INGRAM MICRO INC.


INGRAM MICRO INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-073

Décision et motifs rendus
le mardi 25 janvier 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 21 octobre 2010, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 13 janvier 2010, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

INGRAM MICRO INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 21 Octobre 2010

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Directeur de la recherche : Rose Ritcey

Agent principal de la recherche : Gary Rourke

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Véronique Frappier

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Ingram Micro Inc. Trent Cosgrove
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Deric MacKenzie Feder

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Ingram Micro Inc. (Ingram Micro) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue le 13 janvier 2010 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) relativement à une demande de réexamen en vertu du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les casques d’écoute2 Plantronics Encore® et Encore® NC (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8518.30.99 de l’annexe du Tarif des douanes 3 à titre d’autres casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8518.30.91 à titre d’écouteurs, comme le soutient Ingram Micro.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Les marchandises en cause ont été importées le 5 janvier 2006 et classées dans le numéro tarifaire 8518.30.99.

4. Le 10 septembre 2009, aux termes de l’alinéa 74(1)e) de la Loi, Ingram Micro demandait un remboursement de droits de douane, soutenant que les marchandises en cause auraient dû être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.91.

5. Le 14 septembre 2009, l’ASFC déterminait que les marchandises en cause avaient été correctement classées dans le numéro tarifaire 8518.30.99 et, par conséquent, rejetait la demande de remboursement des droits payés à l’égard des marchandises en cause. Aux termes du paragraphe 74(4) de la Loi, ce rejet a été réputé constituer une révision conformément à l’alinéa 59(1)a). Le même jour, l’ASFC acheminait à l’Unité des recours la demande de réexamen d’Ingram Micro en vertu du paragraphe 60(1).

6. Le 13 janvier 2010, conformément au paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC rejetait la demande de révision du classement tarifaire et maintenait le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8518.30.994 .

7. Le 15 février 2010, en vertu de l’article 67 de la Loi, Ingram Micro interjetait le présent appel auprès du Tribunal5 .

8. Le 25 juin 2010, Ingram Micro demandait au Tribunal de tenir une audience sur pièces ou, subsidiairement, qu’une audience orale soit tenue à Toronto (Ontario). Le 5 juillet 2010, l’ASFC signifiait qu’elle ne s’objectait pas à une audience sur pièces. Le 14 juillet 2010, après avoir examiné les exposés déposés par les deux parties à cet égard, le Tribunal informait les parties de sa décision de tenir une audience sur pièces, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 6 .

9. Le 10 août 2010, Ingram Micro soumettait sa réponse au mémoire de l’ASFC.

10. L’audience sur pièces s’est tenue le 21 octobre 2010.

MARCHANDISES EN CAUSE

11. Le Tribunal fait remarquer que les parties ont donné des descriptions différentes des marchandises en cause dans leurs exposés, utilisant les termes « headsets » et « headphones » de manière interchangeable. Dans son exposé, Ingram Micro a désigné les marchandises en causes de la manière suivante : « [...] casques d’écoute combinés avec un microphone »7 [traduction]; toutefois, dans une correspondance ultérieure avec le Tribunal, elle a décrit les marchandises en cause comme il suit : « casque[s] d’écoute munis d’[un] tube acoustique»8 [traduction]. L’ASFC a désigné les marchandises en cause comme il suit : « [...] casques d’écoute comportant un fil et un microphone »9 [traduction] et a également conclu que les marchandises étaient des « [...]casques d’écoute combinés avec un microphone [...] »10 [traduction]. Selon les deux parties, les marchandises en cause sont utilisées dans des centres d’appels et des bureaux11 .

12. La documentation sur le produit de l’ASFC et d’Ingram Micro comprend des diagrammes des deux modèles des marchandises en cause, un avec un seul « récepteur » et un seul « coussinet auriculaire » (Encore®) et l’autre avec deux « récepteurs » à chaque extrémité d’un « bandeau réglable » (Encore® NC)12 .

