WIRTH LTD.

Décisions


WIRTH LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-89-007

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 23 janvier 1990

Appel no AP-89-007

EU ÉGARD À une demande entendue le 10 octobre 1989 en vertu de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, chap. S-15;

ET EU ÉGARD À une nouvelle détermination par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en conformité à l'article 59 et faisant suite à une demande présentée en vertu de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

WIRTH LTD. Appelante

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les poutrelles à larges ailes en acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne et importées par l'appelante et figurant sur la déclaration douanière nº A247090 sont assujetties à des droits antidumping s'élevant à 15 149,52 $.



Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si les poutrelles à larges ailes en acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne sont assujetties aux droits antidumping - Déterminer si les marchandises en question ont été dédouanées à la date de présentation des documents de dédouanement ou à la date à laquelle l'enlèvement des marchandises pour la consommation au Canada a été autorisé - Quels sont le sens et la portée du mot «dédouanement» dans la Loi sur les mesures spéciales d'importation?

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Parlement a fixé le critère suivant : toutes les marchandises sous - évaluées importées au Canada, de même description que celles faisant l'objet d'une décision provisoire de dumping du Sous-ministre, et dont un agent des douanes a autorisé l'enlèvement du bureau de douane au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire et se terminant le jour où le Tribunal rend une ordonnance ou des conclusions (de préjudice sensible) à l'égard des marchandises visées par la décision provisoire, sont assujetties aux droits antidumping.

Le ministère du Revenu national donne son autorisation lorsque l'agent des douanes estampille les mots «MAINLEVÉE - RELEASED» sur les documents de dédouanement. Les fonctionnaires des douanes ont estampillé le document de dédouanement se rapportant aux marchandises en question (une formule intitulée «Douanes du Canada - Formule de codage de déclaration d'importation») le 20 août 1987, le jour où le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a rendu une décision provisoire de dumping à l'égard des marchandises.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 octobre 1989 Date de la décision : Le 23 janvier 1990
Jury : Robert J. Bertrand, c.r., membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelante Michèle Joubert, pour l'intimé
Jurisprudence : Imperial Tobacco, Division of Imasco Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 11 R.C.T. 506; confirmé par A-754-86, C.A.F.
Lois citées : Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 22; L.R.C. 1985, chap. 1 (2 e suppl.), art. 2, 17, 31 et 32; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 58; Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, chap. S-15, art. 2, 4 et 8.





RÉSUMÉ

L'appelante est un importateur de poutrelles à larges ailes en acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne. Le 11 février 1987, l'appelante a signé un contrat avec un exportateur espagnol de poutrelles à larges ailes en acier au carbone laminées à chaud.

Le 22 mai 1987, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) a ouvert une enquête antidumping à l'égard des poutrelles à larges ailes en acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne.

Le navire «M/V Transocean Pearl», qui transportait les marchandises, est arrivé à Toronto le 17 août 1987 et les marchandises ont été débarquées ce même jour.

Le 19 août 1987, l'appelante, par l'entremise de son courtier, a présenté aux agents des douanes à Toronto un document de déclaration douanière (formule B 3B) visant les marchandises importées. Le document, portant le numéro nº A247090, a été estampillé le 19 août 1987, 11 h 04 (Aug 19 11 04 a.m. '87).

Le 20 août 1987, le Sous-ministre a rendu une décision provisoire de dumping à l'égard des marchandises. Le même jour, une formule intitulée «Douanes du Canada - Formule de codage de déclaration d'importation» visant les marchandises a été estampillée «20 AUG 1987 MAINLEVÉE - RELEASED» par les agents des douanes.

Le 16 novembre 1987, le Sous-ministre a rendu une décision définitive de dumping portant sur les poutrelles d'acier à larges ailes et le 18 décembre 1987, le Tribunal canadien des importations a rendu des conclusions de préjudice sensible passé, présent et futur, en ce qui concerne les poutrelles en acier, causé à la production de marchandises similaires au Canada.

Le 27 mai 1988, l'appelante a reçu l'Avis de cotisation no A500869 l'enjoignant d'acquitter des droits antidumping de 15 149,52 $ visant l'importation des marchandises en question.

Le présent litige est simple : les marchandises en question ont-elles été dédouanées avant la date de la décision provisoire du Sous-ministre? Dans l'affirmative, l'appelante n'a pas à payer le droit antidumping.

