TARA MATERIALS, INC.


TARA MATERIALS, INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-016

Décision et motifs rendus
le mardi 3 août 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 14 avril 2010, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 2 avril 2009, concernant une demande de réexamen, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

TARA MATERIALS, INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 14 avril 2010

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Alain Xatruch

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Agent de la recherche : Gary Rourke

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Tara Materials, Inc. Michael Kaylor
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Zoe Oxaal

TÉMOINS :

David L. Twite
Président
Tara Materials, Inc.

Byron Fitzgerald
Gestionnaire intérimaire
Unité de la vérification de l’origine et de l’établissement de la valeur
Division de l’origine et de l’établissement de la valeur
Direction générale de l’admissibilité
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté par Tara Materials, Inc. (Tara) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 2 avril 2009 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la totalité des toiles finies pour artistes en coton et en polyester/coton exportées des États-Unis au Canada par Tara en 2006 (les marchandises en cause) peuvent bénéficier du traitement tarifaire préférentiel (au taux du tarif des États-Unis) aux termes de l’Accord de libre-échange nord-américain 2 , comme le soutient Tara, ou si seulement 72 p. 100 des marchandises en cause peuvent bénéficier de ce traitement préférentiel, comme l’a déterminé l’ASFC.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 1er février 2007, l’ASFC avisait un importateur des marchandises en cause qu’elle effectuait un examen du traitement tarifaire des tissus importés de Tara, le producteur de ces tissus. Aux termes des articles 35.1 et 40 de la Loi, elle a demandé que l’importateur lui remette tous les certificats d’origine ALÉNA et toutes les factures commerciales relatives aux tissus importés de Tara pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2006.

4. Le 26 mars 2007, l’ASFC informait Tara qu’aux termes de l’article 42.1 de la Loi, elle effectuerait une vérification de l’origine des tissus susmentionnés (y compris les marchandises en cause), pour lesquels le traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA avait été demandé.

5. Du 3 au 5 décembre 2007, l’ASFC effectuait une visite de vérification sur place aux installations de production de Tara à Lawrenceville (Géorgie), pour déterminer si les tissus, ayant été certifiés comme produits originaires, respectaient les exigences de l’ALÉNA et du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) 3 .

6. Le 19 février 2008, l’ASFC informait Tara que certains des tissus qu’elle avait exportés, y compris 72 p. 100 des marchandises en cause, étaient admissibles comme tissus « originaires » aux termes de l’ALÉNA. À la même date, l’ASFC informait Tara qu’aux termes de l’article 59 de la Loi, la tranche restante de 28 p. 100 des marchandises en cause faisait l’objet d’un refus du traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA.

7. Le 15 mai 2008, Tara déposait, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, une demande de réexamen dans laquelle elle soutenait que la totalité des marchandises en cause pouvait bénéficier du traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA.

8. Le 2 avril 2009, l’ASFC rendait sa décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, rejetant la demande et confirmant son refus antérieur du traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA pour 28 p. 100 des marchandises en cause.

9. Le 22 juin 2009, Tara déposait un avis d’appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

10. Le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario) le 14 avril 2010. Tara a fait entendre M. David Twite, président de Tara, comme témoin en son nom. L’ASFC a fait entendre M. Byron Fitzgerald, gestionnaire intérimaire, Unité de la vérification de l’origine et de l’établissement de la valeur, Division de l’origine et de l’établissement de la valeur, Direction générale de l’admissibilité, ASFC, comme témoin en son nom. Le Tribunal a reconnu à M. Fitzgerald le titre d’expert en vérification, en comptabilité et en vérification au titre de l’ALÉNA.

MARCHANDISES EN CAUSE

11. Les marchandises en cause sont décrites comme des toiles finies pour artistes en coton et en polyester/coton, qui sont des produits textiles enduits de produits chimiques permettant l’adhésion de la peinture tout en protégeant les fibres textiles contre les dommages. Elles ont été produites en diverses tailles et formes, comme toiles étirées sur des barres de bois ou en rouleaux, feuilles ou blocs. Les matières utilisées pour produire les marchandises en cause étaient notamment des toiles vierges (c.-à-d. tissu en coton et en polyester/coton), du gesso et, le cas échéant, du bois.

12. En produisant les toiles finies pour artistes, Tara a utilisé des tissus en coton et en polyester/coton originaires (provenant des États-Unis et du Canada) et non originaires (provenant de la Turquie, de l’Inde, de la Belgique et de l’Indonésie)4 . Tara estime que peu importe son origine, le tissu en coton et en polyester/coton utilisé était fongible, c.-à-d. qu’il faisait partie du même stock et était utilisé de façon interchangeable dans la production de toiles finies pour artistes de tous les styles et de toutes les tailles5 .

13. Le classement tarifaire des marchandises en cause n’est pas contesté. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 5901.90.10 de l’annexe du Tarif des douanes 6 à titre de toiles préparées pour la peinture et dans le numéro tarifaire 5901.90.90 à titre d’autres tissus. Selon Tara, le tissu en coton et en polyester/coton qui a été utilisé pour la production des marchandises en cause est généralement classé dans la position no 52.097 .

14. Aucune pièce n’a été déposée par les parties.

ANALYSE

Cadre législatif

15. Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit que « [t]oute personne qui s’estime lésée par une décision du président [de l’ASFC] rendue conformément [à l’article] 60 [...] peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur [...] ». Les décisions prises aux termes de l’article 60 comprennent les décisions de l’ASFC sur l’origine des marchandises.

16. Les règles d’origine contenues dans l’ALÉNA, intégrées au droit canadien, prévoient des critères pour déterminer si des marchandises peuvent bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel. Ces règles d’origine tiennent compte de l’endroit où les marchandises sont produites et des matières qui servent à leur production.

