KVERNELAND GROUP NORTH AMERICA INC.


KVERNELAND GROUP NORTH AMERICA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-013

Décision et motifs rendus
le vendredi 30 avril 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 20 janvier 2010 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada les 25 mars et 1er avril 2009, concernant des demandes de révision, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

KVERNELAND GROUP NORTH AMERICA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 20 janvier 2010

Membre du Tribunal : Diane Vincent, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Agent de la recherche : Gary Rourke

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Kverneland Group North America Inc. Michael Kaylor
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Lune Arpin

TÉMOIN :

Raymond Racine
Soutien technique
Kverneland Group North America Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Kverneland Group North America Inc. (Kverneland) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les machines à envelopper les balles de foin (les marchandises en cause), classées dans le numéro tarifaire 8422.40.91 de l’annexe du Tarif des douanes 2 , sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00 à titre d’articles devant servir dans des tracteurs actionnés par un moteur à combustion interne pour usage sur la ferme.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Entre le 1er mai 2003 et le 9 juillet 2004, Kverneland importait les marchandises en cause dans quatre opérations distinctes3 . Les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 8422.40.91 à titre de machines à envelopper les balles de foin.

4. Le 14 décembre 2005, Kverneland demandait une décision anticipée sur le classement tarifaire des marchandises en cause. Le 26 janvier 2006, l’ASFC rendait une décision anticipée, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8422.40.914 .

5. Les 25 mars et 1er avril 2009, l’ASFC rendait des décisions à la suite d’une révision du classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8422.40.915 .

6. Le 9 juin 2009, aux termes de l’article 67 de la Loi, Kverneland déposait un avis d’appel auprès du Tribunal, alléguant que les marchandises en cause étaient admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00.

7. Le 27 juillet 2009, Kverneland déposait un mémoire à l’appui de son allégation.

8. Le 9 septembre 2009, avec le consentement de Kverneland, le Tribunal accordait à l’ASFC une prorogation de délai pour déposer son mémoire, ce qu’elle faisait le 15 octobre 2009.

9. Le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2010. M. Raymond Racine, représentant d’équipement agricole de Kverneland, a témoigné au nom de cette dernière. L’ASFC n’a pas fait entendre de témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

10. Les marchandises en cause sont six modèles de machines à envelopper les balles de foin de la marque Taarup de Kverneland, qui portent les numéros de modèle suivants : 7120, 7420, 7500, 7517, 7655 et 76646 .

11. Aucune pièce n’a été déposée à l’audience. Des photos et des documents relatifs aux produits pour les six modèles ont été déposés en tant qu’élément de preuve7 .

ANALYSE

Cadre législatif

12. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

13. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes8 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié.

14. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe. »

15. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite11 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

16. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[13] et de leur modification, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire14 .

17. L’article 13 de la Loi sur les langues officielles 15 prévoit que les versions anglaise et française d’une loi fédérale ont également force de loi ou même valeur.

18. Dans le présent appel, les parties conviennent que la nomenclature du Tarif des douanes qui s’appliquait aux marchandises en cause au moment de leur importation prévoit ce qui suit :

84.22 Machines à laver la vaisselle; machines et appareils servant à nettoyer ou à sécher les bouteilles ou autres récipients; machines et appareils à remplir, fermer, boucher ou étiqueter les bouteilles, boîtes, sacs ou autres contenants; machines et appareils à capsuler les bouteilles, pots, tubes et contenants analogues; autres machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises (y compris les machines et appareils à emballer sous film thermorétractable); machines et appareils à gazéifier les boissons.

[...]

8422.40 -Autres machines et appareils à empaqueter ou à emballer les marchandises (y compris les machines et appareils à emballer sous film thermorétractable)

[...]

8422.40.91 - - - -[...] Machines à envelopper les balles de foin [...]

19. M. Racine a indiqué que les différents modèles des marchandises en cause comportaient différentes caractéristiques et accessoires mais remplissaient tous la même fonction, à savoir envelopper une balle de foin dans un film plastique protecteur16 . Selon les éléments de preuve, le Tribunal convient avec Kverneland et l’ASFC que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8422.40.91 à titre de machines à envelopper les balles de foin.

20. La source du différend entre les parties, et la question en litige dans cet appel, consiste à déterminer si les marchandises en cause sont aussi visées par le numéro tarifaire 9903.00.00 et donc admissibles à la franchise de droits.

