RONA CORPORATION INC.


RONA CORPORATION INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-072

Décision et motifs rendus
le mardi 15 février 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 19 octobre 2010, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 13 janvier 2010, concernant des demandes de réexamen, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RONA CORPORATION INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 19 octobre 2010

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Alain Xatruch

Directeur de la recherche : Randolph W. Heggart

Agent de la recherche : Denise Bergeron

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Lindsay Vincelli

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Rona Corporation Inc. Michael A. Sherbo
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Maude Breton-Voyer

TÉMOIN :

George Rothschild
Professeur et coordonnateur de département
Programme de formation technique en ébénisterie et fabrication de meubles
Faculté des métiers de la construction
Collège Algonquin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Rona Corporation Inc. (Rona) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard de décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) relativement à des demandes de réexamen de classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains pistolets à colle (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8516.79.90 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’autres appareils électrothermiques pour usages domestiques, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8465.99.90 à titre d’autres machines-outils (y compris les machines à clouer, agrafer, coller ou autrement assembler) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires, comme le soutient Rona.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Rona importait les marchandises en cause le 17 mai 2006 sous le numéro tarifaire 3506.10.00 à titre de produits de toute espèce à usage de colles ou d’adhésifs, conditionnés pour la vente au détail comme colles ou adhésifs, d’un poids net n’excédant pas 1 kg, et le 13 avril 2007 sous le numéro tarifaire 8516.79.90 à titre d’autres appareils électrothermiques pour usages domestiques.

4. Les 5 et 28 juin 2007, Rona demandait le remboursement des droits aux termes du paragraphe 74(1) de la Loi du fait qu’ils avaient été payés à la suite d’une erreur dans le classement tarifaire des marchandises en cause. À cet égard, Rona demandait que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8465.99.90 à titre d’autres machines-outils (y compris les machines à clouer, agrafer, coller ou autrement assembler) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires.

5. Le 7 février 2008, l’ASFC rejetait les demandes de Rona visant le remboursement des droits payés sur les marchandises en cause. En application du paragraphe 74(4) de la Loi, ces rejets étaient considérés comme des révisions aux termes de l’alinéa 59(1)a).

6. Le 7 avril 2008, Rona déposait des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi.

7. Le 13 janvier 2010, l’ASFC rendait ses décisions aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi dans lesquelles elle refusait les demandes et confirmait que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.90 à titre d’autres appareils électrothermiques pour usages domestiques.

8. Le 10 février 2010, Rona déposait le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

9. Le 19 octobre 2010, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). M. George Rothschild, professeur et coordonnateur de département pour le programme de formation technique en ébénisterie et fabrication de meubles de la Faculté des métiers de la construction du Collège Algonquin d’Ottawa, a comparu comme témoin pour l’ASFC. M. Rothschild a été reconnu par le Tribunal comme un expert dans le domaine de l’outillage et de la machinerie utilisés dans l’industrie du travail du bois et de l’ébénisterie. Rona n’a fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

10. Les marchandises en cause sont trois modèles de pistolet à colle SUREBONDERMD portant les numéros GM-160, H-270 et DT-270, qui sont fabriqués en République populaire de Chine et sont ensuite importées des États-Unis au Canada par Rona. Les marchandises en cause utilisent l’électricité pour alimenter un élément chauffant interne qui fait fondre la colle et permet de l’appliquer ou de la déposer à un endroit précis. Des bâtonnets de colle sont insérés à l’arrière des marchandises en cause et sont poussés mécaniquement vers l’avant à travers le bec à l’aide de la détente.

11. Selon la documentation du fabricant sur le produit3 , le modèle no GM-160 est un pistolet à colle « miniature à haute température » [traduction] de 10 watts qui atteint une température de 350 °F (176 °C), pèse 4 oz (113,4 g) et utilise des bâtonnets de colle de 0,285 po (7,2 mm) de diamètre, le modèle no H-270 est un pistolet à colle « pleine grandeur à haute température » [traduction] de 40 watts qui atteint une température de 380 °F (193 °C), pèse 7,2 oz (204,1 g) et utilise des bâtonnets de colle de 0,445 po (11,3 mm) de diamètre et le modèle no DT-270 est un pistolet à colle « pleine grandeur à deux températures » [traduction] qui atteint des températures de 250 °F (121 °C) et de 380 °F (193 °C), pèse 7,2 oz. (204,1 g) et utilise des bâtonnets de colle de 0,445 po (11,3 mm) de diamètre. Les trois modèles sont décrits comme idéaux pour « [...] les travaux d’artisanat, la création florale et le bricolage »4 [traduction].

12. L’ASFC a déposé comme pièces des échantillons des marchandises en cause5 . Rona n’a déposé aucune pièce.

ANALYSE

Cadre législatif

13. Dans des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

14. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes6 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation7 . Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

15. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[8] et les Règles canadiennes[9] énoncées à l’annexe. »

16. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi10 . Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

17. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada13 .

18. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, en tenant compte des Avis de classement et des Notes explicatives pertinents. Le Tribunal ne doit tenir compte des autres règles pour déterminer dans quelle position les marchandises en cause doivent être classées que s’il n’est pas convaincu que les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position par application de la Règle 1 des Règles générales.

19. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous position et des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

Classement tarifaire des marchandises en cause

20. Comme il est mentionné ci-dessus, la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.90 à titre d’autres appareils électrothermiques pour usages domestiques, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8465.99.90 à titre d’autres machines-outils (y compris les machines à clouer, agrafer, coller ou autrement assembler) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires, comme le soutient Rona.

21. Par conséquent, le différend entre les parties se situe au niveau de la position tarifaire. Rona soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.65, alors que l’ASFC a déterminé que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 85.16.

22. La nomenclature du Tarif des douanes qui, selon Rona, doit s’appliquer aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

Chapitre 84

[...]

84.65 Machines-outils (y compris les machines à clouer, agrafer, coller ou autrement assembler) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires.

[...]

-Autres :

[...]

8465.99 - -Autres

[...]

8465.99.90 - - -Autres

23. La partie A des Notes explicatives du chapitre 84 prévoit ce qui suit :

Sous réserve des dispositions des Considérations générales de la Section XVI, le présent Chapitre couvre l’ensemble des machines, appareils, engins et leurs parties qui ne sont pas repris plus spécifiquement au Chapitre 85 [...] :

[...]

Il s’agit généralement de machines et d’appareils mécaniques. Toutefois, le Chapitre ne couvre pas toutes les machines et tous les appareils de l’espèce, certains d’entre eux étant nommément repris au Chapitre 85, notamment les appareils électromécaniques à usage domestique, etc. D’autre part, en plus d’appareils mécaniques proprement dits, le présent Chapitre comprend certains appareils et engins non mécaniques, tels que les chaudières et leurs appareils auxiliaires, les appareils pour la filtration, etc.

En règle générale, les appareils électriques relèvent du Chapitre 85. Toutefois, les machines et appareils de la nature de ceux visés au présent Chapitre y restent compris, même s’ils sont électriques [...].

24. De plus, les Notes explicatives pertinentes de la position no 84.65 prévoient ce qui suit :

La présente position couvre des machines-outils conçues pour exécuter le façonnage ou l’ouvraison en surface (y compris le débit, le déformage et l’assemblage) du bois, de matériaux dérivés du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou des matières dures similaires (corne, corozo, nacre, ivoire, par exemple).

La présente position ne comprend pas les machines pour le travail des matières qui, encore que de même appellation que celles visées dans le libellé de la position, ne présentent pas les caractéristiques des matières dures au moment de leur mise en œuvre [...].

La plupart des machines de la présente position sont actionnées mécaniquement. Mais, même lorsqu’elles sont mues à la main ou au pied (machines à pédale), elles se distinguent des outils à main du no 82.05, ainsi que des outils pour l’emploi à la main du no 84.67, par le fait que, habituellement conçues soit pour reposer sur une fondation, soit pour être fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine, elles comportent à cet effet une plaque d’assise ou tout autre dispositif approprié.

25. La nomenclature du Tarif des douanes que l’ASFC estime applicable aux marchandises en cause prévoit ce qui suit :

Chapitre 85

[...]

85.16 Chauffe-eau et thermoplongeurs électriques; appareils électriques pour le chauffage des locaux, du sol ou pour usages similaires; appareils électrothermiques pour la coiffure (sèche-cheveux, appareils à friser, chauffe-fers à friser, par exemple) ou pour sécher les mains; fers à repasser électriques; autres appareils électrothermiques pour usages domestiques; résistances chauffantes, autres que celles du no 85.45.

[...]

-Autres appareils électrothermiques :

[...]

8516.79 - -Autres

[...]

8516.79.90 - - -Autres

26. La partie A des Notes explicatives du chapitre 85 prévoit ce qui suit :

Le présent Chapitre couvre l’ensemble des machines et appareils électriques ainsi que leurs parties, à l’exception :

a) Des machines et appareils de la nature de ceux visés au Chapitre 84, qui y restent classés même s’ils sont électriques (voir les Considérations générales de ce Chapitre);

[...]

Le présent Chapitre couvre :

[...]

3) Des machines et appareils dont le fonctionnement repose sur les propriétés ou les effets de l’électricité – effets électromagnétiques, propriétés calorifuges, etc. –, tels que les appareils des nos 85.05, 85.11 à 85.18, 85.25 à 85.31 et 85.43.

[...]

On notera, en ce qui concerne spécialement les appareils électrothermiques, que seuls certains de ces appareils (fours industriels, chauffe-eau, appareils pour le chauffage des locaux, appareils pour usages domestiques, etc.) sont classés aux nos 85.14 et 85.16.

[...]

Les autres appareils chauffés électriquement relèvent d’autres Chapitres et notamment du Chapitre 84; il en est ainsi par exemple : des générateurs de vapeur et des chaudières dites à eau surchauffée (no 84.02), des groupes pour le conditionnement de l’air (no 84.15), des appareils à distiller, à torréfier et autres appareils à usage industriel du no 84.19, des calandres et laminoirs et leurs cylindres (no 84.20), des couveuses et éleveuses artificielles pour l’aviculture (no 84.36), des appareils à marquer au fer le bois, le liège, le cuir, etc. (no 84.79), des appareils de diathermie et des couveuses artificielles pour bébés du no 90.18.

