WOLSELEY ENGINEERED PIPE GROUP


WOLSELEY ENGINEERED PIPE GROUP
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-010

Décision et motifs rendus
le mercredi 11 mars 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 8 décembre 2009, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 6 avril 2009, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WOLSELEY ENGINEERED PIPE GROUP Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis en partie.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 8 décembre 2009

Membre du Tribunal : Ellen Fry, membre présidant

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Agents de la recherche : Simon Glance
Jan Wojcik

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Wolseley Engineered Pipe Group Michael Sherbo
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Holly LeValliant

TÉMOIN :

Craig McIntosh
Gestionnaire, Conformité du commerce international – Amérique du Nord
Wolseley Engineered Pipe Group

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) par Wolseley Engineered Pipe Group (Wolseley) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de quatre décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. Il y a deux questions en litige dans le présent appel. La première question consiste à savoir si certaines machines de soudage par fusion (les marchandises en cause) importées par Wolseley sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 , comme le soutient Wolseley. La deuxième question consiste à savoir si les marchandises en cause sont des marchandises originaires en vertu du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) 3 (c.-à-d. des marchandises d’origine ALÉNA) et donc admissibles aux avantages du tarif des États-Unis.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Du 17 avril 2006 au 19 novembre 2007, Wolseley importait les marchandises en cause dans le cadre de quatre opérations distinctes. Les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99.

4. Le 17 juin 2008, aux termes de l’article 59 de la Loi, l’ASFC, après avoir effectué une vérification, rendait des décisions modifiant le classement tarifaire et la valeur en douane des marchandises en cause. L’ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient des machines hydrauliques pour le soudage. Elles ont été classées dans le numéro tarifaire 8515.80.00.

5. Le 8 septembre 2008, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, Wolseley demandait le réexamen du classement tarifaire et de la valeur en douane des marchandises en cause. À ce moment-là, Wolseley demandait que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8468.80.00 ou, comme solution de rechange, dans le numéro tarifaire 8477.80.99 et que la valeur pour change soit réduite.

6. Le 6 avril 2009, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC réduisait la valeur pour change, mais rejetait la demande de changement du classement tarifaire.

7. Le 3 juin 2009, aux termes de l’article 67 de la Loi, Wolseley déposait un avis d’appel auprès du Tribunal.

8. Le 18 juin 2009, Wolseley demandait que la question du traitement tarifaire soit ajoutée à son appel et que l’appel soit suspendu dans l’attente de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Président de l’Agence des services frontaliers du Canada c. C.B. Powell Ltd.4

9. Le 5 août 2009, le Tribunal rejetait la demande de suspension de l’appel présentée par Wolseley.

10. Le 30 novembre 2009, MSR Customs and Commodity Tax Group (MSR) déposait un avis d’intervention.

11. Le 2 décembre 2009, le Tribunal permettait à MSR d’agir à titre de partie intervenante et l’invitait à déposer un mémoire sur la question du classement tarifaire. Le 4 décembre 2009, MSR déposait son mémoire.

12. Le 7 décembre 2009, Wolseley et l’ASFC déposaient des observations sur le mémoire de la partie intervenante. L’ASFC a demandé que le mémoire soit radié du dossier. Toutefois, à l’audience, l’ASFC a retiré sa demande5 .

13. Le 8 décembre 2009, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Craig McIntosh, gestionnaire, Conformité du commerce international – Amérique du Nord, Wolseley, a témoigné au nom de Wolseley. L’ASFC n’a fait entendre aucun témoin.

LES MARCHANDISES EN CAUSE

14. Les marchandises en cause sont des machines de soudage par fusion McElroy. Ces marchandises en cause soudent par fusion les tuyaux thermoplastiques en chauffant les extrémités des tuyaux afin de les faire fondre pour ensuite joindre les deux extrémités fondues des tuyaux sous pression6 .

15. Les documents de commercialisation du fabricant ajoutent que les marchandises en cause sont des machines électriques et hydrauliques pour le soudage par fusion7 .

ANALYSE

Cadre législatif

16. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

17. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes8 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

18. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe. »

19. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite11 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

20. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[13] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes explicatives, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire14 .

21. Le chapitre 99 du Tarif des douanes, qui comprend le numéro tarifaire 9953.00.00, prévoit des dispositions de classement spécial qui permettent à des marchandises importées au Canada de bénéficier d’un allégement tarifaire. Puisqu’aucune des positions du chapitre 99 n’est subdivisée au niveau des sous-positions ou des numéros tarifaires, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des Règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si des marchandises peuvent être classées dans ce chapitre15 . De plus, puisque le Système harmonisé réserve le chapitre 99 à des fins de classement spécial (c.-à-d, à l’usage exclusif de pays pris individuellement), il n’y a pas d’Avis de classement ni de Notes explicatives à prendre en compte.

