TRANSPORT DESGAGNÉS INC.


TRANSPORT DESGAGNÉS INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-014

Décision et motifs rendus
le mercredi 20 juin 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel interjeté le 5 mai 2009 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À un avis de rejet émis par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 février 2009, concernant une demande de révision d’une décision rejetant une demande de remboursement des droits payés sur des marchandises importées.

ENTRE

TRANSPORT DESGAGNÉS INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 27 septembre 2011

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Georges Bujold

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante Conseillers/représentants
Transport Desgagnés inc. Jean-Félix Brassard
Intimé Conseillers/représentants
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Andrew Gibbs
Jean-Robert Noiseux

TÉMOIN :

Byron Fitzgerald
Gestionnaire, Litige
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Transport Desgagnés inc. (Desgagnés) aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes1. La marchandise en cause est un navire, l’« Anna Desgagnés », qui a été acquis le 22 août 1996 par Desgagnés, à la suite de la saisie du navire au port de Québec et de sa vente en justice, conformément à une ordonnance de la Cour fédérale du Canada2.

2. Desgagnés a ensuite affecté le navire au transport international de marchandises pendant quelques années. En 1999, Desgagnés a décidé d’affecter le navire à un usage différent, à savoir des opérations de cabotage au Canada, et l’a donc ramené au pays. Desgagnés a alors fait une déclaration en détail aux termes de l’article 32 de la Loi et payé les droits de douane applicables représentant 25 p. 100 de la valeur du navire.

3. En janvier 2002, Desgagnés demandait le remboursement des droits payés. Le 3 juin 2004, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) informait Desgagnés du rejet de sa demande de remboursement. Quelques semaines plus tard, le 26 août 2004, Desgagnés demandait au président de l’ASFC de réviser la décision rendue à l’égard de sa demande de remboursement. Plusieurs années plus tard, dans une lettre datée du 20 février 2009, l’ASFC informait Desgagnés qu’elle n’avait pas l’autorité pour traiter sa demande de révision au motif que le rejet de sa demande de remboursement ne pouvait pas être assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi. C’est cet avis de rejet qui fait l’objet du présent appel.

4. L’ASFC affirme que, puisque cet avis ne peut être assimilé à une décision rendue aux termes de l’article 60 de la Loi, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) n’a pas compétence pour connaître cet appel. Par conséquent, le Tribunal doit statuer sur la question préliminaire du respect des exigences de compétence du paragraphe 67(1). Avant d’entendre les observations sur le fond de l’appel, le Tribunal a demandé à ce que lui soient soumises des observations sur la question de compétence.

5. Le 11 mars 2010, après avoir examiné les observations des parties, le Tribunal les informait qu’il acceptait d’entendre le présent appel sous réserve d’une détermination ultérieure sur la question de compétence. Les parties ont alors été invitées à inclure, dans leur mémoire respectif, des observations additionnelles sur la question de compétence ainsi que leurs observations sur le fond de l’appel.

6. Par conséquent, la première question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si la lettre de l’ASFC du 20 février 2009, qui indique un refus de la part du président de l’ASFC de traiter la demande de révision de Desgagnés, constitue une décision rendue aux termes de l’article 60 de la Loi, c’est-à-dire une décision susceptible d’appel auprès du Tribunal.

7. Si le Tribunal conclut qu’il a compétence pour entendre le présent appel, la question en litige consiste à déterminer si le navire « Anna Desgagnés » (le navire) a été correctement classé, en 1999, dans le numéro tarifaire 8901.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes3 à titre d’autres bateaux pour le transport de marchandises et d’autres bateaux conçus à la fois pour le transport de personnes et de marchandises, ou s’il doit être classé dans le numéro tarifaire 9814.00.00 à titre de marchandises qui sont déjà dédouanées et déclarées en détail en vertu de l’article 32 de la Loi et qui ont été exportées, si les marchandises doivent être retournées sans avoir reçu de plus-value ni d’améliorations dues, entres autres choses, à un procédé de fabrication quelconque, ou sans avoir été unies à un autre article quelconque à l’étranger, comme le soutient Desgagnés.

FAITS PERTINENTS

8. Le présent appel concerne dans une large mesure des événements survenus entre mars 1996, lorsque le navire est arrivé au Canada pour la première fois, et juillet 1999, lorsqu’il a fait l’objet d’une déclaration en détail aux termes de l’article 32 de la Loi et que Desgagnés a payé les droits de douane prescrits à la suite de son importation au Canada. Avant de résumer l’historique des procédures subséquentes qui ont menées au dépôt de l’avis d’appel, il convient de relater la séquence des événements menant à l’importation du navire. Ces faits sont, pour la plupart, admis par les deux parties. L’exposé des faits est toutefois nécessaire afin de déterminer si le présent appel engage la compétence du Tribunal et, le cas échéant, si le navire a fait l’objet d’un classement tarifaire erroné en 1999, comme le soutient Desgagnés.

9. Le 8 mars 1996, le navire est arrivé au Canada, au port de Québec. Il portait alors le nom de « Truskavets », battait pavillon chypriote et se livrait au transport international de marchandises. Dans sa demande pour l’obtention d’un poste d’arrimage, l’agent de son affréteur avait demandé la permission d’occuper un tel poste au port de Québec pour environ une semaine à compter du 9 mars 19964. La raison du séjour invoquée était le chargement de lait en poudre et de granite. Le port de sa prochaine destination indiquée était Marina de Carrera (Italie).

10. Le séjour du navire au Canada devait donc être temporaire. Selon l’ASFC, le navire a donc été classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 qui permettait, en 1996, l’importation temporaire des navires commerciaux en service international en franchise de droits de douane. Ce numéro tarifaire prévoyait alors ce qui suit :

9801.00.00 Moyens de transport de la position no. 86.09 ou des Chapitres 87, 88, et 89, dont le point d’attache est à l’étranger, autres que les conteneurs d’une longueur inférieure à 6,1 mètres ou ayant une contenance inférieur à 14 mètres cubes, servant au transport commercial international des passagers ou des marchandises, conformément aux règlements que le gouverneur en conseil peut prescrire par voie de règlement pour chaque moyen de transport prévu dans la présente position[5].

11. Toutefois, les documents faisant état du classement du navire dans ce numéro tarifaire en 1996 et établissant que le navire n’avait alors pas été déclaré passible de droits de douane n’ont pas été déposés en preuve car, selon l’ASFC, ils n’existent plus aujourd’hui. À l’audience, le témoin de l’ASFC, M. Byron Fitzgerald, a indiqué que les documents en question (soient les formulaires de déclaration générale A6 pertinents) étaient normalement conservés dans les archives de l’ASFC pour une période variant de quatre à six ans6. Le Tribunal n’a aucune raison de douter, qu’au plus tard en 2002, les documents en question ont donc été détruits suivant cette pratique établie.

12. Pour sa part, Desgagnés ne conteste pas que le navire a dû faire l’objet d’un classement tarifaire dans la position no 98.01 en 1996, puisqu’elle affirme que les droits de douane applicables n’ont pas été acquittés à ce moment-là. Elle soutient toutefois que le navire a alors été classé dans le numéro tarifaire 9801.10.007. Or, le Tribunal remarque que ce numéro tarifaire n’existait pas en 19968. En fait, le seul numéro tarifaire compris dans la position no 98.01 à l’époque était le numéro tarifaire 9801.00.00. Comme il s’agissait du seul numéro tarifaire compris dans la position no 98.01 dans lequel le navire pouvait être classé tout en étant exempté de droits de douane au moment de son entrée au Canada en 1996 et, considérant que Desgagnés reconnaît que le navire a dû être classé dans la position no 98.01 à ce moment-là, le Tribunal doit donc conclure que le navire a effectivement alors été classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00.

13. Selon l’ASFC, le navire a ainsi été dédouané en 1996 sans faire l’objet d’une déclaration en détail. Il est vrai que l’alinéa 7(2)b) du Règlement sur la déclaration en détail des marchandises importées et le paiement des droits prévoyait, à l’époque, que les bateaux classés dans le numéro tarifaire 9801.00.00 pouvaient être dédouanés sans faire l’objet d’une déclaration en détail en vertu de l’article 32 de la Loi9. Desgagnés n’a pas contesté ce fait ni n’a déposé d’éléments de preuve indiquant que le navire aurait fait l’objet, en 1996, d’une déclaration en détail en vertu de l’article 32. Le Tribunal conclut donc qu’en mars 1996, le dédouanement du navire n’a pas été subordonné à une déclaration en détail en vertu de l’article 32.

14. Le navire n’a toutefois pas quitté le Canada une semaine après son arrivée en mars 1996 comme il était prévu. En effet, dès le 12 mars 1996, une action à la fois réelle et personnelle en matière d’amirauté a été intentée contre le propriétaire du navire, la Baltic Shipping Company. Un mandat de saisie à l’égard du navire a alors été délivré par le fonctionnaire désigné. La signification de ces procédures a été faite au bureau des douanes de Québec10.

15. Le 18 juin 1996, une seconde action réelle en matière d’amirauté a été intentée par un autre créancier du propriétaire du navire. Dans le cadre de cette procédure, un mandat de saisie, ordonnant au shérif de garder le navire sous saisie jusqu’à nouvel ordre, a également été délivré11.

16. Le 9 juillet 1996, le navire a été saisi conformément aux dispositions de la Loi sur la Société canadienne des ports12. Aux termes de cette loi, l’ordonnance de saisie a alors été délivrée par le préposé en chef des douanes du port de Québec13.

17. Ce jour-là, le protonotaire de la Cour fédérale du Canada rendait également une ordonnance établissant la procédure et les conditions de la vente du navire par le shérif désigné, soit M. André J. Landriau. Le paragraphe 23 de cette ordonnance prévoyait ce qui suit :

Dans l’hypothèse où la vente du navire serait adjugée par la cour, le shérif est habilité à exécuter un acte de vente transmettant à l’acheteur la propriété de toutes les actions du navire de la même manière et dans la même mesure que s’il en était le propriétaire inscrit, libre et quitte de tout privilège et de toute charge14.

[Traduction]

18. Desgagnés a acquis le navire conformément aux termes de cette ordonnance. La vente en justice du navire à Desgagnés a été confirmée par une ordonnance rendue par un juge de la Cour fédérale du Canada le 20 août 1996. Cette ordonnance stipulait notamment que l’offre d’achat de Desgagnés avait été acceptée et que la propriété du navire devait être transférée à Desgagnés, ou à une personne désignée par écrit par elle, par le shérif désigné « [...] libre et quitte de tout privilège et de toute charge de la même manière et dans la même mesure que si le shérif désigné était le propriétaire inscrit du navire [...] »15 [traduction].

19. Le 22 août 1996, après avoir reçu paiement du prix de vente, le shérif de la Cour fédérale du Canada a effectivement transféré la propriété du navire à une société désignée par Desgagnés, soit Desgagnés Shipping International Inc.16. Le nom du navire a alors été changé pour celui d’« Anna Desgagnés ».

20. En dépit de ces procédures et du fait que le navire soit resté au Canada plus longtemps que prévu, son classement dans le numéro tarifaire 9801.00.00 n’a pas fait l’objet de révision ou de réexamen par le prédécesseur de l’ASFC à l’époque, le ministère du Revenu national (Revenu Canada), à l’époque. Aucune demande en ce sens n’a d’ailleurs été faite par Desgagnés après avoir acquis le navire le 22 août 1996. Toutefois, les parties conviennent que, quelques mois plus tard, le navire a quitté le Canada et s’est livré au service commercial international pendant quelques années.

21. Près de trois ans plus tard, en juin 1999, le navire est revenu au Canada afin d’être affecté à un usage différent par Desgagnés. En effet, avant l’arrivée du navire, le 28 mai 1999, Desgagnés a écrit à Revenu Canada pour l’informer que le navire était en processus d’immatriculation au Canada, qu’il serait affecté à des opérations de cabotage au Canada, mais pas avant le début du mois de juillet, et qu’il n’entreprendrait pas de telles opérations sans que le paiement des droits prescrits n’ait été effectué. Desgagnés informait aussi les autorités douanières que, lors de son arrivée au Canada, le navire terminerait un voyage international17.

22. Revenu Canada a ensuite indiqué à Desgagnés les conditions applicables relativement à l’importation du navire dans une télécopie datée du 14 juin 1999. Dans cette correspondance, les autorités compétentes confirmaient leur compréhension selon laquelle, au moment de son importation, le navire serait en situation de service international ainsi qu’en situation de réparation ou d’entreposage au terme de ce service. En outre, elles indiquaient que les conditions décrites dans une décision préalable, datée du 9 mars 1999, concernant l’importation d’un autre navire, le « Maria Desgagnés », s’appliqueraient également à l’importation du «Anna Desgagnés »18.

23. Dans cette décision, Revenu Canada expliquait que le navire serait d’abord admis au Canada à titre de navire affecté au commerce international et classé dans le numéro tarifaire 9801.30.00. Lorsque le navire cesserait d’être en service commercial international, il serait ensuite importé en vertu d’un permis d’admission temporaire (le formulaire E29B), qui permettrait au navire d’être entreposé dans une installation portuaire canadienne pour une période ne dépassant pas 12 mois consécutifs. La décision précisait également ce qui suit : « Il est entendu que le navire ne sera utilisé à aucune autre fin au Canada pendant la période d’entreposage19. »

24. Il ressort de ces éléments de preuve que Desgagnés s’était engagée à informer les autorités compétentes dès le moment où elle affecterait le navire à des opérations de cabotage au Canada et à payer les droits prescrits dans cette éventualité. Au moment de l’importation du navire en 1999, Desgagnés convenait donc avec Revenu Canada que, si elle affectait ultérieurement le navire à un usage différent de l’entreposage pour réparation et l’utilisait, par exemple, aux fins d’effectuer du cabotage, elle devrait payer les droits applicables.

25. C’est ce qui s’est produit par la suite. En effet, Desgagnés a d’abord importé le navire en franchise de droits de douane aux termes d’un permis d’admission temporaire délivré le 21 juin 1999, qui indiquait que son usage au Canada serait la « mise en entrepôt pour réparation » et qui permettait l’importation temporaire du navire à cette fin jusqu’au 30 juillet 199920. Or, le 12 juillet 1999, soit avant la date d’expiration du permis, Desgagnés a présenté aux autorités douanières une déclaration en détail (en la forme et avec les renseignements prescrits, soit en fournissant un formulaire de codage B3 dûment rempli) en vue d’importer le navire au Canada de façon permanente21.

26. Desgagnés a alors déclaré que le navire était classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90 à titre de bateau pour le transport de marchandises. Les droits de douane exigibles, au taux applicable de 25 p. 100 de sa valeur en douane, ont alors été établis au montant de 1 393 465 $. Le même jour, soit le 12 juillet 1999, le permis d’admission temporaire a été annulé, comme en font foi les annotations de l’agent des douanes canadiennes sur le permis22.

