BECKMAN COULTER CANADA INC.


BECKMAN COULTER CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2010-065

Décision et motifs rendus
le mardi 17 janvier 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 20 septembre 2011, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 16 décembre 2010, concernant une demande de révision d’une décision anticipée en matière de classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BECKMAN COULTER CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 20 septembre 2011

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Ekaterina Pavlova
Nick Covelli

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Beckman Coulter Canada Inc. Michael Kaylor
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Deric MacKenzie Feder

TÉMOIN :

Albert R. Moser
Directeur du service régional
Beckman Coulter Canada Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Beckman Coulter Canada Inc. (Beckman Coulter) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) relativement à une demande de révision d’une décision anticipée en matière de classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les courroies trapézoïdales Polyflex®, pièce no 5M4752 (les marchandises en cause) peuvent, en plus d’être classées dans le numéro tarifaire 3926.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes3, être également classées dans le numéro tarifaire 9977.00.00 à titre d’articles devant servir dans des appareils pour la médecine et donc être admissibles au traitement en franchise de droits.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Le 12 mars 2010, Beckman Coulter présentait une demande de décision anticipée relativement au classement tarifaire des marchandises en cause. Le 17 mars 2010, l’ASFC rendait une décision anticipée aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, dans laquelle elle classait les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3926.90.90 à titre d’autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des positions nos 39.01 à 39.14, n’étant pas admissibles au traitement en franchise de droits prévu au numéro tarifaire 9977.00.00.

4. Le 11 juin 2010, Beckman Coulter demandait une révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi. Le 16 décembre 2010, l’ASFC confirmait la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(4).

5. Le 3 mars 2011, Beckman Coulter interjetait le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

6. Le 20 septembre 2011, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Albert R. Moser, directeur du service régional chez Beckman Coulter, a témoigné au nom de Beckman Coulter. L’ASFC n’a fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

7. Les marchandises en cause sont fabriquées par Gates Corporation et importées par Beckman Coulter auprès de Beckman Coulter Inc. de Fullerton (Californie). La documentation sur les produits au dossier indique que les courroies trapézoïdales Polyflex® sont constituées d’un corps en polyuréthane léger et de cordes de traction en polyester et servent à diverses applications d’entraînement, y compris dans des machines-outils, périphériques, équipements médicaux, équipements de bibliothèque, petits appareils électroménagers, systèmes d’entraînement de ventilateur et machines à bois4.

8. Selon Beckman Coulter, les marchandises en cause sont importées en tant que courroies de transmission de remplacement devant être utilisées dans ses centrifugeuses à grande capacité de la série J6 (centrifugeuses J6).

9. Beckman Coulter a déposé comme pièce un échantillon des marchandises en cause5. L’ASFC n’a déposé aucune pièce.

ANALYSE

Cadre législatif

10. Dans des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

11. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes6. L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation7. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.

12. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[8] et les Règles canadiennes[9] énoncées à l’annexe. »

13. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi10. Le classement commence donc par l’application de la Règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »

14. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12] et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes). » Par conséquent, contrairement aux notes de sections et de chapitres, les Notes explicatives ne lient pas le Tribunal dans son classement des marchandises importées. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a déclaré que ces notes devaient être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire13.

15. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

Classement tarifaire en cause

16. Dans le présent appel, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.90.90 à titre d’autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des positions nos 39.01 à 39.1414. La seule source du différend entre les parties et, par conséquent, la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans le numéro tarifaire 9977.00.00 et donc être admissibles au traitement en franchise de droits.

17. Le chapitre 99, qui comprend le numéro tarifaire 9977.00.00, prévoit des dispositions de classement spéciales qui permettent que des marchandises soient importées au Canada en franchise de droits. Puisque aucune des positions du chapitre 99 n’est subdivisée au niveau des sous-positions ou des numéros tarifaires, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des Règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si des marchandises peuvent être classées dans ce chapitre. De plus, puisque le Système harmonisé réserve le chapitre 99 à des fins de classement spécial (c.-à-d. à l’usage exclusif de pays pris individuellement), il n’y a pas d’Avis de classement ni de Notes explicatives à prendre en compte.