27. De plus, les Notes explicatives pertinentes de la position no 85.16 prévoient ce qui suit :

E.- AUTRES APPAREILS ELECTROTHERMIQUES
POUR USAGES DOMESTIQUES

On entend par là les appareils normalement utilisés dans les ménages. Certains d’entre eux (chauffe-eau, appareils pour le chauffage des locaux, sèche-cheveux et fers à repasser, par exemple) ont été examinés ci-dessus avec les appareils industriels correspondants. Parmi les autres, on peut citer [...].

28. Le Tribunal fait remarquer que les parties ont indiqué, au début de l’audience, qu’elles avaient convenu que les marchandises en cause étaient électrothermiques, n’avaient pas de moteur et pouvaient être utilisées pour coller du bois dans certaines circonstances et à certaines fins14 .

29. Le Tribunal commencera son analyse en déterminant si les marchandises en cause peuvent être classées dans chacune des positions concurrentes à la suite d’un examen des termes des positions conformément à la Règle 1 des Règles générales 15 , tout en tenant compte également des Notes explicatives pertinentes. Si cet exercice mène au classement des marchandises en cause dans une seule position, le Tribunal déterminera ensuite le classement des marchandises en cause aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 85.16?

30. Selon les termes de la position no 85.16, il est clair que pour pouvoir être classées dans cette position, les marchandises en cause doivent satisfaire à trois conditions : elles doivent être i) électrothermiques, ii) un appareil et iii) pour usages domestiques. Comme le Tribunal l’a indiqué ci-dessus, les parties ont convenu que les marchandises en cause sont électrothermiques. Le Tribunal est également d’accord puisque les éléments de preuve indiquent clairement que les marchandises en cause utilisent l’électricité pour alimenter un élément chauffant interne qui fait fondre la colle16 . Toutefois, les parties ont des avis contraires concernant les deux autres conditions, que le Tribunal doit donc examiner.

31. Rona soutient que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 85.16 puisqu’elles sont des outils plutôt que des appareils et qu’elles ne sont pas « [...] pour usages domestiques [...] ». Elle soutient que le dictionnaire définit le mot « tool » (outil) comme un « [...] dispositif à main qui aide à accomplir une tâche [...] »17 [traduction] et que les marchandises en cause sont de tels dispositifs. À cet égard, elle souligne que, tout au long de son témoignage, M. Rothschild a désigné les marchandises en cause comme des « outils » [traduction]. À l’appui de sa position, Rona invoque aussi la décision du Tribunal dans La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 18 , dans laquelle le Tribunal a conclu que les Notes explicatives de la position no 85.16 n’appuyaient pas l’argument de l’ASFC selon lequel les outils à main comme les pistolets à décaper, qui étaient en litige dans cette cause, étaient des appareils et a donc conclu qu’ils ne pouvaient être classés dans cette position. Rona ajoute que les exemples de marchandises énumérés dans les Notes explicatives de la position no 85.16 servent à des usages tels que faire du maïs soufflé, cuisiner, repasser et sécher les cheveux et qu’aucune de ces marchandises ne ressemble en rien aux marchandises en cause.

32. Rona soutient que la décision du Tribunal dans Canadian Tire appuie aussi sa position selon laquelle les marchandises en cause ne sont pas pour usages domestiques puisque le Tribunal a déterminé dans cette décision que les pistolets à décaper en litige n’étaient pas « [...] pour usages domestiques [...] ». Selon Rona, les marchandises en cause sont très similaires aux pistolets à décaper qui étaient en litige dans Canadian Tire. Rona soutient également que même si elle admettait que les marchandises en cause sont destinées à des activités récréatives et à des travaux d’artisanat, ces activités ne font pas partie des tâches quotidiennes d’un ménage et ne devraient donc pas être considérées comme des fonctions domestiques. Elle ajoute que si le Tribunal devait donner une interprétation large au terme « domestique » de manière à inclure toute activité faite à la maison, il ouvrirait la porte à ce qu’un grand nombre de marchandises soient considérées être pour usages domestiques.

33. L’ASFC, par contre, soutient que les marchandises en cause sont des appareils et sont « [...] pour usages domestiques [...] ». Elle soutient que bien que le Tarif des douanes et les Notes explicatives ne donnent pas de définition du mot « appareil », les définitions données par les dictionnaires, y compris celles sur lesquelles le Tribunal s’est appuyé dans le passé19 , indiquent qu’un appareil est un instrument ou un dispositif utilisant une énergie pour accomplir une tâche précise ou à une fin précise. Elle soutient par conséquent que les marchandises en cause sont des appareils puisqu’elles sont des dispositifs qui utilisent l’énergie électrique pour accomplir la tâche précise de coller et de produire un résultat. Elle soutient également que rien dans les notes légales ou dans les Notes explicatives n’empêche que des appareils soient à main et que, dans les faits, le Tribunal a déjà déterminé dans le cadre d’un appel antérieur20 qu’un appareil peut être à main. L’ASFC ajoute que, contrairement aux prétentions de Rona, les marchandises en cause ne sont pas similaires aux pistolets à décaper qui étaient en litige dans Canadian Tire puisqu’elles ne comportent pas de ventilateur ni de moteur incorporé.