L'appel n'est pas admis. Le Tribunal considère que le Parlement a fixé le critère suivant : toutes les marchandises sous-évaluées importées au Canada, de même description que celles faisant l'objet d'une décision provisoire de dumping du Sous-ministre, et dont un agent des douanes a autorisé l'enlèvement du bureau de douane au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire et se terminant le jour où le Tribunal rend une ordonnance ou des conclusions (de préjudice sensible) à l'égard des marchandises visées par la décision provisoire, sont assujetties aux droits antidumping.

Le ministère du Revenu national (le Ministère) donne son autorisation lorsque l'agent des douanes estampille les mots «MAINLEVÉE - RELEASED» sur les documents de dédouanement. Les agents des douanes ont estampillé le document de dédouanement se rapportant aux marchandises en question (une formule intitulée «Douanes du Canada - Formule de codage de déclaration d'importation») le 20 août 1987, le jour où le Sous-ministre a rendu une décision provisoire de dumping à l'égard des marchandises.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives suivantes s'appliquent au présent appel :

Loi sur les mesures spéciales d'importation [1]

2(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

...

«dédouanement» Autorisation d'enlever des marchandises d'un bureau de douane, d'un entrepôt d'attente, d'un entrepôt de stockage ou d'une boutique hors taxes en vue de leur consommation au Canada.

2(8) Pour l'application de la Loi sur les douanes, la présente loi est à considérer comme un texte de législation douanière.

4. Les marchandises sous - évaluées... importées au Canada

...

b) d'autre part, dont le dédouanement a eu lieu

(i) ... au cours de la période commençant à la date de la décision provisoire et se terminant à la date de l'ordonnance ou des conclusions du Tribunal...

...

sont assujetties aux droits suivants :

c) ... des droits antidumping d'un montant égal à la marge de dumping des marchandises;

...

Le montant de ces droits ne doit cependant pas dépasser, pour les marchandises visées... celui des droits éventuellement payés ou exigibles en vertu de l'article 8.

8(1) Lorsque des marchandises sous - évaluées... de même description que celles faisant l'objet d'une décision provisoire de dumping... sont dédouanées au cours de la période commençant à la date de cette décision et se terminant à la première des dates suivantes :

...

b) le jour où le Tribunal rend l'ordonnance ou les conclusions au sujet des marchandises répondant à cette description ,

il appartient à l'importateur de ces marchandises, à son choix, sur demande de paiement de droits provisoires pour les marchandises importées faite par le sous - ministre :

c) soit de veiller à l'acquittement des droits provisoires d'un montant ne dépassant pas la marge estimative de dumping des marchandises importées... ou

d) soit de veiller à ce que soit fournie, ... une caution ne dépassant pas la marge estimative de dumping... (soulignement ajouté).

Loi sur les douanes [2]

2(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

...

«droits» Les droits ou taxes imposés, en vertu du Tarif des douanes, de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur l'accise, de la Loi sur les mesures spéciales d'importation ou de tout autre texte de législation douanière, sur les marchandises importées.

17(1) Les marchandises importées sont passibles de droits à compter de leur importation jusqu'à paiement ou suppression des droits.

31. Sous réserve de l'article 19, seul l'agent, dans l'exercice des fonctions que lui confère la présente loi ou une autre loi fédérale, peut, sauf s'il s'agit de marchandises dédouanées par lui ou par un autre agent, enlever des marchandises d'un bureau de douane, d'un entrepôt d'attente, d'un entrepôt de stockage ou d'une boutique hors taxes.

32(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), des règlements d'application du paragraphe (6) et des articles 33 et 34, le dédouanement des marchandises est subordonné :

a) à leur déclaration en détail faite par leur importateur ou leur propriétaire

selon les modalités réglementaires et... ;

b) au paiement des droits afférents.

(2) Dans les circonstances prévues par règlement, le dédouanement peut s'effectuer avant la déclaration en détail prévue au paragraphe (1), à condition que l'importateur ou le propriétaire des marchandises fasse, selon les modalités réglementaires, une déclaration provisoire, qui doit être établie en la forme, ainsi qu'avec les renseignements, déterminés par le ministre ou satisfaisants pour lui.

LES FAITS

Les deux parties se fient sensiblement à l'exposé des faits présenté par l'intimé dans son mémoire. Cependant, l'appelante a aussi demandé à M. Wirth, président de Wirth Ltd., de témoigner en sa faveur.