18. La section XXI, qui comprend le chapitre 99, ne comporte pas de notes de section. Cependant, le Tribunal considère que les notes 3 et 4 du chapitre 99 sont pertinentes dans le cadre du présent appel. Elles prévoient ce qui suit :

3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

4. Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitres 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres.

19. Conformément à la note 3 du chapitre 99, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le chapitre 99 que si elles ont préalablement été classées dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97. Comme il est indiqué ci-dessus, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.90.90 du chapitre 39. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal accepte ce classement. Par conséquent, aux fins du présent appel, le Tribunal est d’avis que la condition énoncée à la note 3 du chapitre 99 est satisfaite.

20. La seule question en litige qui demeure devant le Tribunal consiste donc à déterminer si les marchandises en cause satisfont aux conditions du numéro tarifaire 9977.00.00, lequel prévoit ce qui suit :

9977.00.00 Articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l’art dentaire ou l’art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuels;

[...]

21. Beckman Coulter soutient que les marchandises en cause sont des articles devant servir dans des appareils pour la médecine. Par conséquent, pour être admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9977.00.00, les marchandises en cause doivent être 1) des articles 2) devant servir dans 3) des appareils pour la médecine.

« Articles »

22. Bien que le terme « articles » ne soit pas défini aux fins du numéro tarifaire 9977.00.00, l’ASFC ne s’oppose pas à la description des marchandises en cause par Beckman Coulter comme étant des « articles ».

23. En se fondant sur l’usage courant du terme15, le Tribunal est d’accord pour dire que les marchandises en cause sont des articles.

« Devant servir dans »

24. Le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes définit l’expression « devant servir dans » ou « devant servir à » comme il suit :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation.

25. Beckman Coulter soutient que les marchandises en cause sont « incorporées » à d’autres marchandises. À cet égard, Beckman Coulter renvoie à la définition suivante du verbe « incorporate » (incorporer) du Webster’s New World Dictionary of the American Language : « Incorporer 1. combiner ou joindre à une chose déjà formée; intégrer à autre chose; inclure; englober 2. réunir en un tout; fusionner [...] »16 [traduction].

26. L’ASFC ne semble pas contester le fait que les marchandises en cause peuvent être « incorporées » aux centrifugeuses J6. Elle soutient plutôt que les marchandises en cause ont un caractère générique, peuvent servir dans plusieurs applications et ne sont pas spécifiquement conçues ou réservées aux centrifugeuses et que leur taille n’est pas déterminée en fonction de celles-ci.

27. À première vue, la définition des expressions « devant servir dans » et « devant servir à » au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes ne nécessite pas que les marchandises soient destinées à être utilisées uniquement ou exclusivement dans les autres marchandises. Par conséquent, l’ASFC demande au Tribunal d’interpréter la définition de « devant servir dans » et « devant servir à » comme signifiant que les marchandises doivent être façonnées ou incorporées à d’autres marchandises pour lesquelles elles ont été spécifiquement conçues ou qu’elles soient jointes à celles-ci. Cependant, si le Parlement avait eu une telle intention, il aurait facilement pu l’indiquer expressément17.

28. Par ailleurs, l’ASFC n’a pas indiqué et le Tribunal ne voit pas de raison de déduire une telle intention. Comme le fait remarquer Beckman Coulter, l’ASFC elle-même traite certaines marchandises comme « devant servir dans » ou « devant servir à » d’autres marchandises mentionnées dans d’autres parties du chapitre 99 (c.-à-d. le numéro tarifaire 9948.00.00) même lorsque ces marchandises peuvent être utilisées avec d’autres marchandises qui ne sont pas mentionnées dans le numéro tarifaire, dans la mesure où les importateurs démontrent que les marchandises en question sont effectivement utilisées à même les autres marchandises mentionnées dans le numéro tarifaire18. Le Tribunal a déjà jugé cette approche appropriée, voire nécessaire en ce qui concerne l’interprétation de telles dispositions. Dans Entrelec Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada19, dont le dossier montrait que 14 p. 100, en valeur, des marchandises servaient effectivement aux appareils de processus industriel, le Tribunal a conclu que les marchandises « devaient servir aux » appareils de processus industriel. Le critère de « l’utilisation effective » a été maintenu par la Cour d’appel fédérale20.