21. Le numéro tarifaire 9903.00.00 prévoit ce qui suit :

9903.00.00 Articles et matières qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation des produits suivants, et articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Tracteurs actionnés par un moteur à combustion interne, sauf les chariots-tracteurs des types utilisés dans les gares, les tracteurs routiers pour semi-remorques et les tracteurs des types débusqueurs de billes, et godets, bennes, bennes-preneuses, pelles, grappins, pinces, lames de bouteurs (bulldozers) ou de bouteurs biais (angledozers), scarificateurs, pneumatiques et chambres à air étant utilisés conjointement avec ces tracteurs et pour usage dans la ferme [...].

22. Le chapitre 99 du Tarif des douanes, qui comprend le numéro tarifaire 9903.00.00, prévoit des dispositions de classement spécial qui permettent à des marchandises importées au Canada de bénéficier d’un allégement tarifaire. Puisque chacune des positions du chapitre 99 ne comprend qu’une sous-position et qu’un numéro tarifaire, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des Règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si les marchandises peuvent être classées dans ce chapitre17 . De plus, puisque le Système harmonisé réserve le chapitre 99 à des fins de classification spéciale (c.-à-d. à l’usage exclusif de pays pris individuellement), il n’y a pas d’Avis de classement ni de Notes explicatives à prendre en compte.

23. Il n’y a pas de notes de section à la section XXI, laquelle comprend le chapitre 99.

24. La note 3 du chapitre 99 est pertinente pour le présent appel et prévoit ce qui suit :

3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

25. Conformément à la note qui précède, les marchandises en cause peuvent seulement être classées dans le chapitre 99 après qu’un classement dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97 a été déterminé. Comme il a été mentionné, le Tribunal accepte le classement des marchandises en cause dans un numéro tarifaire du chapitre 84, c.-à-d. le numéro tarifaire 8422.40.91. Par conséquent, la condition de la note 3 du chapitre 99 est respectée.

26. Par conséquent, la seule question en litige qui demeure en suspens devant le Tribunal consiste à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00.

Les marchandises en cause sont-elles admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00?

27. Kverneland soutient que les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00 parce qu’elles sont des articles « devant servir dans » un tracteur actionné par un moteur à combustion interne, pour usage dans la ferme.

« Tracteurs »

28. Kverneland et l’ASFC font référence à la définition de « tracteurs » figurant à la note 2 du chapitre 87 du Tarif des douanes 18 . Cette note définit le terme « tracteurs » de la façon suivante :

On entend par tracteurs, au sens du présent Chapitre, les véhicules moteurs essentiellement conçus pour tirer ou pousser d’autres engins, véhicules ou charges, même s’ils comportent certains aménagements accessoires permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d’outils, de semences, d’engrais, etc.

29. La note 4 du chapitre 99 prévoit que « [l]es termes utilisés dans [le chapitre 99] et dans les Chapitre 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres ». Par conséquent, la définition de « tracteurs » figurant à la note 2 du chapitre 87 s’applique à l’usage des « tracteurs » figurant dans le numéro tarifaire 9903.00.00.

30. Par conséquent, pour que les marchandises en cause puissent être admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00, elles doivent être 1) des articles, 2) devant servir dans, 3) des tracteurs actionnés par un moteur à combustion interne et essentiellement conçus pour tirer ou pousser d’autres engins, véhicules ou charges et 4) devant être utilisés dans la ferme.

31. Les parties ne contestent pas que l’usage prévu des marchandises en cause est, de façon générale, associé à l’utilisation d’un tracteur du type mentionné ci-haut.

« Articles »

32. Kverneland soutient que les marchandises en cause sont visées par la définition d’« articles » pour l’application du numéro tarifaire 9903.00.00. Elle affirme que le mot « articles » doit être interprété largement.