L'appelante est un importateur de poutrelles en acier au carbone à larges ailes laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne. La société prend les dispositions nécessaires pour le transport maritime et est responsable du dédouanement au Canada, où elle revend les marchandises aux utilisateurs d'acier.

M. Wirth a présenté des éléments de preuve sur les pratiques et les procédures générales des Douanes du Canada à l'importation de marchandises au Canada. Selon le témoin, lorsqu'un représentant d'une société demande aux agents des douanes de dédouaner les marchandises importées au Canada le jour même de la présentation des documents de déclaration douanière, les agents des douanes acquiescent à la demande.

M. Wirth a décrit le dédouanement des marchandises par les agents des douanes comme étant une simple formalité. Il a ajouté que les marchandises sont libérées sans inspection. M. Wirth a déclaré que les agents des douanes avaient déjà dédouané des marchandises avant leur arrivée au point d'entrée. À l'appui de ses dires, il a présenté un document de déclaration douanière (pièce A-1) se rapportant aux feuilles d'acier, marchandises qui ne font pas l'objet du présent appel, qui était estampillé «MAINLEVÉE - RELEASED» par les agents des douanes avant l'arrivée des marchandises au point d'entrée. Le témoin a ajouté que cela s'était produit dans le cas de plusieurs importations de la société.

Cela dit, les faits qui ont mené au présent litige sont les suivants. Le 11 février 1987, l'appelante a signé un contrat avec Aristrain International, exportateur espagnol de poutrelles en acier au carbone à larges ailes laminées à chaud.

Le 22 mai 1987, le Sous-ministre a ouvert une enquête antidumping à l'égard des poutrelles en acier au carbone à larges ailes laminées à chaud originaires ou exportées de l'Espagne. Le même jour, le Ministère avisait l'appelante que l'enquête était ouverte et que son nom figurait parmi les importateurs des marchandises en cause.

Le navire «M/V Transocean Pearl», transportant les marchandises qui faisaient l'objet du contrat de février, est parti le 25 juillet 1987 à destination du Canada et entrait dans les eaux canadiennes le 6 août 1987. Il est arrivé à Toronto le 17 août 1987 et les marchandises ont été débarquées le même jour.

Le 19 août 1987, l'appelante, par l'entremise de son courtier, a présenté un document de déclaration douanière (formule B 3B) aux agents des douanes de Toronto pour les marchandises importées. Le document, portant le nº de déclaration A247090, a été estampillé «Aug 19 11 04 a.m. '87». M. Wirth a déclaré qu'il ne savait pas si le courtier en douane avait demandé aux agents des douanes de dédouaner les marchandises le même jour.

Le 20 août 1987, le Sous-ministre a rendu une décision provisoire de dumping concernant les marchandises. Le même jour, une formule intitulée «Douanes du Canada - Formule de codage de déclaration d'importation» se rapportant aux marchandises en question a été estampillée «20 AUG 1987 MAINLEVÉE - RELEASED» par les agents des douanes.

Le 28 août 1987, l'appelante a payé les droits de douane sur les marchandises en question.

Le 16 novembre 1987, le Sous-ministre a rendu une décision définitive de dumping concernant les poutrelles en acier à larges ailes et le 18 décembre 1987, le Tribunal canadien des importations a rendu des conclusions de préjudice sensible passé, présent et futur à la production au Canada de marchandises similaires aux poutrelles en acier.

Le 27 mai 1988, l'appelante se voyait imposer, par l'Avis de cotisation no A500869, des droits antidumping de 15 149,52 $ pour les marchandises importées. Les droits ont été imposés en conformité au sous-alinéa 4b)(i) et l'alinéa 8(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI) qui stipulent que les droits sont imposés sur les marchandises sous-évaluées dédouanées au Canada au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire (dans ce cas, le 20 août 1987) et se terminant le jour où le Tribunal canadien des importations, remplacé par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) rend des conclusions de préjudice sensible (dans ce cas, le 18 décembre 1987).

L'appelante s'est opposée à cette cotisation. La société a soutenu que, même si elle avait importé des poutrelles en acier à larges ailes de l'Espagne, les marchandises importées n'étaient pas assujetties à des droits antidumping parce qu'elles ont été dédouanées au Canada le jour où le courtier en douane a présenté la formule B 3B aux agents des douanes à Toronto, soit le 19 août 1987.