17. Le chapitre 4 de l’ALÉNA énonce les conditions d’admissibilité des marchandises comme « produits originaires », tandis que le chapitre 5 énonce les exigences applicables aux certificats d’origine. Les dispositions des chapitres 4 et 5 sont intégrées au droit canadien par les dispositions de la Loi, du Tarif des douanes et des règlements, comme le Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA), le Règlement sur la justification de l’origine des marchandises importées 8 , le Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) 9 , le Règlement sur le marquage des marchandises importées 10 , le Règlement sur la désignation, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA) 11 et le Règlement sur la vérification de l’origine des marchandises (ALÉNA et ALÉCC) 12 .

Tarif des douanes

18. Le paragraphe 24(1) du Tarif des douanes énonce les conditions générales à respecter pour que les marchandises puissent bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel et prévoit ce qui suit :

24.(1) Unless otherwise provided in an order made under subsection (2) or otherwise specified in a tariff item, goods are entitled to a tariff treatment, other than the General Tariff, under this Act only if

(a) proof of origin of the goods is given in accordance with the Customs Act; and

(b) the goods are entitled to that tariff treatment in accordance with regulations made under section 16 or an order made under paragraph 31(1)(a), 34(1)(a), 38(1)(a) or 42(1)(a), subsection 45(13), section 48 or subsection 49(2) or 49.5(8).

24.(1) Sauf disposition contraire des décrets d’application du paragraphe (2) ou d’un numéro tarifaire, les marchandises bénéficient d’un traitement tarifaire prévu par la présente loi, à l’exception du tarif général, si les conditions suivantes sont réunies :

a) leur origine est établie en conformité avec la Loi sur les douanes;

b) elles bénéficient du traitement tarifaire accordé en conformité avec les règlements de l’article 16, ou avec les décrets ou arrêtés pris en vertu des alinéas 31(1)a), 34(1)a), 38(1)a) ou 42(1)a), du paragraphe 45(13), de l’article 48 ou des paragraphes 49(2) ou 49.5(8).

19. Par conséquent, pour que les marchandises en cause puissent bénéficier du traitement tarifaire préférentiel aux termes de ALÉNA, le paragraphe 24(1) du Tarif des douanes pose deux conditions : 1) leur origine est établie en conformité avec la Loi; 2) les marchandises bénéficient du traitement tarifaire accordé en conformité avec les règlements ou avec les décrets ou arrêtés.

20. À l’égard de la première condition, le paragraphe 35.1(1) de la Loi prévoit que « [...] l’origine de toutes les marchandises importées est justifiée en la forme [...] déterminé[e] ». Le paragraphe 6(1) du Règlement sur la justification de l’origine des marchandises importées prévoit que lorsque le traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA est demandé pour les marchandises, l’importateur ou le propriétaire des marchandises doit fournir, à titre de justification de l’origine, un « [...] certificat d’origine de ces marchandises [...] », quoique les règlements ne prescrivent aucune forme de certificat d’origine13 .

21. En l’espèce, il n’est pas contesté que Tara a fourni des certificats d’origine pour les marchandises en cause aux importateurs au Canada. En fait, les éléments de preuve au dossier indiquent que les certificats d’origine fournis par Tara décrivaient les marchandises en cause par code de produit et numéro de style pour la période visée allant du 1er janvier au 31 décembre 2006 et certifiaient que la totalité des marchandises en cause satisfaisait aux exigences d’origine prévues pour ces marchandises dans l’ALÉNA 14 .

22. Par conséquent, le Tribunal accepte que sur le plan des exigences officielles, une preuve d’origine a été fournie conformément à la Loi. Toutefois, le Tribunal estime que la réponse à la question de savoir si les certificats d’origine ont été bien remplis par Tara (c.-à-d. si l’origine des marchandises en cause a été indiquée de façon exacte) repose en définitive sur la question de savoir si les marchandises en cause étaient admissibles au traitement tarifaire préférentiel prévu par l’ALÉNA conformément au règlement, au décret ou à l’arrêté applicable, soit la deuxième condition qui doit être remplie aux termes du paragraphe 24(1) du Tarif des douanes.

23. L’admissibilité au traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ALÉNA, en l’espèce le tarif des États-Unis, est déterminée selon le Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA).

Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA)

24. L’alinéa 3b) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) prévoit ce qui suit :

3. Goods are entitled to the benefit of the United States Tariff where

. . .

(b) in the case of . . . textile and apparel goods,

(i) the goods are originating goods, and

(ii) the goods are eligible to be marked as goods of the United States in accordance with the Determination of Country of Origin for the Purposes of Marking Goods (NAFTA Countries) Regulations.

3. Les marchandises ont droit au bénéfice du tarif des États-Unis lorsque :

[...]

b) dans le cas [...] des textiles et vêtements, elles sont à la fois :

(i) des marchandises originaires,

(ii) des marchandises admissibles au marquage en tant que marchandises des États-Unis conformément au Règlement sur la détermination, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA).

25. Par conséquent, pour que les marchandises en cause puissent bénéficier du tarif des États-Unis, elles doivent être des « marchandises originaires » et admissibles à être marquées comme marchandises des États-Unis conformément au Règlement sur la désignation, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA).

26. En l’espèce, les parties semblent convenir que le sous-alinéa 3b)(ii) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) n’est pas en litige15 . Selon sa compréhension des faits en l’espèce, le Tribunal est d’avis que toutes les marchandises en cause, qui sont jugées en définitive être des « marchandises originaires » conformément au sous-alinéa 3b)(i), seraient aussi admissibles pour être marquées comme marchandises des États-Unis conformément au Règlement sur la désignation, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA) 16 .

27. Par conséquent, le droit au bénéfice du tarif des États-Unis en l’espèce repose entièrement sur la question de savoir si les marchandises en cause sont considérées comme des « marchandises originaires ».

28. À cet égard, le paragraphe 2(1) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) prévoit ce qui suit :

“originating good” has the same meaning as in subsection 2(1) of the NAFTA Rules of Origin Regulations.

« marchandise originaire » S’entend au sens de la définition de « produit originaire » au paragraphe 2(1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA).

Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA)

29. Le paragraphe 2(1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) prévoit ce qui suit :

“originating good” means a good that qualifies as originating under these Regulations;

“originating material” means a material that qualifies as originating under these Regulations.