33. À l’appui de cette proposition, Kverneland invoque la décision rendue par la Commission du tarif dans Singer Sewing Machine Company of Canada Ltd. c. M.R.N.D.A. Dans sa décision, la Commission du tarif a écrit ce qui suit :

J’accepte l’argument de l’appelante, selon lequel le mot « article » doit être largement interprété. Dans la décision Star Shipping [...] la Commission a statué que le mot « article » désigne un produit fini; or, la Cour d’appel fédérale a déterminé dans la cause Les Entreprises Kato Inc. [...] que le mot « article » est un mot d’application générale. De la même façon, le ministère du Revenu national a statué que des « articles » comprennent des objets comme un système de télévision, des machines distributrices et une machine à faire la monnaie. Me fondant sur la définition du dictionnaire et les cas de jurisprudence cités par l’appelante, et compte tenu du fait que le Parlement emploie des mots distincts aux articles 1 et 2, je conclus que des « articles » doivent recevoir une interprétation large de manière à comprendre les marchandises en cause19 .

34. L’ASFC n’a présenté aucun élément de preuve à l’encontre de l’exposé de Kverneland selon lequel les marchandises en cause n’étaient pas des « articles » pour l’application du numéro tarifaire 9903.00.00.

35. Le mot « articles » n’est pas défini pour l’application du numéro tarifaire 9903.00.00. Toutefois, dans P.L. Light Systems Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, le Tribunal a accepté la définition du Canadian Oxford Dictionary selon lequel « article » (article) est défini ainsi : « 1 objet particulier ou distinct, notamment qui fait partie d’un ensemble [...] »20 [traduction]. Par conséquent, le Tribunal convient avec Kverneland que le sens ordinaire du mot « articles » est suffisamment large pour englober les marchandises en cause.

« Pour usage dans la ferme »

36. Kverneland prétend que les marchandises en cause sont des machines agricoles21 . L’ASFC ne conteste pas cet argument et n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que les marchandises en cause ne sont pas pour usage dans la ferme. Au cours de son témoignage, M. Racine a fait référence aux marchandises en cause dans le contexte des activités agricoles exercées sur une ferme.

37. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont « pour usage dans la ferme » et respectent cette condition du numéro tarifaire 9903.00.00.

« Devant servir dans » ou « devant servir à »

38. Le cœur du litige entre les parties est la question de déterminer si les marchandises en cause « doivent servir dans » un tracteur.

39. Le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes définit ainsi l’expression « devant servir dans » ou « devant servir à » :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation.

40. Pour appliquer le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes, le Tribunal a utilisé un test comportant deux exigences afin de déterminer si les marchandises sont fixées à d’autres marchandises. En particulier, les marchandises doivent être 1) physiquement reliées et 2) fonctionnellement unies aux autres marchandises22 .

41. Kverneland soutient que la jurisprudence du Tribunal a établi, dans ses décisions Agri-Pack et Sony, que l’exigence de lien physique pour l’expression « devant servir dans » ne suppose pas nécessairement un lien permanent. Dans ces deux appels, les marchandises, pour lesquelles on demandait l’avantage de la disposition d’allégement tarifaire du chapitre 99, n’étaient pas reliées de façon permanente au produit hôte, mais y étaient temporairement fixées.

42. L’ASFC convient avec Kverneland que les marchandises en cause sont physiquement reliées au tracteur23 .

43. Le Tribunal convient avec Kverneland et l’ASFC que les marchandises en cause sont physiquement reliées au tracteur. Lorsqu’on lui a demandé si les marchandises en cause sont fixées au tracteur, M. Racine a indiqué qu’elles sont fixées au moyen d’un attelage standard situé à l’arrière du tracteur24 . M. Racine a ajouté que les marchandises en cause tirent leur puissance d’un système de tuyaux reliés au tracteur et qui contrôlent la pression du flux de pétrole utilisé par le système hydraulique du tracteur25 . Ce témoignage n’a pas été contredit. Par conséquent, le Tribunal estime que, lorsqu’elles sont utilisées, les marchandises en cause sont physiquement reliées à un tracteur.

44. Quant au deuxième critère du test concernant « devant servir dans », Kverneland soutient que le Tribunal a établi dans plusieurs de ses décisions antérieures que l’exigence « fonctionnellement uni » était respectée lorsqu’il est démontré que les deux composantes agissent de concert lorsqu’elles sont physiquement reliées. Kverneland invoque les décisions rendues par le Tribunal dans Imation, Sony et Industries Jam, où il a été établi que les marchandises pour lesquelles on demandait l’avantage de la disposition d’allégement tarifaire du chapitre 99 contribuaient à la fonction du produit hôte grâce à leur lien physique.