13. Le modèle Encore® possède, à l’extrémité d’un bandeau réglable, un tube acoustique qui s’étend du récepteur à la bouche du porteur. Il semble que le microphone ne soit pas situé à l’extrémité du tube acoustique, mais plutôt à l’intérieur du « récepteur » lui-même13 . La fonction du tube ne consiste donc qu’à transmettre le son au microphone.

14. Le modèle Encore® NC semble être muni d’une tourelle à cliquet à l’une des extrémités d’un bandeau réglable ainsi que d’une perche, qui semble conçue de façon à aller jusqu’à la bouche du porteur et à l’extrémité de laquelle un microphone antibruit est fixé14 .

15. Les modèles Encore® et Encore® NC sont tous les deux dotés de fils de casque, d’un connecteur à déconnexion rapide Quick DisconnectMD et d’une pince à vêtement.

16. À la demande écrite du Tribunal de produire des échantillons des marchandises en cause, Ingram Micro n’a fourni que le modèle Encore®15 .

17. En raison du manque d’éléments de preuve, le Tribunal a écrit à Ingram Micro à la suite de l’audience sur pièces afin de lui demander de préciser lequel des modèles constituait les marchandises en cause16 . Ingram Micro a répondu en indiquant que les marchandises en cause comprenaient le modèle « à un écouteur » Encore® et le modèle « à deux écouteurs » Encore® NC17 . Aucune réponse n’a été reçue de l’ASFC.

ANALYSE

Cadre législatif

18. Dans des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

19. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes18 . L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, des sous-positions et des numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

20. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[19] et les Règles canadiennes[20] énoncées à l’annexe. »

21. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite21 . Le classement commence donc par la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

22. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[22] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[23] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives n’ont pas force exécutoire pour le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut respecter ces notes, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, puisqu’elles servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire au Canada24 .

23. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et de la Règle 1 des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

24. Le Tribunal observe que l’article 13 de la Loi sur les langues officielles 25 prévoit que les versions française et anglaise d’une loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur. Par conséquent, le Tribunal peut examiner les versions française et anglaise de l’annexe du Tarif des douanes pour l’interprétation de la nomenclature tarifaire.

Dispositions pertinentes du Tarif des douanes et des Notes explicatives

25. Dans le cadre du présent appel, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 85.18 à titre de casques d’écoute et d’écouteurs, même combinés avec un microphone, conformément à la Règle 1 des Règles générales, et dans la sous-position 8518.30, à titre de casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, conformément aux Règles 1 et 6.

26. Les opinions des parties divergent toutefois quant au numéro tarifaire applicable. Ingram Micro est d’avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.91 à titre d’écouteurs, conformément à la Règle 1 des Règles générales et des Règles 1 et 3 a) des Règles canadiennes. Pour sa part, l’ASFC a déterminé que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8518.30.99 à titre d’autres casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, conformément à la Règle 1 des Règles générales et de la Règle 1 des Règles canadiennes.

27. La nomenclature pertinente de l’annexe du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

85.18 Microphones et leurs supports; haut-parleurs, même montés dans leurs enceintes; casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, et ensembles ou assortiments constitués par un microphone et un ou plusieurs haut-parleurs; amplificateurs électriques d’audiofréquence; appareils électriques d’amplification du son.

[...]

8518.30 -Casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, et ensembles ou assortiments constitués par un microphone et un ou plusieurs haut-parleurs

[...]

8518.30.91 - - - -Écouteurs

8518.30.99 - - - -Autres

28. Le Tribunal remarque qu’aucune note de section ou de chapitre de l’annexe du Tarif des douanes ne porte directement sur les marchandises en cause.

