J.I.T. INDUSTRIAL SUPPLY & DISTRIBUTION LTD.


J.I.T. INDUSTRIAL SUPPLY & DISTRIBUTION LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2008-015

Décision et motifs rendus
le mercredi 17 février 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 septembre 2009 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 28 juillet 2008 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

J.I.T. INDUSTRIAL SUPPLY & DISTRIBUTION LTD.

Appelante

ET

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 22 septembre 2009

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant
Diane Vincent, membre
Pasquale Michaele Saroli, membre

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Raahool Watchmaker
Nick Covelli

   

Directeur de la recherche :

Dominique Laporte

   

Économiste principal :

Simon Glance

   

Agent de la recherche :

Denise Bergeron

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

   

Agent du greffe :

Sarah MacMillan

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

   

J.I.T. Industrial Supply & Distribution Ltd.

Darrel H. Pearson
Imran Ahmad
Elliot Burger

   

Intimé

Conseiller/représentant

   

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Zoe Oxaal

TÉMOINS :

Gene Varaschin
Directeur des opérations
Fileco (une division de Teknion Canada Limited)

Brian P. Burns
Professeur agrégé
École de design industriel
Université Carleton

   

Kevin Bly
Président
J.I.T. Industrial Supply & Distribution Ltd.

Robert Bell
Professeur
Génie mécanique et aérospatial
Université Carleton

   

Mohammed Ali Dokainish
Professeur émérite
Département de génie mécanique
Université McMaster

George Rothschild
Professeur
Programme d’ébénisterie et de technicien de meubles
Faculté des métiers du bâtiment
Collège Algonquin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par J.I.T. Industrial Supply & Distribution Ltd. (JIT) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), datées du 28 juillet 2008, concernant des demandes de révision aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si 10 modèles de coulisses de tiroir (les marchandises en cause), utilisés dans la fabrication de classeurs en métal et importés par JIT, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8302.42.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs pour meubles, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9403.90.00 à titre d’autres meubles et leurs parties ou, à comme solution de rechange, dans le numéro tarifaire 8482.80.90 à titre de roulements à billes linéaires, comme le soutient JIT.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. JIT a importé les marchandises en cause pour le compte de Teknion Canada Limited (Teknion), aux termes de diverses opérations d’importation en 2004, dans le numéro tarifaire 9403.90.00 à titre de parties d’autres meubles.

4. Le 29 septembre 2005, l’ASFC rendait une décision à la suite d’une révision aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8302.42.00 à titre d’autres garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs pour meubles.

5. Le 22 décembre 2005, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, JIT interjetait appel de la décision de l’ASFC.

6. Le 8 juin 2006, l’ASFC rendait une décision provisoire selon laquelle les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8302.42.00 et indiquait qu’elle suspendait l’appel de JIT jusqu’à ce que d’autres appels interjetés auprès du Tribunal concernant des coulisses de tiroir soient tranchés.

7. Le 28 juillet 2008, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC confirmait sa décision selon laquelle les marchandises en cause étaient classées dans le numéro tarifaire 8302.42.00.

8. Le 24 octobre 2008, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, JIT interjetait appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.

9. Le 16 septembre 2009, JIT déposait, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , un avis d’opposition et une requête en radiation des documents supplémentaires, de la jurisprudence, des pièces et de la liste de témoins de l’ASFC déposés auprès du Tribunal le 11 septembre 2009. L’ASFC déposait une réponse le 18 septembre 2009.

10. Le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario) le 22 septembre 2009.

11. À l’audience, le Tribunal a rejeté la requête de JIT et a prononcé ses motifs à l’égard de cette décision4 .