45. Dans le présent appel, Kverneland soutient que le tracteur est le produit hôte26 et que le tracteur et les marchandises en cause agissent de concert (pour exercer une fonction d’emballage) lorsqu’elles sont physiquement reliées27 .

46. En outre, Kverneland prétend que les marchandises en cause sont fonctionnellement unies au tracteur parce que les deux dépendent l’une de l’autre. Kverneland allègue que le tracteur ne pourrait pas remplir sa fonction « de tirer ou pousser » sans les marchandises en cause et que les marchandises en cause ne pourraient pas remplir leur fonction d’envelopper une balle de foin sans le tracteur28 .

47. L’ASFC soutient que la jurisprudence du Tribunal a établi qu’afin de respecter l’exigence « fonctionnellement uni » pour le critère « devant servir dans », les marchandises en cause doivent rehausser le fonctionnement et la fonction du produit hôte. L’ASFC a invoqué les décisions rendues par le Tribunal dans Agri-Pack et Imation à l’appui de cet argument.

48. L’ASFC soutient que dans le présent appel, c’est la fonction des marchandises en cause (celle d’envelopper une balle de foin) qui est rehaussée ou complétée grâce au lien physique au tracteur, de sorte que c’est le tracteur qui complète et rehausse la fonction des marchandises en cause et non l’inverse 29 . L’ASFC affirme donc que les marchandises en cause ne respectent pas l’exigence « fonctionnellement uni » du test utilisé pour déterminer si les dites marchandises « doivent servir dans » un tracteur30 .

49. Dans le présent appel, le Tribunal fait remarquer que le libellé du numéro tarifaire 9903.00.00 est tel que c’est le produit hôte qui suit les mots « articles devant servir dans ce qui suit », c.-à-d. les « tracteurs actionnés par un moteur à combustion interne [...] et pour usage dans la ferme [...] ».

50. Par conséquent, pour que le numéro tarifaire 9903.00.00 s’applique aux marchandises en cause, le produit hôte doit être le tracteur. Le Tribunal doit maintenant déterminer si les marchandises en cause « doivent servir dans » le tracteur. Selon le raisonnement suivi par le Tribunal dans Industries Jam, pour que le numéro tarifaire 9903.00.00 s’applique aux marchandises en cause, il doit être conclu que les marchandises en cause complètent la fonction du tracteur, et non pas que le tracteur complète la fonction des marchandises en cause.

51. Dans Industries Jam, le Tribunal a exprimé l’opinion selon laquelle la version française de l’expression « for use in » (« devant servir dans ») indique clairement que les marchandises doivent entrer dans la composition du produit hôte pour que ceux-ci soient fonctionnellement unis, en ce sens qu’elles complètent la fonction du produit hôte31 . Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que des instruments de musique n’étaient pas des marchandises « devant servir dans » une machine automatique de traitement de l’information, puisque la machine pouvait fonctionner sans les instruments de musique. La machine complétait la fonction des instruments de musique, et non pas l’inverse32 . Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale.

52. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause ne complètent pas la fonction du tracteur.

53. Tout comme la machine automatique de traitement de l’information dans Industries Jam, le tracteur n’a pas besoin des marchandises en cause pour fonctionner. Comme l’indique la définition du mot « tracteur », la fonction d’un tracteur consiste à tirer ou pousser d’autres engins, véhicules ou charges. Les marchandises en cause, en étant rattachées au tracteur, n’aident pas le tracteur « à tirer ou pousser d’autres engins, véhicules ou charges ». Elles sont plutôt elles-mêmes tirées par le tracteur jusqu’au site d’emballage des balles de foin.

54. Par ailleurs, le témoignage de M. Racine indique clairement que le tracteur n’utilise pas les marchandises en cause pour tirer ou pousser des balles de foin enveloppées, ou quoi que ce soit d’autre. M. Racine a décrit la façon dont chacun des six modèles des marchandises en cause fonctionnent lors de l’utilisation. Il a expliqué qu’en ce qui a trait au modèle no 7120, les balles de foin sont amenées aux marchandises en cause et chargées dans la machine par un tracteur autre que celui auquel les marchandises en cause sont rattachées. D’autres modèles, comme le modèle no 7517, peuvent autocharger les balles de foin au moyen d’un bras d’extension métallique.