Le 27 juillet 1988, l'appelante a présenté une demande de nouvelle cotisation au Sous-ministre. La cotisation initiale a été confirmée le 19 décembre 1988. L'appelante en a donc appelé au Tribunal en conformité à l'article 61 de la LMSI.

LA QUESTION EN LITIGE

Les deux parties conviennent que les marchandises sont les mêmes que celles qui font l'objet de la décision provisoire de dumping du Sous-ministre. Par ailleurs, personne ne conteste le montant de droits antidumping imposés. Le seul litige est de savoir si les marchandises ont été dédouanées avant la date de la décision provisoire du Sous-ministre. Dans l'affirmative, l'appelante n'a pas à payer le montant imposé.

L'appelante a soutenu que les marchandises ont été dédouanées le 19 août 1987, parce que le mot «dédouanement» dans la LMSI est synonyme de la date à laquelle les documents de déclaration douanière, la formule B 3B par exemple, sont présentés aux agents des douanes. Comme l'appelante a présenté la formule B 3B aux agents des douanes à Toronto le 19 août 1987 à 11 h 04, les marchandises devraient être exemptées des droits antidumping.

L'appelante a présenté plusieurs arguments en faveur de sa position. Premièrement, elle a soutenu qu'il serait injuste que le mot «dédouanement» de la LMSI s'applique à la date à laquelle les documents de déclaration douanière sont estampillés «mainlevée» par les agents des douanes. Cette interprétation voudrait dire que l'importateur ne pourrait pas contrôler la date à laquelle les marchandises sont entrées au Canada, et, en particulier, l'empêcherait de s'assurer que les marchandises importées ne soient pas visées par la période d'imposition des droits antidumping, qui s'étend entre la date de la décision provisoire de dumping et celle des conclusions de préjudice sensible du Tribunal. En effet, selon l'appelante, les agents des douanes pourraient retarder l'estampillage des documents de dédouanement afin que les marchandises soient visées par la période d'imposition du droit antidumping. Cependant, l'appelante n'a pas accusé les agents des douanes d'avoir agi avec malveillance dans le présent litige.

Deuxièmement, l'appelante a déclaré que la décision de la Commission du tarif, confirmée par la Cour d'appel fédérale dans la cause Imperial Tobacco, Division of Imasco Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] , appuie la proposition selon laquelle le mot «dédouanement» dans la LMSI est synonyme de la date à laquelle les documents de déclaration douanière sont présentés aux agents des douanes. Dans ladite cause, la Commission du tarif devait fixer le taux applicable de taxe d'accise imposé par la Loi sur la taxe d'accise à l'importation de tabac coupé. En effet, dans ce cas, il fallait déterminer si les marchandises avaient été importées pour la consommation au moment de la présentation des formules de dédouanement «B-3».

L'appelante a déclaré que la cause, qui portait sur l'application de la taxe d'accise, n'était pas similaire en tous points au présent litige, mais que les principes énoncés dans le passage qui suit ont trait au présent appel :

En déclarant les marchandises par le dépôt de la formule B-3... , l'importateur avait fait tout ce qu'il était tenu de faire. Il s'était engagé à acquitter la taxe d'accise et le percepteur était tenu de dédouaner les marchandises. Selon toute évidence, la nature des marchandises, les modalités de paiement et les formalités du bureau d'entrée donneraient lieu à certains retards avant leur livraison à l'importateur, mais cela n'a rien à voir avec les exigences quant au paiement de la taxe et quant au dédouanement des marchandises [4] .

L'appelante a déclaré qu'il s'agissait ici de la même situation. L'appelante avait fait, à compter de 11 h 04 le 19 août 1987, tout ce qu'on exigeait d'elle en vue de la déclaration des marchandises, et les agents des douanes devaient donc dédouaner les marchandises le jour même.

Troisièmement, l'appelante a soutenu que le paragraphe 2(8) de la LMSI a permis au Tribunal de prendre la Loi sur les douanes (la Loi) en considération en analysant les dispositions de la LMSI (le paragraphe 2(8) de la LMSI qui stipule «Pour l'application de la Loi sur les douanes, la présente loi est à considérer comme un texte de législation douanière»). L'appelante a déclaré que l'article 32 de la Loi a servi de guide dans l'établissement du sens du mot «dédouanement» dans la LMSI.