« matière originaire » Matière qui est admissible à titre de matière originaire aux termes du présent règlement.

[...]

« produit originaire » Produit qui est admissible à titre de produit originaire aux termes du présent règlement.

30. L’article 4 du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) énonce divers scénarios selon lesquels les marchandises peuvent généralement être jugées originaires du territoire d’un pays ALÉNA 17 . En l’espèce, les parties conviennent que les toiles finies pour artistes qui sont produites à partir du tissu en coton et en polyester/coton originaire sont admissibles comme produits originaires. Les parties conviennent aussi que les toiles finies pour artistes qui sont produites à partir du tissu en coton et en polyester/coton non originaire ne sont pas admissibles comme produits originaires18 .

31. Toutefois, les parties ne s’entendent pas concernant le pourcentage exact des marchandises en cause qui sont produites, ou réputées produites, à partir de tissu en coton et en polyester/coton originaire et le pourcentage des marchandises en cause qui sont produites, ou réputées produites, à partir de tissu en coton et en polyester/coton non originaire. Autrement dit, les parties ne peuvent pas s’entendre sur le pourcentage des marchandises en cause qui sont admissibles comme produits originaires et qui peuvent donc bénéficier du tarif des États-Unis. Comme il a été mentionné, Tara prétend que la totalité des marchandises en cause sont admissibles comme produits originaires tandis que l’ASFC a déterminé que seulement 72 p. 100 des marchandises en cause sont admissibles.

32. Le désaccord des parties en l’espèce découle de leur divergence d’opinion concernant la manière dont les dispositions du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) qui ont trait aux matières fongibles et aux produits fongibles19 doivent être interprétées et appliquées.

33. Le paragraphe 7(16) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) prévoit l’utilisation de plusieurs méthodes de gestion des stocks aux fins de la détermination de la question de savoir si les matières fongibles, qui sont composées de matières originaires et non originaires, constituent des matières originaires et si les produits fongibles, qui sont composés de produits originaires et non originaires, constituent des produits originaires. Il prévoit ce qui suit :

(16) Subject to subsection (16.1), for purposes of determining whether a good is an originating good,

(a) where originating materials and non-originating materials that are fungible materials

(i) are withdrawn from an inventory in one location and used in the production of the good, or

(ii) are withdrawn from inventories in more than one location in the territory of one or more of the NAFTA countries and used in the production of the good at the same production facility,

the determination of whether the materials are originating materials may be made on the basis of any of the applicable inventory management methods set out in Schedule X; and

(b) where originating goods and non-originating goods that are fungible goods are physically combined or mixed in inventory and prior to exportation do not undergo production or any other operation in the territory of the NAFTA country in which they were physically combined or mixed in inventory, other than unloading, reloading or any other operation necessary to preserve the goods in good condition or to transport the goods for exportation to the territory of another NAFTA country, the determination of whether the good is an originating good may be made on the basis of any of the applicable inventory management methods set out in Schedule X.

(16) Sous réserve du paragraphe (16.1), pour déterminer si un produit est un produit originaire :

a) lorsque des matières originaires et des matières non originaires qui sont des matières fongibles;

(i) soit sont retirées d’un stock situé dans un seul emplacement et sont utilisées dans la production du produit,

(ii) soit sont retirées de stocks de matières situés dans plus d’un emplacement à l’intérieur du territoire d’un ou de plusieurs pays ALÉNA et sont utilisées dans la production du produit dans une même installation de production,

l’une des méthodes applicables de gestion des stocks énoncées à l’annexe X peut être utilisée pour déterminer s’il s’agit de matières originaires;

b) lorsque des produits originaires et des produits non originaires qui sont des produits fongibles sont matériellement combinés ou mélangés à des stocks et ne font l’objet, avant l’exportation, d’aucune production ni autre opération sur le territoire du pays ALÉNA où ils ont été ainsi matériellement combinés ou mélangés, à l’exception d’un déchargement, d’un rechargement ou de toute autre opération nécessaire à leur maintien en bon état ou à leur transport pour exportation vers le territoire d’un autre pays ALÉNA, l’une des méthodes applicables de gestion des stocks énoncées à l’annexe X peut être utilisée pour déterminer s’il s’agit de produits originaires.

34. L’annexe X du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) (annexe X) se divise en deux parties : la partie I (articles 1 à 9) a trait à l’application des méthodes de gestion des stocks pour la détermination de la question de savoir si les matières fongibles mentionnées à l’alinéa 7(16)a) constituent des matières originaires; la partie II (articles 10 à 15) a trait à l’application des méthodes de gestion des stocks pour déterminer si les produits fongibles mentionnés à l’alinéa 7(16)b) constituent des produits originaires. Les deux parties permettent l’utilisation des quatre mêmes méthodes de gestion des stocks, à savoir la méthode de l’origine réelle20 , la méthode PEPS (premier entré, premier sorti), la méthode DEPS (dernier entré, premier sorti) et la méthode de la moyenne. Toutefois, dans le contexte du présent appel, l’accent est essentiellement mis sur l’utilisation de la méthode de la moyenne.

35. L’article 5 de l’annexe X prévoit la façon dont la méthode de la moyenne s’applique aux matières fongibles. Il prévoit ce qui suit :

5. Where the producer or person referred to in section 3 chooses the average method, the origin of fungible materials withdrawn from materials inventory is determined on the basis of the ratio of originating materials and non-originating materials in materials inventory that is calculated under sections 6 through 8.

5. Lorsque le producteur ou la personne visé à l’article 3 choisit la méthode de la moyenne, l’origine des matières fongibles retirées du stock de matières est déterminée selon le rapport, calculé conformément aux articles 6 à 8, applicable aux matières originaires et aux matières non originaires du stock de matières.