27. Le montant de 1 393 465 $ a alors été effectivement payé par Desgagnés et le navire a été dédouané, tel qu’il appert de l’étampe « droits acquittés », en date du 13 juillet 1999, qui figure sur la déclaration en détail faite par Desgagnés.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

28. Dans sa déclaration en douane portant sur le navire, Desgagnés a déclaré sa valeur en douane, son « origine », la Norvège, ce qui entraînait l’application du tarif de la nation la plus favorisée et le classement dans un numéro tarifaire particulier, le 8901.90.90. Comme l’ASFC n’a pas examiné plus à fond la déclaration en douane au plus tard au moment de la déclaration en détail du navire, sa valeur en douane, son origine et son classement tarifaire ont été présumés avoir été déterminés selon cette déclaration en détail du 12 juillet 1999, conformément au paragraphe 58(2) de la Loi.

29. Près de trois ans plus tard, le 11 janvier 2002, Desgagnés demandait le remboursement des droits de douane qu’elle avait payés au moment de l’importation du navire au Canada en 199923. Aux termes du paragraphe 74(1) de la Loi, une telle demande peut être faite dans un délai de quatre ans suivant la déclaration en détail des marchandises en application de l’article 32. En l’espèce, la demande de remboursement de Desgagnés a donc été présentée dans les délais prescrits.

30. La demande de remboursement était fondée sur les motifs suivants :

Le navire, alors qu’il n’était pas la propriété de Desgagnés, est entré une première fois au Canada en mars 1996. À ce moment-là, c’est-à-dire avant son acquisition par Desgagnés, des droits de douane étaient exigibles à la suite de l’importation du navire24.

Puisque le navire était passible de droits de douane avant sa vente en justice à Desgagnés le 22 août 1996, ces droit sont réputés avoir été acquittés et purgés par l’effet de la vente réalisée dans le cadre d’une action réelle en matière d’amirauté25. Selon Desgagnés, elle n’aurait donc pas dû débourser la somme de 1 393 465 $ en 1999 lorsqu’elle a réintroduit le navire au Canada.

31. Plus de deux ans plus tard, le 3 juin 2004, dans une lettre signée par Mme Lise Boisvert, agent des politiques commerciales, l’ASFC informait Desgagnés qu’elle était dans l’obligation de rejeter sa demande de remboursement. Aux termes de cette décision, la position de l’ASFC est que le navire n’est réellement entré au Canada que le 12 juillet 1999 et les droits prescrits ont été à ce moment dûment payés par l’importateur, tel que requis par les articles 12 et 32 de la Loi. Selon l’ASFC, « [...] l’importateur [...] a présenté une déclaration en détail et acquitté les droits et taxes sur ledit navire au moment où ils étaient dus [...], soit le 12 juillet 1999, soit après la vente in rem (22 août 1996) où les droits de douane et les taxes n’étaient pas encore dus »26.

32. Le 26 août 2004, Desgagnés présentait auprès de l’ASFC une demande de révision ou de réexamen de la décision du 3 juin 2004. Les procureurs de Desgagnés caractérisaient alors le fondement de la demande de révision de la façon suivante : « Nous vous représentons que les droits qui ont été payés [...] par notre cliente n’étaient pas dus au motif que tous les droits payables à l’importation de ce navire avaient été acquittés antérieurement à la vente en justice du navire en août 1996 ou purgés par cette vente27. »

33. La demande de révision ou de réexamen du 26 août 2004 faisait également état d’une conversation téléphonique ayant eu lieu le 19 août 2004 au cours de laquelle un représentant de l’ASFC aurait informé les procureurs de Desgagnés que la décision du 3 juin 2004 était assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, conformément au paragraphe 74(4), et que cette décision pouvait dès lors faire l’objet d’une demande de révision ou de réexamen en application de l’article 60.

34. Un document interne de l’ASFC intitulé « Mémoire pour dossier » daté du 3 février 2009, que Desgagnés a déposé en preuve, confirme d’ailleurs ce fait. Le passage pertinent de ce document est le suivant :

Le 19 août 2004, l’Agente des politiques commerciales qui avait signé la lettre du 3 juin a pris contact avec la Division des appels [...] de la région du Québec, parce que l’importateur l’avait contacté pour lui demander à qui il devait s’adresser pour contester la décision. Après avoir consulté le Directeur de notre division régionale, il a été décidé que la lettre du 3 juin serait assimilée à un avis donné à l’importateur en vertu de l’article 59(2) de la Loi sur les douanes. L’importateur, ayant été ainsi avisé, pourrait donc demander la révision de la décision en vertu de l’article 60 de la Loi, dans les 90 jours suivant l’avis sous 59(2). Aucun Relevé détaillé de rajustement (RDR) n’ayant été émis le 3 juin, la décision ayant été rendue par lettre, il a aussi été déterminé que le requérant pourrait soumettre sa demande de révision, en vertu de l’article 60, également sous forme de lettre28.

35. Le même document indique aussi pourquoi l’ASFC avait alors accepté d’assimiler la demande de révision ou de réexamen de Desgagnés à une demande faite aux termes de l’article 60 de la Loi :

La raison pour laquelle la Division des recours de la région du Québec avait accepté cette demande de l’importateur, en août 2004, était que nous pensions alors pouvoir considérer ce litige du point de vue du classement tarifaire. À cette époque, nous croyions qu’il nous fallait essentiellement déterminer si le navire Anna Desgagnés, lorsque déclaré en juillet 1999, avait été correctement classé sous le numéro de Système harmonisé (SH) 8901.90.90.00 [...] ou s’il aurait plutôt dû être classé sous le numéro de SH 9814.00.00.96 [...]29.

36. Toutefois, après avoir obtenu un avis juridique et procédé à une analyse plus approfondie des renseignements fournis par Desgagnés, l’ASFC a décidé que la demande visait à déterminer si les droits et taxes sur le navire avaient été acquittés par l’effet de la vente en justice et que, par conséquent, elle n’entrait pas dans sa sphère de compétence. Selon le « Mémoire pour dossier » du 3 février 2009, les motifs au soutien de cette décision peuvent être résumés de la façon suivante :

Conformément à l’article 60 de la Loi sur les douanes, notre rôle se limite à réviser ou à réexaminer l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane de marchandises. Or, après étude, il s’est avéré que la présente requête ne concernait aucun de ces trois programmes douaniers et que, par conséquent, la Loi sur les douanes ne nous permettait pas de la traiter. Avec du recul, il est apparu que ladite demande n’était pas admissible, lorsque présentée en 2004. Il a donc été convenu que l’importateur et son représentant seraient informés que nous ne pouvions donner suite à leur requête contestant l’applicabilité des droits et taxes, suite à une vente en justice dans le cadre d’une action in rem. Bien sûr, la lettre qui serait envoyée à l’importateur et son représentant ne constituerait aucunement une décision de la Division régionale des recours.30

37. Ainsi, près de cinq ans après le dépôt de la demande de révision ou de réexamen de 2004, le 20 février 2009, M. Robert A. Lapierre, agent des recours de l’ASFC, informait Desgagnés que l’ASFC n’avait pas l’autorité pour la traiter. Selon M. Lapierre, le rejet de la demande de remboursement de Desgagnés par la Division des services à la clientèle de l’ASFC du 3 juin 2004 (c’est-à-dire la lettre ci-haut mentionnée signée par Mme Boisvert) ne pouvait être assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, car ce rejet ne porte pas sur l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane du navire. M. Lapierre exprimait aussi l’avis que, conformément à l’article 60, le mandat de la Division des recours de l’ASFC « [...] se limite à réviser ou réexaminer l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane de marchandises ». Par conséquent, il concluait que, puisque la demande de Desgagnés ne concernait aucun de ces trois programmes, la Loi ne permettait pas à l’ASFC de la traiter.

38. Le 4 mai 2009, Desgagnés déposait le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. Le 14 mai 2009, le secrétaire du Tribunal informait les procureurs de Desgagnés que le Tribunal n’avait pas compétence pour accepter la question, puisque la lettre du 20 février 2009 ne constituait pas une décision de l’ASFC rendue aux termes des articles 60 ou 61.

39. Le 20 mai 2009, suite à des conversations téléphoniques avec le secrétaire du Tribunal, les procureurs de Desgagnés informaient ce dernier que leur compréhension était que la lettre du 14 mai 2009 « [...] ne reflétait pas une décision du Tribunal mais simplement un avis préliminaire fondé uniquement sur le texte de la décision du 20 février 2009 rendue par l’[ASFC] ». Dans leur lettre du 20 mai 2009, les procureurs de Desgagnés fournissaient également, tel que convenu avec le secrétaire du Tribunal, davantage d’information sur le contexte de cet appel.

40. Le 30 juin 2009, le Tribunal transmettait une copie des documents pertinents à l’ASFC et demandait à Desgagnés et à l’ASFC de déposer des observations sur la question de savoir si le Tribunal a compétence pour connaître cet appel. Les 20 juillet 2009, le Tribunal recevait de brèves observations de l’ASFC à cet égard. Desgagnés déposait ensuite une courte réponse le 22 juillet 2009.

41. Le 11 mars 2010, le Tribunal informait les parties que, pour qu’il ait compétence pour entendre le présent appel, la lettre de l’ASFC du 20 février 2009 devait être assimilée à une décision du président de l’ASFC rendue conformément aux articles 60 ou 61 de la Loi. Le Tribunal informait aussi les parties que, suivant la décision rendue le 23 février 2010 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited31, il détenait la compétence pour lui-même décider si cette lettre, qui indique un refus de la part de l’ASFC de traiter la demande de révision ou de réexamen de Desgagnés, devait être assimilée à une telle décision.

42. De plus, le Tribunal indiquait aux parties que, puisqu’il n’était pas en mesure de rendre une décision sur la question de compétence sur la foi de l’information au dossier et qu’il désirait obtenir des observations additionnelles à cet égard, tant la question de sa compétence que les questions relatives au fond de l’appel feraient l’objet de l’audience publique. Le Tribunal informait également les parties de la date prévue de l’audience publique, soit le 25 novembre 2010.

43. Après avoir accordé des demandes de remise d’audience présentées par les parties pour divers motifs, le Tribunal tenait finalement une audience publique à Ottawa (Ontario) le 27 septembre 2011. L’ASFC a fait entendre un témoin, M. Byron Fitzgerald, gestionnaire, Litige, ASFC. Desgagnés n’a fait entendre aucun témoin.

QUESTION DE COMPÉTENCE

Position des parties

44. Desgagnés soutient que la lettre de l’ASFC du 20 février 2009 rejetant sa demande de remboursement représente une décision qui engage la compétence du Tribunal aux termes de l’article 67 de la Loi. Pour en arriver à cette conclusion, Desgagnés exprime l’avis qu’il ressort manifestement tant du libellé de la décision de l’agent de l’ASFC du 3 juin 2004 que de celui de la lettre du 20 février 2009 que l’ASFC a rejeté sa demande de remboursement au motif que le changement de classement tarifaire du navire qu’elle avait au moins implicitement demandé était injustifié, alors que celui qu’elle avait déclaré en 1999 a été jugé correct.

45. Selon Desgagnés, le rejet de sa demande de remboursement par un agent de l’ASFC le 3 juin 2004 doit donc être assimilé, aux termes du paragraphe 74(4) de la Loi, à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a), soit une décision qui peut elle-même faire l’objet d’une révision ou d’un réexamen par le président de l’ASFC aux termes de l’article 60. Desgagnés soutient que, conformément aux exigences du paragraphe 60(1), elle a présenté une demande de révision ou réexamen de la décision du 3 juin 2004 au moyen de sa lettre du 26 août 2004, qui était notamment destinée au président de l’ASFC. Ainsi, Desgagnés conclut que la lettre du 20 février 2009, par laquelle un autre agent de l’ASFC l’informait du rejet de cette demande de révision dûment présentée, constitue une décision rendue aux termes de l’article 60 à l’égard de laquelle elle peut interjeter appel devant le Tribunal conformément à l’article 67.

46. Pour sa part, l’ASFC soutient que les motifs invoqués par Desgagnés à l’appui de sa demande de remboursement n’étaient pas que l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane du navire, tels qu’établis en 1999, étaient erronés. Par conséquent, l’ASFC exprime l’avis que le paragraphe 74(5) de la Loi, qui exclut le recours au mécanisme de contrôle des déterminations de l’ASFC prévu aux articles 57.1 à 67 et ainsi écarte la compétence du Tribunal, trouve application en l’espèce.

47. Selon l’ASFC, le rejet de la demande de remboursement était fondé sur d’autres motifs que ceux précisés au paragraphe 74(4) de la Loi, de sorte que, conformément au paragraphe 74(5), ce rejet ne peut être assimilé aux fins de l’application de la Loi à une révision prévue à l’alinéa 59(1)a). Partant, l’ASFC soutient qu’en l’absence d’une révision aux termes du paragraphe 59(1) de la détermination présumée du classement tarifaire aux termes du paragraphe 58(2), il n’y avait rien que le président de l’ASFC pouvait réviser ou réexaminer à l’égard de la question en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le paragraphe 60(1). Il s’ensuit qu’en l’absence d’une décision du président de l’ASFC au sens du paragraphe 60(1), il ne peut y avoir appel devant le Tribunal en application du paragraphe 67(1).

Analyse du Tribunal

Cadre juridique

48. La compétence du Tribunal provient de sa loi habilitante, la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur32, laquelle prévoit ce qui suit :

16. The duties and functions of the Tribunal are to

. . .

(c) hear, determine and deal with all appeals that, pursuant to any other Act of Parliament or regulations thereunder, may be made to the Tribunal, and all matters related thereto; . . . .

16. Le Tribunal a pour mission :

[...]

c) de connaître de tout appel pouvant y être interjeté en vertu de toute autre loi fédérale ou de ses règlements et des questions connexes;

[...]

[Nos italiques]

49. À cet égard, la compétence du Tribunal en matière douanière repose sur le paragraphe 67(1) de la Loi. Par l’application de cette disposition, il y a appel devant le Tribunal d’une décision antérieure du président de l’ASFC rendue aux termes des articles 60 ou 61. Le paragraphe 67(1) prévoit ce qui suit :

67. (1) A person aggrieved by a decision of the President made under section 60 or 61 may appeal from the decision to the . . . Tribunal by filing a notice of appeal in writing with the President and the Secretary of the . . . Tribunal within ninety days after the time notice of the decision was given.

67. (1) Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal [...] en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du secrétaire [du] Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

[Nos italiques]

50. Comme il a été mentionné précédemment, la Cour d’appel fédérale, dans une décision récente sur le sujet33, a jugé qu’en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi, le Tribunal est habilité à interpréter le mot « décision » et à décider s’il a compétence pour connaître d’un appel.