55. Plutôt, les marchandises en cause utilisent la puissance du tracteur pour envelopper les balles de foin dans du plastique. Dans son témoignage, M. Racine a expliqué la façon dont les marchandises en cause tiraient leur énergie de la pression d’huile grâce à leur fixation au système hydraulique du tracteur33 . Même si M. Racine a déclaré que certains modèles des marchandises en cause peuvent être alimentés par une autre source d’énergie, il ne s’agit pas de la pratique courante34 . Une fois les balles de foin enveloppées, les marchandises en cause les laissent tomber sur le sol35 , et le tracteur tire les marchandises en cause vers la balle suivante. Aucun des modèles de marchandises en cause n’est conçu pour tirer ou pousser les balles de foin enveloppées36 .

56. Lorsqu’on lui a demandé si les marchandises en cause sont nécessaires pour le fonctionnement du tracteur, M. Racine a déclaré que le tracteur n’a pas besoin des marchandises en cause pour être utilisé dans la ferme37 .

57. Le produit hôte, le tracteur, complète la fonction des marchandises en cause et non l’inverse puisqu’il fournit l’énergie nécessaire au fonctionnement des marchandises en cause, tire les marchandises en cause jusqu’au champs et tire les balles de foin jusqu’à l’endroit où les marchandises en cause les envelopperont. Les marchandises en cause ont besoin du tracteur pour fonctionner, et non l’inverse.

58. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas fonctionnellement unies au tracteur, de sorte qu’elles ne doivent pas servir dans le tracteur.

DÉCISION

59. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause, classées dans le numéro tarifaire 8422.40.91, ne sont pas admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00.

60. L’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-09A, onglet 1.

4 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-16A, onglet 1.

5 . Aucun élément de preuve documentaire n’a été déposé à l’égard de la demande de Kverneland en vue d’une révision du classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi.

6 . Pièces du Tribunal AP-2009-013-019 et AP-2009-013-020.

7 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-016A, onglet 9.

8 . Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

10 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

11 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

12 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

13 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

14 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), para. 13, 17.

15 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31.

16 . Transcription de l’audience publique, 20 janvier 2010, aux pp. 8-9.

17 . Toutefois, la note 1 du chapitre 99 prévoit que la règle de spécificité de la Règle 3a) des Règles générales ne s’applique pas aux dispositions du chapitre 99. Cela reflète le fait que le classement dans les chapitres 1 à 97 et le classement dans le chapitre 99 ne sont pas mutuellement exclusifs.

18 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-03A, para. 21; pièce du Tribunal AP-2009-013-09A, para. 24.

19 . 13 RCT 405 à la p. 420.

20 . (16 septembre 2009), AP-2008-012 (TCCE) au para. 28.

21 . Transcription de l’audience publique, 20 janvier 2010, à la p. 27.

22 . Imation Canada Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (29 novembre 2001), AP-2000-047 (TCCE) [Imation]; PHD Canada Distributing Ltd. c. Commissaire des douanes et du revenu (25 novembre 2002), AP-99-116 (TCCE) [PHD]; Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE) [Sony]; Agri-Pack c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (2 novembre 2004), AP-2003-010 (TCCE) [Agri-Pack]; Industries Jam Ltée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (20 mars 2006), AP-2005-006 (TCCE) [Industries Jam].

23 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-09A, para. 20; Transcription de l’audience publique, 20 janvier 2010, à la p. 75.

24 . Transcription de l’audience publique, 20 janvier 2010, à la p. 9.

25 . Ibid. à la p. 13.

26 . Ibid. à la p. 74.

27 . Ibid. à la p. 67.

28 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-03A à la p. 4.

29 . Pièce du Tribunal AP-2009-013-09A, para. 21.

30 . L’ASFC fait référence aux décisions rendues par le Tribunal dans Agri-Pack et PHD.

31 . L’article 13 de la Loi sur les langues officielles prévoit que les versions anglaise et française d’une loi fédérale ont également force de loi, mais dans Tupper c. R., [1967] R.C.S. 589, la Cour suprême du Canada a conclu que lorsqu’une version est plus précise, elle doit être privilégiée par rapport à la version plus générale.

32 . Industries Jam, para. 44-45.

33 . Transcription de l’audience publique, 20 janvier 2010, à la p. 13.

34 . Ibid. aux pp. 47-48.

35 . Ibid. à la p. 41.

36 . Ibid. à la p. 46.

37 . Ibid. aux pp. 48-49.