D'après l'appelante, le paragraphe 32(1) de la Loi stipule que les marchandises ne doivent pas être dédouanées tant qu'elles n'ont pas été déclarées en détail, et tous les droits afférents n'ont pas été payés. Mais, soutient l'appelante, le paragraphe 32(2) de la Loi permet une exception à la règle. L'appelante a affirmé qu'en raison de ce dernier paragraphe, les marchandises auraient pu être dédouanées avant le paiement des droits s'il y avait eu déclaration provisoire.

Dans le présent litige, les droits de douane sur les marchandises ont été payés le 28 août 1987, plusieurs jours après la présentation de la formule B 3B aux agents des douanes et le dédouanement des marchandises par ces derniers. En conséquence, selon l'appelante, les marchandises ont été dédouanées par les agents des douanes en conformité au paragraphe 32(2) en se basant sur une déclaration provisoire. L'appelante a soutenu que la présentation de la formule B 3B constituait une déclaration provisoire. Comme l'importateur a présenté la déclaration provisoire le 19 août 1987, c'est à cette date que les marchandises en question ont été dédouanées.

Enfin, l'appelante a affirmé qu'en conformité à l'article 2 et au paragraphe 17(1) de la Loi, les droits de douane, incluant les droits antidumping, sont imposés sur les marchandises importées à partir du moment de l'importation jusqu'au paiement des droits. Ainsi, selon l'appelante, les marchandises en question ne seraient assujetties à un droit antidumping que si elles avaient été importées à partir du moment où les droits antidumping étaient en vigueur, c'est-à-dire la date de la décision provisoire du Sous-ministre. Puisque les marchandises en question ont été importées avant la date de la décision provisoire, elles ne sont pas assujetties aux droits antidumping.

L'intimé a déclaré que les marchandises ont été dédouanées le jour où les agents des douanes ont autorisé leur enlèvement pour la consommation au Canada, soit le 20 août 1987.

L'intimé a soutenu qu'en conformité à l'article 4 de la LMSI, un droit antidumping était payable sur les marchandises sous-évaluées importées au Canada, de même description que les marchandises visées par la décision provisoire et dédouanées entre la date de la décision provisoire et celle où le Tribunal a rendu des conclusions de préjudice sensible à l'égard des marchandises sous-évaluées.

Selon l'intimé, la LMSI ne précise pas que les marchandises sont dédouanées le jour où l'importateur présente les documents de déclaration douanière à l'agent des douanes. La LMSI donne plutôt les définitions de «release» («to authorize the removal of goods») et de «dédouanement» («Autorisation d'enlever des marchandises»). L'intimé a soutenu que selon l'article 31 de la Loi, il incombe à un agent des douanes de donner cette autorisation.

L'intimé a soutenu que la formule de codage de déclaration d'importation des Douanes du Canada estampillée «20 AUG 1987 MAINLEVÉE - RELEASED» par les agents des douanes a indiqué que l'enlèvement des marchandises importées a été autorisé le 20 août 1987 et en conséquence, les marchandises en question sont assujetties aux droits antidumping.

L'intimé a aussi répondu aux arguments soulevés par l'appelante pour justifier sa position. D'abord, l'intimé a indiqué que la cause Imperial Tobacco ne s'appliquait pas dans ce cas. D'après l'intimé, la cause a été tranchée en fonction d'articles de la Loi et de la Loi sur la taxe d'accise, abrogés depuis. Selon les articles, la taxe d'accise et les droits de douanes étaient exigibles au moment de la déclaration des marchandises. Or, la LMSI stipule que les droits antidumping sont exigibles à l'égard des marchandises qui ont été dédouanées au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire et se terminant le jour où le Tribunal a rendu des conclusions de préjudice sensible. Deuxièmement, l'intimé a déclaré que même si le paragraphe 32(2) de la Loi permet le dédouanement des marchandises en vertu d'une déclaration provisoire, ce dédouanement doit être autorisé par un agent des douanes.

DÉCISION

Le présent litige est le suivant : les marchandises ont-elles été dédouanées avant la date de la décision provisoire du Sous-ministre? Dans l'affirmative, l'appelante n'a pas à payer les droits antidumping. En réglant cette affaire, le Tribunal désire insister sur le fait que l'appelante n'a pas affirmé que les agents des douanes ont agi avec malveillance en estampillant les documents de dédouanement «MAINLEVÉE - RELEASED» le lendemain de la présentation de la formule B 3B aux agents des douanes, et le Tribunal ne considère pas qu'il existe des éléments de preuve à l'appui d'une telle affirmation.

