4. Le 16 juillet 2008, aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, l’ASFC rendait une décision anticipée, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9403.20.004 .

5. Le 24 juillet 2008, aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi, Sanus demandait le réexamen de la décision anticipée à l’égard du classement tarifaire des marchandises en cause. À cet égard, Sanus a demandé que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8529.90.905 .

6. Le 6 février 2009, aux termes de l’alinéa 60(4)b) de la Loi, l’ASFC confirmait sa décision anticipée6 .

7. Le 30 avril 2009, Sanus déposait le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi 7 .

8. Le 2 juin 2010, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). Mme Celeste Irvine-Jones, architecte d’intérieur agréée chez Creative Friction, a témoigné au nom de Sanus. Le Tribunal a reconnu à Mme Irvine-Jones le titre d’experte en architecture d’intérieur8 .

MARCHANDISES EN CAUSE

9. Les marchandises en cause sont des supports sur plancher non assemblés d’appareils audio-vidéo destinés à des télévisions à écran plat (plasma et LCD) des modèles PFFP et PFFP2B, le dernier modèle ayant une tablette supplémentaire. Chaque modèle comporte un pilier vertical avec une grande plaque de fixation conçue expressément pour la fixation par écrous d’une télévision à écran plat et un tube central pour la gestion des fils. La plaque de fixation glisse de haut en bas le long du pilier pour ajuster la hauteur et se penche pour ajuster l’angle de la télévision. Les deux modèles comportent des bases en métal qui permettent leur placement sur une surface plane. Les marchandises en cause sont conçues pour supporter des télévisions à écran plat de 30 à 50 po pesant jusqu’à 130 lb9 .

ANALYSE

Cadre législatif

10. Dans des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

11. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes10 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

12. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[11] et les Règles canadiennes[12] énoncées à l’annexe. »

13. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi13 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. » Selon la Règle 2 a), cependant, « [t]oute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article [...] complet ou fini [...] présenté à l’état démonté ou non monté ».

14. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[14] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[15] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada16 .

15. Après avoir utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et de la Règle 1 des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

Classement tarifaire en cause

16. Les parties divergent d’opinion quant à la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées. Sanus soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 85.29, tandis que l’ASFC est d’avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 94.03.

Dispositions de classement pertinentes concernant la position no 85.29

17. Les dispositions pertinentes concernant la position no 85.29 prévoient ce qui suit :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION
DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET
PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[...]

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION
DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET
PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[...]

85.29 Parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des nos 85.25 à 85.28.

[...]

8529.90 -Autres

[...]

8529.90.90 - - -Autres

18. Les dispositions pertinentes concernant la section XVI prévoient ce qui suit :

2. Sous réserve des dispositions de la Note 1 de la présente Section et de la Note 1 des Chapitres 84 et 85, les parties de machines (à l’exception des parties des articles des nos 84.84, 85.44, 85.45, 85.46 ou 85.47) sont classées conformément aux règles ci-après :

a) les parties consistant en articles compris dans l’une quelconque des positions des Chapitres 84 ou 85 (à l’exception des nos 84.09, 84.31, 84.48, 84.66, 84.73, 84.87, 85.03, 85.22, 85.29, 85.38 et 85.48) relèvent de ladite position, quelle que soit la machine à laquelle elles sont destinées;

b) lorsqu’elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées à une machine particulière ou à plusieurs machines d’une même position (même des nos 84.79 ou 85.43), les parties, autres que celles visées au paragraphe précédent, sont classées dans la position afférente à cette ou à ces machines ou, selon les cas, dans les nos 84.09, 84.31, 84.48, 84.66, 84.73, 85.03, 85.22, 85.29 ou 85.38; toutefois, les parties destinées principalement aussi bien aux articles du no 85.17 qu’à ceux des nos 85.25 à 85.28, sont rangées au no 85.17;

[...]

19. Les Notes explicatives pertinentes de la section XVI prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

I.- PORTEE GENERALE DE LA SECTION

[...]

II.- PARTIES

(Note 2 de la Section)

En règle générale, sous réserve des exclusions reprises au chiffre I ci-dessus, les parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement conçues pour une machine ou un appareil déterminé ou pour plusieurs machines ou appareils compris dans une même position (même les nos 84.79 ou 85.43) sont classées à la position afférente à cette ou à ces machines. Relèvent toutefois de positions particulières, distinctes de celles des machines :

[...]