36. L’article 14 de l’annexe X prévoit la façon dont la méthode de la moyenne s’applique aux produits fongibles. Ses parties pertinentes prévoient ce qui suit :

14. (1) Where the exporter or person referred to in section 12 chooses the average method, the origin of each shipment of fungible goods withdrawn from finished goods inventory during a month or three-month period, at the choice of the exporter or person, is determined on the basis of the ratio of originating goods and non-originating goods in finished goods inventory for the preceding one-month or three-month period that is calculated by dividing . . . .

14. (1) Lorsque l’exportateur ou la personne visé à l’article 12 choisit la méthode de la moyenne, l’origine de chaque expédition de produits fongibles retirés du stock de produits finis au cours d’une période d’un mois ou de trois mois, au choix de l’exportateur ou de la personne, est déterminée selon le rapport applicable aux produits originaires et aux produits non originaires du stock de produits finis pour la période précédente d’un mois ou de trois mois, qui est calculé par division : [...].

37. De plus, outre ce qui précède, le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) prévoit que lorsque des matières fongibles et des produits fongibles sont retirés du même stock, la méthode de gestion des stocks utilisée à l’égard des matières doit être la même que celle utilisée à l’égard des produits, tandis que le paragraphe 7(16.2) prévoit que le choix de l’une des méthodes de gestion des stocks est considérée comme ayant été fait si, au cours de la vérification de l’origine des produits, l’administration douanière pertinente en est informée par écrit. Ces paragraphes prévoient ce qui suit :

(16.1) Where fungible materials referred to in paragraph (16)(a) and fungible goods referred to in paragraph (16)(b) are withdrawn from the same inventory, the inventory management method used for the materials must be the same as the inventory management method used for the goods, and where the averaging method is used, the respective averaging periods for fungible materials and fungible goods are to be used.

(16.2) A choice of inventory management methods under subsection (16) shall be considered to have been made when the customs administration of the NAFTA country into which the good is imported is informed in writing of the choice during the course of a verification of the origin of the good.

(16.1) Si les matières fongibles visées à l’alinéa (16)a) et les produits fongibles visés à l’alinéa (16)b) sont retirés du même stock, la méthode de gestion des stocks utilisée à l’égard des matières doit être la même que celle utilisée à l’égard des produits; en outre, si la méthode de la moyenne est utilisée, les périodes respectives choisies à cette fin à l’égard des matières fongibles et des produits fongibles doivent être utilisées.

(16.2) Le choix de l’une des méthodes de gestion des stocks prévues au paragraphe (16) est considéré comme ayant été fait si, au cours de la vérification de l’origine des produits, l’administration douanière du pays ALÉNA vers lequel les produits sont exportés en est informée par écrit.

38. Selon Tara, le paragraphe 7(16) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) permet le choix d’une seule méthode de gestion des stocks pour la détermination de la question de savoir si des marchandises sont des produits originaires — la méthode de gestion des stocks des matières ou la méthode de gestion des stocks des produits21 . Tara soutient avoir décidé d’utiliser la « méthode des matières » prévue par l’alinéa 7(16)a). Elle soutient que son utilisation de cette méthode a passé la vérification et qu’étant donné que 72 p. 100 du tissu en coton et en polyester/coton tiré du stock en 2006 était admissible comme produit originaire, 72 p. 100 de sa production de toiles finies pour artistes de cette année était aussi admissible comme produit originaire. Elle ajoute que l’article 5 de l’annexe X, contrairement à l’article 14, n’impose aucune restriction à la capacité d’un exportateur d’attribuer ses produits originaires aux exportations. En d’autres termes, Tara soutient que la méthode de la moyenne pour la détermination de l’origine des matières n’exige pas que les exportations des marchandises finies composées de matières fongibles soient désignées comme originaires conformément au ratio matières originaires/matières non originaires retirées du stock. Par conséquent, Tara affirme qu’étant donné que les marchandises en cause constituaient moins de 72 p. 100 de sa production totale de toiles finies pour artistes pour 2006, toutes les marchandises en cause étaient admissibles comme produits originaires.

39. De plus, Tara soutient que l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’applique pas en l’espèce puisque Tara n’a jamais prétendu que ses toiles finies pour artistes originaires et non originaires étaient fongibles et qu’il n’y avait eu aucune conclusion en ce sens.

40. Enfin, Tara affirme que le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’applique pas en l’espèce puisque les matières fongibles et les produits fongibles n’ont pas été retirés du même stock.

41. De son côté, l’ASFC soutient que Tara a choisi la méthode de gestion des stocks de la moyenne pour déterminer si son tissu en coton et en polyester/coton fongible était originaire, ce qui a donné lieu à la conclusion selon laquelle 72 p. 100 du tissu utilisé pour produire des toiles finies pour artistes en 2006 était admissible comme produit originaire. Toutefois, elle affirme que sa vérification sur place des activités de production de Tara l’ont amenée à conclure que les toiles finies pour artistes produites à partir du tissu fongible originaire et non originaire constituaient des produits fongibles originaires et non originaires et que ces produits fongibles n’étaient pas séparés dans le stock. Elle soutient donc qu’elle devait déterminer si les marchandises en cause étaient des produits originaires aux termes de l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA).

42. L’ASFC ajoute que sa vérification sur place l’a amenée à conclure que les marchandises en cause et le tissu en coton et en polyester/coton originaire et non originaire utilisé pour produire les marchandises en cause ont été retirés du même stock. Par conséquent, étant donné que dans un tel cas, le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) exige que la même méthode de gestion des stocks soit utilisée pour les matières et les produits et étant donné que Tara avait déjà choisi la méthode de la moyenne pour déterminer si son tissu fongible en coton et en polyester/coton était originaire, l’ASFC a estimé que la méthode de la moyenne constituait la méthode appropriée pour déterminer si les marchandises en cause étaient des produits originaires.

43. L’ASFC soutient que conformément à l’article 14 de l’annexe X, l’origine de chaque expédition de marchandises en cause retirées du stock devait être déterminée en fonction du ratio des toiles finies pour artistes originaires et non originaires en stock. Puisque l’ASFC a déterminé que ce ratio devait être le même que le ratio du tissu en coton et en polyester/coton originaire et non originaire, elle a conclu que seulement 72 p. 100 des marchandises en cause étaient admissibles comme produits originaires.