51. Afin de résoudre la question de compétence soulevée dans le présent appel, il est donc nécessaire de déterminer si la lettre du 20 février 2009 signée par M. Lapierre, agent de recours de l’ASFC, dans laquelle il indiquait un refus de la part de l’ASFC de donner suite à une demande de révision présentée en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi par Desgagnés, constitue « [...] une décision du président [de l’ASFC] rendue conformément aux articles 60 ou 61 [...] »34. Puisque l’article 61 vise certaines décisions du président de l’ASFC qui peuvent être rendues dans des circonstances qui ne sont pas présentes dans le présent appel et n’est donc pas pertinent en l’espèce, seul l’article 60 doit être examiné.

52. L’article 60 de la Loi prévoit ce qui suit aux paragraphes (1) et (4) :

60. (1) A person to whom notice is given under subsection 59(2) in respect of goods may, within ninety days after the notice is given, request a re-determination or further re-determination of origin, tariff classification, value for duty or marking. The request may be made only after all amounts owing as duties and interest in respect of the goods are paid or security satisfactory to the Minister is given in respect of the total amount owing.

. . .

(4) On receipt of a request under this section, the President shall, without delay,

(a) re-determine or further re-determine the origin, tariff classification or value for duty;

(b) affirm, revise or reverse the advance ruling; or

(c) re-determine or further re-determine the marking determination.

60. (1) Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

[...]

(4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l’une des interventions suivantes :

a) la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane;

b) la confirmation, la modification ou l’annulation de la décision anticipée;

c) la révision ou le réexamen de la décision sur la conformité des marques.

53. L’article 60 de la Loi prévoit donc un recours auprès du président de l’ASFC pour la révision ou le réexamen d’une décision antérieure dont avis est donné à une personne intéressée en application du paragraphe 59(2). Cette décision antérieure est la révision ou le réexamen d’une question par un agent chargé par le président de l’ASFC en vertu du paragraphe 59(1).

54. Les paragraphes 59(1) et 59(2) de la Loi, portant sur la révision de décisions antérieures et sur le réexamen de révisions antérieures par des agents des douanes, prévoient ce qui suit :

59. (1) An officer, or any officer within a class of officers, designated by the President for the purposes of this section, may

(a) in the case of a determination under section . . . 58, re-determine the origin, tariff classification, value for duty or marking determination of any imported goods at any time within

(i) four years after the date of the determination . . . or

(ii) four years after the date of the determination, if the Minister considers it advisable to make the re-determination; and

(bfurther re-determine the origin, tariff classification or value for duty of imported goods, within four years after the date of the determination or, if the Minister deems it advisable, within such further time as may be prescribed . . . .

(2) An officer who makes a determination under subsection . . . 58(1) or a re-determination or further re-determination under subsection (1) shall without delay give notice of the determination, re-determination or further re-determination, including the rationale on which it is made, to the prescribed persons.

59. (1) L’agent chargé par le président, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie d’agents, de l’application du présent article peut :

a) dans le cas d’une décision prévue à l’article [...] 58, réviser l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane des marchandises importées, ou procéder à la révision de la décision sur la conformité des marques de ces marchandises, dans les délais suivants :

(i) dans les quatre années suivant la date de la détermination [...]

(ii) dans les quatre années suivant la date de la détermination, si le ministre l’estime indiqué;

bréexaminer l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane dans les quatre années suivant la date de la détermination ou, si le ministre l’estime indiqué, dans le délai réglementaire [...].

(2) L’agent qui procède à la décision ou à la détermination en vertu [du paragraphe] [...] 58(1) [...] ou à la révision ou au réexamen en vertu du paragraphe (1) donne sans délai avis de ses conclusions, motifs à l’appui, aux personnes visées par règlement.

[Nos italiques]

55. C’est donc dire que, pour que le président de l’ASFC rende une décision conformément à l’article 60 de la Loi, il faut nécessairement qu’un agent chargé par celui-ci ait préalablement procédé à la révision ou au réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane de marchandises importées aux termes du paragraphe 59(1)35. Quant aux pouvoirs accordés aux agents des douanes par le paragraphe 59(1), ils comprennent la révision de déterminations faites en vertu de l’article 58, notamment les déterminations présumées au sens du paragraphe 58(2) :

58. (1) Any officer, or any officer within a class of officers, designated by the President for the purposes of this section, may determine the origin, tariff classification and value for duty of imported goods at or before the time they are accounted for under subsection 32(1), (3) or (5).

(2) If the origin, tariff classification and value for duty of imported goods are not determined under subsection (1), the origin, tariff classification and value for duty of the goods are deemed to be determined, for the purposes of this Act, to be as declared by the person accounting for the goods in the form prescribed under paragraph 32(1)(a). That determination is deemed to be made at the time the goods are accounted for under subsection 32(1), (3) or (5).

58. (1) L’agent chargé par le président, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie d’agents, de l’application du présent article peut déterminer l’origine, le classement tarifaire et la valeur en douane des marchandises importées au plus tard au moment de leur déclaration en détail faite en vertu des paragraphes 32(1), (3) ou (5).

(2) Pour l’application de la présente loi, l’origine, le classement tarifaire et la valeur en douane des marchandises importées qui n’ont pas été déterminés conformément au paragraphe (1) sont considérés comme ayant été déterminés selon les énonciations portées par l’auteur de la déclaration en détail en la forme réglementaire sous le régime de l’alinéa 32(1)a). Cette détermination est réputée avoir été faite au moment de la déclaration en détail faite en vertu des paragraphes 32(1), (3) ou (5).

[Nos italiques]

56. En résumé, la structure du régime prévu par la Loi se fonde sur une suite de mécanismes administratifs permettant la révision et le réexamen de décisions et de révisions par les personnes expressément habilitées à chaque stade du processus à prendre ces décisions, ainsi que sur un mécanisme d’appel, devant le Tribunal, ayant pour objet de contrôler toute décision relative au classement tarifaire, à l’origine ou à la valeur en douane.

57. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal souscrit à la conclusion suivante, qu’il a exprimée dans C.B. Powell Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada36 :

30. Il s’ensuit de la nature interreliée et séquentielle des mécanismes administratifs de la Loi qu’en l’absence d’une décision antérieure d’un agent des douanes aux termes du paragraphe 58(1) ou d’une révision aux termes du paragraphe 59(1) de la détermination présumée de l’origine [du classement tarifaire ou de la valeur en douane] aux termes du paragraphe 58(2), il n’y aurait rien que le président de l’ASFC puisse réviser ou réexaminer à l’égard de la question en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le paragraphe 60(1). Une demande faite en vertu du paragraphe 60(1) donnerait donc nécessairement lieu dans une telle situation à un avis de rejet. En l’absence d’une « décision » au sens du paragraphe 60(1), il ne peut y avoir appel devant le Tribunal en application du paragraphe 67(1).

[Nos italiques]

58. Ainsi, si le Tribunal conclut que, dans la présente affaire, il n’y a eu en fait aucune révision par un agent des douanes de la détermination présumée de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane du navire aux termes du paragraphe 58(2) de la Loi (à savoir des énonciations de Desgagnés à cet égard dans sa déclaration en détail au moment de l’importation du navire en 1999), il ne peut y avoir de décision rendue conformément à l’article 60 et, par conséquent, d’appel devant le Tribunal en application du paragraphe 67(1). Autrement dit, afin de déterminer si la lettre de l’ASFC du 20 février 1999 constitue une décision rendue conformément à l’article 60, le Tribunal doit d’abord examiner la question de savoir si, en l’espèce, il y a eu une révision, aux termes du paragraphe 59(1), de la détermination présumée du classement tarifaire du navire. Le cas échéant, le Tribunal examinera si la lettre du 20 février 2009 doit être assimilée à la révision ou au réexamen de la question par le président de l’ASFC en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le paragraphe 60(1).

Est-ce qu’il y a eu révision, aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi, de la détermination présumée du classement tarifaire du navire?

59. Suivant le régime prévu par la Loi, pour conclure à l’existence d’une décision du président de l’ASFC rendue conformément à l’article 60 en l’espèce, le Tribunal doit d’abord déterminer que le rejet initial de la demande de remboursement de Desgagnés par un agent de l’ASFC, en date du 3 juin 2004, constitue une décision rendue aux termes du paragraphe 59(1). Dans ce cas, la lettre du 3 juin 2004 par laquelle Desgagnés était informée de ce rejet doit être assimilée à un avis donné en application du paragraphe 59(2), lui-même susceptible d’un recours devant le président de l’ASFC conformément au paragraphe 60(1).

60. Afin de trancher cette question, puisque le recours de Desgagnés concerne une demande de remboursement des droits payés sur le navire, le Tribunal doit prendre en compte les exigences de l’article 74 de la Loi, lequel fait également partie du cadre administratif général prévu par la Loi et vise expressément les remboursements. Or, cette disposition établit clairement que le rejet d’une demande de remboursement n’est pas, dans tous les cas, assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a). Par conséquent, le rejet d’une demande de remboursement par un agent des douanes n’entraîne pas nécessairement l’application du mécanisme de révision et d’appel prévu aux articles 57.1 à 67.

61. L’article 74 de la Loi prévoit ce qui suit :

74 (1) Subject to this section, section 75 and any regulations made under section 81, a person who paid duties on any imported goods may, in accordance with subsection (3), apply for a refund of all or part of those duties, and the Minister may grant to that person a refund of all or part of those duties, if

. . .

(ethe duties were paid or overpaid as a result of an error in the determination under subsection 58(2) of origin . . . tariff classification or value for duty in respect of the goods and the determination has not been the subject of a decision under any of sections 59 to 61;

. . .

(3) No refund shall be granted under subsection (1) in respect of a claim unless

. . .

(b) an application for refund, including such evidence in support of the application as may be prescribed, is made to an officer in the prescribed manner and in the prescribed form containing the prescribed information within

(i) in the case of an application for a refund under paragraph (1)(a), (b), (c), (c.11), (d), (e), (f) or (g), four years after the goods were accounted for under subsection 32(1), (3) or (5), and

. . .

(4) A denial of an application for a refund of duties paid on goods is to be treated for the purposes of this Act as if it were a re-determination under paragraph 59(1)(a) if

(bthe application is for a refund under paragraph (1)(e), (f) or (g) and the application is denied because the origin, tariff classification of value for duty of the goods as claimed in the application is incorrect.

(5) For greater certainty, a denial of an application for a refund under paragraph (1) (c.1), (c.11), (e), (f) or (g) on the basis that complete or accurate information has not been provided, or on any ground other than the ground specified in subsection (4), is not to be treated for the purposes of this Act as if it were a re-determination under this Act of origin, tariff classification or value for duty.

74. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, de l’article 75 et des règlements d’application de l’article 81, le demandeur qui a payé des droits sur des marchandises importées peut, conformément au paragraphe (3), faire une demande de remboursement de tout ou partie de ces droits et le ministre peut accorder à la personne qui, conformément à la présente loi, a payé des droits sur des marchandises importées le remboursement total ou partiel de ces droits dans les cas suivants :

[...]

e) les marchandises ont fait l’objet d’un paiement de droits excédentaire ou erroné résultant d’une erreur de détermination, en application du paragraphe 58(2), de leur origine [...], de leur classement tarifaire ou de leur valeur en douane et elles n’ont pas fait l’objet de la décision prévue à l’un ou l’autre des articles 59 à 61;

[...]

(3) L’octroi d’un remboursement réclamé en vertu du paragraphe (1) est subordonné à la condition que :

[...]

b) d’autre part, soit adressée à l’agent une demande de remboursement, présentée selon les modalités et assortie des justificatifs réglementaires, et établie en la forme ainsi qu’avec les renseignements réglementaires dans le délai ci-après suivant la déclaration en détail des marchandises en application du paragraphe 32(1), (3) ou (5) :

(i) quatre ans, pour les réclamations dans les cas prévus aux alinéas (1)a), b), c), c.11), d), e), f) ou g),

[...]

(4) Pour l’application de la présente loi, est assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) le rejet de la demande de remboursement des droits payés sur les marchandises dans les cas suivants :

[...]

bles cas prévus aux alinéas (1)e), f) ou g), pour le motif que l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane des marchandises en cause est erroné.

(5) Il est entendu que le rejet de la demande dans les cas prévus aux alinéas (1) c.1), c.11), e), f) ou g) pour le motif que la documentation fournie est incomplète ou inexacte ou pour un motif autre qu’un motif précisé au paragraphe (4) n’est pas, pour l’application de la présente loi, assimilé à la révision de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane aux termes de la présente loi.

[Nos italiques]

62. En l’espèce, Desgagnés soutient que sa demande de remboursement du 11 janvier 2002 était fondée sur l’alinéa 74(1)e) de la Loi parce que, selon elle, le navire a fait l’objet d’un paiement de droit erroné résultant d’une erreur de détermination, en application du paragraphe 58(2), de son classement tarifaire au moment de son importation en 1999. En gros, la position de Desgagnés est qu’elle n’aurait pas dû, en 1999, énoncer dans sa déclaration en détail que le navire devait être classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90, ce qui a résulté en une erreur de détermination de son classement tarifaire.

63. L’ASFC convient que la demande de remboursement de Desgagnés a été présentée en conformité avec le paragraphe 74(3) de la Loi et respectait donc les exigences prescrites en ce qui concerne le délai imparti, la forme, les modalités, les renseignements et les justificatifs réglementaires37. L’ASFC ne conteste pas non plus que l’alinéa 74(1)e) est le seul cas visé qui pourrait possiblement donner lieu à un remboursement dans les circonstances de cette affaire, soit un paiement erroné de droits à la suite d’une erreur de détermination, en 1999, du classement tarifaire du navire38. Le Tribunal remarque aussi que, conformément aux exigences de l’alinéa 74(1)e), au moment de la demande, la détermination présumée du classement tarifaire du navire en application du paragraphe 58(2) n’avait pas fait l’objet d’une décision prévue à l’un ou l’autre des articles 59 à 61.

64. En pareil cas, les paragraphes 74(4) et 74(5) de la Loi établissent clairement que le rejet d’une demande de remboursement par un agent des douanes est assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a), et donc à une décision rendue aux termes du paragraphe 59(1), seulement si le motif du rejet est que « [...] l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane des marchandises en cause est erroné ». Si le rejet de la demande est fondé sur un autre motif, il n’est pas assimilé, pour l’application de la Loi, à la révision prévue au paragraphe 59(1).

65. Compte tenu de ce qui précède, afin de trancher la question de compétence, le Tribunal doit d’abord déterminer, si le 3 juin 2004, la demande de remboursement de Desgagnés a été rejetée pour le motif précisé à l’alinéa 74(4)b) de la Loi. Si tel est le cas, le rejet de la demande constituerait alors une décision rendue conformément au paragraphe 59(1), qui pouvait ensuite faire l’objet d’un réexamen par le président de l’ASFC, et donc d’une décision aux termes de l’article 60, laquelle serait susceptible d’appel devant le Tribunal conformément à l’article 67.