34. L’ASFC soutient que le Tribunal a confirmé dans Evenflo Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 21 , un appel récent, que des marchandises sont pour usages domestiques si elles sont utilisées principalement à la maison ou dans ses environs immédiats. De l’avis de l’ASFC, les marchandises en cause sont pour usages domestiques car elles sont utilisées principalement pour exécuter des tâches domestiques telles que des tâches de bricolage, des réparations ménagères mineures et des travaux d’artisanat dans un contexte domestique. En s’appuyant sur la documentation du fabricant sur le produit ainsi que sur le témoignage de M. Rothschild, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas destinées à un usage industriel ou commercial, ne sont pas annoncées comme telles et ne possèdent pas le type de caractéristiques que comportent généralement les pistolets à colle industriels, comme une puissance nominale plus élevée, des éléments chauffants en acier inoxydable et une garantie. Elle souligne que les marchandises en cause se retrouvent plutôt dans le catalogue d’artisanat, de création florale, de décoration résidentielle et de cadeaux du fabricant et sont annoncées comme des produits destinés à de petites réparations, à des travaux d’artisanat ou à des activités récréatives, qui sont des usages domestiques. L’ASFC a également fourni une décision de classement américaine dans laquelle un pistolet à colle similaire aux marchandises en cause a été classé à titre d’« [...] autres appareils électrothermiques pour usages domestiques [...] ».

35. Quant à la question de savoir si les marchandises en cause sont des appareils, le Tribunal fait remarquer que le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « appliance » (appareil) comme suit : « [...] un dispositif ou un engin électrique ou à essence utilisé pour une tâche précise, surtout pour des tâches domestiques comme laver la vaisselle, etc. [...] »22 [traduction]. Il définit également le terme « device » (dispositif) comme suit : « [...] 1 a un objet fabriqué ou adapté à une fin particulière, surtout un instrument mécanique [...] »23 [traduction]. De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve au dossier indiquent clairement que les marchandises en cause sont des dispositifs ou « objets » électriques qui sont utilisés pour accomplir une tâche précise ou qui sont fabriqués à une fin précise et sont donc des appareils. Comme le Tribunal l’a déjà mentionné, les marchandises en cause utilisent l’électricité pour alimenter un élément chauffant interne et sont donc électriques. De plus, la documentation du fabricant et le témoignage de M. Rothschild confirment tous les deux que les marchandises en cause sont utilisées pour la tâche précise ou dans le but précis d’appliquer de la colle et que cela est généralement fait dans le cadre de travaux d’artisanat, de création florale ou de bricolage24 .

36. Bien que le Tribunal ait conclu que les marchandises en cause peuvent être désignées comme des « appareils », il fait remarquer qu’il existe d’autres termes qui pourraient aussi décrire adéquatement les marchandises en cause. En plus des définitions fournies ci-dessus, qui assimilent un appareil à un « dispositif » ou à un « engin », d’autres définitions désignent un appareil comme un « outil » ou une « machine »25 . De plus, la version anglaise de la partie A des Notes explicatives du chapitre 85 décrit généralement les appareils comme des « apparatus » (appareils) et la version anglaise des Notes explicatives de la position no 85.16 assimile clairement les termes « machine » et « appareil ». De l’avis du Tribunal, le fait qu’un si grand nombre de termes peuvent apparemment être utilisés pour décrire les mêmes marchandises permet de croire que ces termes doivent être interprétés de façon large plutôt que restrictive. Par conséquent, même si les marchandises en cause peuvent être désignées comme des « outils », comme le Tribunal l’a indiqué ci-dessus et comme le soutient Rona, cela ne les empêche aucunement d’être aussi désignées comme des « appareils ».

37. Dans Canadian Tire, le Tribunal a conclu que les Notes explicatives de la position no 85.16 n’appuyaient pas l’argument de l’ASFC selon lequel des outils à main comme les pistolets à décaper, qui étaient en litige dans cette cause, étaient des appareils. Le Tribunal a conclu que, même si la liste des marchandises visées par la partie E. intitulée « AUTRES APPAREILS ÉLECTROTHERMIQUES POUR USAGES DOMESTIQUES », n’était fournie qu’à titre d’exemple et n’était pas exhaustive, il n’en demeurait pas moins que la liste n’incluait aucune marchandise qui semblait être pour emploi à la main26 . Maintenant qu’il a eu l’occasion de réexaminer cette question dans le contexte du présent appel, le Tribunal en arrive à la conclusion que les outils à main, ou les marchandises pour emploi à la main, peuvent être considérés comme des appareils pour les besoins de la position no 85.16.

38. La position no 85.16 comprend notamment les « [...] appareils électrothermiques pour la coiffure (sèche-cheveux, appareils à friser, chauffe-fers à friser, par exemple) ou pour sécher les mains [...] » et les « [...] autres appareils électrothermiques pour usages domestiques [...] ». L’utilisation du mot « autres » avant « appareils électrothermiques » permet de croire que ces appareils s’ajoutent aux appareils électrothermiques déjà mentionnés. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que les appareils électrothermiques pour la coiffure, qui sont mentionnés plus haut dans la position, comprennent spécifiquement des marchandises qui sont pour emploi à la main, tels que des sèche-cheveux et des appareils à friser. De plus, outre le fait que la liste de marchandises visées par la partie E des Notes explicatives de la position no 85.16 n’est fournie qu’à titre d’exemple et n’est pas exhaustive, cette partie mentionne aussi explicitement les sèche-cheveux (qui sont pour emploi à la main) comme l’un des appareils électrothermiques mentionnés dans des parties précédentes des Notes explicatives de la position no 85.16. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il est raisonnable d’inférer que les appareils électrothermiques de la position no 85.16 peuvent être des appareils à main.

39. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que les marchandises en cause sont des appareils et satisfont ainsi à la deuxième condition d’un classement dans la position no 85.16.

40. Quant à la question de savoir si les marchandises en cause sont « [...] pour usages domestiques [...] », le Tribunal fait remarquer que, dans Evenflo, il a passé en revue certaines de ses décisions antérieures dans lesquelles il avait interprété l’expression « usages domestiques ». Le Tribunal a confirmé que les marchandises pour usages domestiques doivent être destinées principalement à un usage domestique ou ménager, ce qui implique qu’elles doivent être utilisées principalement à la maison ou dans ses environs immédiats. Pour déterminer si des marchandises sont destinées principalement à un usage à la maison ou dans ses environs immédiats, le Tribunal tient généralement compte des particularités des marchandises, comme leurs caractéristiques physiques, leur conception et leur prix27 .

41. En l’espèce, les éléments de preuve au dossier démontrent de façon extraordinaire que les marchandises en cause sont destinées principalement à un usage à la maison ou dans ses environs immédiats. En effet, la documentation du fabricant sur le produit indique clairement que les marchandises en cause sont conçues et destinées à être utilisées pour « [...] des travaux d’artisanat, la création florale et le bricolage »28 [traduction] et à des fins de « décoration résidentielle »29 [traduction], des tâches que le Tribunal considère comme principalement accomplies à la maison. Par opposition, la documentation du fabricant ayant trait à ses pistolets à colle industriels ne contient aucune mention de tels usages domestiques30 .

42. Dans son rapport d’expert, M. Rothschild affirme que les spécifications des marchandises en cause démontrent que celles-ci conviennent à des travaux d’artisanat et à des activités récréatives, mais non à un usage commercial31 . M. Rothschild fait remarquer plus particulièrement que les pistolets à colle à usage professionnel ou commercial nécessitent généralement de 100 à 500 watts de puissance, sont classés en fonction du poids de colle qu’ils peuvent fournir par heure et sont assortis d’une garantie du fabricant, tandis que les marchandises en cause ne nécessitent que de 10 à 40 watts, n’indiquent pas la quantité de colle qu’elles peuvent fournir par heure et ne semblent être assorties d’aucune garantie. À l’audience, M. Rothschild a réitéré ces points de vue et a expliqué qu’à son avis, cela démontre que les marchandises en cause sont destinées à un usage à la maison par opposition à un usage industriel ou commercial32 . Le Tribunal fait remarquer qu’à cet égard Rona n’a présenté aucun élément de preuve contraire.

43. Rona soutient qu’aucun des exemples de marchandises énumérés dans les Notes explicatives de la position no 85.16 n’est similaire aux marchandises en cause. À son avis, les travaux d’artisanat et les activités récréatives, contrairement à la cuisine, au repassage et au séchage de cheveux, sont des activités ne faisant pas partie des tâches quotidiennes d’un ménage. Le Tribunal ne peut pas accepter cet argument. Comme il l’a mentionné ci-dessus, la liste de marchandises visées par la partie E des Notes explicatives de la position no 85.16 n’est fournie qu’à titre d’exemple et n’est pas exhaustive. De plus, cette partie des Notes explicatives énonce explicitement qu’on entend par « [...] autres appareils électrothermiques pour usages domestiques [...] » de la position no 85.16 « [...] les appareils normalement utilisés dans les ménages  » [nos italiques]. Par conséquent, aux fins de classement dans la position no 85.16, le Tribunal ne voit pas de distinction entre des marchandises utilisées pour des activités qui sont accomplies quotidiennement, comme cuisiner et nettoyer, et des marchandises utilisées pour d’autres activités pouvant être faites de manière moins fréquente, comme des travaux d’artisanat et des activités récréatives. Pourvu que les marchandises soient normalement utilisées dans les ménages, elles seront jugées « [...] pour usages domestiques [...] ». En l’espèce, il a été établi que les marchandises en cause sont normalement utilisées dans les ménages.

44. Rona soutient également que les marchandises en cause sont très similaires aux pistolets à décaper qui étaient en litige dans Canadian Tire et qui, selon les conclusions du Tribunal, n’étaient pas « [...] pour usages domestiques [...] ». Le Tribunal fait remarquer que, dans Canadian Tire, il a déterminé que les pistolets à décaper ne servaient pas principalement à un usage domestique ou ménager puisque les éléments de preuve démontraient qu’ils étaient souvent utilisés à des fins commerciales. Aucun élément de preuve en ce sens n’a été présenté en l’espèce. En fait, comme le Tribunal l’a souligné ci-dessus, les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause sont principalement destinées à un usage à la maison ou dans ses environs immédiats.

45. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que les marchandises en cause sont « [...] pour usages domestiques [...] » et satisfont ainsi à la troisième et dernière condition d’un classement dans la position no 85.16. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 85.16.