44. Compte tenu des positions des parties qui précèdent, le Tribunal est d’avis que le présent appel soulève trois questions principales. Premièrement, le Tribunal doit déterminer si l’application de l’alinéa 7(16)a) ou 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) empêche l’application de l’autre. Dans la négative, il doit déterminer si les conditions d’application de l’alinéa 7(16)b) sont respectées dans les circonstances de l’espèce. Enfin, si l’alinéa 7(16)b) est jugé s’appliquer, il doit déterminer si les conditions d’application du paragraphe 7(16.1) ont été respectées en l’espèce. Le Tribunal abordera chaque question à tour de rôle, au besoin.

Les alinéas 7(16)a) et 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) sont-ils mutuellement exclusifs?

45. Comme il a été mentionné, Tara est d’avis que le paragraphe 7(16) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) permet l’utilisation de la méthode de gestion des stocks des « matières » ou de la méthode de gestion des stocks des « produits » aux fins de la détermination de la question de savoir si les marchandises sont des produits originaires. Elle prétend que le mot « and » (et) entre les alinéas 7(16)a) et b) de la version anglaise doit être interprété comme signifiant « ou ». À cet égard, elle soutient que le mot « and » est disjonctif et vise en réalité à procurer un choix — le choix de l’alinéa 7(16)a) ou de l’alinéa 7(16)b), mais pas les deux. Tara ajoute que le choix des deux alinéas pour la détermination de l’origine des marchandises créerait un conflit et serait redondant.

46. L’ASFC n’a pas directement abordé cette question, mais il ressort de ses observations et de sa plaidoirie qu’elle ne considère pas que les alinéas 7(16)a) et 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) sont mutuellement exclusifs. En fait, sa position dans cette affaire veut que les deux alinéas s’appliquent — l’alinéa 7(16)a) pour déterminer l’origine du tissu fongible en coton et en polyester/coton et l’alinéa 7(16)b) pour déterminer l’origine des marchandises en cause.

47. D’après le Tribunal, il est clair que les alinéas 7(16)a) et 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne sont pas mutuellement exclusifs. Autrement dit, l’application d’un alinéa n’empêche pas l’application de l’autre. Dans les cas où des matières fongibles originaires et non originaires sont retirées d’un stock ou de stocks et utilisées dans la production de marchandises, l’alinéa 7(16)a) permet l’utilisation de plusieurs méthodes de gestion des stocks pour déterminer l’origine de ces matières fongibles. Dans les cas où des produits fongibles originaires et non originaires sont physiquement combinés ou mélangés dans le stock et certaines autres conditions sont respectées, l’alinéa 7(16)b) permet l’utilisation des mêmes méthodes de gestion des stocks pour déterminer l’origine de ces produits fongibles.

48. Le Tribunal ne voit pas comment l’application à la fois de l’alinéa 7(16)a) et 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) pour déterminer l’origine des marchandises créerait un conflit ou serait redondante. Il est clair que chaque alinéa est assorti de différentes conditions d’application et que même si les déterminations d’origine sont faites à l’égard des mêmes marchandises, elles sont faites à différents moments. L’alinéa 7(16)a) sert à déterminer l’origine des matières fongibles retirées du stock pour usage dans la production de marchandises. Une fois l’origine des matières déterminée, l’origine des marchandises produites à partir de ces matières peut aussi être déterminée. À ce moment-là, les marchandises peuvent être directement exportées ou mises en stock. Si les marchandises sont elles-mêmes fongibles et physiquement combinées ou mélangées dans le stock avant leur exportation, on peut utiliser l’alinéa 7(16)b) pour déterminer l’origine des marchandises fongibles exportées à partir de ce stock. Toutefois, si les marchandises ne sont pas mises en stock et sont plutôt directement exportées ou si les marchandises sont mises en stock mais ne sont pas fongibles, l’alinéa 7(16)b) ne s’applique pas.

49. Le Tribunal fait remarquer que le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) soutient l’application successive des alinéas 7(16)a) et 7(16)b) relativement aux marchandises. Le paragraphe 7(16.1) exige que lorsque « [...] les matières fongibles visées à l’alinéa (16)a) et les produits fongibles visés à l’alinéa (16)b) sont retirés du même stock [...] », il faut utiliser la méthode de gestion des stocks pour les matières et les marchandises. Si les alinéas 7(16)a) et 7(16)b) étaient mutuellement exclusifs par rapport à une marchandise (c.-à-d. si seulement un alinéa pouvait s’appliquer à un moment donné), le paragraphe 7(16.1) serait inutile.

50. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il ne fait aucun doute que le mot « and » entre les alinéas 7(16)a) et 7(16)b) de la version anglaise du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) a son sens conjonctif normal et que ces alinéas doivent être lus ensemble, si nécessaire, pour déterminer si les marchandises sont des produits originaires.

L’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) s’applique-t-il en l’espèce?

51. Les deux parties conviennent que dans cette affaire, les conditions nécessaires à l’application de l’alinéa 7(16)a) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) sont respectées et qu’aux termes de ce paragraphe et de l’article 3 de l’annexe X, Tara a choisi la méthode de gestion des stocks de la moyenne pour déterminer si son tissu fongible en coton et en coton/polyester était originaire. En fonction de cette méthode, on a déterminé que 72 p. 100 du tissu en coton et en coton/polyester utilisé pour produire les toiles finies pour artistes en 2006 était admissible comme produit originaire.

52. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si les conditions nécessaires à l’application de l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) sont aussi respectées. Plus précisément, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si les toiles finies pour artistes originaires et non originaires produites par Tara en 2006 constituaient des produits fongibles.