66. Par contre, si le rejet de la demande de remboursement, parce que fondé sur un autre motif, ne pouvait pas être assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, il ne serait pas possible pour Desgagnés d’avoir recours au mécanisme prévu par le Loi et ayant pour objet de contrôler les décisions relatives au classement tarifaire, à l’origine ou à la valeur en douane de marchandises. Cela ferait en sorte que le Tribunal n’aurait pas compétence pour connaître cet appel. En effet, pour qu’une décision rendue conformément à l’article 60 existe, un agent chargé par le président de l’ASFC doit d’abord avoir rendu une décision en vertu du paragraphe 59(1).

67. À l’audience, l’ASFC a résumé la question de la façon suivante : « Est-ce que la décision [du 3 juin 2004] peut être assimilée à une décision de [l’article] 59 qui commence l’échelle [...] pour arriver devant le Tribunal en appel. Donc si la décision ne peut pas être assimilée à une décision de [l’article] 59, [Desgagnés] ne peut pas retourner au début de l’échelle pour monter jusqu’au Tribunal39. »

68. Il est clair que la demande de remboursement de Desgagnés a été dûment présentée puisqu’il est admis qu’elle respectait les conditions du paragraphe 74(3) de la Loi. Selon Desgagnés, sa demande était fondée sur un des cas prévus à l’alinéa 74(1)e), soit un paiement de droits erroné résultant d’une erreur de détermination, en application du paragraphe 58(2), du classement tarifaire du navire. L’ASFC admet que ce cas est le seul qui pourrait être pertinent. En outre, il est indéniable que la demande de remboursement a été rejetée le 3 juin 2004.

69. Donc, les parties conviennent et le Tribunal est d’accord que les prescriptions des paragraphes 74(4) et 74(5) de la Loi doivent être suivies en l’espèce afin de déterminer si le rejet de la demande de remboursement de Desgagnés doit être assimilé à une décision susceptible de faire l’objet d’une révision ou d’un réexamen subséquent en application du mécanisme de recours prévu à la Loi, lequel culmine par un appel devant le Tribunal aux termes de l’article 67.

70. Par conséquent, conformément à l’alinéa 74(4)b) de la Loi, et compte tenu que seule une erreur de détermination du classement tarifaire du navire est alléguée devant le Tribunal, le rejet de cette demande par l’ASFC ne peut être assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) que dans la mesure où le motif du rejet est que « [...] le classement tarifaire [...] des marchandises en cause est erroné ». Le débat entre les parties concernant la compétence du Tribunal a donc principalement porté sur la question de savoir si la décision de l’ASFC du 3 juin 2004 rejetant la demande était fondée sur ce motif et respectait ainsi la condition énoncée à l’alinéa 74(4)b).

71. Desgagnés soutient que tel est le cas car la demande de remboursement a été refusée en 2004 aux motifs que, selon l’ASFC, la vente en justice du navire n’avait pas pu avoir pour effet d’éteindre les droits de douane dont le navire a été déclaré passible en 1999 et que, en motivant sa décision de cette façon, l’ASFC se trouvait à rejeter son argument implicite selon lequel le dédouanement du navire en 1996 commandait un classement tarifaire différent de celui qu’elle avait déclaré en 1999. De l’avis de Desgagnés, pour rejeter la demande de remboursement, l’ASFC a ainsi estimé que la vente en justice du navire en 1996 n’avait pas eu d’impact sur le classement tarifaire du navire en 1999, de sorte que cette décision reposait uniquement sur une question de classement tarifaire.

72. Autrement dit, Desgagnés soutient qu’une demande de remboursement visée par l’alinéa 74(1)e) de la Loi pouvait notamment être fondée sur une demande implicite de changement de classement tarifaire et que, dans le cas qui nous occupe, bien que sa demande de remboursement ne réclamait pas explicitement une nouvelle détermination du classement tarifaire du navire en 1999, le réexamen du bien-fondé de ce classement tarifaire était implicitement requis afin de faire droit à cette demande. La position de Desgagnés est donc que, pour refuser d’accorder sa demande de remboursement, l’ASFC s’était nécessairement penchée sur la question du classement tarifaire du navire et, comme le prévoit l’alinéa 74(4)b), a rejeté la demande pour le motif que le changement de classement tarifaire qu’elle avait à tout le moins implicitement réclamé, mais qui était tout de même clairement en cause, était erroné.

73. Selon Desgagnés, cette disposition doit être interprétée de façon généreuse, raisonnable et équitable pour le contribuable qui a payé les droits de façon diligente, mais par erreur puisqu’ils n’étaient pas dus, conformément à l’article 12 de la Loi d’interprétation40. L’interpréter de façon à priver Desgagnés de recours devant le Tribunal simplement parce que le libellé de la demande de remboursement ne faisait pas explicitement référence à un numéro de classement tarifaire précis dans lequel le navire aurait plutôt dû être classé en 1999 serait incompatible avec l’intention du législateur, avec la réalisation de l’objet de cette disposition et aboutirait à un résultat inique et déraisonnable selon Desgagnés.

74. Desgagnés fait aussi remarquer que l’ASFC avait admis tant dans une conversation téléphonique avec ses procureurs en août 2004 que dans son « Mémoire pour dossier » daté du mois de février 2009 que sa position était que la décision du 3 juin 2004 serait assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, conformément au paragraphe 74(4), et que cette décision pourrait dès lors faire l’objet d’une demande de révision ou de réexamen en application de l’article 60. Selon Desgagnés, cet aveu est opposable à l’ASFC et fait en sorte que, compte tenu de la gestion qu’elle a faite du présent dossier, elle ne pouvait légitimement conclure dans sa décision du 20 février 2009 ni plaider devant le Tribunal que la décision du 3 juin 2004 ne pouvait pas être assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a).

75. Pour sa part, l’ASFC soutient que la demande de remboursement ne faisait aucunement référence au classement tarifaire du navire en 1999 et fait remarquer que ce n’est que dans son mémoire déposé auprès du Tribunal le 27 mai 2010 que Desgagnés a référé pour la première fois au numéro tarifaire qu’elle considère applicable, soit le numéro tarifaire 9814.00.00, au lieu de celui qu’elle avait déclaré en 1999, soit le numéro tarifaire 8901.90.90. Selon l’ASFC, dans sa demande de remboursement du 11 janvier 2002, Desgagnés a plutôt contesté le classement tarifaire du navire lors de sa première importation en 1996, et ce plus de six ans après cette importation, ce qu’elle ne pouvait plus faire, vu le délai de rigueur de quatre ans établi par le paragraphe 74(3) de la Loi pour présenter une réclamation dans les cas prévus à l’alinéa 74(1)e).

76. L’ASFC soutient également que l’alinéa 74(4)b) de la Loi exige que le numéro tarifaire dans lequel le demandeur prétend que les marchandises auraient dues être classées apparaisse expressément dans une demande de remboursement fondée sur une erreur alléguée de détermination du classement tarifaire aux termes de l’alinéa 74(1)e). Selon l’ASFC, une telle demande de remboursement ne peut donc pas être fondée sur une demande implicite de changement de classement tarifaire. À l’appui de cet argument, l’ASFC invoque la version anglaise de l’alinéa 74(4)b), qui précise que le rejet d’une demande de remboursement, dans les cas prévus à l’alinéa 74(1)e), sera assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) si la demande est rejetée pour le motif que le classement tarifaire des marchandises, tel que réclamé dans la demande (« as claimed in the application »), est erroné.

77. Selon l’ASFC, la version anglaise exige donc que le changement de classement tarifaire réclamé soit précisé dans la demande, et ce de façon explicite, afin d’être mis « en cause » au sens de la version française de l’alinéa 74(4)b) de la Loi. À cet égard, l’ASFC fait observer que les principes d’interprétation de texte bilingues qui font également autorité prescrivent de rechercher le sens commun aux deux versions et que, dans le cas présent, le sens commun aux deux versions de l’alinéa 74(4)b) impose que le classement tarifaire recherché soit explicitement mentionné dans la demande de remboursement.

78. Or, l’ASFC soutient que Desgagnés a admis au paragraphe 78 de son mémoire amendé que « [...] la demande de remboursement et la demande de révision de la décision la rejetant ne comportaient pas une demande accessoire réclamant explicitement une nouvelle détermination du classement tarifaire [...] » du navire. L’ASFC soutient que cet aveu est fatal pour Desgagnés car, puisqu’elle n’avait pas expressément identifié dans sa demande, et donc mis en cause, le classement tarifaire recherché et qui aurait pu lui donner droit à un remboursement, le motif du rejet de la demande par l’ASFC ne pouvait pas être que « [...] le classement tarifaire [...] des marchandises en cause est erroné ».

79. Par ailleurs, l’ASFC soutient que l’examen des motifs de la décision du 3 juin 2004 confirme que la demande de remboursement a été rejetée pour des motifs autres que pour le motif que « [...] le classement tarifaire [...] des marchandises en cause est erroné ». Selon l’ASFC, en affirmant dans sa décision que le navire n’était réellement entré au Canada que le 12 juillet 1999 et que les droits prescrits avaient été à ce moment-là dûment payés par l’importateur, tel que requis par les articles 12 et 32 de la Loi, et ce, au moment où ils étaient dus, soit après la vente en justice du 22 août 1996, elle a tout simplement alors rejeté comme non pertinents les arguments de Desgagnés selon lesquels les droits de douane étaient plutôt devenus exigibles en 1996.

80. Compte tenu de ces faits, l’ASFC soutient que le paragraphe 74(5) de la Loi s’applique en l’espèce et, puisque le rejet de la demande de remboursement de Desgagnés était fondé sur un motif autre que celui précisé à l’alinéa 74(4)b), sa décision du 3 juin 2004 ne peut être assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a), de sorte qu’elle ne pouvait pas faire l’objet d’un réexamen par le président de l’ASFC aux termes de l’article 60 ni, par conséquent, d’un appel devant le Tribunal aux termes de l’article 67.

81. Le Tribunal est d’avis que la première question qui se pose pour déterminer si la décision du 3 juin 2004 respecte la condition énoncée à l’alinéa 74(4)b) de la Loi est celle de savoir si la demande de remboursement soulevait effectivement une erreur de détermination du classement tarifaire du navire en 1999. À cet égard, le Tribunal est d’accord avec Desgagnés que la demande mettait nécessairement en cause la question du classement tarifaire du navire en 1999.

82. En effet, bien que la demande ne mentionne pas explicitement le numéro tarifaire dans lequel, selon Desgagné, le navire aurait dû être classé en 1999, reste qu’elle contient une allégation claire selon laquelle les droits de douane visant le navire étaient devenus exigibles dès 1996, avant sa vente en justice, de sorte qu’il y avait eu erreur dans la détermination du classement tarifaire du navire au moment de son importation en 1996. Le corollaire de cette allégation est que, selon Desgagnés, le navire aurait dû être classé dans le chapitre 89, qui couvre les navires et moyens de transports importés qui sont assujettis au paiement de droits de douane, dès 1996. De ce fait, l’ASFC possédait suffisamment d’information pour déduire et conclure que Desgagnés contestait, en définitive, le classement tarifaire du navire en 1999, car si le navire aurait dû être dédouané et classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90 en 1996, il ne pouvait l’être à nouveau en 1999.

83. Bref, l’allégation de Desgagnés remettait directement en question le classement tarifaire du navire en 1999 puisque, si elle s’avérait fondée, le navire ne pouvait pas être déclaré passible de droits, et donc être classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90, lors de son retour au Canada en 1999. En somme, le Tribunal est d’avis qu’en alléguant que les droits de douane étaient réputés avoir été déjà acquittés par l’effet de la vente du navire en justice, Desgagnés se trouvait à contester le classement tarifaire du navire, en 1999, dans un numéro tarifaire du chapitre 89, le seul qui couvre des importations de navires qui sont assujetties au paiement de droits de douane. Ce faisant, elle réclamait implicitement, mais quand même très certainement, que le navire soit plutôt classé dans un numéro tarifaire du chapitre 98, lequel vise notamment le cas des navires ou autres marchandises qui sont importés sans être assujettis à des droits de douane parce qu’ils sont retournés au Canada dans le même état qu’ils étaient après avoir déjà été dédouanés et déclarés en détail en vertu de l’article 32 de la Loi.

84. D’ailleurs, le Tribunal remarque que c’est le remboursement complet des droits payés en 1999 qui a été explicitement réclamé par Desgagnés en 2002. De l’avis du Tribunal, un tel remboursement ne pouvait résulter que d’un changement de classement tarifaire compte tenu du cadre législatif et de son application aux faits de l’affaire.

85. En ce qui concerne le cadre législatif lui-même, l’article 57.1 de la Loi prévoit qu’il y a trois éléments essentiels devant être établis pour déterminer si des droits de douane sont exigibles, soit l’origine, le classement tarifaire et la valeur en douane. L’article 57.1 prévoit ce qui suit :

57.1 For the purposes of sections 58 to 70,

(a) the origin of imported goods is to be determined in accordance with section 16 of the Customs Tariff and the regulations under that section;

(b) the tariff classification of imported goods is to be determined in accordance with sections 10 and 11 of the Customs Tariff, unless otherwise provided in that Act; and

(c) the value for duty of imported goods is to be determined in accordance with sections 47 to 55 of this Act and section 87 of the Customs Tariff.

57.1 Pour l’application des articles 58 à 70 :

a) l’origine des marchandises importées est déterminée conformément à l’article 16 du Tarif des douanes et aux règlements d’application de cet article;

b) le classement tarifaire des marchandises importées est déterminé conformément aux articles 10 et 11 du Tarif des douanes, sauf indication contraire de cette loi;

c) la valeur en douane des marchandises importées est déterminée conformément aux articles 47 à 55 de la présente loi et à l’article 87 du Tarif des douanes.

[Nos italiques]

86. En l’espèce, le seul élément qui pouvait être révisé par l’ASFC afin de donner ouverture à un remboursement complet des droits payés était le classement tarifaire du navire. Rien dans la demande de remboursement ne permet d’inférer que Desgagnés remettait de quelque façon que ce soit en cause ses énonciations relatives à l’origine et à la valeur en douane du navire dans sa déclaration en détail du 12 juillet 1999. Donc, les déterminations présumées de ces deux éléments en application du paragraphe 58(2) de la Loi n’ont jamais été en litige. Comme le soutient Desgagnés, il n’y a que le changement de classement tarifaire du navire pour un numéro prévu au chapitre 98 de la nomenclature relatif aux importations de marchandises non assujetties aux droits de douane, soit le numéro 9814.00.00 (le seul numéro, autre que le numéro 8901.90.90, pouvant possiblement être applicable au navire en l’espèce41), qui pouvait résulter en un remboursement complet des droits. Le Tribunal est donc d’avis que, dans les circonstances de la présente affaire, remettre en question l’exigibilité des droits passait nécessairement par la remise en question du classement tarifaire du navire établi en 1999.