H) Les parties des appareils des nos 85.25 à 85.28 (n° 85.29).

20. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 85 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

[...]

B.- PARTIES

En ce qui concerne les Règles générales relatives au classement des parties, se reporter aux Considérations générales de la Section.

Les parties non électriques de machines ou appareils du présent Chapitre sont classées comme suit :

[...]

2) Les autres parties non électriques reconnaissables comme étant destinées exclusivement ou principalement aux machines ou appareils électriques, etc., du présent Chapitre suivent le régime des articles auxquels elles sont destinées ou, le cas échéant, sont classées aux nos 85.03, 85.22, 85.29 ou 85.38.

21. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 85.28 prévoient ce qui suit :

PARTIES

Sous réserve des dispositions générales relatives au classement des parties (voir les Considérations générales de la Section XVI), les parties des appareils de la présente position relèvent du n° 85.29.

22. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 85.29 prévoient ce qui suit :

Sous réserve des dispositions générales relatives au classement des parties (voir les Considérations générales de la Section), la présente position comprend les parties des appareils relevant des quatre positions précédentes. Parmi les parties dont il s’agit, on peut citer :

[...]

3) Les meubles spéciaux conçus pour recevoir les appareils des nos 85.25 à 85.28.

Dispositions de classement pertinentes concernant la position no 94.03

23. Les dispositions pertinentes concernant la position no 94.03 prévoient ce qui suit :

Section XX

MARCHANDISES ET PRODUITS DIVERS

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE ET SIMILAIRES; APPAREILS D’ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES, PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES; CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

[...]

94.03 Autres meubles et leurs parties.

[...]

9403.20.00 -Autres meubles en métal

24. Les dispositions pertinentes concernant le chapitre 94 prévoient ce qui suit :

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

g) les meubles constituant des parties spécifiques d’appareils des nos 85.18 (n° 85.18), 85.19 à 85.21 (n° 85.22) ou des nos 85.25 à 85.28 (n° 85.29);

[...]

2. Les articles (autres que les parties) visés dans les nos 94.01 à 94.03 doivent être conçus pour se poser sur le sol.

25. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 94 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers - meubles et sièges de navires, par exemple -ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux, églises, écoles, cafés, restaurants, laboratoires, hôpitaux, cliniques, cabinets dentaires, etc., ainsi que les navires, avions, voitures de chemin de fer, voitures automobiles, remorques-camping et engins de transport analogues. Les articles de même nature (bancs, chaises, etc.) utilisés dans les jardins, squares, promenades publiques, sont également compris ici.

26. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 94.03 prévoient ce qui suit :

Parmi les meubles de cette position, dans laquelle sont groupés, non seulement les articles eux-mêmes non repris dans les positions précédentes, mais aussi leurs parties, il y a lieu de mentionner tout d’abord ceux qui se prêtent généralement à l’utilisation en différents lieux, tels qu’armoires, vitrines, tables, porte-téléphone, bureaux, secrétaires, bibliothèques, étagères.

[...]

Sont exclus de la présente position :

[...]

k) Les meubles constituant des parties spécifiques d’appareils des nos 85.18 (n° 85.18), 85.19 à 85.21 (n° 85.22) ou des nos 85.25 à 85.28 (n° 85.29).

27. Il n’est pas contesté que les télévisions elles-mêmes sont correctement classées dans la position no 85.28 à titre d’appareils récepteurs de télévision. À cet égard, le Tribunal convient que les télévisions à écran plat constituent un appareil de la position no 85.2817 .

Les marchandises en cause sont-elles d’autres meubles en métal de la position no 94.03?

28. Faisant référence à la définition de « meubles » énoncée dans les Notes explicatives du chapitre 94, l’ASFC soutient qu’une des caractéristiques essentielles des marchandises en cause est leur conception en vue du placement sur le plancher ou le sol à des fins utilitaires. À cet égard, il n’est pas contesté que les marchandises en cause sont conçues pour le placement sur le plancher ou le sol aux fins utilitaires de support de télévision à écran plat18 .

29. Le Tribunal convient que les marchandises en cause sont des « meubles » au sens des Notes explicatives du chapitre 94.

30. L’ASFC soutient qu’étant donné que les marchandises en cause sont manifestement destinées au placement sur le plancher ou le sol, elles respectent aussi les exigences de la note 2 du chapitre 94 dans son application aux articles visés par la position no 94.03.