12. M. Kevin Bly, président de JIT, et M. Gene Varaschin, directeur des opérations, Fileco (une division de Teknion), ont témoigné pour le compte de JIT. M. Mohammed Ali Dokainish, professeur émérite, Département de génie mécanique, Université McMaster, et M. Brian P. Burns, professeur agrégé, École de design industriel, Université Carleton, ont aussi témoigné pour le compte de JIT. Le Tribunal a reconnu à M. Dokainish le titre d’expert en génie mécanique et, plus particulièrement, en dynamique des machines, tandis qu’il a reconnu à M. Burns le titre d’expert en design industriel et, plus particulièrement, en conception et en fabrication de postes de travail ergonomiques, en tests et en évaluations de produits et en conception environnementale durable.

13. M. Robert Bell, professeur en génie mécanique et aérospatial, Université Carleton, et M. George Rothschild, professeur, Programme d’ébénisterie et de technicien de meubles, Faculté des métiers du bâtiment, Collège Algonquin, ont témoigné pour le compte de l’ASFC. Le Tribunal a reconnu à M. Bell le titre d’expert en génie mécanique et en enseignement de conception, notamment sur l’utilisation de roulements à billes et à rouleaux. Il a reconnu à M. Rothschild le titre d’expert dans la construction et la conception de classeurs et de meubles en bois et en matériaux composites, particulièrement à l’égard de coulisses de tiroir, de matériel, de ferrures et d’autres articles similaires utilisés dans la conception de classeurs et de meubles.

MARCHANDISES EN CAUSE

14. Les marchandises en cause sont 10 modèles de coulisses de tiroir à roulements à billes linéaires. Il s’agit de coulisses de tiroir faits sur mesure (bras de suspension) de diverses longueurs utilisées exclusivement dans la fabrication de classeurs en métal pour fixer les tiroirs de manière à leur permettre de s’ouvrir et de se fermer en coulissant. Les coulisses sont composées d’acier durci laminé à froid et assorties de trous de vis de montage qui intègrent des roulements à billes en acier cémenté et un lubrifiant. Chaque coulisse de tiroir est essentiellement composée de parties qui coulissent les unes dans les autres. Elles sont montées sur chaque côté, où un coulisseau est fixé à l’extérieur du côté du tiroir et le coulisseau correspondant est fixé au côté intérieur du classeur5 .

15. Chaque modèle se distingue en taille et en solidité et selon qu’il est installé sur le côté droit ou gauche du classeur fini6 . M. Varaschin a affirmé que chaque modèle de coulisse a une application précise dans un classeur donné7 .

16. JIT a présenté les pièces suivantes, représentant certains modèles des marchandises en cause :

pièce A-01 PPSLIDE2001N — coulisse à extension 3/4

pièce A-02 PPSLIDE2601N — coulisse à extension complète

pièce A-03 PESLIDE1215 — coulisse à extension complète

pièce A-04 JPSLIDE20R/L06 — coulisse à extension complète

pièce A-05 JPSLIDE16R/L06 — coulisse à extension complète

pièce A-06 PPSLIDE1501 — coulisse à extension 3/4

pièce A-07 PESLIDE1224 — coulisse à extension complète

pièce A-08 PESLIDE1230 — coulisse à extension complète

pièce A-09 JPSLIDE26R/L06 — coulisse à extension complète

pièce A-10 PLSLIDE1602 — coulisse de classeur latéral de 18 po

ANALYSE

Cadre législatif

17. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire approprié des marchandises en cause conformément aux règles d’interprétation prescrites.

18. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises élaboré par l’Organisation mondiale des douanes8 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié.

19. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe. »

20. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite11 .

21. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[13] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada14 .

22. L’article 13 de la Loi sur les langues officielles 15 prévoit que les versions française et anglaise de toute loi du Parlement ont également force de loi.

23. Le classement commence donc par la Règle 1 des Règles générales, qui prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes.

Questions de classement tarifaire

24. Comme il a été indiqué plus haut, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 83.02 à titre de garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs, dans la position no 84.82 à titre de roulements à billes ou à rouleaux ou dans la position no 94.03 à titre de parties d’autres meubles.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 83.02 à titre de garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs?

25. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Section XV

MÉTAUX COMMUNS ET OUVRAGES EN CES MÉTAUX

[...]

Chapitre 83

OUVRAGES DIVERS EN MÉTAUX COMMUNS

[...]

83.02 Garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs pour meubles, portes, escaliers, fenêtres, persiennes, carrosseries, articles de sellerie, malles, coffres, coffrets ou autres ouvrages de l’espèce; patères, porte-chapeaux, supports et articles similaires, en métaux communs; roulettes avec monture en métaux communs; ferme-portes automatiques en métaux communs.

26. Les Notes explicatives de la position no 83.02 énoncent ce qui suit :

Cette position comprend certaines catégories de garnitures ou de ferrures accessoires en métaux communs, d’utilisation très générale, des types couramment utilisés pour les meubles, portes, fenêtres, carrosseries, par exemple. Ces articles restent classés ici même s’ils sont destinés à des usages particuliers, par exemple les poignées et charnières pour portières de voitures automobiles. Toutefois, les termes de la présente position ne s’étendent pas aux articles constituant les pièces essentielles d’un ouvrage, tels que châssis de fenêtres, dispositifs d’orientation et d’élévation de certains sièges.

Cette position comprend :

[...]

E) Les garnitures, ferrures et articles similaires pour meubles

Parmi ces articles on peut citer :

1) Les appliques décoratives, les clous protecteurs pour pieds de meubles à une ou plusieurs pointes, les ferrures pour assembler les armoires ou les bois de lits, les supports de tablettes d’armoires, les entrées de clefs.

[Nos italiques]

27. Autrement dit, la position no 83.02 couvre les catégories générales de garnitures et de ferrures en métaux communs, comme celles qui sont souvent utilisées pour les meubles, les portes, les fenêtres, la carrosserie, etc., mais ne vise pas les marchandises utilisées sur les meubles qui constituent une pièce essentielle de la structure du meuble. En l’espèce, les deux parties conviennent que les marchandises en cause sont faites en métal commun et sont utilisées pour les meubles, et qu’elles facilitent l’ouverture et la fermeture du tiroir16 . Le Tribunal convient que c’est ce que la preuve indique. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si les marchandises en cause constituent une pièce essentielle de la structure des classeurs et si les marchandises en cause sont des « garnitures et ferrures d’utilisation générale ».

28. L’ASFC soutient que malgré leur fonction de soutien, les marchandises en cause ne constituent pas une « pièce essentielle d’un ouvrage ». Pour cette raison, l’ASFC est d’avis que les marchandises en cause sont correctement décrites et classées dans la position no 83.02 aux termes de l’article 1 des Règles générales 17 .

29. JIT prétend que les marchandises en cause ne sont pas des garnitures et ferrures d’utilisation générale. JIT affirme que les marchandises en cause sont expressément conçues pour la fonction structurelle des classeurs et sont essentielles à cette fonction, de sorte qu’elles doivent être classées dans la position no 94.03 à titre de parties d’autres meubles, à savoir de classeurs en métal.

30. Pour déterminer si les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 83.02, le Tribunal considérera d’abord si les marchandises en cause sont essentielles à la structure du classeur. Pour ce faire, le Tribunal examinera d’abord le sens du mot « structure » pour ensuite se pencher sur la notion d’« essentiel » dans le contexte de la structure de classeurs en métal.

31. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « structure » notamment comme « [...] the way in which a building etc. is constructed [...] a set of interconnecting parts of any complex thing; a framework [...] » (la façon dont un bâtiment, etc., est construit [...] un ensemble de pièces interreliées de toute chose complexe, une charpente)18 . Le Petit Larousse illustré définit « structure » notamment comme la « [...] [c]onstitution, disposition et assemblage des éléments qui forment l’ossature d’un bâtiment, d’une carrosserie, d’un fuselage, etc. [...] »19 . Ainsi, la position no 83.02 ne vise pas les marchandises qui sont utilisées pour les meubles et qui constituent une pièce essentielle du montage ou de la charpente du meuble.

