FUTURE PRODUCT SALES INC.


FUTURE PRODUCT SALES INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-056

Décision et motifs rendus
le jeudi 8 juillet 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 6 mai 2010 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 22 juillet 2009 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FUTURE PRODUCT SALES INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 6 mai 2010

Membre du Tribunal : André F. Scott, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Eric Wildhaber

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Agent de la recherche : Denise Bergeron

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Lindsay Vincelli

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Future Product Sales Inc. Andrew Simkins
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Korinda McLaine

TÉMOIN :

Bernie Jablecki
Président
Future Product Sales Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Future Product Sales Inc. (Future Product) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. Le présent appel porte sur le classement tarifaire de certains drapeaux, bannières et drapeaux pour antenne de voiture sur lesquels sont imprimés les logos d’équipes de la Ligue nationale de hockey (LNH) (les marchandises en cause). L’ASFC a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6307.90.99 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements, d’autres matières textiles. Future Product soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4911.99.90 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 4 décembre 2008, Future Product demandait à l’ASFC une décision anticipée sur le classement tarifaire des marchandises en cause. Le 12 janvier 2009, l’ASFC rendait une décision anticipée aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi. L’ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99.

4. Le 6 mars 2009, Future Product demandait une révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi 3 . Dans sa décision datée du 22 juillet 2009, rendue aux termes du paragraphe 60(4), l’ASFC maintenait le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6307.90.99.

5. Le 14 octobre 2009, Future Product interjetait appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi 4 .

6. Le 6 mai 2010, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Bernie Jablecki, président de Future Product, a témoigné pour le compte de ladite société. L’ASFC n’a pas convoqué de témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

7. Les marchandises en cause sont divers drapeaux de 3 pi sur 5 pi, diverses bannières de 3 pi sur 5 pi et divers drapeaux pour antenne de voiture de 6 po sur 9 po. Toutes les marchandises en cause sont fabriquées entièrement de tissu de polyester dont les bords sont ourlés, repliés et cousus de tous les côtés. Les drapeaux sont dotés d’œillets et les bannières de bandes Velcro. Les marchandises en cause portent toutes sur un des côtés du tissu des logos d’équipes de la LNH imprimés au cadre5 .

8. Future Product a déposé les échantillons suivants des marchandises en cause auprès du Tribunal :

Pièce A-01 — drapeau de 3 pi sur 5 pi avec le logo des Maple Leafs de Toronto imprimé au cadre

Pièce A-02 — bannière de 3 pi sur 5 pi, avec le logo du Lightning de Tampa Bay imprimé au cadre

Pièce A-03 — drapeau pour antenne de voiture de 6 po sur 9 po avec le logo de l’Avalanche du Colorado imprimé au cadre6

ANALYSE

Cadre législatif

9. Dans les appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi qui concerne les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

10. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes7 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

11. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [8] et les Règles canadiennes [9] énoncées à l’annexe. »

12. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi10 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

13. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et de leur modification, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada13 .

14. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et de la Règle 1 des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

15. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes et selon les Avis de classement et les Notes explicatives pertinents.

Questions relatives au classement tarifaire

16. Les parties ne s’entendent pas sur la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées. Future Product soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 49.11 alors que l’ASFC est d’avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 63.07.

Dispositions pertinentes concernant le classement dans la position no 49.11

17. Les dispositions pertinentes concernant la position no 49.11 prévoient ce qui suit :

Section X

PÂTES DE BOIS OU D’AUTRES MATIÈRES FIBREUSES CELLULOSIQUES;
PAPIER OU CARTON À RECYCLER (DÉCHETS ET REBUTS);
PAPIER ET SES APPLICATIONS

Chapitre 49

PRODUITS DE L’ÉDITION, DE LA PRESSE OU
DES AUTRES INDUSTRIES GRAPHIQUES;
TEXTES MANUSCRITS OU DACTYLOGRAPHIÉS ET PLANS

[...]

49.11 Autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies.

[...]

4911.99 - -Autres

[...]