53. Selon Tara, l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’applique pas en l’espèce, puisque Tara n’a jamais prétendu que ses toiles finies pour artistes originaires et non originaires étaient fongibles et que le dossier ne contient aucun élément de preuve indiquant clairement que tel était le cas. Tara prétend que même si les toiles finies pour artistes d’une taille donnée peuvent être fongibles, les toiles finies pour artistes qu’elle a produites en 2006, notamment les marchandises en cause, consistaient en un éventail de tailles, de manière qu’elles ne pouvaient pas être fongibles (c.-à-d. qu’une toile finie pour artistes d’une taille donnée n’est pas interchangeable dans le commerce avec une toile finie pour artistes d’une taille différente).

54. Par ailleurs, l’ASFC soutient que pendant sa vérification sur place des activités de production de Tara, elle n’a trouvé aucun élément de preuve indiquant que les toiles finies pour artistes produites à partir de tissu fongible en coton et en polyester/coton originaire et non originaire différaient les unes des autres et a donc conclu qu’il s’agissait de produits fongibles originaires et non originaires. Quant à l’argument de Tara selon lequel les marchandises en cause n’étaient pas fongibles parce qu’il s’agissait d’un éventail de tailles, l’ASFC fait valoir que les certificats d’origine fournis par Tara aux importateurs au Canada indiquent chacun des différents genres de marchandises en cause et indiquent celles qui sont des produits originaires22 . Elle ajoute que le témoignage de M. Twite a indiqué très clairement que les toiles finies pour artistes de la même taille et du même style étaient fongibles.

55. Le paragraphe 2(1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) définit « produits fongibles » comme des « [...] produits qui sont interchangeables dans le commerce et dont les propriétés sont essentiellement les mêmes ». Même si le Tribunal convient que les toiles finies pour artistes de tailles différentes ne sont pas interchangeables dans le commerce et ne peuvent être considérées comme des « produits fongibles », il est d’avis que la fongibilité en l’espèce doit nécessairement être déterminée par rapport à la taille ou au style. Pour des raisons d’ordre pratique, les marchandises en cause ont été définies de manière à comprendre l’ensemble des tailles et des styles de toiles finies pour artistes qui ont été exportées au Canada en 2006. Toutefois, comme le souligne l’ASFC, les certificats d’origine fournis par Tara identifiaient chacun des différents genres de marchandises en cause (c.-à-d. par style) et indiquaient celles qui constituaient des produits originaires23 .

56. De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve au dossier démontrent que les toiles finies pour artistes originaires et non originaires de la même taille et du même style sont fongibles, ce qu’a confirmé M. Twite, qui a affirmé que les toiles finies pour artistes d’une certaine taille et d’un certain style produites au moyen de tissu en coton et en polyester/coton originaire ne pouvaient pas être différenciées des toiles finies pour artistes de la même taille et du même style produites à partir de tissu en coton et en polyester/coton non originaire et qu’il s’agissait donc de produits interchangeables dans le commerce24 . M. Twite a aussi affirmé que les propriétés de toutes les composantes des toiles finies pour artistes d’une certaine taille et d’un certain style sont essentiellement les mêmes ou qu’à tout le moins, Tara tente de les rendre identiques25 . Le Tribunal fait remarquer que malgré les différences mineures découlant des variations naturelles dans les matières utilisées pour produire des toiles finies pour artistes, on ne peut conclure que les propriétés des toiles finies pour artistes ne sont pas essentiellement les mêmes26 .

57. Par conséquent, le Tribunal conclut que les toiles finies pour artistes originaires et non originaires de la même taille et du même style produites par Tara en 2006 étaient des produits fongibles. Puisque ces marchandises étaient incontestablement combinées ou mélangées dans le stock27 et n’avaient pas subi de production ou d’autre opération avant leur exportation28 , l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) s’applique et on peut déterminer si les toiles finies pour artistes constituent des produits originaires en fonction des méthodes de gestion des stocks applicables énoncées à l’annexe X.

58. Même si Tara a choisi la méthode de gestion des stocks de la moyenne pour déterminer si son tissu fongible en coton et en polyester/coton était originaire, son opinion selon laquelle l’alinéa 7(16)b) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’appliquait pas en l’espèce signifiait qu’elle n’a pas choisi une méthode de gestion des stocks pour déterminer si ses toiles finies pour artistes constituaient des produits originaires. Pour déterminer la méthode de gestion des stocks qui doit s’appliquer, le Tribunal doit d’abord déterminer si le paragraphe 7(16.1) s’applique, auquel cas la méthode de gestion des stocks utilisée pour le tissu en coton et en polyester/coton et les toiles finies pour artistes doit être la même.

Le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) s’applique-t-il en l’espèce?

59. Le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) prévoit que lorsque « [...] les matières fongibles visées à l’alinéa (16)a) et les produits fongibles visés à l’alinéa (16)b) sont retirés du même stock, la méthode de gestion des stocks utilisée à l’égard des matières doit être la même que celle utilisée à l’égard des produits [...] ».

60. Tara soutient que le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’applique pas en l’espèce puisque les matières fongibles et les produits fongibles n’ont pas été retirés du même stock. Tara affirme qu’en fait, elle maintient des stocks distincts pour son tissu en coton et en polyester/coton et ses toiles finies pour artistes. Elle ajoute que le sous-alinéa 7(16)a)(i) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA), qui parle des matières fongibles qui « [...] sont retirées d’un stock dans un seul emplacement [...] » indique que la notion de stock est liée à l’emplacement. Puisque son tissu en coton et en polyester/coton et ses toiles finies pour artistes sont conservés dans des pièces distinctes (c.-à-d. des emplacements différents)29 et conservés dans un système de stock muni de numéros de pièce et de codes de groupe distincts30 , Tara soutient qu’ils ne peuvent être réputés retirés du « même stock », de sorte que le paragraphe 7(16.1) ne s’applique pas. En réponse aux questions du Tribunal, Tara a indiqué que les matières fongibles et les produits fongibles pouvaient être retirés du même stock dans les cas où il y a un seul stock mélangé ou lorsque des produits finis sont aussi des matières utilisées dans la production d’autres produits.