29. En l’espèce, l’ASFC a admis que les marchandises en cause servent à faire fonctionner les centrifugeuses J621.

30. Puisque le fait que les marchandises en cause servent effectivement aux centrifugeuses J6 et que, lorsque c’est le cas, les marchandises en cause sont incorporées ou jointes aux centrifugeuses J6 n’est pas contesté, le Tribunal conclut que les marchandises en cause « doivent servir dans » les centrifugeuses J6.

« Appareils pour la médecine »

31. L’ASFC soutient que les centrifugeuses J6 ne peuvent pas être des appareils pour la médecine parce que, aux fins du classement dans les chapitres 1 à 97, les centrifugeuses sont classées dans la position no 84.21 et non dans la position no 90.18, laquelle, comme le numéro tarifaire 9977.00.00, mentionne les appareils pour la médecine. La position no 84.21 mentionne spécifiquement les « centrifugeuses » et les centrifugeuses ne figurent pas dans la liste donnée à titre d’exemple dans la partie I des Notes explicatives de la position no 90.1822.

32. Beckman Coulter n’est pas en désaccord avec le fait que les centrifugeuses sont classées dans la position no 84.2123. Cependant, elle soutient que, dans Fenwick Automotive Products Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada24, le Tribunal a remarqué que, puisque le chapitre 99 prévoit des dispositions de classement spécial qui permettent à certaines marchandises importées de bénéficier d’un allégement tarifaire, il n’y a pas de Notes explicatives à prendre en considération. Beckman Coulter interprète cette décision comme corroborant la position selon laquelle le chapitre 99 doit être interprété sans tenir compte de notes explicatives, y compris celles de la position no 90.1825.

33. Le Tribunal interprète Fenwick de façon plus étroite; à son avis, cette décision reconnaît tout simplement le fait que le chapitre 99 ou les positions qu’il contient ne comportent pas de Notes explicatives. Cette distinction est importante puisque, comme il a été mentionné, les Notes explicatives doivent être respectées, y compris celles de la position no 90.18, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire, et la note 4 du chapitre 99 énonce que les mots et expressions utilisés dans ce chapitre ont le même sens que dans les chapitres 1 à 97.

34. Par conséquent, dans la mesure où les mots et expressions utilisés dans le numéro tarifaire 9977.00.00 (en particulier les appareils pour la médecine) ont le même sens que celui qu’ils ont dans la position no 90.18 et où les Notes explicatives de la position no 90.18 donnent le sens de ces mêmes mots, le Tribunal doit alors tenir compte de ces notes explicatives à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire.

35. Cela dit, cependant, les notes explicatives ou les notes légales peuvent indiquer un classement tarifaire particulier aux fins des chapitres 1 à 97 sans donner le sens des mots et des expressions qui y sont utilisés. Par exemple, une note explicative pourrait simplement indiquer qu’un certain produit est inclus dans une position particulière ou en est exclu. Si tel était le cas, cette note ne serait pas pertinente aux fins du chapitre 99.

36. En fait, c’est le cas en l’espèce. La partie I des Notes explicatives de la position no 90.18 donne à titre d’exemple une liste des produits particuliers compris dans cette position. En outre, la note q) des Notes explicatives de la position no 90.18 exclut les appareils de la position no 90.27 utilisés en laboratoires pour l’examen du sang, position dont les Notes explicatives excluent quant à elles les centrifugeuses et les renvoient à la section XVI (position no 84.21). Ces notes éclairent la portée des marchandises que le Parlement souhaitait voir classées dans la position no 90.18, mais elles ne définissent pas spécifiquement les mots « appareils » ou « médecine ».