4911.99.90 - - -Autres

18. La note de chapitre pertinente du chapitre 49 prévoit ce qui suit :

2. Au sens du Chapitre 49, le terme imprimé signifie également reproduit au moyen d’un duplicateur, obtenu par un procédé commandé par une machine automatique de traitement de l’information, par gaufrage, photographie, photocopie, thermocopie ou dactylographie.

19. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 49 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Sauf quelques rares exceptions mentionnées plus loin, le présent Chapitre couvre tous les articles dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations.

[...] De même, les articles en matières textiles, tels que mouchoirs ou écharpes, qui ont reçu des impressions décoratives ou de fantaisie n’affectant pas leur caractère essentiel, les tissus à broder et les canevas pour tapisseries à l’aiguille, revêtus de dessins imprimés sont à ranger dans la Section XI.

[...]

Dans le texte du présent Chapitre, le terme imprimé couvre non seulement les modes d’impression à la main (par exemple, les gravures et estampes tirées à la main, autres que les exemplaires originaux), mais également les divers procédés d’impression mécanique (typographie, offset, lithographie, photogravure, etc.), ainsi que la photographie par tirage direct, la photocopie, la thermocopie, la dactylographie ou la reproduction par un procédé commandé par une machine automatique de traitement de l’information (voir la Note 2 du présent Chapitre). On ne tient pas compte de la nature des caractères employés : alphabets et systèmes de numération de toutes sortes, signes sténographiques, signes d’alphabet Morse ou codes conventionnels similaires, caractères Braille, notations et symboles de musique, ni de la présence d’illustrations ou de croquis. Le terme imprimé ne couvre pas, cependant, les impressions et illustrations obtenues par indiennage.

[...]

D’une manière générale, les impressions du présent Chapitre sont exécutées sur papier, mais elles peuvent être réalisées sur d’autres matières, pour autant qu’elles conservent leur caractère au sens du premier paragraphe ci-dessus. [...]

Dispositions pertinentes concernant le classement dans la position no 63.07

20. Les dispositions pertinentes concernant la position no 63.07 prévoient ce qui suit :

Section XI

MATIÈRES TEXTILES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

[...]

Chapitre 63

AUTRES ARTICLES TEXTILES CONFECTIONNÉS; ASSORTIMENTS;
FRIPERIE ET CHIFFONS

[...]

I. -AUTRES ARTICLES TEXTILES CONFECTIONNÉS

[...]

63.07 Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements.

[...]

6307.90 -Autres

[...]

- - -Autres

[...]

6307.90.99 - - - -D’autres matières textiles

21. Les notes de section pertinentes de la section XI prévoient ce qui suit :

7. Dans la présente Section, on entend par confectionnés :

a) les articles découpés de forme autre que carrée ou rectangulaire;

b) les articles obtenus à l’état fini et prêts à l’usage ou pouvant être utilisés après avoir été séparés en coupant simplement des fils non entrelacés, sans couture ni autre main-d’oeuvre complémentaire, tels que certains torchons, serviettes de toilette, nappes, foulards (carrés) et couvertures;

c) les articles dont les bords ont été soit ourlés ou roulottés par n’importe quel procédé, soit arrêtés par des franges nouées obtenues à l’aide des fils de l’article lui-même ou de fils rapportés; toutefois, ne sont pas à considérer comme confectionnées les matières textiles en pièces dont les bords dépourvus de lisières ont été simplement arrêtés;

[...]

Notes de sous-positions.

1 Dans la présente Section et, le cas échéant, dans la Nomenclature, on entend par :

[...]

h) Tissus imprimés

Les tissus imprimés à la pièce, même s’ils sont constitués de fils de diverses couleurs.

(Sont assimilés aux tissus imprimés les tissus présentant des dessins obtenus au pinceau, à la brosse, au pistolet, par papier transfert, par flocage, par procédé batik, par exemple.)

Le mercerisage n’a aucune incidence sur le classement des fils ou tissus dans les définitions ci-dessus.