87. Par conséquent, une erreur de détermination du classement tarifaire du navire en 1999 était le seul motif parmi ceux énumérés à l’article 74 de la Loi qui pouvait être pertinent et donner lieu à un remboursement dans les circonstances. Les autres cas prévus à l’alinéa 74(1)e), soit un paiement de droits excédentaire ou erroné, résultant d’une erreur de détermination de l’origine ou de la valeur en douane du navire, ne pouvaient manifestement pas constituer le fondement de la demande de remboursement de Desgagnés en l’espèce.

88. Il en est de même des scénarios de remboursement prévus aux autres alinéas du paragraphe 74(1) de la Loi, qui visent notamment les cas d’erreurs de transcription dans le calcul des droits, le défaut par un importateur d’avoir réclamé un traitement tarifaire préférentiel à l’égard de marchandises importées provenant d’un pays partie à une entente de libre-échange avec le Canada, ou encore les cas d’importation de marchandises en quantité ou qualité inférieure à celles pour lesquelles les droits ont été payés. À l’évidence, le demande de remboursement de Desgagnés ne concernait aucun de ces cas et pouvait donc n’être fondée que sur une erreur dans la détermination du classement tarifaire du navire. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il était clair à la lecture des raisons invoquées par Desgagnés pour réclamer le remboursement complet des droits payés qu’elle remettait en question le classement tarifaire du navire qu’elle avait déclaré en 1999.

89. Les éléments de preuve devant le Tribunal indiquent également que le changement de classement tarifaire réclamé par Desgagnés n’a jamais été un mystère pour l’ASFC. À cet égard, le « Mémoire pour dossier » de l’ASFC indique que celle-ci avait initialement examiné le litige du point de vue du classement tarifaire et que, compte tenu du contenu de la demande de Desgagnés, le seul numéro tarifaire qui pouvait théoriquement trouver application, à part le 8901.90.90, était le 9814.00.00. Il s’agit là de la seule raison pouvant expliquer que, le 19 août 2004, l’ASFC ait informé Desgagnés qu’il avait « été décidé » que la lettre du 3 juin 2004 rejetant la demande de remboursement serait assimilée à un avis donné en vertu du paragraphe 59(2) de la Loi et donc que la décision en tant que telle serait assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) conformément à l’alinéa 74(4)b)42. Comme le rejet de la demande pour le motif que le classement tarifaire du navire mis en cause par Desgagnés était erroné constituait le seul cas visé à l’article 74 qui pouvait avoir pour effet d’engendrer une décision susceptible d’être révisée en application du régime prévu aux articles 58 à 67, s’il avait été décidé à l’époque que cette décision pourrait faire l’objet d’une telle révision, c’est parce qu’elle devait, du moins prima facie, respecter la condition énoncée à l’alinéa 74(4)b).

90. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que, pour rejeter la demande de remboursement, l’agent de l’ASFC a nécessairement dû examiner la question de savoir s’il y avait lieu de modifier le classement tarifaire du navire qui avait été déterminé en 1999 sur la foi de la déclaration en détail de Desgagnés. Il n’était pas possible de dissocier la question de l’exigibilité des droits de douane de la question de la détermination du classement tarifaire du navire dans le contexte de la demande de remboursement en cause.

91. Autrement dit, afin de statuer sur une demande qui prétendait que des droits de douane n’étaient pas dus en 1999, l’agent devait nécessairement revoir la question du classement tarifaire du navire en 1999. Sa conclusion a été que les droits étaient bel et bien dus en 1999, c’est-à-dire que la déclaration en détail de Desgagnés ne contenait pas d’erreur. Cela revient à confirmer les fondements de l’imposition des droits, en particulier la détermination du classement tarifaire de 1999, et donc à dire qu’il n’y avait pas lieu de changer le classement tarifaire du navire, tel que demandé au moins implicitement par Desgagnés dans sa demande de remboursement. Bref, en rejetant la demande de remboursement, l’ASFC déterminait qu’il n’y avait pas eu d’erreur dans la détermination du classement tarifaire du navire en 1999 contrairement à ce qui était soulevé par implication nécessaire dans la demande de Desgagnés. Ce faisant, elle se trouvait à rejeter la demande pour le motif qu’il serait erroné de classer le navire dans le numéro tarifaire 9814.00.00, soit le classement tarifaire implicitement mis en cause dans la demande.

92. Quant à l’argument de l’ASFC fondé sur la version anglaise de l’alinéa 74(4)b) de la Loi, le Tribunal n’est pas convaincu que le sens commun aux deux versions de cet alinéa impose que le classement tarifaire recherché soit explicitement mentionné dans la demande de remboursement comme l’a soutenu l’ASFC. Au contraire, le Tribunal est d’avis que l’interprétation proposée par l’ASFC ajoute une exigence qui n’apparaît clairement pas dans la version française de l’alinéa et que, pour cette raison, elle repose exclusivement sur une interprétation textuelle du texte anglais, qui ne tient pas suffisamment compte du libellé de la version française de l’alinéa 74(4)b) ni du contexte de cette disposition.

93. À cet égard, le Tribunal ne voit rien dans le libellé de la version anglaise de l’article 74 de la Loi qui indique la manière dont une erreur de classement tarifaire doit être soulevée dans une demande de remboursement concernant le cas prévu à l’alinéa 74(1)e). D’ailleurs, le Tribunal remarque que les instructions apparaissant sur le formulaire de l’ASFC que les importateurs peuvent utiliser pour présenter une demande de remboursement fondée, entre autres, sur une erreur de détermination du classement tarifaire ne requièrent pas la mention du numéro tarifaire dans lequel il est prétendu par le demandeur que les marchandises importées serait correctement classées. Ce formulaire indique seulement que ce numéro de classement peut être inscrit « si disponible » ou connu (« if known »). De plus, sous la rubrique « Raison de la demande », ce formulaire permet au demandeur de simplement cocher la case intitulé « Marchandises décrites ou classifiées incorrectement »43.

94. Le Tribunal est donc d’avis qu’une interprétation raisonnable de la version anglaise de l’alinéa 74(4)b) de la Loi (qui porte sur l’effet du rejet d’une telle demande), qui s’harmonise avec le sens courant de sa version française, est qu’il suffit, pour respecter la condition énoncée à cet alinéa, qu’une demande de remboursement mette en cause la question du classement tarifaire et que le rejet de la demande de remboursement soit au motif que le changement de classement tarifaire réclamé par le demandeur, explicitement ou par implication nécessaire, est erroné. Un changement de détermination du classement tarifaire peut être réclamé dans la demande (« claimed in the application ») et donc mis « en cause » sans nécessairement indiquer un numéro tarifaire dans lequel les marchandises doivent plutôt être classées. En effet, le Tribunal estime que ce qui compte, c’est que la demande de remboursement soit fondée sur le motif que les marchandises importées ont été incorrectement classées.

95. L’argument de l’ASFC ignore la possibilité que les termes « [...] tariff classification [...] as claimed in the application [...] » dans la version anglaise de l’alinéa 74(4)b) de la Loi puissent être interprétés comme signifiant simplement que la demande doit soulever, d’une façon ou d’une autre, une erreur dans la détermination du classement tarifaire des marchandises en cause. Pourtant, le Tribunal estime qu’il s’agit là d’une interprétation raisonnable qui s’inscrit dans l’optique de permettre le contrôle de toute décision relative au classement tarifaire en application du mécanisme prévu aux articles 58 à 67.

96. L’ASFC a donc proposé une interprétation trop restrictive de la version anglaise qui limiterait indûment la portée de l’article 74 de la Loi. Suivant la règle d’interprétation des textes législatifs bilingues proposée par l’ASFC, le Tribunal est plutôt d’avis que le sens commun qui peut être dégagé des deux versions de l’alinéa 74(4)b) est qu’il suffit que la demande de remboursement soit rejetée pour le motif que le classement tarifaire mis en cause, c’est-à-dire ou concerné ou envisagé par la demande, est erroné44. Cette conclusion apparaît davantage conforme à l’intention du législateur, qui ressort clairement de l’économie générale de la Loi, de permettre le contrôle subséquent de toute décision relative au classement tarifaire.

97. En outre, le Tribunal souscrit à l’argument de Desgagnés selon lequel, compte tenu de l’article 12 de la Loi d’interprétation, l’article 74 de la Loi doit être interprété de façon large et équitable pour le contribuable. De l’avis du Tribunal, il serait injuste de priver Desgagnés de recours en application du mécanisme prévu aux articles 58 à 67 de la Loi pour, à toutes fins utiles, une question de forme. La forme ne doit pas l’emporter sur le fond lorsqu’il s’agit d’une question de droit d’appel. Dans le contexte de cette affaire, ce qui importe, c’est que la demande de remboursement de Desgagnés comportait nécessairement, comme il a déjà été indiqué, une remise en question du classement tarifaire du navire en 1999.

98. Par conséquent, le Tribunal conclut que la décision du 3 juin 2004 de l’agent de l’ASFC doit être assimilée à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, car elle est fondée sur le motif que le classement tarifaire en cause (c’est-à-dire le changement de classement tarifaire qui était implicitement demandé par Desgagnés) était erroné, conformément à l’alinéa 74(4)b). En ce sens, elle constitue une décision portant sur le classement tarifaire du navire qui pouvait faire l’objet de la révision ou du réexamen prévue au paragraphe 60(1).

La lettre du 20 février 2009 constitue-t-elle une décision rendue conformément à l’article 60 de la Loi susceptible de faire l’objet d’un appel devant le Tribunal?

99. Dans la mesure où le rejet de la demande de remboursement constitue une révision aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi, la lettre de l’ASFC du 20 février 2009, qui rejetait une demande de réexamen de cette décision présentée en vertu de l’article 60, est entachée d’une erreur de droit. En effet, il y est erronément affirmé que le motif du rejet de la demande de remboursement ne portait pas sur le classement tarifaire du navire. Dans cette lettre, qui fait l’objet du présent appel, l’ASFC déterminait aussi, de façon erronée, que la Loi ne lui permettait pas de traiter la demande de réexamen de Desgagnés aux termes de l’article 60, puisqu’elle ne concernait pas l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane du navire45.

100. À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut que l’ASFC avait l’obligation de traiter la demande de réexamen de Desgagnés puisque celle-ci pouvait faire l’objet d’une décision du président de l’ASFC aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Autrement dit, l’ASFC a eu tort de conclure que le président de l’ASFC n’avait pas compétence aux termes du paragraphe 60(1) pour rendre une décision (c’est-à-dire un réexamen) sur la question du classement tarifaire du navire. Est-ce à dire que nulle « décision » n’a été rendue par le président de l’ASFC, qui est l’instance désignée par le paragraphe 60(1) pour rendre de telles décisions?

101. Le pouvoir de connaître d’un appel accordé au Tribunal par le paragraphe 67(1) de la Loi est conditionnel à ce qu’une « décision » ait été rendue antérieurement par le président de l’ASFC aux termes du paragraphe 60(1). Dès lors, la question qui reste à trancher est celle de savoir si, en l’espèce, une telle décision existe par implication nécessaire, en conséquence de la conclusion de l’ASFC selon laquelle le président de l’ASFC n’avait pas l’autorité pour traiter la demande de réexamen de Desgagnés. Essentiellement, le Tribunal peut-il conclure que le refus du président de l’ASFC de rendre une décision aux termes de l’article 60 constitue en soi une décision susceptible d’appel au Tribunal?

102. Selon le Tribunal, compte tenu qu’elle a erronément omis d’assimiler le rejet de la demande de remboursement de Desgagnés à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi, l’ASFC ne peut valablement soutenir que sa lettre du 20 février 2009, par laquelle elle refuse d’accorder à une demande de réexamen de sa décision antérieure du 3 juin 2004, ne constitue pas une décision rendue conformément à l’article 60. D’ailleurs, l’ASFC n’a pas présenté d’argument subsidiaire pour convaincre le Tribunal que même si celui-ci concluait que le rejet de la demande de remboursement du 3 juin 2004 devait être assimilé à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a), sa décision subséquente du 20 février 2009 ne constituerait tout de même pas une décision rendue conformément à l’article 60.

103. De l’avis du Tribunal, dans la mesure où le rejet de la demande de remboursement doit être assimilé à une décision rendue aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi, il s’ensuit que la lettre du 20 février 2009, en réponse à une demande de réexamen de cette décision qui avait été dûment présentée par Desgagnés, représente l’aboutissement du mécanisme de recours interne de l’ASFC concernant la question en litige. Cette lettre doit donc être assimilée à une décision rendue conformément à l’article 60, qui est susceptible de faire l’objet d’un appel devant le Tribunal.

104. Sinon, Desgagnés serait privée de recours devant le Tribunal à cause d’une erreur de droit de l’ASFC, qui est l’instance désignée par le paragraphe 60(1) de la Loi pour rendre de telles décisions. Selon le Tribunal, un tel résultat serait inacceptable, car il reviendrait à permettre à l’ASFC de conclure, à tort, que le président de l’ASFC n’a pas compétence aux termes du paragraphe 60(1) pour rendre une décision, sans possibilité pour un importateur de contester cette conclusion. En effet, en application du mécanisme de révision prévu aux articles 58 à 68, c’est le Tribunal qui est investi du mandat de statuer sur la validité et le bien-fondé de décisions rendue conformément aux articles 59 et 6046.

105. De toute façon, le Tribunal remarque que l’ASFC avait représenté à Desgagnés que cette dernière pouvait demander le réexamen de la décision du 3 juin 2004 par le président de l’ASFC aux termes de l’article 60 de la Loi. Du point de vue de Desgagnés, le dossier suivait donc son cours entre le moment du dépôt de sa demande de réexamen et la réception de la lettre de l’ASFC du 20 février 2009. Desgagnés pouvait en conséquence légitimement s’attendre, compte tenu du fait que sa demande mettait en cause la question du classement tarifaire du navire, à ce que, conformément à l’alinéa 60(4)a), le président de l’ASFC procède à « la révision ou [au] réexamen [...] du classement tarifaire [...] » du navire.