32. JIT invoque Canmade Furniture Products Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 20 , où le Tribunal a fait remarquer que la détermination de la question de savoir si un article est accessoire ou essentiel à la structure d’un article doit être faite relativement à l’article principal. JIT souligne le fait que le classeur est un article structuré dynamique, sa structure étant tributaire de sa capacité à remplir sa fonction prévue. Par contre, l’ASFC prétend que la coulisse de tiroir est un accessoire et non une « pièce essentielle » de la structure d’un classeur puisque la structure d’un classeur demeure une structure de classeur même si elle n’est pas munie de coulisses de tiroir en métaux communs21 .

33. Le Tribunal est d’avis que la structure d’un article est fondée sur son usage fonctionnel prévu. Par conséquent, le caractère essentiel quant à la structure comprend le caractère essentiel quant à la fonction prévue de l’article.

34. À cet égard, le Tribunal est saisi de beaucoup d’éléments de preuve indiquant que les marchandises en cause sont des pièces essentielles du cadre structurel des classeurs, compte tenu du rôle essentiel qu’elles jouent dans la fonction des classeurs.

35. M. Varaschin a expliqué au Tribunal la façon dont chacune des marchandises en cause constitue une partie intégrante des classeurs, ayant trait à la charpente (ou à la structure de soutien) ainsi qu’aux tiroirs contenant la charge. Il a affirmé que chacune des marchandises en cause contribue à la dynamique du classement sur le plan de l’extension du tiroir, du transfert de la charge, de l’accessibilité des dossiers, de la fermeture du tiroir et de l’anti-rebond22 .

36. En expliquant pourquoi les marchandises en cause ne fonctionnent pas dans d’autres classeurs ou pourquoi d’autres coulisses trouvées dans des quincailleries ne sont pas interchangeables avec les marchandises en cause, M. Varaschin a souligné plusieurs caractéristiques qui ont mis en relief la particularité des marchandises en cause.

37. On retrouve parmi les attributs des marchandises en cause un dispositif de sécurité qualifié de « dispositif de verrouillage » qui empêche l’ouverture de plus d’un tiroir du classeur à la fois23 . Il y a aussi une caractéristique « anti-déviation » qui facilite l’ouverture et la fermeture de chaque tiroir ou, en termes techniques, qui fournit une charge en porte-à-faux lorsqu’un tiroir est ouvert24 .

38. De plus, les marchandises en cause sont fixées au classeur de façon à contrer la déviation d’un côté à l’autre, ce que M. Varaschin a décrit comme l’une des principales caractéristiques qui rendent les coulisses uniques. Les marchandises en cause doivent aussi permettre l’extension complète du tiroir et soutenir des poids allant jusqu’à 200 lb de façon répétée25 . La caractéristique anti-rebond est une autre caractéristique importante des marchandises en cause, puisqu’elle garantit que lorsqu’un tiroir est fermé, il demeure dans cette position et ne s’ouvre pas26 .

39. Quant au caractère essentiel des marchandises qui permet au classeur d’atteindre son objectif dynamique, M. Burns a affirmé que « [...] la coulisse du tiroir est la seule pièce dynamique. [...] [L]e classeur ne bouge pas. Il est statique. Le tiroir, par rapport aux autres choses, ne bouge pas. [...] [L]a seule chose qui bouge est la coulisse, ce qui signifie que les autres choses bougent par rapport à elle »27 [traduction].

40. M. Rothschild a affirmé qu’il considère les coulisses mécaniques « nécessaires » pour les classeurs pour plusieurs raisons, y compris leur capacité de charge et la facilité de déplacement des tiroirs dans le classeur28 . Il a indiqué que le choix définitif des coulisses est fonction des attributs particuliers requis pour le classeur, tels que multiples tiroirs à coulisses autobloquantes.