22. La note de chapitre pertinente du chapitre 63 prévoit ce qui suit :

1. Le Sous-Chapitre I, qui comprend des articles en tous textiles, ne s’applique qu’aux articles confectionnés.

23. Les Notes explicatives pertinentes de la section XI prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

La Section XI traite, d’une manière générale, de l’ensemble des matières premières de l’industrie textile (soie, laine, coton, fibres synthétiques ou artificielles, etc.), des produits semi-ouvrés (fils et tissus, par exemple) et des articles confectionnés qui en dérivent. [...]

[...]

II.- CHAPITRES 56 A 63

Les Chapitres 56 à 63 comprennent les tissus spéciaux et autres articles textiles qui ne relèvent pas des Chapitres 50 à 55 [...]. Ils couvrent en outre (sous réserve des exceptions relatives aux articles repris ailleurs que dans la Section XI) les articles textiles confectionnés.

[...]

Chapitre 63

Autres articles textiles confectionnés; assortiments; friperie et chiffons

[...]

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Chapitre comprend :

1) Sous les nos 63.01 à 63.07 (Sous-Chapitre I) les articles en tous textiles (tissus, étoffes de bonneterie, feutres, nontissés, etc.), qui ne sont pas compris dans des positions plus spécifiques de la Section XI ou dans d’autres Chapitres de la Nomenclature. Sous le terme d’articles, on ne vise ici que des produits confectionnés au sens de la Note 7 de la Section XI (voir la partie II des Considérations générales de la Section XI).

[...]

Le classement de ces articles n’est pas affecté, d’une manière générale, par la présence de simples garnitures ou accessoires en autres matières (en pelleterie, métal commun ou métal précieux, cuir, carton, matière plastique, par exemple).

[...]

Sous-Chapitre I

AUTRES ARTICLES TEXTILES CONFECTIONNES

[...]

63.07 - Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements.

[...]

6307.90 - Autres

La présente position englobe les articles confectionnés en tout textile, qui ne sont pas repris dans des positions plus spécifiques de la Section XI ou dans d’autres Chapitres de la Nomenclature.

Elle comprend en particulier :

[...]

4) Les drapeaux, étendards, bannières, fanions et articles similaires, y compris les cordes à drapeaux (suite de petits drapeaux ou fanions montés sur une corde), pour divertissements, fêtes ou autres usages.

[...]

Sont exclus de cette position, non seulement les articles textiles classés dans des positions plus spécifiques du présent Chapitre ou des Chapitres 56 à 62, mais encore :

[...]

c) Les produits des arts graphiques du Chapitre 49.

Est-ce que les marchandises en cause sont d’autres articles textiles confectionnés d’autres matières textiles de la position no 63.07?

24. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont essentiellement des drapeaux et des bannières visés par la position no 63.70. Selon l’ASFC, l’impression des logos d’équipes de la LNH sur les articles textiles confectionnés a essentiellement une fonction décorative et l’impression ne modifie pas leur caractère essentiel. À son avis, les marchandises en cause demeurent des drapeaux et des bannières14 .

25. Pour étayer cet argument, l’ASFC s’est appuyée sur les Notes explicatives du chapitre 49 qui précisent que les éléments suivants ne sont pas visés par ledit chapitre : « [...] les articles en matières textiles, tels que mouchoirs ou écharpes, qui ont reçu des impressions décoratives ou de fantaisie n’affectant pas leur caractère essentiel, les tissus à broder et les canevas pour tapisseries à l’aiguille, revêtus de dessins imprimés sont à ranger dans la Section XI. » À cet égard, l’ASFC soutient que les logos d’équipes de la LNH ont un caractère strictement décoratif.

26. L’ASFC ajoute que l’on peut trouver plusieurs articles de fantaisie sur lesquels des logos d’équipes de la LNH ont été imprimés, mais que ce fait ne modifie pas le caractère fondamental de ces marchandises, qu’il s’agisse de balles de golf ou de t-shirts15 . L’ASFC est d’avis que, comme c’est le cas pour ces produits, les marchandises en cause peuvent être vendues comme des drapeaux ou des bannières, qu’elles portent ou non des logos d’équipes de la LNH.