Le Tribunal a-t-il compétence pour entendre l’appel à l’égard du classement tarifaire concernant le numéro tarifaire 9953.00.00?

22. Selon l’ASFC, le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00 puisque, à son avis, cette question n’a pas fait l’objet d’une révision par l’ASFC aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

23. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’ASFC. Aux termes de l’article 67 de la Loi, le Tribunal a le pouvoir d’examiner une décision rendue par l’ASFC aux termes de l’article 60 ou 61. L’article 60 fait référence aux décisions de l’ASFC, notamment à l’égard du « classement tarifaire ». L’avis d’appel indique que Wolseley interjette appel de la décision rendue aux termes de l’article 60 concernant le « classement tarifaire ». La décision de l’ASFC en question déclare constituer « [...] une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, en application du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes [...] », notamment à l’égard de la « [...] demande de changement de classement tarifaire [...] » [traduction] présentée par Wolseley.

24. La question de savoir si les marchandises sont admissibles aux avantages d’un numéro tarifaire du chapitre 99 est manifestement une question de classement tarifaire16 . À cet égard, la note 3 du chapitre 99, notamment, prévoit expressément ce qui suit :

3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre [...] mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leur sont applicables.

25. L’ASFC a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8515.80.00. Wolseley ne conteste pas ce classement tarifaire. La nomenclature pertinente prévoit ce qui suit :

85.15 Machines et appareils pour le brasage ou le soudage (même pouvant couper), électriques [...]

[...]

-Machines et appareils pour le soudage des métaux par résistance :

[...]

-Machines et appareils pour le soudage des métaux à l’arc ou au jet de plasma :

[...]

8515.80.00 -Autres machines et appareils

26. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal accepte ce classement.

27. Puisque le classement dans un numéro tarifaire dans les chapitres 1 à 97 a été déterminé, la condition pertinente préalable au classement dans le chapitre 99, figurant à la note 3 du chapitre 99, a été respectée. Par conséquent, le Tribunal déterminera ensuite si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00.

Les marchandises en cause sont-elles admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00?

28. Le numéro tarifaire 9953.00.00 prévoit ce qui suit :

9953.00.00 Appareils hydrauliques et articles devant servir dans ceux-ci;

Articles devant servir dans des moteurs à pistons, à allumage par compression (moteurs diesels ou semi-diesels);

Tout ce qui précède devant servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route.

29. Wolseley a fourni les définitions suivantes du dictionnaire pour le terme « hydraulic »17 (hydraulique) : « 1. Comportant un liquide, notamment de l’eau, sous pression, déplacé par un liquide ou fonctionnant au moyen d’un liquide [...] 3. Relatif à l’hydraulique » [traduction] et soutient que les marchandises en cause sont visées par la définition parce qu’elles sont commercialisées et vendues comme étant hydrauliques18 .

30. L’ASFC ne conteste pas que les marchandises en cause soient « propulsées de façon hydraulique ». Le Tribunal convient que les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause constituent des appareils propulsés de façon hydraulique19 .

31. L’ASFC soutient que le témoignage de M. McIntosh confirme que les marchandises en cause ne servent pas à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route. Wolseley ne conteste pas cette observation. Toutefois, les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si les marchandises doivent servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route pour être admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00.

32. Wolseley prétend que pour être admissible aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00, il suffit que les marchandises en cause soient des « [a]ppareils hydrauliques et articles devant servir dans ceux-ci [...] ». À son avis, l’expression « [t]out ce qui précède devant servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route », qui suit un point-virgule, n’impose pas une exigence supplémentaire relative à l’admissibilité au numéro tarifaire 9953.00.00. Wolseley prétend que selon un principe reconnu du classement tarifaire, un point-virgule indique un arrêt complet et que la disposition le précédant et la disposition le suivant ne sont pas liées.

33. Wolseley cite Bauer Nike Hockey Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 20 à l’appui de sa position. De même, MSR, qui appuyait la position de Wolseley, cite Bauer Nike, Boss Lubricants c. Sous-M.R.N. 21 et John Martens Company c. Sous-M.R.N.D.A. 22 Toutes ces affaires consistaient en l’interprétation de numéros tarifaires qui contiennent un point-virgule.

34. L’ASFC est d’accord avec l’interprétation du point-virgule dans les numéros tarifaires dans les affaires citées par Wolseley et MSR. Toutefois, elle soutient que le libellé du numéro tarifaire 9953.00.00 mène à une interprétation différente.