31. L’ASFC ajoute que même si cela ne lie pas le Tribunal, les décisions américaines en matière de classement tarifaire sont compatibles avec la position de l’ASFC selon laquelle les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 94.0319 .

32. En ce qui concerne les prétentions de Sanus, l’ASFC soutient qu’il faut établir une distinction entre les « parties » et les « accessoires ». À cet égard, l’ASFC renvoie à la définition de « partie » et d’« accessoire » figurant au mémorandum D10-0-120 , qui définit ainsi chacun de ces termes :

Une « partie » s’entend d’une composante reconnaissable d’un article, d’une machine, d’un appareil, d’un matériel, d’un dispositif ou d’une marchandise particulière, qui fait partie intégrante de la conception et est essentielle à la fonction du produit dans lequel elle est utilisée.

Un « accessoire » s’entend d’un article qui joue un rôle secondaire ou auxiliaire, qui n’est pas essentiel à la fonction et qui pourrait améliorer l’efficacité de la machine, du matériel, de l’appareil ou du dispositif hôte.

33. À cet égard, l’ASFC soutient que puisque les marchandises en cause ne sont nullement essentielles au fonctionnement de la télévision ni ne font partie intégrante de sa conception et que puisque la télévision est entièrement fonctionnelle sans le support au plancher, les marchandises en cause sont des accessoires21 .

34. Concédant que les marchandises en cause sont destinées aux télévisions à écran plat, l’ASFC soutient que ce fait à lui seul ne suffisait pas pour faire des marchandises en cause des « parties » de télévision. Elle soutient que les marchandises en cause demeurent des accessoires puisqu’elles ne sont pas essentielles au fonctionnement des télévisions ni ne font partie intégrante de leur conception. Le fait que les marchandises en cause nécessitent des télévisions pour réaliser leur fonction prévue n’est pas pertinent puisque la question consiste à savoir si le support est essentiel au fonctionnement de la télévision et non pas l’inverse.

35. Le Tribunal fait remarquer qu’en vertu de la note 1g) du chapitre 94, les marchandises en cause, à titre de meubles, ne peuvent pas à première vue être classées à la fois dans la position no 85.29 et dans la position no 94.03.

36. Le Tribunal estime donc qu’il y a lieu de déterminer si les marchandises en cause sont exclues de l’application du chapitre 94 au motif qu’elles peuvent être classées dans la position no 85.29 à titre de meubles constituant des parties spécifiques d’appareil de la position no 85.28.

Les marchandises en cause sont-elles d’autres parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des positions nos 85.25 à 85.28?

37. La position no 85.29 vise les parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des nos 85.25 à 85.28, cette dernière position visant les appareils récepteurs de télévision (y compris les télévisions à écran plat).

38. À l’appui de sa prétention selon laquelle les marchandises en cause constituent des « parties » au sens attribué à ce terme à la position no 85.29, Sanus soutient que même si elles ne sont pas expédiées en tant qu’unités avec les télévisions à écran plat, elles forment des unités complètes avec ces télévisions, n’ont aucune autre fonction, sont nécessaires pour l’usage sécuritaire et prudent des télévisions à écran plat et sont conçues pour être utilisées avec de tels appareils22 .

39. À l’appui de son argument selon lequel les meubles ne sont pas exclus du chapitre 85, Sanus ajoute qu’il n’y a aucune exclusion des marchandises de la section XX ou du chapitre 94 dans la note 1 de la section XVI et que la seule exclusion de marchandises du chapitre 94 figurant à la note 1 du chapitre 85 vise les meubles chauffés à l’électricité du chapitre 9423 .

40. Sanus souligne qu’ailleurs dans le chapitre 85 et dans les Notes explicatives du chapitre 85, les consoles, les bureaux, les cabinets et d’autres bases sont considérés comme des « parties » à classer dans leurs positions respectives et que les Notes explicatives de la position no 85.42 reconnaissent explicitement les supports comme des « parties »24 .

41. Concernant l’exigence de la position no 85.29 selon laquelle les parties doivent être reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils de la position no 85.28, Sanus soutient que les marchandises en cause sont conçues pour être utilisées avec des télévisions à écran plat, comme l’indiquent des caractéristiques particulières de conception telles les grandes plaques de fixation pour la fixation par écrous de télévisions à écran plat et les tubes centraux pour la gestion des fils.