41. De même, M. Dokainish a affirmé que les coulisses de tiroir linéaires font partie intégrante d’un classeur. La conception et la largeur de la coulisse augmentent la capacité de charge des marchandises en cause. Il souligne l’importance de bonnes coulisses dans la conception d’un classeur. En réponse à une question posée par le Tribunal, il a affirmé qu’il y a une corrélation entre la taille du tiroir, le poids qu’il peut supporter et la largeur de la coulisse utilisée29 .

42. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont essentielles à la structure du classeur, de sorte qu’à la lumière des Notes explicatives de la position no 83.02, elles ne peuvent être classées dans cette position.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 84.82 à titre de roulements à billes ou à rouleaux?

43. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[...]

Chapitre 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES, APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES; PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

[...]

84.82 Roulements à billes, à galets, à rouleaux ou à aiguilles.

44. Les Notes explicatives du chapitre 84 énoncent ce qui suit :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

[...]

B.- STRUCTURE DU CHAPITRE

[...]

(6) Les nos 84.81 à 84.84 ont trait à certains articles d’utilisation générale, employés comme parties à la fois des appareils du présent Chapitre et de ceux d’autres Chapitres.

[...]

84.82 - Roulements à billes, à galets, à rouleaux ou à aiguilles.

[...]

Conçus pour remplacer les coussinets lisses en vue de réduire les pertes d’énergie par frottement, les roulements sont généralement placés entre le palier et l’arbre ou axe, afin de contenir soit la charge radiale (roulements à charge radiale), soit la poussée (roulements à charge axiale ou butées), certains types pouvant, d’ailleurs, absorber à la fois des charges radiales et axiales.

Ces organes se composent en général de deux bagues concentriques entre lesquelles roulent des pièces mobiles qu’un dispositif approprié, appelé cage, maintient en place à un écartement constant.

On distingue notamment :

A) Les roulements à billes (à une seule ou à deux rangées de billes). Relèvent également de ce groupe les glissières à billes, telles que :

[...]

2) Celles à course limitée, en acier, comprenant un cylindre cannelé, une cage à billes et un fourreau extérieur.

[...]

En raison de la forte pression à laquelle sont soumises les surfaces en contact, les roulements sont généralement en acier très dur (acier au chrome en particulier); cependant, pour certains usages particuliers, on les construit en bronze ou en cuivre, ou même en matières plastiques.

45. JIT soutient que les marchandises en cause pourraient être classées dans le numéro tarifaire 8482.80.90 parce qu’elles servent de roulements par conception et fonction de manière à réduire le frottement sous une charge lourde et à permettre le mouvement répété dans les deux directions30 .

46. L’ASFC prétend que même si les coulisses de tiroir contiennent des roulements à billes, il ne s’agit pas en soi de roulements à billes. L’ASFC avance que les marchandises en cause sont aussi exclues de la position no 84.82 parce qu’il ne s’agit pas de machines ou d’appareils ni de pièces de machines, mais plutôt de pièces d’utilisation générale31 .

47. Le Tribunal déterminera d’abord si les marchandises en cause sont des roulements à billes au sens de la position no 84.82.

48. M. Dokainish a affirmé qu’un roulement est l’ensemble du mécanisme et pas seulement des billes en acier :

Il s’agit d’une erreur courante de considérer les billes identiques (ou les éléments de roulement) comme le roulement à billes lui-même. En fait, le roulement à billes est composé de toute l’unité. Prise ensemble, l’unité transfère une charge d’une surface à une autre facilement en réduisant le frottement32 .

[Traduction]

49. Comme il a été indiqué plus haut, les Notes explicatives de la position no 84.82 énoncent ce qui suit :

On distingue notamment :

(A) Les roulements à billes (à une seule ou à deux rangées de billes). Relèvent également de ce groupe les glissières à billes [...]

50. À cet égard, M. Bell a confirmé expressément que les marchandises en cause sont des mécanismes de coulisse comportant deux rangées de roulements à billes33 .