27. L’ASFC soutient que l’exclusion relative aux « produits des arts graphiques » dans les Notes explicatives visant la position no 63.07 ne s’applique pas en l’espèce parce que les marchandises en cause ne sont pas des « produits des arts graphiques » au sens du chapitre 49. Elle soutient qu’aucun élément de la position no 63.07 ne s’oppose au fait que les drapeaux, étendards, bannières et fanions portent des dessins imprimés ou prévoit qu’un tissu portant un dessin est considéré comme un tissu imprimé, que l’impression ait été effectuée ou non sur cadre16 .

28. Selon Future Product, pour classer les marchandises en cause dans la position no 63.07, il faut satisfaire à deux conditions. Premièrement, l’impression doit être effectuée principalement à des fins décoratives et, deuxièmement, cette dernière ne doit pas changer le caractère essentiel des marchandises. À cet égard, Future Product soutient que les marchandises en cause ne sont pas utilisées à des fins décoratives, mais pour permettre aux partisans d’exprimer leur appui à une équipe de hockey de la LNH17 .

29. Le Tribunal souligne que les Notes explicatives du chapitre 63 excluent expressément les produits des arts graphiques du chapitre 49. Le Tribunal cherchera donc d’abord à établir si les marchandises en cause sont des « produits des arts graphiques ».

Est-ce que les marchandises en cause sont des produits des arts graphiques de la position no 49.11?

30. Future Product soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 49.11 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies. Future Product souligne que les marchandises en cause sont imprimées sur cadre et que, à ce titre, elles constituent des « produits des arts graphiques » au sens des Notes explicatives du chapitre 49, qui précisent que « [s]auf quelques rares exceptions [...] le présent Chapitre couvre tous les articles dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations »18 .

31. Future Product affirme que le tissu de polyester sur lequel les logos sont imprimés est un support d’impression qui n’est pas différent du papier. À son avis, cette constatation est conforme à l’extrait suivant de la rubrique « Considérations générales » des Notes explicatives du chapitre 49, qui prévoit ce qui suit : « D’une manière générale, les impressions du présent Chapitre sont exécutées sur papier, mais elles peuvent être réalisées sur d’autres matières, pour autant qu’elles conservent leur caractère au sens du premier paragraphe ci-dessus. » Donc, selon Future Product, le fait que l’impression soit réalisée sur un support textile n’empêche pas le classement des marchandises en cause dans le chapitre 4919 .

32. Future Product invoque la décision Éditions Panini du Canada Ltée c. Sous-M.R.N.D.A. 20 où le Tribunal a statué que le caractère essentiel des cartes de hockey était défini par les illustrations qu’elles contiennent. Dans cette affaire, le Tribunal a jugé que « [...] la photo du joueur est l’élément clé [...]. [L]’illustration des cartes est essentielle à leur utilisation; un détaillant ne pourrait vendre les cartes en question si elles n’étaient pas illustrées par la photo d’un joueur21 . » Future Product soutient que le même raisonnement s’applique en l’espèce.

33. Eu égard aux notes des chapitres et aux Notes explicatives du chapitre 49, le Tribunal souligne que, pour être admissibles au classement dans la position no 49.11, les marchandises en cause doivent satisfaire à deux conditions.

34. Premièrement, aux termes de la note 2 du chapitre 49, les marchandises en cause doivent être considérées comme des « imprimés ». À cet égard, M. Jablecki a déclaré que les marchandises en cause sont fabriquées selon une méthode de sérigraphie mécanique22 . L’ASFC ne conteste pas ce fait. À cet égard, le Tribunal conclut que les marchandises en cause satisfont au premier critère.

35. La seconde condition est exposée sous la rubrique « Considérations générales » des Notes explicatives du chapitre 49. Dans la version anglaise, il est dit que « [w]ith [...] few exceptions [...] this Chapter covers all printed matter of which the essential nature and use is determined by the fact of its being printed with motifs, characters or pictorial representations ». La version française décrit ces marchandises comme celles qui tirent leur raison d’être du fait qu’elles sont revêtues d’impressions : « [...] les articles dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations » [caractères gras ajoutés].