35. L’ASFC prétend que les appareils hydrauliques ne sont classés dans le numéro tarifaire 9953.00.00 que si les appareils doivent « [...] servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route » en raison de l’expression « [t]out ce qui précède [...] »23 . L’ASFC prétend que l’expression « [a]ppareils hydrauliques et articles devant servir dans ceux-ci [...] » dans le numéro tarifaire 9953.00.00 doit être interprétée dans le contexte de l’expression « [t]out ce qui précède devant servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route ». Par conséquent, elle estime que le numéro tarifaire 9953.00.00 prévoit un allégement tarifaire pour les appareils hydrauliques seulement s’ils servent à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route.

36. Le Tribunal est d’avis qu’il ressort de l’usage grammatical ordinaire que pour que les marchandises soient admissibles à l’allègement tarifaire prévu au numéro tarifaire 9953.00.00, il suffit que les marchandises soient des appareils hydrauliques. Il n’est pas nécessaire que les marchandises en cause doivent aussi « [...] servir à la fabrication de niveleuses ou de décapeuses pour route ».

37. Cela s’applique également au libellé du numéro tarifaire 9953.00.00 dans les deux langues officielles.

38. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause, soit des appareils hydrauliques, sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9953.00.00.

Le Tribunal a-t-il compétence pour déterminer l’origine des marchandises en cause?

39. Wolseley a demandé au Tribunal de déterminer le « traitement tarifaire » (l’« origine »)24 des marchandises en cause dans une lettre datée du 18 juin 2009, laquelle énonce ce qui suit : « La présente vise à vous informer que nous avons par inadvertance omis le traitement tarifaire [...] dans notre avis d’appel daté du 3 juin 2009 et que nous aimerions ajouter le traitement tarifaire à cet appel » [traduction].

40. Lorsqu’elle a importé les marchandises en cause des États-Unis, Wolseley avait au dossier un certificat d’origine ALÉNA indiquant l’origine américaine, mais a déclaré que les marchandises étaient assujetties au tarif de la nation la plus favorisée (NPF) plutôt qu’au tarif des États-Unis. Les marchandises importées sous le régime du tarif des États-Unis et du tarif NPF font l’objet du même tarif douanier dans le numéro tarifaire 8479.89.99, soit le numéro tarifaire aux termes duquel Wolseley a importé les marchandises. Toutefois, la révision par laquelle l’ASFC a conclu que le classement tarifaire correct était le numéro tarifaire 8515.80.00 a changé cette situation puisque le tarif douanier NPF aux termes de ce numéro tarifaire est plus élevé que le tarif douanier correspondant aux termes du tarif des États-Unis.

41. Wolseley fait valoir au Tribunal que l’ASFC a dans les faits révisé le classement tarifaire des marchandises en cause et leur traitement tarifaire. À cet égard, Wolseley prétend que la révision du classement tarifaire s’accompagne automatiquement par une révision du tarif douanier, laquelle dépend de l’origine des marchandises. Sur ce point, Wolseley a cité Vitamines Roche Canada Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 25 et Editions Gallery Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada. 26 Dans Editions Gallery, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

Même si la Division des recours de l’ASFC était d’avis qu’elle ne pouvait réexaminer l’origine, le fait est que, pour réexaminer le taux des droits, l’ASFC devait déterminer si la décision réputée initiale portant sur l’origine allait être confirmée; sinon, elle n’aurait pas su quel taux de droits appliquer. Le Tribunal est donc d’avis que les RDR délivrés le 23 juin 2005 incluaient un réexamen de la détermination de l’origine qui a confirmé la détermination initiale, à savoir une NPF27 .

42. De plus, Wolseley a cité les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Fritz Marketing Inc. 28 et C.B. Powell ainsi que la décision rendue par la Cour fédérale du Canada dans Mueller Canada Inc. c. Canada 29 , dans lesquelles, selon elle, les tribunaux ont conclu que l’absence de décision constitue en fait une décision qui peut faire l’objet d’un appel.

43. L’ASFC prétend que le Tribunal n’a pas compétence pour décider d’un appel relatif à l’origine des marchandises en cause. Selon l’ASFC, il ne s’agit pas d’une affaire où il a refusé de réviser le traitement tarifaire, mais plutôt une affaire où Wolseley n’a jamais demandé de révision. L’ASFC souligne que le pouvoir du Tribunal d’entendre un appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi découle des révisions de l’ASFC en vertu des articles 60 et 61.

44. L’ASFC établit une distinction entre le présent appel et C.B. Powell et Editions Gallery. Les appelantes dans ces affaires avaient expressément demandé la révision à la fois du classement tarifaire et de l’origine. Elle fait valoir que, par opposition, la demande de révision par l’ASFC que Wolseley a présentée précisait le classement tarifaire et la valeur en douane, mais non l’origine.