37. À titre d’illustration supplémentaire, le Tribunal remarque que le numéro tarifaire 9978.00.00, par exemple, renvoie expressément aux articles et matières devant servir à la fabrication d’instruments, d’appareils et de leurs parties de la position no 90.18. Cela implique clairement que, si le Parlement avait souhaité que les appareils pour la médecine du numéro tarifaire 9977.00.00 soient limités aux appareils pour la médecine de la position no 90.18, il aurait présumément libellé ce numéro tarifaire de cette manière. En l’absence d’un tel renvoi croisé, le Tribunal doit accepter tels quels les termes figurant dans le numéro tarifaire sauf, comme il est indiqué précédemment, lorsque ces mots et expressions sont définis ailleurs dans la nomenclature tarifaire.

38. Par conséquent, le fait que les centrifugeuses J6 ne soient pas classées dans la position no 90.18 ne signifie pas nécessairement qu’elles ne sont pas des appareils pour la médecine au sens et aux fins du numéro tarifaire 9977.00.00.

39. Le Tribunal doit maintenant déterminer si les centrifugeuses J6 sont 1) des appareils 2) pour la médecine.

40. À l’appui de sa position selon laquelle les centrifugeuses J6 sont des appareils, Beckman Coulter invoque la définition suivante du mot « appliance » (appareil) du Webster’s New World Dictionary of the American Language : « Appareil 1. [rare] l’action d’appliquer; application [cette première définition n’existe pas en français] 2. dispositif ou machine pour exécuter une tâche précise, en particulier activé mécaniquement ou au moyen de l’électricité [les cuisinières, les fers à repasser, etc., sont des appareils électroménagers] »26 [traduction]. Beckman Coulter renvoie également à la décision du Tribunal dans Teledyne Canada Mining Products c. Sous-M.R.N.D.A.27, dans laquelle « [l]e terme “appliance” (appareil) est défini, en partie, comme suit : “thing applied as means to an end; utensil, device, equipment ([...] ensemble d’éléments qui concourent au même but, un ustensile, un instrument, un équipement) »28.

41. Le Tribunal remarque aussi que, dans Rona Corporation Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada29, le mot « appliance » est défini comme il suit :

35. Quant à la question de savoir si les marchandises en cause sont des appareils, le Tribunal fait remarquer que le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « appliance » (appareil) comme suit : « [...] un dispositif ou un engin électrique ou à essence utilisé pour une tâche précise, surtout pour des tâches domestiques comme laver la vaisselle, etc. [...] » [traduction]. Il définit également le terme « device » (dispositif) comme suit : « [...] 1 a un objet fabriqué ou adapté à une fin particulière, surtout un instrument mécanique [...] » [traduction]. De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve au dossier indiquent clairement que les marchandises en cause sont des dispositifs ou « objets » électriques qui sont utilisés pour accomplir une tâche précise ou qui sont fabriqués à une fin précise et sont donc des appareils.

[Notes omises, nos italiques]

42. Selon M. Moser, la centrifugeuse J6 est « [...] un dispositif utilisé pour séparer des macromolécules de tailles et de densités variées »30 [traduction].

43. L’ASFC ne semble pas contester la position de Beckman Coulter selon laquelle les centrifugeuses J6 sont des appareils.

44. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que les centrifugeuses J6 répondent à la définition du terme « appliance ».