Position des parties

Ingram Micro

29. Ingram Micro affirme implicitement que les marchandises en cause peuvent, à première vue, être classées dans les numéros tarifaires 8518.30.91 et 8518.30.99. En application de la Règle 1 des Règles générales et des Règles 1 et 3 a) des Règles canadiennes, Ingram Micro soutient que les termes du numéro tarifaire 8518.30.91, soit « [é]couteurs », donne une description plus précise que le numéro tarifaire 8518.30.99, qui, étant « [a]utres », donne une description plus générale26 .

30. Ingram Micro affirme que les termes « [...] même combinés avec un microphone [...] », se trouvant à la position no 85.18 et à la sous-position no 8518.30 conjointement avec casques d’écoute et écouteurs, font partie de la description d’« [é]couteurs », dans le numéro tarifaire 8518.30.91. Par conséquent, Ingram Micro estime que les termes du numéro tarifaire 8518.30.91 doivent être interprétés comme renvoyant à des écouteurs, sans égard au fait qu’ils sont combinés ou non avec un microphone.

ASFC

31. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.91 à titre d’« [é]couteurs » parce qu’elles ne respectent pas les définitions acceptées de « casque d’écoute » et d’« écouteur ». L’ASFC étaye cet argument au moyen des définitions de « casque d’écouteur » et d’« écouteur » données dans les dictionnaires.

32. L’ASFC fait valoir que cette interprétation est corroborée par l’Avis de douanes N-546, qui explique que la sous-position a été modifiée par suite d’une décision de l’Organisation mondiale des douanes selon laquelle la sous-position engloberait des trousses de moniteurs fœtaux constitués d’un microphone et d’un casque d’écoute27 . Par suite de la modification, la sous-position inclut explicitement les casques d’écoute et les écouteurs, même combinés avec un microphone. Les numéros tarifaires 8518.30.91 et 8518.30.99 demeurent inchangés, les casques d’écoute et les écouteurs combinés avec un microphone demeurant classés dans le numéro tarifaire 8518.30.99.

33. L’ASFC souligne que le libellé du numéro tarifaire 8518.30.91, dans son sens courant, ne vise pas les casques d’écoute combinés avec un microphone et elle soutient qu’il serait inapproprié d’ajouter au sens de l’expression « [...] même combinés avec un microphone [...] », à la lumière de la directive claire donnée par la Cour suprême du Canada dans Friesen c. Canada 28 , selon laquelle une interprétation nécessitant l’ajout de mots doit être rejetée lorsqu’il existe une autre interprétation acceptable qui n’en nécessite pas.

34. Selon l’ASFC, les marchandises en cause peuvent donc, par défaut, être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.99, à titre d’autres casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, conformément à la Règle 1 des Règles générales et à la Règle 1 des Règles canadiennes.

Classement tarifaire des marchandises en cause

35. Après avoir bien examiné les faits du présent appel, les exposés des parties, la documentation au dossier et la pièce elle-même, le Tribunal est d’accord avec les parties que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position 85.18 et, en particulier, dans la sous-position 8518.30. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’afin de déterminer quel numéro tarifaire s’applique, il est essentiel de déterminer si les marchandises en cause sont des « casques d’écoute », des « écouteurs » ou « autres ».

36. Les parties conviennent que les marchandises en cause ne sont pas des écouteurs. Le Tribunal en est aussi convaincu.

37. The Canadian Oxford Dictionary définit le terme « earphone » (écouteur) comme il suit : « chacun des récepteurs formant une paire attachés ensemble de façon à être placés sur les oreilles, servant à écouter la radio, une stéréo, etc. 2 un appareil semblable ayant un seul récepteur qui est inséré dans une oreille »29 [traduction].

38. Cette définition semble décrire au moins une partie des marchandises en cause, qui est désignée dans la documentation sur le produit comme le « récepteur » et peut-être même comme le « coussinet auriculaire »; cependant, tel qu’il en sera question plus loin, elle ne décrit pas les marchandises en cause de manière aussi complète que l’expression « casque d’écoute ».