106. À cet égard, le Tribunal estime que la lettre du 20 février 2009 constitue une décision déguisée ou implicite sur la question de fond en litige, soit le classement tarifaire approprié du navire en 1999. En effet, pour rejeter la demande de réexamen de Desgagnés, l’ASFC a dû procéder, essentiellement, à un exercice de classement tarifaire. Considérant que le raisonnement de Desgagnés quant au motif pour lequel un numéro tarifaire autre que le 8901.90.90 aurait dû être déclaré en 1999 impliquait la remise en question du classement tarifaire qui avait été déterminé en 1996, l’exercice de classement tarifaire effectué par l’ASFC afin de confirmer, dans sa lettre du 20 février 2009, le bien-fondé du classement tarifaire indiqué dans la déclaration en détail du 12 juillet 1999, ressort clairement du passage suivant de la lettre :

Toutefois, lorsque le navire « Truskavets » a fait l’objet d’une vente en justice, dans le cadre d’une transaction in rem, en août 1996, celui-ci n’était pas encore officiellement entré au Canada. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il fut officiellement importé au Canada et classé sous le numéro de SH 8901.90.90.00. Selon l’information soumise, en 1996, aucun changement n’a été effectué au classement tarifaire du navire « Truskavets » que ce soit par le propriétaire dudit navire, à l’époque, ou encore par l’Agence de douanes et du revenu du Canada (ADRC), maintenant devenue l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). À cet égard, veuillez noter qu’il n’existe aucune disposition légale permettant un changement automatique de classement tarifaire, selon l’expression anglaise, « by application of the law. »47.

107. Ainsi, la décision contient une analyse générale de la demande de réexamen de Desgagnés qui peut raisonnablement être interprétée de manière à viser le classement tarifaire du navire. En ce sens, la lettre du 20 février 2009 n’était pas qu’un simple avis administratif informant Desgagnés qu’elle ne remplissait pas les critères prévus par la Loi pour déposer une demande de réexamen en vertu du paragraphe 60(1).

108. En outre, l’autorité du Tribunal pour conclure qu’une décision implicite a été rendue conformément à l’article 60 de la Loi a été clairement établi par la Cour d’appel fédérale dans C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers)48. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a donné l’exemple d’une situation, autre que la présente, dans laquelle une « décision implicite » peut être rendue conformément à l’article 60 et donc constituer une décision au sens de l’article 67. La Cour d’appel fédérale a toutefois pris soin d’ajouter ce qui suit :

Il ne fait aucun doute qu’il peut y avoir d’autres situations dans lesquelles le Tribunal conclura que des décisions implicites ont été rendues. Bien entendu, il appartiendra au Tribunal de le juger selon chaque espèce. Dans les décisions qu’il rendra sur ce point, le Tribunal devra examiner les objectifs de la partie III de la Loi et le régime administratif49.

109. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut qu’il y a bel et bien une décision implicite, confirmant la détermination présumée du classement tarifaire du navire, qui a été rendue conformément à l’article 60 de la Loi en l’espèce. Le Tribunal est d’avis que l’un des objectifs du régime administratif est d’accorder aux importateurs un droit d’appel devant le Tribunal, qui est l’organisme quasi judiciaire possédant l’expertise en semblables matières, de toute question touchant notamment le bien-fondé du classement tarifaire de marchandises importées. Dans le cas qui nous occupe, la demande de réexamen de Desgagnés comportait, par implication nécessaire, une demande au président de l’ASFC pour qu’il modifie la détermination du classement tarifaire du navire de 1999, qui avait été auparavant maintenue par un agent de l’ASFC au moyen d’une décision rendue aux termes de l’alinéa 59(1)a), afin de donner ouverture au remboursement des droits payés.

110. De ce fait, en indiquant erronément, c’est-à-dire contrairement aux prescriptions de l’alinéa 60(4)a) de la Loi, que l’ASFC n’avait pas l’autorité pour traiter la demande, la lettre du 20 février 2009 informait Desgagnés de la décision finale de l’ASFC quant à la question du classement tarifaire du navire. En définitive, le président de l’ASFC, en refusant d’effectuer le réexamen de la question qui avait été demandé, a essentiellement rendu une décision négative qui confirmait le classement tarifaire original. Cette décision doit donc être assimilée à une décision rendue conformément à l’article 60. Autrement dit, dans les circonstances, une telle décision, qui peut être portée en appel devant le Tribunal, existe par implication nécessaire en conséquence de la façon dont l’ASFC a choisi de disposer de la demande de Desgagnés.

111. Par conséquent, le Tribunal conclut que la lettre de l’ASFC du 20 février 2009 constitue une décision rendue conformément à l’article 60 de la Loi et qu’il pouvait donc y avoir appel de cette décision devant le Tribunal en application du paragraphe 67(1). Bref, le Tribunal décide qu’il est compétent pour connaître le présent appel.

QUESTION DU CLASSEMENT TARIFAIRE DU NAVIRE

112. Ayant conclu qu’il y avait bel et bien eu décision en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi et qu’il y avait par conséquent droit d’appel auprès du Tribunal en vertu du paragraphe 67(1), le Tribunal doit maintenant se pencher sur la question de fond du litige, soit celle de savoir si l’ASFC a eu raison de conclure dans sa décision du 20 février 2009 que le navire avait été correctement classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90 en 1999.

Position des parties

113. Desgagnés soutient qu’elle a acquis le navire à la suite d’une vente en justice, suivant le régime prévu par la Loi sur la marine marchande du Canada50, lequel a, selon elle, préséance sur les dispositions d’application générale de la Loi. Selon Desgagnés, la vente du navire en justice a ainsi eu pour effet de lui conférer un titre libre de toute charge et de toute créance dont celles liées à l’importation du navire au Canada. À l’appui de cet argument, qu’elle a qualifié de « question d’ordre juridictionnel », Desgagnés a invoqué les articles 43 et 275 de la Loi sur la marine marchande du Canada, l’article 7 de la Loi de même que les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale51 et les règles de procédures connexes régissant la saisie et la vente de navires dans le cadre d’actions en matière d’amirauté qui étaient en vigueur à l’époque de la vente en justice. La prétention centrale de Desgagnés est que l’application de ces règles de droit fait en sorte que le navire devait être réputé avoir été dédouané en 1996 et que, par conséquent, elle n’avait pas à payer des droits de douane à son égard en 1999. Selon Desgagnés, les ordonnances rendues par la Cour fédérale du Canada ont donc eu pour effet de lui céder le navire libre de toute charge et de tout droit, incluant les droits de douane.

114. Desgagnés soutient que son argument est fondé sur une interprétation raisonnable et équitable de toutes les dispositions législatives pertinentes. De plus, elle soutient que son interprétation est conforme à la présomption selon laquelle l’ensemble des lois est censé former un tout cohérent. Par ailleurs, dans la mesure où il y aurait conflit entre la Loi et le régime prévu par Loi sur la marine marchande du Canada mis en œuvre par les dispositions connexes de la Loi sur la Cour fédérale relativement aux actions en matière d’amirauté, Desgagnés soutient que ce sont les règles propres au droit maritime qui doivent prévaloir. Ainsi, Desgagnés soutient que la solution juridique dans cet appel passe par la sanction, le respect et l’application des jugements de la Cour fédérale du Canada établissant que la propriété du navire a été cédée à Desgagnés libre de tout droit52.

115. Subsidiairement, Desgagnés soutient que les droits de douane découlant de l’importation du navire étaient devenus exigibles avant sa vente en justice le 22 août 1996, de sorte que celle-ci, de toute façon, avait eu pour effet d’annuler les droits ou créances qu’aurait pu avoir la couronne à l’égard du navire. À cet égard, Desgagnés fait remarquer que l’ASFC n’avait pas présenté de demande de paiement de sa créance au moment opportun, soit avant l’ordonnance de distribution du solde du prix de vente53.

116. L’argument de Desgagnés suivant lequel les droits de douane étaient devenus exigibles dès 1996 est fondé sur la prétention que le navire ne respectait pas toutes les conditions pour être classé dans la position no 98.01 en 1996 et, donc, être importé en franchise de droits par son propriétaire à l’époque. À cet égard, Desgagnés a erronément présumé dans son mémoire que le navire avait été classé dans le numéro tarifaire 9801.10.00 en 1996 et analysé les termes de ce numéro dans son mémoire (alors que le navire a plutôt été classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 à l’époque)54. Toutefois, à l’audience, Desgagnés a soutenu que le navire ne respectait pas non plus les conditions du numéro tarifaire 9801.00.00 et avait donc erronément été classé dans ce numéro en 1996.

117. En ce qui concerne cette question, Desgagnés allègue que pour bénéficier de l’avantage du numéro tarifaire 9801.00.00, un navire doit être de propriété étrangère et que, au moment de la vente en justice, le navire était réputé être un navire canadien, propriété du shérif, et non un navire étranger. À l’appui de cet argument, Desgagnés invoque les dispositions de la Loi sur le marine marchande du Canada, notamment celles définissant les termes « propriétaire », « navire canadien » et « navire étranger », les dispositions de la Loi sur le cabotage55 ainsi que l’article 32.2 de la Loi. Selon Desgagnés, en application de ces dispositions, à la suite de sa saisie au port de Québec, le navire est réputé être devenu un navire immatriculé au Canada, mais non dédouané, et le shérif devenait à ce moment son propriétaire réputé. Desgagnés soutient que le shérif avait alors l’obligation, suivant les prescriptions des paragraphes 32.2(2), 32.2(4) et 32.2(6) de la Loi d’effectuer une correction de la déclaration du classement tarifaire du navire et de payer les droits de douane, car il avait alors des motifs de croire que la déclaration originale selon laquelle le navire devait être classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 comme un navire étranger était inexacte ou défectueuse. Puisque, selon Desgagnés, l’obligation de payer les droits de douane était ainsi née avant la vente en justice, il faut conclure que cette vente avait purgé tous les droits de douane. Au soutien de ce dernier point, Desgagnés réfère aux ordonnances de la Cour fédérale du Canada lui transférant la propriété du navire ainsi qu’à la jurisprudence établissant que l’acheteur d’un navire dans le cadre d’une action réelle en matière d’amirauté acquiert un titre libre de toute charge et de tout droit.56

118. Pour sa part, l’ASFC soutient que tous les arguments de Desgagnés tournent autour de la vente en justice de 1996 et que, pour admettre l’appel, le Tribunal doit conclure qu’il y a eu, avant la vente en justice, un changement automatique du classement tarifaire du navire sans intervention de l’ASFC ni de Desgagnés. Or, l’ASFC soutient que les dispositions de la Loi ne permettent aucun changement au classement tarifaire des marchandises sauf par l’entremise des procédures prévues par la Loi. Ainsi, le fait qu’aucune procédure n’ait été entreprise en temps opportun pour modifier le classement tarifaire du navire dans le numéro tarifaire 9801.00.00 empêche Desgagnés de faire valoir sa prétention selon laquelle le navire n’aurait pas dû être classé dans ce numéro en 1996. À cet égard, l’ASFC fait remarquer que la contestation de Desgagnés porte essentiellement sur le classement tarifaire dans le numéro tarifaire 9801.00.00, qui a été déterminé au moment de l’importation temporaire du navire le 8 mars 1996, et que le délai de rigueur de quatre ans pour contester cette détermination, qui est établi par le sous-alinéa 59(1)a)(ii), est maintenant expiré, et ce, depuis presque 10 ans.

119. Ainsi, l’ASFC soutient qu’il n’y avait aucun droit de douane exigible avant la vente en justice le 22 août 1996 et que l’impact de la vente en justice en 1996 vis-à-vis les droits de douane exigibles le 12 juillet 1999 était nul.

120. L’ASFC conteste également la prétention de Desgagnés selon laquelle un navire vendu sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale est de ce fait réputé être un navire qui n’est plus passible de droits de douane pour l’application de la Loi et du Tarif des douanes. Selon l’ASFC, rien dans les textes invoqués par Desgagnés ne permet de conclure que le législateur avait l’intention d’annuler tous les droits de douane exigibles lorsqu’un navire est vendu en justice dans le cadre de ce régime. L’ASFC soutient que l’interprétation de Desgagnés n’est pas raisonnable car elle implique que chaque navire en service de transport commercial international saisi et vendu par l’entremise d’une vente en justice deviendrait un navire dédouané et non assujetti au paiement de droits de douane, peu importe le statut du navire avant la vente en justice.

121. L’ASFC est plutôt d’avis que, suivant les règles de droit soulevées par Desgagnés, le shérif ne peut pas vendre plus que ce que le propriétaire avait avant la saisie du navire, soit, en l’espèce, un navire en service de transport commercial international et non pas un navire dédouané au Canada. Selon l’ASFC, la seule interprétation acceptable dans les circonstances est que le shérif vend un bien possédant les mêmes attributs que ceux possédés par le propriétaire aux mains duquel le bien a été saisi. Dans le cas qui nous occupe, l’ASFC soutient que le navire a été importé temporairement en 1996 et classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 et qu’il avait toujours ce statut au moment où il a été saisi. Étant donné qu’aucune demande de réexamen de ce classement tarifaire n’a été présentée, le navire était toujours classé dans ce numéro et a été vendu à Desgagnés comme un navire en service de transport commercial international et non comme un navire dédouané pouvant être utilisé pour effectuer des opérations de cabotage au Canada.

122. L’ASFC est donc d’avis que le navire a été correctement classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90 en 1999, puisqu’il ne respectait pas les conditions du numéro tarifaire 9814.00.00 lorsque Desgagnés l’a importé de façon permanente au Canada. À l’audience, l’ASFC a de plus plaidé que Desgagnés ne s’était pas déchargée de son fardeau d’établir que le navire respectait les conditions énoncées dans le numéro tarifaire 9814.00.00. À cet égard, l’ASFC fait remarquer que Desgagnés n’a pas déposé d’éléments de preuve établissant que le navire avait déjà été dédouané et déclaré en détail en vertu de l’article 32 de la Loi à son retour au Canada en 1999 ni d’éléments de preuve établissant que le navire était alors retourné au Canada sans avoir reçu de plus-value ou d’améliorations57.

Analyse du Tribunal

123. Le paragraphe 2(1) de la Loi définit « classement tarifaire » de la façon suivante :

“tariff classification” means the classification of imported goods under a tariff item in the List of Tariff Provisions set out in the schedule to the Customs Tariff.

« classement tarifaire » Le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire de la liste des dispositions tarifaires de l’annexe du Tarif des douanes.

124. La liste des dispositions tarifaires de l’annexe du Tarif des douanes est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions et sous-positions et dans des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié.

125. Le classement tarifaire se fonde sur la description matérielle des marchandises importées, et le Tribunal détermine le classement tarifaire adéquat des marchandises en conformité avec les règles d’interprétation prescrites. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[58] et les Règles canadiennes[59] énoncées à l’annexe60. »

126. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la Règle 1 des Règles générales, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé [...] d’après les termes des positions et des Notes de Section ou de Chapitres [...]. »

127. Le fardeau de démontrer que l’ASFC a incorrectement classé le navire dans le numéro tarifaire 8901.90.90 et que le navire aurait plutôt dû être classé dans le numéro tarifaire 9814.00.00 incombe à Desgagnés61. Les parties conviennent et le Tribunal est d’accord que ces deux numéros tarifaires sont les seuls qui pouvaient possiblement viser le navire. De plus, Desgagnés ne conteste pas que le navire est un bateau pour le transport de marchandises qui est, prima facie, compris dans la position no 89.01 et le numéro tarifaire 8901.90.90. La question dont le Tribunal est saisi est celle de savoir si le navire entrait aussi dans la portée du numéro tarifaire 9814.00.00 en 1999 et était donc admissible à bénéficier d’un traitement en franchise de droits62. Ainsi, si le navire ne respectait pas les conditions pour être classé dans le numéro tarifaire 9814.00.00 en 1999, il serait, par défaut, correctement classé dans le numéro tarifaire 8901.90.90, comme l’a déterminé l’ASFC.