Après avoir étudié attentivement les dispositions législatives pertinentes et les arguments des deux parties, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont été dédouanées le 20 août 1987 et sont donc assujetties aux droits antidumping.

Le Tribunal considère que les articles pertinents de la LMSI et de la Loi confirment effectivement cette conclusion. L'article 4 de la LMSI prévoit la perception d'un droit antidumping sur toutes les marchandises sous-évaluées et importées au Canada, qui sont de la même description que les marchandises faisant l'objet de la décision provisoire du Sous-ministre et qui ont été dédouanées au cours de la période décrite au paragraphe 8(1) de la LMSI, à savoir entre le jour de la décision provisoire de dumping du Sous-ministre et celui où le Tribunal rend une ordonnance ou des conclusions (de préjudice sensible) à l'égard des marchandises visées par la décision provisoire.

Aux termes de l'article 2 de la LMSI, dans le cas de marchandises, le mot «dédouanement» désigne l'«Autorisation d'enlever des marchandises d'un bureau de douane, d'un entrepôt d'attente, d'un entrepôt de stockage ou d'une boutique hors taxes en vue de leur consommation au Canada». Enfin, l'article 31 de la Loi prévoit qu'il incombe à un agent des douanes d'autoriser l'enlèvement de marchandises d'un de ces emplacements.

À la lecture de ces divers articles, le Tribunal considère que le Parlement a fixé le critère suivant : un droit antidumping doit être perçu sur toutes les marchandises sous-évaluées et importées au Canada, de même description que les marchandises faisant l'objet de la décision provisoire de dumping du Sous-ministre. Un agent des douanes doit avoir donné l'autorisation d'enlever les marchandises du bureau de douane, etc., entre le jour de la décision provisoire et celui où le Tribunal a rendu une ordonnance ou des conclusions (de préjudice sensible) à l'égard des marchandises visées par la décision provisoire.

Cependant, l'appelante a déclaré que l'article 2 et le paragraphe 17(1) de la Loi permettent de déterminer la période assujettie aux droits antidumping. L'appelante a affirmé qu'en conformité à ces dispositions, les marchandises importées étaient assujetties aux droits antidumping entre l'importation et le paiement des droits. Ainsi, selon l'appelante, les marchandises en question seraient assujetties à des droits antidumping seulement si elles avaient été importées au cours de la période pendant laquelle les droits étaient en vigueur, soit depuis la date de la décision provisoire du Sous-ministre. Puisque le document de dédouanement, formule B 3B, a été présenté et classé et que les marchandises en cause ont été importées avant la date de la décision provisoire, ces dernières ne sont pas assujetties aux droits antidumping.

Il est fort possible que les marchandises en question aient été importées le 19 août 1987 à 11 h 04 lorsque la formule B 3B a été présentée à un agent des douanes. Cela dit, le Tribunal ne considère pas que l'argument soit fondé. L'essence de l'argument est que les marchandises sous-évaluées ne sont assujetties à des droits antidumping que si elles ont été importées à compter de la date de la décision provisoire du Sous-ministre.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les articles 4 et 8 de la LMSI, pris dans le contexte de la LMSI et de la Loi, prévoient le paiement des droits antidumping sur les marchandises sous-évaluées importées au Canada, de même description que les marchandises faisant l'objet de la décision provisoire de dumping et qui ont été dédouanées au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire et se terminant le jour où le Tribunal rend des conclusions de préjudice sensible à l'égard des marchandises sous-évaluées.

En conséquence, le Tribunal considère que la période d'imposition du droit antidumping fixée en conformité aux articles 4 et 8 de la LMSI n'est acceptable aux fins de l'interprétation du paragraphe 17(1) de la Loi faite par l'appelante que si le mot «dédouané» est pris comme synonyme du mot «importé». Pourtant, le Parlement, tant dans la LMSI que dans la Loi a clairement indiqué que les deux termes portent sur des concepts différents. Les deux lois stipulent que «dédouanement», à l'égard de marchandises, signifie l'«Autorisation d'enlever des marchandises d'un bureau de douane, d'un entrepôt d'attente, d'un entrepôt de stockage ou d'une boutique hors taxes en vue de leur consommation au Canada». Elles ne prévoient pas que le mot «dédouanement» soit interprété au sens d'importation de marchandises pour leur consommation au Canada ni d'ailleurs que le mot «dédouanement» soit défini en se référant aux mots «importations» ou «importé».