36. À cet égard, M. Jablecki a déclaré que les marchandises en cause ont un rôle précis. En effet, elles sont utilisées principalement par des partisans qui montrent leur appui à un franchisé de la LNH dont le logo figure sur les marchandises. De plus, M. Jablecki affirme que les ventes de marchandises en cause sont directement liées au succès de chaque franchisé, encore plus pendant les séries éliminatoires. Il a ajouté que les marchandises en cause étaient « inutiles » 23 [traduction] sans les logos. M. Jablecki a dit au Tribunal que le logo est « un élément fondamental », « essentiel à toute la gamme de produits » et que « sans le logo, il n’y a plus rien » (ou « rien d’autre ne compte ») [traduction] et qu’il ne songerait jamais à vendre un morceau de tissu vierge sans aucun dessin ou sans aucune inscription24 .

37. En réponse à cet argument, l’ASFC soutient que les logos, même s’ils sont imprimés, sont uniquement décoratifs et qu’ils ont un caractère accessoire pour bien des produits sur lesquels ils figurent, y compris les marchandises en cause.

38. Le Tribunal reconnaît avec l’ASFC qu’un drapeau ou une bannière de textile portant des images ou dessins décoratifs imprimés peuvent constituer des articles textiles confectionnés au sens du chapitre 63. Par exemple, de l’avis du Tribunal, un dessin de fleur sur un article textile confectionné a un caractère décoratif et ne change pas nécessairement le caractère essentiel de l’article. Cependant, le Tribunal conclut que dans le cas des marchandises en cause, les éléments de preuve révèlent que les logos d’équipes de la LNH ont une importance bien plus grande qu’un simple rôle décoratif. Premièrement, le Tribunal souligne que les illustrations de logos d’équipes de la LNH sont visées par des marques de commerce déposées protégées dont l’utilisation est surveillée de près par la LNH. À cet égard, le Tribunal a été saisi d’éléments de preuve selon lesquels Future Product détient les droits exclusifs à l’égard de l’utilisation de ces marques de commerce, qui comportent des paramètres stricts relatifs à la production et au contrôle de la qualité, comme la matière sur laquelle les marques de commerce peuvent être apposées et les numéros de couleurs exclusifs enregistrés qui peuvent être utilisés dans le cadre du processus de fabrication25 . Deuxièmement, comme c’était le cas dans Éditions Panini 26 , c’est l’illustration de la carte de sport ou, en l’espèce, le logo d’équipes de la LNH imprimé sur les marchandises en cause, qui confère aux marchandises leur raison d’être. En effet, Future Product ne vendrait pas des drapeaux et bannières vierges ne portant aucun dessin ou aucune inscription.

39. Compte tenu de ce qui précède, les éléments de preuve n’étayent pas l’allégation selon laquelle les logos d’équipes de la LNH qui sont présents sur les marchandises en cause ne sont que des « impressions décoratives ou de fantaisie ». Le Tribunal est plutôt d’avis que les impressions de logos d’équipes de la LNH représentent le caractère essentiel ou la raison d’être des marchandises en cause. Le Tribunal souligne qu’il faut établir une distinction entre une impression décorative et une impression constituant le caractère essentiel d’une marchandise. En l’espèce, si le logo est supprimé, les marchandises en cause ne sont plus que des articles textiles confectionnés « vierges » [traduction]. En termes simples, dans le cas des marchandises en cause, l’impression est le produit et le produit est l’impression. De l’avis du Tribunal, selon les Notes explicatives du chapitre 49, le matériel textile en l’espèce est le support sur lequel les logos d’équipes de la LNH sont imprimés27 .

40. Le Tribunal souligne que les Notes explicatives de la position no 63.07 montrent que la position comprend les « drapeaux, étendards, bannières, fanions [...] », alors qu’elles excluent expressément les « produits des arts graphiques », classant ces derniers avec les marchandises du chapitre 49. Le Tribunal ne considère pas que ces dispositions sont contradictoires. Le Tribunal estime plutôt qu’elles prévoient le classement des drapeaux textiles confectionnés dans la position no 63.07 alors que certains « produits des arts graphiques » sont soumis à l’application du chapitre 49.