128. Pour avoir gain de cause, Desgagnés doit donc démontrer que les termes du numéro tarifaire 9814.00.0063, en tenant compte des notes de section ou de chapitre pertinentes de l’annexe du Tarifs des douanes, visaient ou comprenaient le navire au moment de son importation en 1999.

129. Le numéro tarifaire 9814.00.00 prévoit ce qui suit :

9814.00.00 Marchandises, y compris les contenants ou les enveloppes remplis ou vides, qui sont déjà dédouanées et déclarées en détail en vertu de l’article 32 de la Loi sur les douanes et qui ont été exportées, si les marchandises doivent être retournées sans avoir reçu de plus-value ni d’améliorations dues, entre autres choses, à un procédé de fabrication quelconque, ou sans avoir été unies à un autre article quelconque à l’étranger.

130. Par conséquent, la première condition pour que des marchandises bénéficient des avantages du numéro tarifaire 9814.00.00 est qu’elles aient été « déjà dédouanées et déclarées en détail en vertu de l’article 32 » de la Loi. Or, en l’espèce, ce n’est qu’au moment de son retour au Canada en 1999 que le navire a été dédouané et déclaré en détail en vertu de l’article 32. Comme il a déjà été indiqué, lorsqu’il est arrivé une première fois au Canada en 1996, le navire n’a pas fait l’objet d’une déclaration en détail en vertu de l’article 32. Il a plutôt été classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 comme une importation temporaire puisqu’il se livrait alors au service de transport commercial international de marchandises. Les éléments de preuve indiquent aussi que les moyens de transport pouvant être classés dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996 pouvaient être dédouanés sans faire l’objet d’une déclaration en détail et que le dédouanement du navire n’a effectivement pas été subordonné à une déclaration en détail avant 1999.

131. Desgagnés n’a donc pas établi que le navire avait été « déjà dédouané et déclaré en détail en vertu de l’article 32 [de la Loi] », comme l’exigent les termes du numéro tarifaire 9814.00.00, lorsque Desgagnés l’a ramené au Canada en 1999. Le Tribunal souscrit à l’argument de l’ASFC que ce motif pourrait, à lui seul, être suffisant pour rejeter l’appel.

132. Pour contourner cet écueil, Desgagnés remet en cause le classement du navire dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996. Elle soutient essentiellement que le navire doit être réputé avoir été dédouané et déclaré en détail en 1996. À cet égard, elle avance que, en application du régime prévu par la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi sur la Cour fédérale en matière de droit maritime, l’effet de la vente en justice d’un navire saisi au Canada est d’éteindre ou de faire disparaître les créances de l’État à son endroit, y compris les droits de douane liés à l’importation du navire.

133. Subsidiairement, c’est-à-dire même si le Tribunal concluait qu’une vente en justice dans le cadre d’une action en matière d’amirauté n’avait pas pour effet d’éliminer les droits de douane exigibles à l’importation d’un navire, Desgagnés soutient que le navire n’aurait pas dû être classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996, parce qu’il ne respectait pas les conditions pour être classé dans ce numéro tarifaire, de sorte que les droits de douane dont il était passible étaient devenus exigibles avant sa vente en justice. La théorie de Desgagnés est la suivante : puisque la créance de l’État en lien avec l’importation du navire existait avant la vente en justice, celle-ci a eu pour effet de purger les droits de douane et de libérer Desgagnés de toute obligation relativement à leur paiement. Sur ce point, Desgagnés soutient qu’il est clairement établi en droit que l’effet d’une vente en justice est de conférer à l’acquéreur un titre libre de toute charge et de tout droit.

134. Le Tribunal n’est pas convaincu du bien-fondé de ces arguments. Afin de les accepter, le Tribunal devrait conclure que le classement tarifaire du navire en 1996 doit être modifié automatiquement, par l’effet de la loi, ou déclarer que le navire a été incorrectement classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996, et ce, plusieurs années après l’expiration du délai pour demander la révision ou le réexamen de cette détermination. Or, pour les motifs suivants, le Tribunal est d’avis que ces deux conclusions ne sont pas juridiquement admissibles.

135. En effet, comme le soutient l’ASFC, le régime de révision et de réexamen des déterminations de l’ASFC concernant notamment le classement tarifaire prévu par la Loi est un système cohérent et complet assorti de clauses privatives64, qui fait en sorte qu’il n’existe aucune possibilité de réviser ou de modifier le classement tarifaire de marchandises autrement que conformément aux dispositions de la Loi. La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale du Canada établit d’ailleurs clairement que la détermination du classement tarifaire effectuée au moment de la déclaration en douane est définitive et péremptoire à moins d’être modifiée dans le délai prescrit suivant la procédure et le mécanisme de recours prévus par la Loi65.

136. Le Tribunal souscrit à l’interprétation de l’ASFC selon laquelle l’intention du législateur était de faire en sorte que les recours mis à la disposition des importateurs de marchandises assujetties au paiement de droits de douane soient limités et que, en l’espèce, ni Desgagnés ni le propriétaire précédent n’avait contesté, en temps opportun, le classement tarifaire du navire en 1996 selon la procédure prévue aux articles 59 à 68 de la Loi. À cet égard, le Tribunal remarque que, suivant l’article 59, le délai pour demander la révision ou le réexamen d’une détermination faite en vertu de l’article 58 est de quatre années suivant la date de cette détermination. Donc, puisque le navire a été déclaré et classé comme une importation temporaire en mars 1996, Desgagnés avait jusqu’en mars 2000 pour faire réviser cette détermination.

137. Or, ce n’est qu’au moment du dépôt de sa demande de remboursement du 11 janvier 2002 que Desgagnés a remis en question le classement tarifaire du navire en 1996. Par conséquent, dans la mesure où la demande de remboursement de 2002 de Desgagnés implique au fond la reconsidération du classement tarifaire déclaré et déterminé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996, elle est prescrite. Compte tenu de ces faits et du cadre juridique applicable, le Tribunal ne voit pas sur quel fondement juridique il pourrait s’appuyer pour modifier le classement tarifaire établi en 1996, ce qui serait nécessaire pour admettre les arguments de Desgagnés, en statuant sur le présent appel.

138. À cet égard, contrairement aux prétentions de Desgagnés, il n’est pas possible de faire modifier un classement tarifaire en invoquant l’effet de lois autre que la Loi. En effet, le régime de la Loi ne laisse planer aucun doute quant à l’intention du législateur d’empêcher qu’un changement au classement tarifaire de marchandises puisse se produire de façon automatique en l’absence d’une révision par un agent ou par le président de l’ASFC. Conclure autrement reviendrait à autoriser un importateur à contourner le régime prévu par la Loi et à élargir les recours ouverts à un importateur à l’égard d’un classement tarifaire. Le Tribunal ne voit rien dans les dispositions en matière de droit maritime invoquées par Desgagnés qui viendraient modifier le régime général applicable à l’importation de marchandises, y compris de navires, dans le sens proposé par Desgagnés.

139. Étant donné que ni l’ancien propriétaire du navire, ni le shérif à la suite de la saisie du navire en 1996, ni Desgagnés n’ont demandé, en temps opportun, la révision du classement tarifaire de 1996 ou n’ont effectué une déclaration corrigée du classement tarifaire du navire aux termes de l’article 32.2 de la Loi avant sa vente en justice, et que la Loi ne prévoit pas la révision ou la modification d’un classement tarifaire autrement que par l’application du mécanisme de recours qui lui est propre, il n’est pas possible, au plan juridique, de faire comme si le navire n’aurait pas dû être classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996. Autrement dit, la Loi ne permet pas de réviser le classement tarifaire du navire en 1996 de façon automatique et rétroactive et de conclure qu’un tel changement automatique, après les faits, aurait rendu les droits de douane exigibles juste avant la vente en justice, de sorte que cette vente les aurait par la suite éteints.

140. Pour ce qui est des arguments de Desgagnés selon lesquels le navire ne respectait plus les conditions du numéro tarifaire 9801.00.00 au moment de la vente en justice, le Tribunal est d’avis qu’ils ne sont pas pertinents. En effet, ce qui importe, au plan juridique, c’est que la détermination du classement tarifaire de 1996 n’ait pas été modifiée dans le délai prescrit. Dès lors, cette détermination, qu’elle soit fondée ou non, est devenue définitive et péremptoire et ne peut plus être révisée par le Tribunal ou autrement. Suivant ce raisonnement, même si le Tribunal acceptait l’argument de Desgagnés selon lequel le shérif avait, avant la vente en justice, l’obligation de corriger la déclaration de 1996 concernant le classement tarifaire du navire aux termes de l’article 32.2 de la Loi parce qu’elle serait devenue défectueuse après le dédouanement sans déclaration en détail du navire66, le fait demeure qu’une telle correction de la déclaration initiale n’a pas été effectuée. Le Tribunal ne peut faire comme si ou présumer qu’une telle correction existe parce qu’elle aurait pu ou dû être faite et l’absence d’une telle déclaration n’est pas opposable à l’ASFC.

141. Selon le Tribunal, cette conclusion est conforme à l’observation suivante de la Cour d’appel fédérale dans C.B. Powell II67 :

[...] le présent régime administratif [le régime de la Loi] peut avoir d’autres objectifs – par exemple celui d’assurer l’efficacité administrative pour traiter l’afflux des marchandises importées qui arrivent à nos frontières quotidiennement. Dans un régime administratif conçu pour traiter un tel afflux, il peut être légitime de requérir des importateurs qu’ils assument les conséquences de leurs déclarations et de restreindre leur capacité de former des appels pour tenter d’obtenir un traitement fiscal qu’ils auraient pu réclamer antérieurement. Je tiens à souligner que le texte des articles 58, 59, 60 et 67 de la Loi n’accorde pas aux importateurs des droits d’appel illimités.

142. Ainsi, le Tribunal souscrit à l’argument de l’ASFC selon lequel Desgagnés ne peut invoquer une correction qui n’a jamais été faite pour faire modifier le classement tarifaire du navire tel que déterminé en 1996 dans une contestation visant le classement tarifaire de 1999. De plus, dans les faits, les éléments de preuve indiquent que le navire a été déclaré en 1996 comme une importation temporaire et le navire a alors été correctement classé comme un navire affecté à un usage non imposable au Canada, soit le transport international de marchandises. Cet usage a par la suite été confirmé par Desgagnés, puisque après avoir acquis le navire, elle a consacré le navire au même service entre 1996 et 1999. Aucune révision de ce classement n’a été demandée. Dans sa correspondance avec l’ASFC en 1999, Desgagnés reconnaissait d’ailleurs que des droits deviendraient exigibles à l’égard du navire uniquement au moment où il serait affecté à des opérations de cabotage au Canada.

143. En ce qui a trait aux arguments de Desgagnés selon lesquels un navire vendu sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale est de ce seul fait réputé être un navire dédouané pour l’application de la Loi, le Tribunal estime que cette conclusion ne ressort pas de l’examen du texte des dispositions invoquées par Desgagnés. En particulier, le Tribunal ne voit rien dans le libellé de l’article 7 de la Loi, qui stipule que les attributions conférées par cette dernière peuvent s’exercer dans les pays étrangers avec les lois desquels elles n’entrent pas en conflit, ni dans celui des articles 43 et 275 de la Loi sur la marine marchande du Canada, qui indique que le régime de vente en justice et d’exécution des jugements en matière de droit maritime a préséance sur la Loi et ses règlements d’application. De l’avis du Tribunal, l’article 275 de la Loi sur la marine marchande du Canada semble régir les cas de conflits entre cette loi et le droit étranger68. Cette disposition n’est pas pertinente en l’espèce.

144. Pour sa part, l’article 43 de la Loi sur la marine marchande du Canada ne fait qu’affirmer le principe que lorsqu’un tribunal ordonne la vente d’un navire, la personne désignée par le tribunal pour effectuer la vente a le droit de transférer le navire de la même façon et dans la même mesure que si elle en était le propriétaire enregistré. Cette disposition n’établit pas que la personne désignée transfère alors nécessairement un navire dédouané à l’égard duquel des droits de douane ne sont pas exigibles. Du reste, en application de cette disposition, si le propriétaire enregistré d’un navire ne pouvait pas transférer un navire dédouané et pouvant être affecté à un usage imposable au Canada, il semble que la personne désignée par le tribunal pour procéder à sa vente en justice ne pourrait transférer le navire que « de la même façon et dans la même mesure ». Le Tribunal conclut donc que l’effet de l’article 43 ne peut être d’éliminer automatiquement les droits de douane dont un navire était ou aurait pu être passible.

145. Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que l’interprétation de ces dispositions proposée par Desgagnés n’est pas acceptable car elle fait en sorte que chaque navire en service de transport commercial international vendu dans le cadre d’une action réelle en matière d’amirauté serait réputé être un navire dédouané à l’égard duquel le gouvernement canadien ne pourrait plus exiger le paiement de droits de douane, et ce, peu importe le statut du navire au regard de la Loi avant la vente en justice. Selon le Tribunal, rien dans les dispositions invoquées par Desgagnés ne permet de conclure que l’intention du législateur était d’annuler tous les droits de douane normalement exigibles dans les cas de vente en justice sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale et de la Loi sur la marine marchande du Canada.

146. Desgagnés n’a d’ailleurs pas fourni de précédent à l’appui de cette interprétation. À l’appui de cet argument, elle invoque plutôt le paragraphe 16(21) de la Loi sur le cabotage, une disposition qui n’est pas applicable en l’espèce, mais qui prévoit qu’un navire vendu sous son régime n’est pas de ce seul fait réputé être un navire dédouané pour l’application du Tarif des douanes et invoque qu’en l’absence d’une disposition analogue dans la Loi sur la Cour fédérale, il faut conclure a contrario qu’un navire vendu sous le régime de cette dernière loi est de ce seul fait un navire réputé être un navire dédouané pour l’application de la Loi et du Tarif des douanes.