61. Par ailleurs, l’ASFC soutient que les marchandises en cause et le tissu en coton et en polyester/coton originaire et non originaire utilisé pour sa production ont été retirés du même stock. Elle déclare qu’étant donné que le terme « stock » n’est pas défini dans le Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA), il faut en établir le sens en tenant compte du contexte de son utilisation, soit un contexte comptable en l’espèce. Ainsi, elle soutient que le « stock » se définit comme la totalité des actifs d’une société, peu importe si ces actifs sont physiquement séparés. À cet égard, M. Fitzgerald a expliqué que du point de vue comptable, il est possible de retirer des matières et des produits du même stock même si ceux-ci se trouvent à des emplacements différents31 . M. Fitzgerald ajoute qu’en général, une société a un stock qui peut être constitué de matières premières, de travaux en cours et de produits finis et que dans de nombreux cas, il est composé des trois32 .

62. Le Tribunal fait remarquer que le terme « stock » n’est pas défini dans le Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA). Même si des termes comme « stock de matières » et « stock de produits finis » sont définis à l’annexe X, ils font clairement référence à des types ou à des catégories spécifiques de stock, de sorte qu’ils ne sont pas utiles. Puisque le paragraphe 7(16.1) vise les matières et les produits retirés du même « stock », toute tentative de définir le terme « stock » par référence aux définitions propres aux matières ou aux produits serait considérée illogique.

63. Les parties avancent des définitions du terme « stock » qui se situent aux extrémités opposées du spectre. L’ASFC prétend que le terme « stock » doit recevoir une interprétation large (c.-à-d. la totalité des actifs d’une société), tandis que Tara affirme qu’il faut l’interpréter de façon très restrictive (c.-à-d. les actifs qui se trouvent dans le même emplacement immédiat). Le Tribunal n’est pas convaincu que le terme « stock » devrait être défini aussi restrictivement que Tara l’avance. De l’avis du Tribunal, les exemples qu’a fournis Tara de cas où, selon elle, des matières fongibles et des produits fongibles pourraient être retirés du même stock servent à démontrer que le maintien d’une définition si restrictive du terme « stock » n’est ni réaliste ni appuyé par le libellé du paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA). Rien dans le paragraphe 7(16.1) n’indique que les matières fongibles et les produits fongibles peuvent seulement être considérés avoir été retirés du même stock lorsque les produits sont, en même temps, des produits finis et des matières utilisées dans la production d’autres produits (c.-à-d. lorsque les mêmes produits sont utilisés comme produits finis et matières). Le paragraphe 7(16.1) parle simplement de matières fongibles et de produits fongibles, les matières fongibles pouvant être celles servant à la production des produits fongibles.

64. De plus, même si le fait d’avoir des matières et des produits physiquement mélangés dans un seul stock respecterait certainement les exigences du paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA), un tel scénario n’est pas réaliste et est en fait très improbable. En mélangeant les matières et les produits, une société créerait, essentiellement, de façon délibérée des difficultés inutiles et évitables dans la gestion de son stock. Tara l’a reconnu lorsqu’elle a déclaré qu’en envisageant un tel scénario, il a fallu écarter la question pratique de savoir comment distinguer les matières et les produits finis33 . Par conséquent, il est raisonnable de conclure que la limitation de l’application du paragraphe 7(16.1) à ce type de scénario ferait en sorte que cette disposition serait rarement utilisée. Selon le Tribunal, le but du paragraphe 7(16.1), soit de réduire les cas de manipulation possibles découlant du choix de différentes méthodes de gestion des stocks pour les matières fongibles et les produits fongibles, indique que le terme « stock » doit être interprété de façon plus large que le propose Tara.

65. Il a déjà été établi que le tissu en coton et en polyester/coton de Tara ainsi que ses toiles finies pour artistes sont conservés dans des pièces différentes dans le même entrepôt à Lawrenceville34 . Dans ces circonstances, et sans admettre que le terme « stock » devrait être interprété aussi largement que le soutient l’ASFC (c.-à-d. la totalité des actifs d’une société, même s’ils sont entreposés dans des entrepôts différents), le Tribunal conclut que Tara a retiré du tissu fongible en coton et en polyester/coton ainsi que des toiles finies pour artistes fongibles du même stock. Par conséquent le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) s’applique et la méthode de gestion des stocks utilisée pour le tissu en coton et en polyester/coton et la méthode de gestion des stocks utilisée pour les toiles finies pour artistes doivent être la même. Étant donné que Tara a choisi la méthode de gestion des stocks de la moyenne pour déterminer si son tissu fongible en coton et en polyester/coton était originaire, l’ASFC était justifiée d’appliquer la méthode de gestion des stocks de la moyenne pour déterminer si les marchandises en cause constituaient des produits originaires.

66. Conformément à l’article 14 de l’annexe X, l’origine de chaque expédition de toiles finies pour artistes retirées du stock devait être déterminée en fonction du ratio des toiles finies pour artistes originaires et non originaires détenues en stock. Comme l’ASFC a déjà déterminé que 72 p. 100 du tissu en coton et en polyester/coton utilisé pour la production de toiles finies pour artistes en 2006 étaient admissibles comme produits originaires, il s’ensuit nécessairement que 72 p. 100 des toiles finies pour artistes sont aussi admissibles comme produits originaires. Par conséquent, 72 p. 100 des marchandises en cause sont admissibles comme « produits originaires » et peuvent donc bénéficier du tarif des États-Unis aux termes de l’alinéa 3b) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA).

67. Le Tribunal fait remarquer que même s’il avait déterminé que Tara n’avait pas retiré le tissu fongible en coton et en polyester/coton et les toiles finies pour artistes fongibles du même stock, de sorte que le paragraphe 7(16.1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) ne s’appliquait pas, Tara n’aurait toujours pas pu prétendre que toutes les marchandises en cause étaient admissibles comme produits originaires. La seule méthode de gestion des stocks qui aurait permis à Tara d’avancer une telle position aurait été la méthode de l’origine réelle. Toutefois, l’article 13 de l’annexe X exige que, pour l’application de la méthode de l’origine réelle, les produits finis fongibles originaires et non originaires soient physiquement séparés dans le stock ou qu’ils soient marqués à l’aide d’un identificateur d’origine. Les éléments de preuve au dossier établissent clairement que Tara n’a fait ni l’un ni l’autre35 .