41. Le Tribunal fait remarquer que les Notes explicatives insistent sur le fait qu’il n’y aura que de « rares exceptions » au principe général selon lequel le chapitre 49 doit englober tous les imprimés dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations. Comme le souligne Future Product28 , le chapitre 49 ne contient pas de dispositions équivalentes aux Notes explicatives de la position no 63.07. Plus précisément, les deux positions en cause ne s’excluent pas l’une l’autre. Enfin, il est clair que les Notes explicatives du chapitre 49 permettent l’impression sur des matières autres que le papier et le classement desdites marchandises comme des « produits des arts graphiques », pourvu que leur raison d’être soit déterminé par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations. Comme il a été expliqué précédemment, les marchandises en cause tirent leur raison d’être des impressions ou illustrations de logos d’équipes de la LNH.

42. Les parties ont produit des décisions de classement rendues à l’étranger à l’appui de leurs positions respectives. Le Tribunal souligne qu’il s’agit de décisions d’ordre administratif prises dans un autre territoire et que, à ce titre, elles n’ont pas force exécutoire en contexte canadien29 . Néanmoins, le Tribunal en a pris connaissance et ne les a pas jugées convaincantes dans un sens ou dans l’autre.

43. Pour les motifs qui précèdent, conformément à la Règle 1 des Règles générales et à la nomenclature tarifaire mentionnée ci-dessus, les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 49.11. Conformément aux Règles canadiennes, il s’ensuit que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4911.99.90 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies.

DÉCISION

44. L’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-03A, onglet 3.

4 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-01.

5 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-03A, onglet 1.

6 . Transcription de l’audience publique, 6 mai 2010, aux pp. 14, 16, 17.

7 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

8 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

10 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

11 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

12 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

13 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), para. 13, 17.

14 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-06A, para. 24.

15 . Ibid., para. 62.

16 . Ibid., para. 44.

17 . Ibid., para. 53.

18 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-03A, para. 26.

19 . Ibid., para. 27; Transcription de l’audience publique, 6 mai 2010, à la p. 73. Future Product a évoqué une situation analogue en ce qui concerne les articles de plastique visés par le chapitre 39.

20 . (19 mars 1993), AP-92-018 (TCCE) [Éditions Panini].

21 . Éditions Panini à la p. 3.

22 . Transcription de l’audience publique, 6 mai 2010, aux pp. 9, 11 et 35-37.

23 . Ibid. aux pp. 9, 11, 43.

24 . Ibid. aux pp. 19-20, 33-34, 42, 43.

25 . Ibid. aux pp. 22, 23, 26, 32, 38, 39, 40, 41.

26 . Éditions Panini à la p. 3 : « Appliquant ce critère aux éléments de preuve présentés à l’audience, le Tribunal estime que l’illustration contenue dans les marchandises en question est leur caractère essentiel. En d’autres mots, la photo du joueur est l’élément clé des marchandises en question. En outre, les éléments de preuve montrent clairement que l’illustration des cartes est essentielle à leur utilisation; un détaillant ne pourrait vendre les cartes en question si elles n’étaient pas illustrées par la photo d’un joueur. »

27 . Pièce du Tribunal AP-2009-056-03A, para. 27.

28 . Transcription de l’audience publique, 6 mai 2010, à la p. 49.

29 . Korhani Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 novembre 2008), AP-2007-008 (TCCE), para. 42 : « Les deux parties ont produit des décisions de classement rendues aux États-Unis à l’appui de leurs positions respectives. Le Tribunal fait observer que ces décisions sont des décisions d’ordre administratif prises par des fonctionnaires et non des décisions rendues par un organisme quasi judiciaire indépendant. En outre, même si ces décisions avaient été rendues par un tel organisme, puisqu’elles relèvent d’un autre territoire, elles n’auraient pas force de précédent dans le contexte canadien. Les parties peuvent invoquer de telles décisions à l’appui de leurs positions si elles les estiment utiles pour aider à expliquer leurs arguments. Toutefois, elles ne doivent pas s’attendre à ce que le Tribunal leur accorde un poids important dans le cadre de ses propres décisions. »