39. Passant à la question de savoir si les marchandises en cause sont des « casques d’écoute », le Tribunal remarque une certaine différence entre les versions anglaise et française des Notes explicatives de la position 85.18. Le texte anglais ci-dessous comprend les deux termes « headphones » et « earphones », tandis que le texte français ne mentionne qu’un article désigné, à savoir, « écouteurs ».

The heading covers headphones and earphones, whether or not combined with a microphone, for telephony or telegraphy . . . .

Cette position couvre les écouteurs, même combinés avec un microphone, pour la téléphonie ou la télégraphie [...]

40. La section anglais-français du dictionnaire Le Robert & Collins Senior traduit « earphone » (mot composé à partir du mot « ear » [oreille]) comme il suit : « (Rad, Telec etc) écouteurs » et la partie français-anglais traduit « écouteurs » comme il suit : « earphones, headphones »30 . Ces définitions laissent entendre qu’il existe une certaine interchangeabilité entre les termes. Cependant, elles n’aident pas beaucoup le Tribunal à déterminer si les marchandises en cause sont des « casques d’écoute ».

41. La note C des Notes explicatives de la position 85.18 définit « casques d’écoute et écouteurs » comme il suit : « [...] récepteurs électro-acoustiques utilisés pour produire des signaux sonores peu intenses [...] [I]ls permettent la transformation d’un phénomène électrique en un phénomène sonore [...] » Cette définition semble mettre l’accent sur la fonction acoustique des casques d’écoute.

42. Le Tribunal remarque également que plusieurs dictionnaires présentent des définitions différentes du terme « casque d’écoute », dont celles-ci :

Le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) donne la définition suivante de « headphone » : « une paire d’écouteurs reliés par un serre-tête [...] pour écouter des enregistrements audio etc. » [traduction].

Le Merriam Webster’s Collegiate Dictionary (10e éd.) donne la définition suivante de « headphone » : « un écouteur fixé à l’oreille par une bande portée sur la tête [...] » [traduction].

Le Gage Canadian Dictionary (1983) donne la définition suivante de « headphone » : « un récepteur téléphonique ou radio porté sur la tête, contre les oreilles » [traduction].

L’ITP Nelson Canadian Dictionary of the English Language (1997) donne la définition suivante de « headphone » : « [...] [u]n récepteur téléphonique, radio ou stéréo, fixé à l’oreille par un bandeau » [traduction].

The Oxford English Dictionary (2e éd.) donne la définition suivante de « headphone » : « [...] phone de téléphone (voir -phone).] = écouteur (a) et (c) [...] » [traduction].

Le Tribunal en déduit alors qu’un « casque d’écoute » est bien défini comme étant composé de un ou deux écouteurs ou récepteurs fixés à l’oreille par un bandeau placé sur la tête comportant une fonction audio.

43. La documentation sur les marchandises en cause illustre un « récepteur » (Encore®) ou des « récepteurs » (Encore® NC) portés sur l’oreille à l’extrémité d’un bandeau réglable. Le fait que les récepteurs soient placés sur les oreilles du porteur implique de toute évidence une fonction acoustique. Ainsi, dans cette mesure, les marchandises en cause correspondent très bien aux caractéristiques définissant les casques d’écoute, selon les Notes explicatives et les définitions de dictionnaires.

44. Cependant, le Tribunal reconnaît que les marchandises en cause comprennent également un microphone et que cet élément supplémentaire est la raison pour laquelle les parties ne s’entendent pas sur le classement des marchandises en cause à titre de casques d’écoute. Autrement dit, l’élément primordial de cet appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des casques d’écoute malgré le fait qu’ils sont combinés avec un microphone.

45. Le Tribunal est d’avis que la présence du microphone ne change rien au fait que les marchandises en cause sont des casques d’écoute.

46. Cette interprétation du terme « écouteurs » dans le numéro tarifaire 8518.30.91 est corroborée par le contexte du numéro tarifaire lui-même. La position et la sous-position, dont le numéro tarifaire est une partie constituante, comprennent toutes deux les termes « [...] casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone » [nos italiques].