45. Beckman Coulter soutient que les centrifugeuses J6 sont des appareils « pour la médecine » [traduction]. Elle prétend qu’il n’y a pas d’exigence que les appareils soient utilisés « directement » [traduction], « uniquement » [traduction] ou « exclusivement » [traduction] en médecine31. Si le Parlement avait eu l’intention d’imposer des restrictions au numéro tarifaire 9977.00.00, il l’aurait fait expressément comme c’est le cas, par exemple, pour le numéro tarifaire 9988.00.00 : « Appareils [...] lorsqu’ils sont utilisés, selon le cas : a) directement pour l’enseignement ou pour la recherche [...]. »

46. Citant Erin P. Patton c. Sa Majesté La Reine32, Beckman Coulter fait remarquer que, selon la Cour canadienne de l’impôt, le terme « médical » peut signifier soit « [...] “lié à la science de la médecine” soit “lié à la pratique de la médecine” »33. Dans la même décision, le mot « medicine » (médecine) est défini comme il suit dans le Canadian Oxford Dictionary : « [...] science ou pratique du diagnostic, du traitement et de la prévention des maladies [...] »34 [traduction]. Beckman Coulter soutient également que le terme anglais « medical » (médical) doit recevoir une interprétation large et renvoie à la définition suivante du Webster’s New World Dictionary of the American Language : « Médical, médecin, mesurer, considérer, sage conseiller, docteur, d’où anc. angl. metan, mesurer 1. afférent ou lié à la médecine ou à la pratique ou à l’étude de la médecine 2. var. rare de MÉDICINAL [cette deuxième définition n’existe pas en français] »35 [traduction].

47. L’ASFC soutient que les centrifugeuses ne sont pas suffisamment spécialisées pour la médecine pour être considérées comme des appareils médicaux, puisqu’elles ont une grande variété d’utilisations. L’ASFC renvoie aux définitions de « centrifuge » (centrifugeuse) données dans le Canadian Oxford Dictionary : « Une centrifugeuse est une “machine dotée d’un dispositif à rotation rapide destiné à séparer les liquides des solides ou d’autres liquides (p. ex. la crème du lait)” » [traduction], dans le Taber’s Cyclopedic Medical Dictionary : « Une centrifugeuse est un “dispositif qui fait tourner des tubes à essai à vitesses élevées. Sous la force centrifuge, les particules lourdes présentes dans le liquide se déposent au fond des tubes et le liquide plus léger monte à la surface. Lorsque le sang non coagulé est centrifugé, le plasma monte à la surface et les globules rouges plus lourds se déposent au fond du tube. Les globules blancs sont plus lourds que le plasma mais plus légers que les globules rouges. Ils forment donc une couche mince entre les globules rouges et le plasma [...]” » [traduction] et dans le Perry’s Chemical Engineers’ Handbook : « “l’utilisation de centrifugeuses comprend un grand nombre d’applications, de la séparation de particules fines de carbonate de calcium de moins de 10 µm au charbon grossier de 0,013 m (1/2 po)” »36 [traduction].

48. Dans son témoignage, M. Moser a indiqué que les centrifugeuses J6 sont « [...] conçues pour le marché, notamment des clients tels que la Société canadienne du sang, Héma-Québec, des hôpitaux, des laboratoires d’essais cliniques, des sociétés similaires à Charles River »37 [traduction], qui réalisent des essais cliniques pour des sociétés pharmaceutiques. Pour l’essentiel, le sang ou d’autres liquides organiques sont traités dans la centrifugeuse afin d’en séparer les différents éléments. Un technicien qualifié retire les échantillons des centrifugeuses puis passe à l’étape suivante du processus, qui consiste en une analyse effectuée par un médecin ou un autre professionnel38. Les résultats sont examinés soigneusement par des techniciens responsables ou des professionnels de la santé39.

49. En se fondant sur les éléments de preuve irréfutés, le Tribunal est d’avis que les centrifugeuses J6 sont suffisamment spécialisées pour la médecine.

50. À cet égard, le Tribunal accepte l’argument de Beckman Coulter selon lequel les termes du numéro tarifaire 9977.00.00, « [...] appareils pour la médecine [...] », n’exigent pas que les appareils soient utilisés directement ou exclusivement en médecine. Si le Parlement avait eu l’intention d’imposer des restrictions au numéro tarifaire 9977.00.00, il l’aurait fait expressément40.