147. Bien qu’il soit vrai qu’une rédaction différente de certaines lois peut parfois faire présumer une différence de sens et servir de fondement à un tel raisonnement a contrario, le Tribunal n’est pas convaincu du bien-fondé du raisonnement de Desgagnés en l’espèce. Le Tribunal est plutôt d’avis que si le législateur avait voulu annuler le droit de du gouvernement de réclamer des droits de douane à l’égard de navires vendus dans le cadre d’une action réelle en matière d’amirauté, il l’aurait dit expressément. Le Tribunal remarque également que l’interprétation de Desgagnés va à l’encontre de l’intention, clairement exprimée par le législateur dans la Loi, de limiter les recours ouverts aux importateurs à l’égard du classement tarifaire de marchandises et des circonstances pouvant donner lieu au remboursement de droits payés. En effet, elle revient à opérer un changement de classement tarifaire automatiquement par l’effet de dispositions autres que celles de la Loi.

148. L’interprétation de Desgagnés va aussi à l’encontre de la note 3 du chapitre 98 qui, en 1996, prévoyait ce qui suit : « Les marchandises pouvant être classées dans les positions nos. 98.01, 98.02, 98.03, 98.04 (sauf dans le numéro tarifaire 9804.30.00), 98.05 ou 98.21 doivent être exemptées de tous les droits, à l’exception des droits de douane imposés en vertu de la Partie I de la présente loi dans le cas du no. Tarifaire 9804.30.00, malgré les dispositions de la présente loi ou de toute autre loi adoptée par le Parlement » [nos italiques]. Comme le navire pouvait être classé dans la position no 98.01 au moment de son arrivée au Canada en 1996, que ce classement n’a pas fait l’objet de révision ou de correction en application des dispositions de la Loi par la suite, le Tribunal constate qu’il devait alors être exempté de droits de douane malgré les dispositions de toute autre loi adoptée par le Parlement.

149. À l’instar de l’ASFC, le Tribunal estime par ailleurs que l’interprétation raisonnable de toutes les dispositions pertinentes et qui permet de leur donner pleinement effet dans les circonstances est que le shérif vend un navire possédant les mêmes attributs que ceux possédés par le propriétaire aux mains duquel il a été saisi. Dans le cas qui nous occupe, le navire était classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 à titre de navire en service de transport commercial international lorsqu’il a été saisi et il était toujours classé dans ce numéro lorsqu’il a été vendu en justice. Il s’agissait donc toujours d’un navire en service de transport commercial international lorsque Desgagnés l’a acquis et non d’un navire « déjà dédouané et déclaré en détail en vertu de l’article 32 » de la Loi.

150. Contrairement aux prétentions de Desgagnés, cette interprétation n’est pas inéquitable et ne désavantage pas les acheteurs possibles canadiens par rapport aux acheteurs possibles étrangers qui déposent une proposition pour se faire adjuger le navire dans le cadre d’une vente en justice dans les cas d’une action réelle en matière d’amirauté. En effet, rien ne force un acheteur possible canadien à importer le navire en service de transport commercial international saisi au Canada afin de l’affecter à un usage imposable au Canada. Il lui est loisible, tout comme à un acheteur étranger, de continuer à utiliser le navire qui fait l’objet de la vente à des fins de transport commercial international. C’est d’ailleurs ce que Desgagnés a fait entre 1996 et 1999 suite à l’acquisition du navire dans cette affaire. Inversement, si un acheteur étranger voulait utiliser le navire pour effectuer des opérations de cabotage au Canada, le navire deviendrait alors assujetti au paiement des droits de douane applicables et ne pourrait ainsi être importé en franchise de droits.

151. Le Tribunal conclut donc que l’ASFC a correctement classé le navire dans le numéro tarifaire 8901.90.90 en juillet 1999 sur la foi de la déclaration de Desgagnés, car il ne répondait pas au premier critère pour être classé dans le numéro tarifaire 9814.00.00 à ce moment-là.

152. Enfin, le Tribunal remarque qu’une autre condition d’application du numéro tarifaire 9814.00.00 est que les marchandises soient « [...] retournées sans avoir reçu de plus-value ni d’améliorations dues, entres autres choses, à un procédé de fabrication quelconque, ou sans avoir été unies à un autre article quelconque à l’étranger ». À cet égard, Desgagnés n’a déposé aucun élément de preuve ni fait entendre de témoin pour établir que le navire avait été retourné au Canada en 1999 sans avoir reçu de plus-value ni d’améliorations par rapport à son état lors de son acquisition en 1996. Le Tribunal ne peut présumer que tel ait été le cas. Ainsi, Desgagnés ne s’est pas non plus déchargée de son fardeau d’établir que le navire répondait à cet autre critère pour être classé dans le numéro tarifaire 9814.00.00 en 1999.

153. En conclusion, le Tribunal détermine que l’ASFC a correctement classé le navire dans le numéro tarifaire 8901.90.90 en 1999 et donc que la demande de remboursement de Desgagnés n’était pas fondée en fait et en droit.

DÉCISION

154. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 14; pièce du Tribunal AP-2009-014-22A aux pp. 5-7. Conformément à l’ordonnance de la Cour fédérale du Canada, Desgagnés a ensuite désigné une société liée, Desgagnés Shipping International Inc., pour se porter acquéreur du navire.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 3.

5 . En outre, la note 3 du chapitre 98 de l’annexe du Tarif des douanes prévoyait ce qui suit en 1996 : « Les marchandises pouvant être classées dans les positions nos. 98.01, 98.02, 98.03, 98.04 (sauf dans le numéro tarifaire 9804.30.00), 98.05 ou 98.21 doivent être exemptées de tous les droits, à l’exception des droits de douane imposés en vertu de la Partie I de la présente loi dans le cas du no Tarifaire 9804.30.00, malgré les dispositions de la présente loi ou de toute autre loi adoptée par le Parlement » [nos italiques].

6 . Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, aux pp. 19-20, 35-38, 50.

7 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-22A aux pp. 15, 30.

8 . Ce n’est qu’en 1998 que le numéro tarifaire 9801.10.00 a été ajouté à la nomenclature tarifaire. En effet, l’annexe du Tarif des douanes qui était en vigueur en 1996 et en 1997 ne comprend pas ce numéro tarifaire. Il est donc impossible que le navire ait été classé dans le numéro tarifaire 9801.10.00 en 1996, comme le soutient Desgagnés.

9 . Règlement sur la déclaration en détail des marchandises importées et le paiement des droits, D.O.R.S./86-1062, tel que modifié par le Règlement sur la déclaration en détail des marchandises importées et le paiement des droits—Modification, D.O.R.S./88-515; pièce du Tribunal AP-2009-014-15A, onglet K.

10 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglets 4, 5.

11 . Ibid., onglets 9, 10.

12 . L.R.C. (1985), ch. C-9.

13 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 11.

14 . Ibid., onglet 12.

15 . Ibid., onglet 14.

16 . Ibid., onglet 16.

17 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-15A, onglet D.

18 . Ibid., onglet E.

19 . Ibid., onglet C.

20 . Ibid., onglet F.

21 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 19.

22 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-15A, onglet G. En fait, il est clairement indiqué sur ce document que les droits sur le navire ont été acquittés suite à la transaction du 12 juillet 1999 dont fait état la déclaration en détail de Desgagnés puisque les annotations sur le permis indiquent le numéro de transaction pertinent, soit celui de la déclaration en détail présentée par Desgagnés le 12 juillet 1999. Vu le dédouanement du navire suite à cette transaction, le permis d’admission temporaire ne servait plus aucune fin et a donc été détruit selon l’ASFC. Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, aux pp. 123-125.

23 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 20.

24 . Dans sa demande, Desgagnés soutient qu’en 1996 le navire ne répondait pas aux critères d’admissibilité du numéro tarifaire 9801.10.00, qui accordait, selon elle, une exemption de droits de douane à certains moyens de transport et conteneurs étrangers conçus pour le transport de marchandises qui quittent un pays étranger et y retournent dans le cours normal de leur exploitation. Toutefois, le numéro tarifaire 9801.10.00 n’existait pas en 1996 et les éléments de preuve indiquent que le navire a plutôt été classé dans le numéro tarifaire 9801.00.00 en 1996.

25 . À l’appui de cet argument, Desgagnés cite des arrêts de la Cour fédérale du Canada en matière de droit maritime selon lesquels une vente en justice dans le cadre d’une action réelle en matière d’amirauté a pour effet de céder le navire à l’acheteur libre de toute charge.

26 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 22.

27 . Ibid., onglet 23. Le 29 novembre 2004, au moyen d’une lettre contenant des informations et autorités additionnelles qu’ils ont transmises à l’ASFC, les procureurs de Desgagnés ont étayé cette prétention.

28 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 26 à la p. 170.

29 . Ibid. aux pp. 172-173.

30 . Ibid. à la p. 174.

31 . 2010 CAF 61 (CanLII) (C.B. Powell I).

32 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

33 . C.B. Powell I.

34 . Le Tribunal remarque que lorsque Desgagnés a présenté sa demande de révision ou de réexamen en 2004, l’article 67 de la Loi faisait référence à une décision du prédécesseur du président de l’ASFC, soit le Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Toutefois, le Tribunal doit interpréter la Loi tel qu’elle était libellée au moment de la lettre du 20 février 2009, qui fait l’objet du présent appel, et, de toute façon, les modifications apportées à la Loi entre 2004 et 2009 représentent des changements de forme qui ne touchent pas, de manière significative, le fonctionnement des mécanismes administratifs pouvant mener à un appel devant le Tribunal. D’ailleurs, bien que ces modifications se soient avérées nécessaires pour refléter le fait que c’est le président de l’ASFC et les agents chargés par ce dernier qui sont désormais les autorités habilitées à rendre des décisions dans le cadre du régime prévu aux articles 57.1 à 68, ce cadre de contrôle des questions liées notamment au classement tarifaire des marchandises est essentiellement demeuré le même depuis le moment où le navire a été déclaré aux douanes par Desgagnés en 1999. Par conséquent, dans un souci de simplicité, sauf indication contraire, les termes « président » et « agent chargé par le président » feront référence, dans les présentes, tant aux personnes actuellement habilités à prendre des décisions par la Loi qu’à leurs prédécesseurs.

35 . L’alinéa 59(1)a) de la Loi prévoit aussi la révision d’une décision sur la conformité des marques, mais cette question n’est pas pertinente dans le présent appel.

36 . (11 août 2010), AP-2010-007 et AP-2010-008 (TCCE).

37 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-31A aux pp. 19-22.

38 . Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, aux pp. 115-117.

39 . Ibid. à la p. 115.

40 . L.R.C. 1985, c. I-21.

41 . Le navire ne pouvait pas être classé dans un autre numéro tarifaire du chapitre 98 permettant l’importation d’un navire en franchise de droits de douane parce qu’il ne s’agit pas d’un navire d’origine canadienne. Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A à la p. 24, onglet 29 à la p. 204.

42 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 26 aux pp. 170-173, onglet 23 à la p. 154.

43 . Ibid., onglet 28 aux pp. 200-201.

44 . À l’audience, l’ASFC a reconnu que l’expression « en cause » pouvait raisonnablement être interprétée comme signifiant « concerné ». Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, à la p. 133.

45 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 25 à la p. 162.

46 . Fritz Marketing Inc. c. Canada, 2009 CAF 62 (CanLII); Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 140 (CanLII). Suivant ces précédents, l’intention du législateur est que les intéressés utilisent les recours administratifs, quasi judiciaires et judiciaires prévus aux articles 58 à 68 de la Loi à l’exclusion de toute autre voie de révision ou d’appel pour faire contrôler les décisions de l’ASFC concernant l’imposition des droits de douane.

47 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-13A, onglet 25.

48 . 2011 CAF 137 (CanLII) [C.B. Powell II].

49 . C.B. Powell II au para. 33.

50 . L.R.C. 1985, c. S-9; pièce du Tribunal AP-2009-014-35A, onglet 1.

51 . L.R.C. 1985, c. F-7; pièce du Tribunal AP-2009-014-22A, onglet 45.

52 . Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, aux pp. 74-82.

53 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-22A aux pp. 7-8, onglets 42, 43.

54 . Pièce du Tribunal AP-2009-014-22A aux pp. 30-31. Desgagnés soutient que, contrairement aux exigences du numéro tarifaire 9801.10.00, i) il y avait eu changement d’usage du navire par rapport à l’usage qui avait été déclaré au moment de son importation, ii) le navire n’avait pas quitté le Canada dans les 30 jours suivant la date de son arrivée et iii) la plupart des certificats exigés pour un navire en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada étaient expirés.

55 . L.C. 1992, c. 31; pièce du Tribunal AP-2009-014-35A, onglet 3.

56 . Transcription de l’audience publique, 27 septembre 2011, aux pp. 83-94.

57 . Ibid. aux pp. 139-146.

58 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

59 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

60 . L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives]) et du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement]). Toutefois, il n’y a pas de Notes explicatives ni d’Avis de classement à prendre en considération en l’espèce.

61 . Canada (Border Services Agency) v. Miner, 2012 FCA 81 (CanLII); Loi, art. 152.

62 . Le chapitre 98, qui comprend le numéro tarifaire 9814.00.00, prévoit des dispositions de classification spéciales qui permettent à certaines marchandises importées au Canada de bénéficier d’un allégement tarifaire.

63 . Le seul numéro tarifaire dans la position no 98.14 est le 9814.00.00. Puisque cette position n’est pas autrement subdivisée au niveau des sous-positions ou des numéros tarifaires, les termes du numéro tarifaire 9814.00.00 constituent les termes de la position no 98.14. Le Tribunal peut donc tenir compte de la Règle 1 des Règles générales, qui s’applique au niveau des positions, afin de déterminer si le navire répond aux critères du numéro tarifaire 9814.00.00.

64 . Loi, para. 58(3), 59(6) et 62(1). Ces dispositions précisent que les décisions prises en vertu des articles 58, 59 et 60 ne sont pas susceptibles de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 59 à 61 et 67, selon le cas.

65 . Neles Controls Ltd. c. Canada, 2002 CAF 107 (CanLII); Kearns and Mcmurchy Inc. c. Canada, 2003 CFPI 814 (CanLII).

66 . Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de trancher la question de l’étendue des obligations du shérif à cet égard compte tenu de la façon dont il dispose de cet appel et, pour plus de certitude, il n’y a rien dans ces motifs qui doit être interprété comme signifiant que le Tribunal souscrit à l’argument de Desgagnés selon lequel le shérif avait l’obligation d’effectuer une correction aux termes de l’article 32.2 de la Loi ou que l’obligation de payer les droits de douane était née au moment de la vente en justice.

67 . Au para. 29.

68 . Dans Imperial Oil Ltd. c. Petromar Inc., 2000 CanLII 16066 (CF), la Cour fédérale du Canada a indiqué que l’article 275 de la Loi sur la marine marchande du Canada se trouve dans la partie III de cette loi, qui s’intitule « Marins », lequel a pour objet des matières telles l’engagement et le congédiement des marins, le paiement de leurs salaires, les contrats d’apprentissage et les conditions de travail sur les navires canadiens. L’article 275 s’applique donc à des cas se produisant dans ce contexte et n’est pas applicable en l’instance, étant donné que la question en litige n’a rien à voir avec les intérêts des marins.