42. Selon Sanus, le fait que des meubles puissent être des « parties » en vertu de la section XVI est appuyé par les Notes explicatives de cette section et par la note 1g) du chapitre 94, qui prévoit que les meubles constituant des parties spécifiques doivent être classés dans la position no 85.29.

43. L’ASFC soutient que le terme « parties », lorsqu’on le lit à la lumière du renvoi aux « meubles spéciaux conçus pour recevoir les appareils des nos 85.25 à 85.28 » [nos italiques] dans la note 3 des Notes explicatives de la position no 85.29, doit être considéré limité aux articles qui enferment ou complètent l’appareil. Puisque les marchandises en cause ne peuvent être correctement considérées comme des meubles constituant des parties spécifiques d’appareils de la position no 85.28 (au sens de les enfermer ou de les compléter), l’ASFC soutient qu’elles ne sont pas exclues de la portée du chapitre 94 en vertu de la note 1g) de ce dernier. Bref, les marchandises en cause n’ont pas été correctement décrites comme des parties de télévisions.

44. Selon le Tribunal, le fait que la mention des « parties » dans la position no 85.29 vise les meubles reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux télévisions à écran plat découle nécessairement de l’interprétation de cette position conjointement avec la note 1g) du chapitre 94 et à la lumière de cette note25 .

45. Comme il a été mentionné, il n’est pas contesté, et le Tribunal conclut, que les marchandises en cause constituent des « meubles ». Il n’est pas contesté non plus que les marchandises en cause, à titre de meubles, sont expressément « [...] conçues pour soutenir une télévision à écran plat de 30 à 50 po pesant jusqu’à 130 lb »26 [traduction] et sont équipées à cette fin de grandes plaques de fixation et de tubes centraux pour l’organisation et la dissimulation des câbles de télévision27 .

46. À la lumière de la description photographique des marchandises en cause28 , le Tribunal accepte la déposition du témoin expert selon laquelle les marchandises en cause n’ont aucun attrait esthétique ni aucune valeur utilitaire comme meubles hormis la fin très précise pour laquelle elles sont conçues29 .

47. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont des meubles constituant des parties spécifiques des télévisions à écran plat de la position no 85.28.

48. Il reste à déterminer si les marchandises en cause, à titre de meubles constituant des parties spécifiques des télévisions à écran plat, sont des « parties » de tels appareils au sens de la position no 85.29.

49. L’ASFC invoque quatre critères qui ont été appliqués dans des décisions antérieures afin de déterminer si un article était une « partie » d’un appareil30 . Toutefois, les deux parties conviennent qu’il n’est pas nécessaire que tous les critères énoncés dans la jurisprudence citée ou dans la politique publiée de l’ASFC soient respectés pour que les marchandises soient qualifiées de parties31 .

50. Même si les décisions antérieures procurent des indications utiles sur les facteurs qui, à eux seuls ou en combinaison, pourraient être pertinents à de telles déterminations, il n’existe aucun critère universel permettant de déterminer si les marchandises sont des parties, chaque affaire devant être tranchée en fonction de ses propres éléments32 .

51. En l’espèce, le fait que les marchandises en cause soient conçues pour être utilisées avec des télévisions à écran plat, qu’elles forment des unités complètes avec ces télévisions (les télévisions étant fixées par écrous aux plaques de fixation), qu’elles n’ont aucune autre fonction concrète et visent à permettre l’usage sécuritaire et prudent de télévisions à écran plat suffit, de l’avis du Tribunal, pour en faire des « parties ».

52. Le Tribunal estime aussi que les Notes explicatives de la position no 85.29 sont particulièrement pertinentes pour son examen de la question de savoir si les marchandises en cause, à titre de meubles constituant des parties spécifiques des télévisions à écran plat, sont des « parties » au sens de cette position tarifaire. Comme il a été mentionné, les Notes explicatives de la position no 85.29 prévoient que « [l]es meubles spéciaux conçus pour recevoir les appareils des nos 85.25 à 85.28 » [nos italiques] doivent être classés dans la position no 85.29 à titre de parties.

53. Manifestement, un meuble spécial, même s’il supporte une télévision de la position no 85.28, ne contribue pas à la fonction technique de l’appareil lui-même. Par conséquent, et contrairement à l’observation de l’ASFC, le Tribunal est d’avis que pour constituer des « parties », les marchandises en cause ne doivent pas nécessairement être essentielles pour la fonction des télévisions à écran plat de recevoir des signaux électriques et de les convertir en images et en son de télévision.