51. Comme le remarque Beckman Coulter, la jurisprudence donne au terme « médecine » une interprétation large. Le Tribunal remarque également que le terme « medical sciences » (médecine) est défini comme « la science du maintien de la santé et de la prévention et du traitement des maladies »41 [traduction]. Le terme « medical » (médical) est défini comme il suit dans le Shorter Oxford English Dictionary : « 1 Lié à la science ou à la pratique de la médecine en général; lié à la médecine par opposition à la chirurgie. b Lié aux états nécessitant un traitement ou un diagnostic médical (spéc. par opposition à chirurgical) »42 [traduction]. Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary définit le terme « blood test » (analyse de sang) comme il suit : « analyse du sang, spéc. test sérologique visant à détecter la présence de substances indicatives de maladies [...] ou d’agents pathogènes »43 [traduction].

52. Selon le témoignage de M. Moser, bien que les centrifugeuses J6 ne soient pas utilisées exclusivement en médecine, elles sont souvent utilisées dans les hôpitaux44 par des techniciens qualifiés afin d’analyser les résultats d’analyses de sang ou d’autres liquides organiques et de poser le diagnostic. Il est également clair que l’analyse médicale du sang ou d’autres liquides organiques dans le but de poser un diagnostic ou prévenir des maladies serait impossible sans l’utilisation de centrifugeuses, soit les centrifugeuses J6.

53. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut, d’après les éléments de preuve au dossier, que les centrifugeuses J6 sont des appareils « pour la médecine ».

Conclusion

54. Les marchandises en cause sont des articles devant servir dans des appareils pour la médecine du numéro tarifaire 9977.00.00.

55. Par conséquent, l’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Le numéro de pièce indique que les courroies ont une largeur supérieure de 5 mm et une longueur de 475 mm.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-05A, onglet 18 aux pp. 1, 7.

5 . Pièce A-01.

6 . Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

7 . Le Tribunal remarque que l’article 13 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31, prévoit que les versions anglaise et française d’une loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur. Par conséquent, le Tribunal peut examiner les versions française et anglaise de l’annexe du Tarif des douanes pour l’interprétation de la nomenclature tarifaire.

8 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

10 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

11 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

12 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives].

13 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13, 17.

14 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-03A au para. 13; pièce du Tribunal AP-2010-065-05A, onglet A au para. 17; Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, à la p. 23.

15 . Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., définit « article » comme il suit : « 1 une chose particulière ou distincte, surtout faisant partie d’un ensemble [...]. »

16 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-03A au para. 40.

17 . Le Tribunal a déjà soulevé cette question dans Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE).

18 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-08A, onglet 1.

19 . (17 mars 2003), AP-2000-051 (TCCE).

20 . Entrelec Inc. c. Canada (Minister of National Revenue), 2000 CanLII 16268 (CAF).

21 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-05A au para. 2.

22 . Ibid. aux para. 21-30.

23 . Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, à la p. 23.

24 . (11 mars 2009), AP-2006-063 (TCCE) [Fenwick].

25 . Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, à la p. 19.

26 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-03A au para. 21.

27 . (12 avril 1994), AP-93-019 (TCCE) [Teledyne].

28 . Teledyne à la p. 5.

29 . (15 février 2011), AP-2009-072 (TCCE).

30 . Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, at 7-8.

31 . Ibid. à la p. 14; pièce du Tribunal AP-2010-065 aux para.18, 19.

32 . 2005 CCI 704 [Patton].

33 . Patton au para. 23.

34 . Patton au para. 24.

35 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-03A au para 30.

36 . Pièce du Tribunal AP-2010-065-05A au para. 19.

37 . Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, à la p. 8.

38 . Ibid. aux pp. 10, 11, 12.

39 . Ibid. aux pp. 12, 13.

40 . Agri-Pack c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (2 novembre 2004), AP-2003-010 (TCCE), au para 34; Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE).

41 . The Free Dictionary à l’adresse http://www.thefreedictionary.com.

42 . Cinquième éd., s.v. « medical ».

43 . Onzième éd., s.v. « blood test ».

44 . Transcription de l’audience publique, 20 septembre 2011, à la p. 12.