Parce que les mots «dédouanement» et «importation» représentent deux concepts distincts, le Tribunal considère que l'acceptation de l'argument de l'appelante enlèverait toute signification à l'énoncé clair concernant le délai tel qu'énoncé dans les articles 4 et 8 de la LMSI. Si le Parlement avait voulu que le paragraphe 17(1) de la Loi ait préséance sur la période d'imposition du droit antidumping tel qu'énoncé dans les articles 4 et 8 de la LMSI, il aurait pu facilement l'indiquer.

La LMSI ne mentionne pas la façon dont les agents des douanes doivent donner l'autorisation. Le Ministère a choisi de le faire en demandant aux agents des douanes d'estampiller «MAINLEVÉE - RELEASED» sur les documents de dédouanement. Par contre, l'appelante a soutenu que les agents des douanes autorisaient l'enlèvement des marchandises d'un bureau de douane, etc., au moment où l'importateur présente les documents de dédouanement comme la formule B 3B, et que toute autre interprétation empêcherait l'importateur de contrôler à quel moment les marchandises importées sont déclarées au Canada.

Le Tribunal rejette l'argument selon lequel la présentation des documents de dédouanement signifie l'autorisation. En effet, s'il en était ainsi, les agents des douanes joueraient un rôle passif dans le processus d'entrée, puisque l'importateur contrôlerait en réalité le dédouanement des marchandises importées au Canada.

Tout de même, par l'article 2 de la LMSI et l'article 31 de la Loi, le Parlement a clairement éliminé toute intention contraire. D'après l'article 31 de la Loi, «... seul l'agent... peut, sauf s'il s'agit de marchandises dédouanées par lui ou par un autre agent, enlever des marchandises d'un bureau de douane, d'un entrepôt d'attente, d'un entrepôt de stockage ou d'une boutique hors taxes». En lisant cet article et l'article 2 de la LMSI, il est clair que ce n'est pas l'importateur qui détermine le moment du dédouanement des marchandises importées au Canada, mais l'agent des douanes. Lui seul peut autoriser l'enlèvement des marchandises d'un bureau de douanes, etc., pour la consommation au Canada.

Pour cette raison, le Tribunal n'est pas d'accord avec l'observation de l'appelante selon laquelle le paragraphe 32(2) de la Loi permet le dédouanement des marchandises en se basant sur une déclaration provisoire, uniquement par la présentation de la formule B 3B de déclaration douanière.

En effet, le Tribunal ne considère pas que l'article 32 confirme la position de l'appelante. Le paragraphe 32(1) de la Loi indique qu'aucune marchandise ne peut être dédouanée avant la déclaration en détail par l'importateur et le paiement des droits sur les marchandises. Le paragraphe 32(2) de la Loi prévoit que les marchandises peuvent être dédouanées avant la déclaration en détail demandée en conformité au paragraphe 32(1) si l'importateur ou le propriétaire des marchandises présente une déclaration provisoire. Ainsi, même si la formule B 3B constitue une déclaration provisoire, l'agent des douanes doit encore autoriser l'enlèvement des marchandises du bureau de douane, de l'entrepôt de stockage, etc., pour leur consommation au Canada.

L'appelante s'est reportée à la cause Imperial Tobacco pour justifier sa position. D'après le Tribunal, une lecture attentive de la décision de la Commission du tarif indique que la cause et les principes qui en découlent sont clairement différents de ceux du présent appel. La Commission du tarif devait déterminer le taux de la taxe d'accise imposée en vertu de la Loi sur la taxe d'accise à l'importation du tabac coupé. L'importateur a débarqué le tabac coupé au bureau de Montréal le 11 mai 1985. À 14 h 11, le 23 mai 1985, il présentait une formule de déclaration (B-3) à l'agent des douanes. À 15 h 30, le même jour, le taux de la taxe d'accise sur les importations de tabac coupé était augmenté. Le 24 mai 1985, l'appelante a sorti les marchandises de l'entrepôt de douane. Le temps écoulé entre la présentation de la formule B-3 et l'enlèvement des marchandises est conforme aux pratiques commerciales normales et habituelles.

La Commission du tarif a présenté le litige comme suit :

La question en litige est... de savoir si les marchandises ont été importées pour la consommation avant la présentation de la formule B-3 de déclaration d'entrée ou au moment de la présentation de cette formule, auquel cas c'est le taux en vigueur à ce moment-là qui s'applique, ou si le taux applicable est celui qui était en vigueur le 24 mai, lorsque les marchandises ont été sorties matériellement de l'entrepôt de douane [5] .