45. Pour que le Tribunal ait compétence pour décider d’un appel relatif à l’origine, l’ASFC doit avoir rendu une décision sur l’origine aux termes de l’article 60 ou 61 de la Loi. Le paragraphe 67(1) établit cette compétence en prévoyant que « [t]oute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur [...] ». La question de savoir si l’ASFC a rendu une telle décision est une question de fait qu’il faut trancher dans les circonstances de chaque affaire.

46. Selon le Tribunal, les faits du présent appel indiquent que l’ASFC n’a pas rendu de décision aux termes de l’article 60 ou 61 de la Loi relativement à l’origine des marchandises au sens de l’article 67.

47. La décision initiale rendue par l’ASFC aux termes de l’article 59 de la Loi, qui a par la suite fait l’objet de la révision de l’ASFC aux termes de l’article 60, ne portait pas sur l’origine des marchandises en cause. La décision rendue aux termes de l’article 59 en l’espèce fait référence au classement et à la valeur en douane, mais non pas à l’origine30 . La décision rendue aux termes de l’article 59 ne contient aucun terme général qui pourrait raisonnablement être interprété de manière à viser l’origine des marchandises.

48. Le rapport de vérification sur lequel était fondée la décision rendue aux termes de l’article 59 de la Loi indique qu’en plus du classement tarifaire et de la valeur en douane, l’origine des marchandises en cause a été vérifiée31 . Le rapport de vérification indique cependant clairement, à l’égard de l’origine, que « [l]a vérification entreprise ne visait qu’à déterminer le respect de l’exigence selon laquelle l’importateur doit avoir au dossier un certificat d’origine valide »32 [traduction]. Le rapport de vérification ajoute expressément que « [c]et examen ne doit aucunement être interprété comme une décision sur l’origine des marchandises »33 [traduction] et qu’« [...] aucune question n’a été portée à l’attention de l’ASFC à l’égard de l’origine [...] »34 [traduction].

49. La décision rendue aux termes de l’article 60 de la Loi porte expressément sur le classement tarifaire et la valeur pour change, mais non pas sur l’origine35 . Il n’y a dans la décision rendue aux termes de l’article 60 aucun terme qui pourrait raisonnablement être interprété de manière à viser l’origine des marchandises.

50. La demande de révision de la décision de l’ASFC présentée par Wolseley aux termes de l’article 60 de la Loi indique clairement qu’elle porte sur le classement tarifaire et la valeur en douane, mais non pas sur l’origine36 . Cette demande de révision ne contient aucun terme général qui pourrait raisonnablement être interprété de manière à viser l’origine des marchandises.

51. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer l’origine des marchandises en cause.

DÉCISION

52. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9953.00.00 à titre d’appareils hydrauliques.

53. L’appel est donc admis en partie.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./94-14.

4 . Dossier de cour no A-245-09 [C.B. Powell].

5 . Transcription de l’audience publique, 8 décembre 2009, aux pp. 4-5.

6 . Mémoire de l’intimé, para. 6.

7 . Mémoire de l’appelante, onglet 1.

8 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

10 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

11 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

12 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

13 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

14 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13, 17.

15 . Toutefois, la note 1 du chapitre 99 prévoit que les dispositions du chapitre 99 ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle 3a) des Règles générales. Cela reflète le fait que le classement dans les chapitres 1 à 97 et le classement dans le chapitre 99 ne sont pas mutuellement exclusifs.

16 . Par exemple, voir P.L. Light Systems Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (16 septembre 2009), AP-2008-012 (TCCE) et DSM Nutritional Products Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 décembre 2008), AP-2007-012 (TCCE).

17 . The American Heritage® Dictionary of the English Language, 4e éd., s.v. « hydraulic ».

18 . Mémoire de l’appelante, para. 21.

19 . Mémoire de l’appelante, onglet 1; mémoire de l’intimé, para. 6.

20 . (18 mai 2006) AP-2005-019 (TCCE) [Bauer Nike].

21 . (3 septembre 1997), AP-95-276 et AP-95-307 (TCCE).

22 . (10 mai 1993), AP-92-022 (TCCE).

23 . Mémoire de l’intimé, para. 37.

24 . Les termes « traitement tarifaire » et « origine » sont utilisés de façon interchangeable dans ce texte.

25 . (26 janvier 2006) AP-2003-036 (TCCE).

26 . (26 juillet 2006), AP-2005-017 (TCCE) [Editions Gallery].

27 . Editions Gallery, au para. 22.

28 . 2009 CAF 62 (CanLII).

29 . [1993] A.C.F. no 1193 (QL).

30 . Mémoire de l’intimé, onglet 4.

31 . Mémoire de l’intimé, onglet 3 à la p. 3.

32 . Ibid. à la p. 19.

33 . Ibid.

34 . Ibid.

35 . Mémoire de l’intimé, onglet 6.

36 . Mémoire de l’intimé, onglet 5.