47. L’expression « whether or not » (même) n’est définie ni expliquée nulle part dans le Tarif des douanes.

48. The Oxford English Dictionary définit toutefois l’expression « whether or not » de la manière suivante :

[...]

5. Introduisant une clause disjonctive (habituellement avec la proposition corrélative or (ou)) ayant une force qualificative ou conditionnelle, et ayant une relation adverbiale avec la phrase principale (cf. whatever 3, wherever 4) : whether . . or = quelle que soit la possibilité ou la supposition; dans l’un ou l’autre des cas mentionnés; si d’une part ... et également d’autre part)31 .

[Traduction]

49. En l’instance, le Tribunal est d’avis que, textuellement, « whether or not » signifie qu’il ne faut pas tenir compte de l’une ou l’autre possibilité dans la conclusion recherchée. Par conséquent, du moins pour les fins du classement tarifaire dans la position et la sous-position mentionnées précédemment, un article peut être un casque d’écoute (ou un écouteur) même s’il est combiné avec un microphone. De toute évidence, la même chose serait vraie en l’absence d’un microphone.

50. Le Tribunal croit que les marchandises peuvent être des casques d’écoute, qu’elles soient ou non combinées avec un microphone. La présence du microphone incite à ne pas prendre l’autre possibilité en considération; par conséquent, tout ce dont il faut tenir compte, c’est si les marchandises présentent ou non les caractéristiques propres aux casques d’écoute (ou des écouteurs).

51. Puisque c’est le cas, le Tribunal n’adhère pas à l’interprétation ni à la politique administrative adoptée dans l’Avis des douanes N-546 et, par conséquent, ne lui donne aucun poids en l’espèce32 . Bien que l’Avis des douanes N-546, soumis par l’ASFC, vise à créer un précédent justifiant l’interprétation que fait l’ASFC des numéros tarifaires en question, le Tribunal est d’avis qu’il reflète simplement l’interprétation incorrecte de ces dispositions par l’ASFC.

52. Ainsi, les marchandises en cause correspondent aux termes du numéro tarifaire 8518.30.91, qui mentionne expressément « écouteurs », plutôt qu’aux termes du numéro tarifaire 8518.30.99. Par conséquent, conformément aux Règles générales et à la Règle 1 des Règles canadiennes, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.91.

DÉCISION

53. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8518.30.91 à titre d’écouteurs.

54. Par conséquent, l’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Comme il en sera question plus loin, les parties n’utilisent pas uniformément les termes « headphones » et « headsets » (casques d’écoute).

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-06A, onglet 6.

5 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-01.

6 . D.O.R.S./91-499.

7 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-04A au para. 12.

8 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-18.

9 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-06A au para. 3, onglets 5, 6.

10 . Ibid. aux para. 41, 50.

11 . Pièces du Tribunal AP-2009-073-04A au para. 7 et AP-2009-073-06A au para. 3.

12 . Pièces du Tribunal AP-2009-073-04A, annexe 1, et AP-2009-073-06A, onglet 2; pièce A-01. La pièce déposée par Ingram Micro le 15 octobre 2010 contient un guide de l’utilisateur qui décrit les deux modèles des marchandises en cause.

13 . Pièce A-01.

14 . Le modèle Encore® NC n’a pas été déposé comme pièce par Ingram Micro; par conséquent, le Tribunal n’a pu se fonder que sur la documentation jointe pour en donner la description.

15 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-16; pièce A-01.

16 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-19.

17 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-20.

18 . Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

19 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

20 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

21 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

22 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

23 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

24 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13 et 17.

25 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31.

26 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-04A au para. 28.

27 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-06A, onglet 10.

28 . [1995] 3 R.C.S. 103.

29 . Pièce du Tribunal AP-2009-073-06A, onglet 12.

30 . Troisième éd.

31 . Deuxième éd., s.v. « whether ».

32 . Sigvaris Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 février 2009), AP-2007-009 (TCCE) au para. 30.