46. Le Tribunal examinera maintenant si les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans la position no 84.65.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 84.65?

47. Rona soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.65 à titre d’autres machines-outils (y compris les machines à clouer, agrafer, coller ou autrement assembler) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires, parce qu’elles remplissent les trois conditions de classement dans cette position. Rona fait valoir que les marchandises en cause servent manifestement à coller et sont commercialisées pour coller, entre autres, des matières dures comme le métal, le bois, le plastique et la céramique et correspondent au sens donné au terme « machines-outils ». À cet égard, Rona fait remarquer que, bien que l’expression « machine-outil » ne soit pas définie dans le Tarif des douanes, les Notes explicatives de la position n°84.65 prévoient que les machines-outils sont généralement actionnées mécaniquement mais que des machines similaires, mues à la main ou au pied (machine à pédale), sont également comprises dans la position. Rona soutient qu’en l’espèce, les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont mues à la main.

48. Quant à la partie des Notes explicatives de la position no 84.65 qui prévoit que les machines-outils mues à la main « [...] se distinguent des outils à main du no 82.05, ainsi que des outils pour l’emploi à la main du no 84.67, par le fait que, habituellement conçues soit pour reposer sur une fondation, soit pour être fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine, elles comportent à cet effet une plaque d’assise ou tout autre dispositif approprié », Rona soutient qu’elle illustre les différences entre les positions no 82.05, 84.65 et 84.67 et que cela n’indique nullement que les machines-outils mues à la main doivent être classées dans la position no 85.16. Rona avance donc que, puisque les marchandises en cause ne peuvent être classées dans les positions no 82.05 et 84.67, la seule autre position dans laquelle les marchandises en cause peuvent être classées est la position no 84.65.

49. Rona soutient également que les Notes explicatives du chapitre 85, qui prévoient que les appareils chauffés électriquement relèvent généralement d’autres chapitres et notamment du chapitre 84, appuient le classement des marchandises en cause dans la position no 84.65.

50. L’ASFC, quant à elle, affirme que les marchandises en cause ne sont pas des machines-outils et que si elles sont considérées comme des outils à main, elles sont exclues de la position no 84.65 en vertu des Notes explicatives de cette position, lesquelles excluent les outils à main et les outils pour l’emploi à la main de cette position. En se fondant sur des définitions tirées d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale33 et d’un dictionnaire spécialisé34 , elle affirme qu’une machine-outil est une combinaison stationnaire, actionnée mécaniquement, de pièces mécaniques et de pièces tournantes ou coulissantes reliées ou assemblées dans un cadre pour le travail sur des matières solides. Elle soutient également que, selon M. Rothschild, ces machines sont d’assez grande taille et servent à façonner des matières au moyen d’un procédé réductif ou soustractif. À son avis, les marchandises en cause ne possèdent pas ces caractéristiques et ne peuvent par conséquent être considérées comme des machines-outils.

51. L’ASFC soutient que les marchandises en cause, pour qu’elles correspondent à la description donnée dans les Notes explicatives de la position no 84.65, doivent être soit i) des machines-outils actionnées mécaniquement (power-driven), soit ii) des machines similaires mues à la main ou au pied (à pédale). En ce qui a trait à la première option, elle fait valoir que Rona n’a pas avancé que les marchandises en cause étaient actionnées mécaniquement et que même si les marchandises en cause utilisent l’électricité pour chauffer l’élément afin de faire fondre la colle, cela n’entraîne pas qu’elles sont actionnées mécaniquement. Elle ajoute que, selon M. Rothschild, « actionné mécaniquement » signifie avoir un moteur. En l’espèce, les parties conviennent que les marchandises en cause n’ont pas de moteur. Pour ce qui est de la seconde option, elle fait remarquer que les Notes explicatives de la position no 84.65 établissent une distinction entre les machines « [...] mues à la main ou au pied (machines à pédale) [...]. » et les « [...] outils à main [...] ainsi que des outils pour l’emploi à la main [...] » en indiquant que les premières sont « [...] habituellement conçues [...] soit pour reposer sur une fondation, soit pour être fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine [...] ». À cet égard, elle affirme que Rona ne prétend pas que les marchandises en cause ont été conçues pour être ainsi fixées et que, au contraire, les éléments de preuve démontrent qu’elles sont portatives, puisqu’elles sont tenues en main.

52. Le Tribunal considère que, pour que les marchandises en cause puissent être classées dans la position no 84.65, elles doivent être i) des machines-outils, ii) à coller et iii) pour le travail du bois, du liège, de l’os, du caoutchouc durci, des matières plastiques dures ou matières dures similaires. Les parties conviennent que, dans certaines circonstances, les marchandises en cause peuvent servir à coller du bois. Dans son témoignage, M. Rothschild convient également que les marchandises en cause peuvent servir à lier des matières telles que le bois et le plastique35 . De plus, la documentation sur le produit du fabricant indique spécifiquement que les marchandises en cause peuvent être utilisées à température élevée pour lier du métal, du bois, du plastique et de la céramique, lesquels sont considérés comme des matériaux durs36 . Par conséquent, il semble admis que les marchandises en cause peuvent être utilisées pour coller du bois et d’autres matériaux durs.