Pour répondre à la question posée, la Commission du tarif s'est fiée à la décision du Conseil privé dans la cause Canada Sugar Refining Co. Limited v. The Queen [6] et a déclaré ce qui suit :

En déclarant les marchandises par le dépôt de la formule B-3..., l'importateur avait fait tout ce qu'il était tenu de faire. Il s'était engagé à acquitter la taxe d'accise et le percepteur était tenu de dédouaner les marchandises. Selon toute évidence, la nature des marchandises, les modalités de paiement et les formalités du bureau d'entrée donneraient lieu à certains retards avant leur livraison à l'importateur, mais cela n'a rien à voir avec les exigences quant au paiement de la taxe et quant au dédouanement des marchandises. Si l'on se fonde sur la décision rendue dans l'affaire Canada Sugar Refining (supra), les marchandises ont été importées au Canada au moment où l'importateur était responsable du paiement de la taxe imposable par suite de la déclaration des marchandises à 14h11 le 23 mai [7] .

La Commission du Tarif a ensuite consulté l'article 22 de la Loi et l'article 58 de la Loi sur la taxe d'accise, deux articles qui ont été abrogés depuis [8] , afin de déterminer à quel moment l'importateur est assujetti au paiement de la taxe.

L'article 58 de la Loi sur la taxe d'accise se lisait comme suit :

58. Lorsqu'une taxe d'accise est exigible en vertu de la présente loi, lors de l'importation de tout article au Canada, la Loi sur les douanes s'applique de la même façon et dans la même mesure que si cette taxe était exigible en vertu du Tarif des douanes.

L'article 22 de la Loi était libellé en ces termes :

22(1) À moins que les effets ne soient destinés à l'entreposage de la manière prescrite par la présente loi, l'importateur doit, lors de la déclaration d'entrée,

a) payer ou faire payer tous les droits dus sur tous les effets déclarés à l'entrée... (soulignement ajouté)

En conséquence, la Commission du tarif a conclu que l'importateur est devenu responsable du paiement de la taxe au moment de l'entrée des marchandises. Ainsi, le tabac coupé a été importé au Canada pour la consommation lorsque la formule de déclaration d'importation a été présentée à l'agent des douanes.

En bref, le litige à trancher par la Commission du tarif diffère de celui soumis au Tribunal. Alors que la Commission du tarif devait déterminer quand les marchandises ont été importées pour la consommation au Canada au sens de la Loi sur la taxe d'accise d'après le libellé en vigueur au moment de l'appel, le Tribunal doit trancher à quel moment les marchandises ont été dédouanées, c'est-à-dire quand a été donné l'autorisation d'enlever les marchandises des bureaux de douanes, etc., pour la consommation au Canada au sens de la LMSI.

De plus, les critères législatifs que la Commission du tarif devait appliquer pour résoudre le litige sont différents de ceux envisagés par le Tribunal.

En conséquence, le Tribunal ne considère pas que les principes qui ressortent de la cause Imperial Tobacco s'appliquent au présent litige.

CONCLUSION

Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal révèlent que les agents des douanes ont estampillé le document de dédouanement se rapportant aux marchandises en question (formule intitulée «Douanes du Canada - Formule de codage de déclaration d'importation») le 20 août 1987, le jour où le Sous-ministre rendait la décision provisoire de dumping à l'égard des marchandises.

En se basant sur cette analyse de la jurisprudence et des dispositions législatives pertinentes, le Tribunal conclut que les marchandises en question sont assujetties aux droits antidumping perçus en conformité à l'Avis de cotisation no A500869.

En conséquence, l'appel n'est pas admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985, chap. S - 15.

2. L.R.C. 1985 chap. 1 (2 e suppl.).

3. 11 R.C.T. 506; confirmé sans motif par la Cour d'appel fédérale dans A - 754 - 86.

4. Ibid, p. 511.

5. Ibid.

6. (1898), A.C. 735.

7. 11 R.C.T. 506.

8. S.R.C. 1970, ch. C - 40, article 22, abrogé par S.C. 1986, chap. 1, par. 212(3), le 11 novembre 1986; S.R.C. 1970, chap. E - 13, article 58, abrogé et remplacé par S.C. 1986 chap. 1, art. 191, le 11 novembre 1986.


Publication initiale : le 15 mai 1997