54. De plus, l’expression « parmi les parties dont il s’agit, on peut citer » indique que la liste qui suit se veut une illustration plutôt qu’une liste complète, de sorte que sa portée englobe d’autres parties de même nature. À cet égard, il n’est pas contesté, et le Tribunal accepte, que les marchandises en cause, munies de grandes plaques de fixation pour la fixation par écrous des télévisions à écran plat de même que de tubes centraux pour la gestion des fils, sont expressément conçues pour « recevoir » les appareils de la position no 85.28. Selon le Tribunal, cela fait en sorte que les marchandises en cause sont de même nature que les marchandises explicitement décrites dans les Notes explicatives susmentionnées.

55. À cet égard, le Tribunal n’accepte pas la prétention de l’ASFC selon laquelle la mention de « meubles spéciaux » indique que l’éventail de parties de meuble relevant de cette catégorie se limite aux articles qui enferment ou complètent les marchandises puisque cela ne ressort pas des Notes explicatives ni n’est fondé sur des règles de classement tarifaire pertinentes en l’espèce.

56. Compte tenu des considérations qui précèdent et vu l’application de la Règle 2 a) des Règles générales aux marchandises en cause non assemblées, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause constituent des « parties » au sens attribué à ce terme dans la position no 85.29 et qu’en vertu de la note 1g) du chapitre 94, elles ne peuvent pas être classées dans la position no 94.03.

57. Il y a deux sous-positions au même niveau dans la position no 85.29. La sous-position no 8529.10 vise les antennes, les réflecteurs d’antenne ou leurs parties. Puisque les marchandises en cause ne respectent manifestement pas les termes de cette sous-position, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position résiduelle no 8529.90 à titre d’autres parties et, en particulier, dans le numéro tarifaire résiduel 8529.90.90 à titre d’autres parties.

Conclusion

58. Pour les motifs qui précèdent, conformément à la Règle 2 a) des Règles générales, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8529.90.90.

DÉCISION

59. L’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 1.

4 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 2.

5 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 3.

6 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 4.

7 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-01.

8 . Transcription de l’audience publique, 2 juin 2010, à la p. 7.

9 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-03 à la p. 5; pièce du Tribunal AP-2009-007-03A, onglet 1; pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet A à la p. 3, onglets 6, 10.

10 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

11 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

12 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

13 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

14 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

15 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

16 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), para. 13, 17.

17 . À cet égard, les Notes explicatives de la position no 85.28 prévoient ce qui suit : « Parmi les appareils de la présente position, on peut citer : [...] 2) Les appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou des images, pour l’affichage des signaux (postes de télévision). »

18 . Transcription de l’audience publique, 2 juin 2010, aux pp. 10-17.

19 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, para. 65.

20 . « Classement des parties et des accessoires dans le Tarif des douanes » (24 janvier 1994).

21 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, para. 51.

22 . Ceux-ci correspondent aux critères énoncés dans le mémorandum D-10-0-1 (susmentionné) auquel on renvoie dans la pièce du Tribunal AP-2009-007-03, para. 40, et dans la pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 9.

23 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-03, para. 32.

24 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-03, para. 36-37.

25 . Le Tribunal a par le passé conclu que l’expression « comme étant exclusivement ou principalement destinées » aux appareils des nos 85.25 à 85.28 fait référence aux marchandises conçues pour être utilisées avec de tels appareils. Voir Nokia Products Limited. c. Sous-M.R.N. (26 juillet 2000), AP-99-082 (TCCE) à la p. 6.

26 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglet 10.

27 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglets 4, 6.

28 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, onglets 6, 10.

29 . Transcription de l’audience publique, 2 juin 2010, aux pp. 12-13.

30 . York Barbell Company Limited c. Sous-M.R.N.D.A. (19 août 1991), AP-90-161 (TCCE) [York]; C.L. Blue Systems Ltd. c. Sous-M.R.N. (24 novembre 1999), AP-97-074 (TCCE); GL&V/Black Clawson-Kennedy c. Sous-M.R.N. (27 septembre 2000), AP-99-063 (TCCE).

31 . Pièce du Tribunal AP-2009-007-03, para. 40; pièce du Tribunal AP-2009-007-07A, para. 45.

32 . Snydergeneral Canada Inc. c. Sous-M.R.N. (19 septembre 1994), AP-92-091 (TCCE); Winners Only (Canada) Ltd. c. Sous-M.R.N. (13 mai 1996), AP-94-142 (TCCE); York.