DÉCISION

68. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que seulement 72 p. 100 des marchandises en cause peuvent bénéficier du tarif des États-Unis, comme l’a déterminé l’ASFC.

69. L’appel est donc rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

3 . D.O.R.S./94-14.

4 . Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, aux pp. 12-13, 16. Le Tribunal fait remarquer que le 26 avril 2010, il demandait que Tara revoit la transcription protégée et informe le Tribunal si certaines parties ou la totalité de la transcription pouvaient être désignées publiques. Le 30 avril 2010, Tara informait le Tribunal que toute la transcription protégée pouvait être désignée publique et, le 4 mai 2010, l’ASFC informait le Tribunal qu’elle ne s’y opposait pas. Par conséquent, toute référence subséquente à la transcription protégée dans les présents motifs doit être considérée comme des références à un document public.

5 . Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, aux pp. 10, 13, 16; pièce du Tribunal AP-2009-016-15B (protégée), onglet 3 à la p. 13.

6 . L.C. 1997, c. 36.

7 . Pièce du Tribunal AP-2009-016-06A au para. 9.

8 . D.O.R.S./98-52.

9 . D.O.R.S./94-17.

10 . D.O.R.S./94-10.

11 . D.O.R.S./94-23.

12 . D.O.R.S./97-333.

13 . L’article I.1 de la Réglementation uniforme portant sur l’interprétation, l’application et l’administration des chapitres trois (Traitement national et accès aux marchés pour les produits) et cinq (Procédures douanières) de l’Accord de libre-échange nord-américain, qui a été adopté par les gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis en vertu du paragraphe 511(1) de l’ALÉNA (au Canada, ce règlement figure à l’annexe du Mémorandum D11-4-18 publié par l’ASFC), prévoit que le certificat d’origine mentionné au paragraphe 501(1) de l’ALÉNA est équivalent en substance au certificat d’origine présenté à l’annexe I.1a. Pour sa part, l’annexe I.1a renvoie au formulaire B232 E et fournit aussi des instructions quant à la façon de remplir le certificat.

14 . Pièce du Tribunal AP-2009-016-15B (protégée), onglet 1; Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, à la p. 22.

15 . Pièce du Tribunal AP-2009-016-08A, à la p. 11, note 4. Tara n’a pas mentionné cette disposition dans son mémoire ou dans sa plaidoirie.

16 . En fait, il semble que peu importe si les marchandises en cause sont jugées « originaires » conformément à l’alinéa 3b)(i) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA), elles seraient admissibles à être marquées comme marchandises des États-Unis, en raison du fait qu’en vertu de l’alinéa 4(1)c) du Règlement sur la désignation, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA), les tissus en coton et en polyester/coton obtenus d’autres pays que les États-Unis et utilisés dans la production des marchandises en cause auraient été considérés comme ayant subi le changement de classement tarifaire prévu à la règle énoncée à l’annexe III du règlement susmentionné pour la position no 59.01 (c.-à-d. la position où les marchandises en cause sont classées).

17 . Voir les paragraphes 4(1), 4(2), 4(3) et 4(4) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA).

18 . L’alinéa 4(2)a) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) prévoit qu’un produit est originaire du territoire d’un pays ALÉNA si « chacune des matières non originaires utilisées dans sa production subit le changement de classification tarifaire applicable par suite de la production effectuée entièrement sur le territoire de l’un ou plusieurs des pays ALÉNA [...] ». Les deux parties conviennent que le tissu de coton et de polyester/coton non originaire utilisé pour produire les toiles finies pour artistes ne subit pas de changement de classement tarifaire précisé dans la règle énoncée à l’annexe I du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) pour la position no 59.01. Le Tribunal souligne que cette « règle du changement tarifaire » est différente de la règle du changement tarifaire mentionnée à la note 16 (c.-à-d. la règle du changement tarifaire énoncée à l’annexe III du Règlement sur la désignation, aux fins du marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ALÉNA) pour la position no 59.01).

19 . Le paragraphe 2(1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) définit les « produits fongibles » et les « matières fongibles » comme des produits ou des matières « [...] qui sont interchangeables dans le commerce et dont les propriétés sont essentiellement les mêmes ».

20 . La méthode de l’origine réelle exige que les matières ou produits originaires et non originaires soient physiquement séparés dans l’inventaire.

21 . Pièce du Tribunal AP-2009-016-06A aux para. 42, 46.

22 . Pièce du Tribunal AP-2009-016-15B, onglet 1.

23 . Le Tribunal fait également observer que l’ASFC a d’abord demandé à Tara de fournir, aux fins de l’exercice de vérification qu’elle effectuait, des renseignements sur « chaque style unique » de toiles finies pour artistes revues. Pièce du Tribunal AP-2009-016-15A, onglet 2.

24 . Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, aux pp. 19, 20, 36-37.

25 . Ibid. aux pp. 38, 39.

26 . Le Tribunal fait remarquer que le paragraphe 2(1) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉNA) définit les « produits identiques » comme des produits qui « [...] sont les mêmes [...] à tous égards, notamment quant aux caractéristiques physiques, à la qualité et à la réputation, abstraction faite des différences d’aspects mineures [...] ».

27 . Transcription de l’audience publique, 14 avril 2010, aux pp. 12, 158; Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, à la p. 18.

28 . Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, à la p. 9; Transcription de l’audience publique, 14 avril 2010, aux pp. 158-159.

29 . Transcription de l’audience publique, 14 avril 2010, à la p. 12.

30 . Ibid. à la p. 27.

31 . Ibid. aux pp. 81-82.

32 . Ibid. aux pp. 77-78.

33 . Ibid. à la p. 142.

34 . Ibid. à la p. 12.

35 . Ibid. aux pp. 12, 47; Transcription de l’audience à huis clos, 14 avril 2010, aux pp. 18-19.