51. Le Tribunal accepte le témoignage de MM. Dokainish et Bell à cet égard, de sorte qu’il conclut que les marchandises en cause sont des roulements à billes au sens de la position no 84.82. Toutefois, afin de déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 84.82, le Tribunal doit aussi déterminer si les marchandises sont des « articles d’utilisation générale » comme l’exigent les Notes explicatives de cette position.

52. À cet égard, la preuve indique que les marchandises en cause ne sont pas destinées aux classeurs en général, mais ont plutôt été conçus expressément pour être utilisées dans des classeurs en métal destinés à supporter de lourdes charges, chaque ensemble de coulisses étant conçu en fonction d’un modèle précis de classeur.

53. M. Rothschild a examiné les marchandises en cause et a jugé qu’elles avaient été ouvrées de manière à avoir une meilleure tolérance et une meilleure qualité que les produits à usage multiple qu’on retrouve dans les catalogues de certains distributeurs de quincaillerie34 .

54. De plus, M. Varaschin a affirmé que les marchandises en cause ne sont pas offertes dans les quincailleries, ne fonctionnent pas dans les autres classeurs et sont particulières sur les plans de la conception, des caractéristiques de charge et des fonctions, et que chacune est assortie d’un numéro de pièce correspondant à un classeur particulier.

55. Par conséquent, le Tribunal estime que les marchandises en cause ne sont pas des articles d’utilisation générale. Ainsi, elles ne peuvent être classées dans la position no 84.82.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 94.03 à titre de parties d’autres meubles?

56. Les parties pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Chapitre 94

MEUBLES...

[...]

94.03 Autres meubles et leurs parties.

[...]

9403.90.00 -Parties

- - - - -Bâtis, autres que les éléments de construction, utilisés dans les bureaux et pour usages domestiques.

57. Les notes du chapitre 94 qui sont pertinentes à la position no 94.03 prévoient ce qui suit :

Notes.

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

d) les parties et fournitures d’emploi général, au sens de la Note 2 de la Section XV, en métaux communs (Section XV), les articles similaires en matières plastiques (Chapitre 39) et les coffres-forts du n° 83.03;

58. De même, les Notes explicatives du chapitre 94 sont pertinentes pour la position no 94.03 et prévoient ce qui suit :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre englobe, sous réserve des exceptions mentionnées dans les Notes explicatives de ce Chapitre :

1) L’ensemble des meubles, ainsi que leurs parties (nos 94.01 à 94.03).

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers - meubles et sièges de navires, par exemple - ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux [...]

[...]

PARTIES

Le présent Chapitre ne couvre que les parties des produits des nos 94.01 à 94.03 et 94.05. Sont considérés comme telles les articles, même simplement ébauchés qui, par leur forme ou d’autres caractéristiques, sont reconnaissables comme étant conçus exclusivement ou principalement pour un article de ces positions et qui ne sont pas repris plus spécifiquement ailleurs.

59. Les Notes explicatives de la position no 94.03 énoncent ce qui suit :

94.03 - Autres meubles et leurs parties.

Parmi les meubles de cette position, dans laquelle sont groupés, non seulement les articles eux-mêmes non repris dans les positions précédentes, mais aussi leurs parties, il y a lieu de mentionner tout d’abord ceux qui se prêtent généralement à l’utilisation en différents lieux, tels qu’armoires, vitrines, tables, porte-téléphone, bureaux, secrétaires, bibliothèques, étagères.

Viennent ensuite les articles d’ameublement particulièrement conçus :

[...]

2) Pour l’équipement des bureaux, tels que : vestiaires, armoires de classement, classeurs, tables-chariots, fichiers.

60. Autrement dit, la position no 94.03 vise les meubles et leurs parties qui ne sont pas repris par les positions précédentes. Pour que les marchandises en cause puissent être classées dans la position no 94.03, 1) elles doivent être reconnaissables, en raison de leur forme ou d’autres caractéristiques, comme étant conçues exclusivement ou principalement pour un article de la position no 94.03 et 2) elles ne doivent pas être reprises plus spécifiquement ailleurs.