53. Pour ce qui est de la question de déterminer si les marchandises en cause sont des machines-outils, le Tribunal fait remarquer que le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « tool » (outil) comme « [...] 1 a tout dispositif ou instrument servant à exécuter des fonctions mécaniques, manuellement ou à la machine) [...] » [traduction]. Le Tribunal a déjà déterminé, lorsqu’il s’est prononcé sur la question de savoir si les marchandises en cause étaient des appareils, que les marchandises en cause sont des dispositifs. Les éléments de preuve donnent également à penser que les marchandises en cause servent à exécuter une fonction mécanique, c’est-à-dire qu’elles servent à pousser mécaniquement des bâtons de colle dans le bec permettant d’appliquer ou de déposer la colle à un endroit précis37 . À cet égard, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des outils38 . Cependant, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont des machines-outils.

54. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « machine » comme : « [... ] 1 appareil qui utilise ou applique une énergie mécanique, comportant plusieurs pièces, chacune ayant une fonction précise, qui collectivement exécutent certains travaux [...] »39 [traduction]. De l’avis du Tribunal, le mot « machine » dans l’expression « machine-outil » de la position no 84.65 sert à qualifier les types d’outils que la position vise à couvrir. Par conséquent, il semble raisonnable de conclure que, lus ensemble, à la lumière de leurs définitions de dictionnaire respectives, les mots « machine » et « outil » visent à désigner un outil qui utilise ou applique une énergie mécanique et qui comprend plusieurs parties, dont chacune a des fonctions définies et qui, collectivement, exécutent un certain type de travail. Les éléments de preuve au dossier démontrent que les marchandises en cause sont constituées de plusieurs parties, dont chacune a une fonction bien définie40 . Elles utilisent l’énergie mécanique, obtenue en appuyant sur la détente, pour faire avancer les bâtons de colle. Elles comportent également un élément chauffant qui fait fondre la colle et un bec qui aide à diriger la colle. Mises ensemble, les différentes parties des marchandises en cause effectuent un travail, celui de distribuer de la colle servant à lier différents matériaux. Par conséquent, il est raisonnable d’affirmer que les marchandises en cause sont des « machines-outils » au sens général de cette expression.

55. Bien que les marchandises en cause puissent être considérées comme des machines-outils pouvant servir à coller du bois et d’autres matériaux durs, le Tribunal doit néanmoins être persuadé qu’elles sont du type de celles mentionnées à la position no 84.65. Autrement dit, le Tribunal doit être persuadé que les marchandises en cause sont des « machines-outils » du type appartenant à la position no 84.65. À cet égard, les Notes explicatives de la position no 84.65 sont très utiles. Elles prévoient ce qui suit :

La plupart des machines de la présente position sont actionnées mécaniquement. Mais, même lorsqu’elles sont mues à la main ou au pied (machines à pédale), elles se distinguent des outils à main du n° 82.05, ainsi que des outils pour l’emploi à la main du n° 84.67, par le fait que, habituellement conçues soit pour reposer sur une fondation, soit pour être fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine, elles comportent à cet effet une plaque d’assise ou tout autre dispositif approprié.

56. De l’avis du Tribunal, ces Notes explicatives indiquent clairement que les machines-outils « mues à la main » se distinguent des « outils à main » et des « outils pour l’emploi à la main », par le fait qu’elles sont habituellement conçues pour être fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine. Par conséquent, il est évident que l’expression « mues à la main » signifie que, bien qu’on puisse faire fonctionner les machines-outils à la main, elles ne sont pas tenues dans la main. De fait, l’utilisation du mot « fixées » implique que les machines-outils sont fixées au sol, à un établi, à une paroi ou à une autre machine et sont donc stationnaires. Le Tribunal fait remarquer que les définitions de « machine-outil » fournies par l’ASFC et par M. Rothschild précisent que ces machines sont stationnaires ou fixes41 . Le fait que les machines-outils de la position no 84.65 doivent généralement être fixées à une surface ou à une structure solide porte le Tribunal à penser qu’il s’agit généralement de machines de plus grande taille destinées à des travaux de nature plus industrielle ou robuste. De fait, à l’audience, M. Rothschild a expliqué qu’il existe de grosses machines pouvant servir à l’application commerciale d’adhésifs42 . Le Tribunal est d’avis que la position no 84.65 vise de tels types de machines. Les éléments de preuve en l’espèce indiquent manifestement que les marchandises en cause ne sont pas le type de machines-outils visé par la position no 84.65, puisqu’elles ne sont pas conçues pour être fixées à une surface ou à une structure solide de façon à être fixes ou stationnaires. Elles sont plutôt de petites machines (ou de petits appareils) servant à distribuer de la colle et destinées à être employées à la main lors de travaux d’artisanat ou de la pratique de passe-temps.

57. Rona soutient que les Notes explicatives de la position no 84.65 servent à distinguer entre les positions no 82.05, 84.65 et 84.67 et que, puisque les marchandises en cause ne peuvent être classées dans les positions no 82.05 et 84.67, elles doivent nécessairement être classées dans la position no 84.65. Le Tribunal n’est pas d’accord. Le fait que les marchandises en cause ne puissent pas être classées dans la position no 82.05 ni la position no 84.67 ne signifie pas qu’elles sont automatiquement classées dans la position no 84.65. Elles doivent tout de même être visées par les termes de cette position afin d’y être classées. En l’espèce, comme le démontre l’analyse du Tribunal ci-dessus, les marchandises en cause ne sont pas visées par les termes de la position no 84.65 et des Notes explicatives connexes. Cependant, elles sont visées par les termes de la position no 85.16.