61. JIT soutient que les coulisses de tiroir doivent être classées dans le numéro tarifaire 9403.90.00 parce qu’elles sont reconnaissables par leur forme et d’autres caractéristiques comme étant conçues exclusivement ou principalement pour un article de la position no 94.03. JIT ajoute que les marchandises en cause ne sont pas reprises plus spécifiquement dans une autre position.

62. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont des pièces d’utilisation générale qui sont reprises plus spécifiquement dans la position no 83.02 à titre de garnitures, ferrures et articles similaires en métaux communs pour meubles, de sorte qu’elles ne peuvent pas être classées dans la position no 94.03.

63. En ce qui a trait à la première condition, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont conçues exclusivement pour un article de la position no 94.03, c.-à-d. un classeur. Comme il a été mentionné plus haut, la preuve démontre clairement que les marchandises en cause ont été conçues expressément pour être utilisées dans des classeurs en métal destinés à supporter de lourdes charges et ne servent pas à des fins générales35 .

64. JIT prétend que, contrairement à la situation dans Canmade, où les marchandises étaient utilisées pour divers meubles, les marchandises en cause sont conçues expressément pour être utilisées dans un type particulier de classeur. Le Tribunal est d’accord et estime que la preuve démontre que les marchandises en cause se distinguent clairement des marchandises dans Canmade.

65. Concernant la deuxième condition, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause ne sont pas reprises plus spécifiquement ailleurs dans la nomenclature tarifaire, compte tenu de sa conclusion qu’elles ne sont pas reprises dans la position no 83.02 ou la position no 84.82.

66. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 94.03.

CONCLUSION

67. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9403.90.00 à titre de parties d’autres meubles.

DÉCISION

68. L’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Transcription de l’audience publique, 22 septembre 2009, aux pp. 4-7.

5 . Mémoire de l’appelante à la p. 3. Cette description, qui n’est pas contestée par JIT, est tirée de la décision provisoire de l’ASFC du 8 juin 2006.

6 . Mémoire de l’appelante à la p. 2; mémoire de l’intimé à la p. 2.

7 . Transcription de l’audience publique, 22 septembre 2009, aux pp. 27-28.

8 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

10 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

11 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

12 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

13 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

14 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), para. 13, 17.

15 . L.R.C. 1985 (4e suppl.), c. 31.

16 . Mémoire de l’appelante, para. 13; mémoire de l’intimé, para. 2.

17 . Mémoire de l’intimé, para. 2, 44.

18 . Deuxième édition., s.v. « structure ».

19 . 2004, s.v. « structure ».

20 . (2 juin 2004), AP-2003-025 (TCCE) [Canmade].

21 . Mémoire de l’intimé, para. 26-30.

22 . Transcription de l’audience publique, 22 septembre 2009, à la p. 36.

23 . Ibid. à la p. 26.

24 . Ibid. à la p. 105.

25 . Ibid. aux pp. 24, 28, 29, 30, 36, 42, 48, 63, 72, 85, 105, 106, 110, 111.

26 . Ibid. à la p. 47.

27 . Ibid. à la p. 202.

28 . Ibid. à la p. 286.

29 . Ibid. aux pp. 149, 151, 152, 156.

30 . Mémoire de l’appelante à la p. 28.

31 . Mémoire de l’intimé à la p. 16; pièce du Tribunal AP-2008-015-15B, para. 18.

32 . Pièce du Tribunal AP-2008-015-15B, para. 18.

33 . Transcription de l’audience publique, 22 septembre 2009, aux pp. 41, 51.

34 . Ibid. aux pp. 249, 272.

35 . Ibid. aux pp. 27-28, 36, 51-52, 63-64, 74; mémoire de l’appelante, onglets 3, 3H, 4, 5, 6.