58. Rona soutient également que les Notes explicatives du chapitre 85 appuient le classement des marchandises en cause dans la position no 84.65. Ces Notes explicatives indiquent en effet que les appareils chauffés électriquement sont généralement classés dans le chapitre 84, mais elles indiquent aussi que le chapitre 85 couvre certains types d’appareils électrothermiques et donnent les « appareils pour usages domestiques » de la position no 85.16 en exemple. De l’avis du Tribunal, le fait que certaines marchandises puissent généralement être classées dans le chapitre 84 ne les empêche pas d’être classées dans le chapitre 85 si elles y sont spécifiquement décrites. En l’espèce, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont spécifiquement décrites dans le chapitre 85 (dans la position no 85.16).

59. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 84.65. Par conséquent, conformément à la Règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 85.16.

Classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire

60. Ayant déterminé que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 85.16, le Tribunal doit maintenant déterminer le classement approprié aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire. La position no 85.16 est divisée en neuf sous-positions de premier niveau, dont un seul porte spécifiquement sur les marchandises en cause. Cette sous-position de premier niveau, « Autres appareils électrothermiques », est divisée en trois sous-positions de deuxième niveau, comme suit : « Appareils pour la préparation du café ou du thé », « Grille-pain » et « Autres ». Puisque les marchandises en cause ne sont pas des appareils pour la préparation du café ou du thé ni des grille-pain, elles doivent être classées dans la seule sous-position restante, « Autres ». Par conséquent, conformément à la Règle 6 des Règles générales, les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8516.79.

61. La sous-position no 8516.79 comprend deux numéros tarifaires. Comme les marchandises en cause ne sont pas des vaporiseurs pour les tissus du numéro tarifaire 8516.79.10, elles doivent être classées dans le seul autre numéro tarifaire, « Autres ». Par conséquent, conformément à la Règle 1 des Règles canadiennes, les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.90.

DÉCISON

62. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.90 à titre d’autres appareils électrothermiques pour usages domestiques, comme l’a déterminé l’ASFC.

63. Par conséquent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 2.

4 . Ibid.

5 . Pièces B-01, B-02 et B-03.

6 . Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

7 . Le Tribunal fait remarquer que l’article 13 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31, prévoit que les versions française et anglaise d’une loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur. Par conséquent, le Tribunal peut examiner les versions française et anglaise de l’annexe du Tarif des douanes pour l’interprétation de la nomenclature tarifaire.

8 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

10 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

11 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

12 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

13 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13, 17.

14 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, à la p. 4.

15 . Le Tribunal souligne qu’aux fins du présent appel il n’existe aucune note de section ou de chapitre pertinente.

16 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 2; Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, à la p. 25.

17 . Merriam Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., s.v. « tool ».

18 . (2 novembre 2007), AP-2006-038 (TCCE) [Canadian Tire].

19 . L’ASFC a expressément invoqué la décision du Tribunal dans Teledyne Canada Mining Products c. Sous-M.R.N.D.A. (12 avril 1994), AP-93-019 (TCCE).

20 . Black & Decker Canada Inc. c. Sous-M.R.N.D.A. (16 décembre 1992), AP-90-192 (TCCE).

21 . (19 mai 2010), AP-2009-049 (TCCE) [Evenflo].

22 . 2e éd., s.v. « appliance ».

23 . 2e éd., s.v. « device ».

24 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 2; Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, aux pp. 23, 25.

25 . Voir Gage Canadian Dictionary, 1983, où le terme « appliance » (appareil) est défini comme « [...] un outil, une petite machine ou tout autre dispositif utilisé pour faire quelque chose [...] » [traduction].

26 . Voir Canadian Tire au para. 33.

27 . Voir, par exemple, Costco Canada Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (11 janvier 2001), AP-2000-015 (TCCE) à la p. 5; Alliance Ro-Na Home Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (17 septembre 2002), AP-2001-065 (TCCE) à la p. 5.

28 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 2.

29 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-06A, onglet 16.

30 . Ibid., onglet 17.

31 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A à la p. 2.

32 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, aux pp. 19, 25-26, 28, 39, 41-43.

33 . Ingersoll-Rand Door Hardware Canada Inc. c. Sous-M.R.N., Douanes et Accise[1987] A.C.F. 936; pièce du Tribunal AP-2009-072-06A, onglet 22.

34 . McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms, 6e éd., s.v. « machine-tool »; pièce du Tribunal AP-2009-072-06A, onglet 7.

35 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, à la p. 66.

36 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 2.

37 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, à la p. 23.

38 . Voir ci-dessus où le terme « appliance » a aussi été défini comme « tool ».

39 . 2e éd., s.v. « machine ».

40 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, à la p. 23.

41 . Pièce du Tribunal AP-2009-072-06A, onglet 7; pièce du Tribunal AP-2009-072-09A, onglet 10.

42 . Transcription de l’audience publique, 19 octobre 2010, aux pp. 34-35.