PILLAR CONSTRUCTION LTD.

Décisions


PILLAR CONSTRUCTION LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-89-122

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 25 octobre 1990

Appel no AP-89-122

EU ÉGARD À un appel entendu les 19 et 20 mars 1990, en vertu de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise concernant une décision rendue par le ministre du Revenu national le 31 mai 1988.

ENTRE

PILLAR CONSTRUCTION LTD. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.



Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Taxe de vente - Ponceaux intégrés à des routes d'accès à des concessions - Exemption de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) - Signification du terme «appareil» - Catégorie de personnes autorisées à demander un remboursement en vertu de l'article 68 de la Loi.

Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.22 de la Loi par Pillar Construction Ltd. (Pillar) en vue de faire renverser une décision du ministre du Revenu national (le Ministre), qui a rejeté sa demande de remboursement de la taxe de vente payée sur les ponceaux achetés aux fins de la construction de routes d'accès à des concessions. Le 17 mai 1988, Pillar a déposé une demande de remboursement de 1 403,77 $ à l'égard de ces marchandises. La demande a été rejetée parce que les ponceaux ne sont pas considérés comme des appareils utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux, comme le précise l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Pillar a déposé un avis d'opposition à cette détermination le 23 août 1988. Le Ministre n'ayant pas envoyé d'avis de décision, Pillar en a appelé de la détermination auprès du Tribunal, le 16 mars 1989.

Le présent appel a pour but de déterminer si les ponceaux achetés par Pillar et intégrés à des routes d'accès à des concessions constituent des appareils et, dans l'affirmative, s'ils sont utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel, au sens de l'alinéa 1j). Il convient également de déterminer si Pillar, un utilisateur final, a le droit de réclamer un remboursement de la taxe de vente payée sur les ponceaux, conformément à l'article 68 de la Loi.

Jugement : L'appel est rejeté. Le Tribunal considère que les ponceaux en cause ne constituent pas un appareil au sens ordinaire du terme. Pour être considéré comme un appareil, un ponceau devrait se composer d'un certain nombre de pièces interreliées, chacune possédant une fonction propre. Dans la cause présente, les ponceaux ne se composent pas de pièces; ils sont simplement joints l'un à l'autre pour constituer un plus long ponceau. Le Tribunal est également d'avis que les éléments de preuve déposés n'indiquent pas que la construction d'une route d'accès et, par conséquent, l'intégration des ponceaux à la route, constituent un aspect nécessaire de l'exploration, de la découverte ou de la mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel. Compte tenu de ces conclusions, le Tribunal ne juge pas nécessaire de déterminer si l'appelante, à titre d'utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente payée sur lesdits ponceaux.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Dates de l'audience : Les 19 et 20 mars 1990 Date de la décision : Le 25 octobre 1990
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant W. Roy Hines, membre Michèle Blouin, membre
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Blair M. Geiger, pour l'appelante Linda J. Wall, pour l'intimé
Causes citées : Consolidated Denison Mines Limited and the Rio Tinto Mining Company of Canada Limited et al. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise (1963-1966) 3 R.C.T. 34; Leonard Pipeline Contractors Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1979) 6 R.C.T. 907, confirmée par la C.F.A. (1980) 2 C.E.R. 119.
Lois et règlements cités : Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, par. 50(1) et 51(1), art. 68 et 81.22, alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III (dans sa forme modifiée).
Dictionnaires cités : Webster's Third New International Dictionary; Funk and Wagnalls New Standard Dictionary.





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) par Pillar Construction Ltd. (Pillar) en vue de faire renverser la Décision no ALB52224 rendue par le ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Ministre), le 31 mai 1988, dans laquelle ce dernier rejettait la demande soumise par Pillar aux fins du remboursement d'une somme de 1 403,77 $ au titre de la taxe fédérale de vente sur l'achat de ponceaux.

Pillar demande au Tribunal de déclarer que certains ponceaux utilisés pour la construction de routes d'accès à des concessions de pétrole soient exemptés de la taxe de vente en vertu de l'article 51 de la Loi, car lesdits ponceaux constituent des «machines et appareils» au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

LES FAITS

Pillar est un constructeur qui a conclu certains contrats en vue de la construction de routes d'accès à des concessions de pétrole et de gaz et de l'aménagement de ces terrains. Les marchandises en cause sont des ponceaux composés de tuyaux en acier ondulé fabriqués à partir de tubes d'acier galvanisé dont les parois ont une longueur, un diamètre et une épaisseur préétablis. Les ponceaux sont intégrés à des routes d'accès à des concessions au cours de la construction des routes. Ils favorisent l'écoulement de l'eau et empêchent les refoulements sur les routes, ce qui améliore et maintient l'accès aux concessions.

Pillar a déposé la Demande de remboursement no 1311 auprès de Revenu Canada, Douanes et Accise, le 17 mai 1988. Cette demande, au montant de 1 403,77 $, portait sur la période comprise entre le 20 mai 1984 et le 31 mars 1988.

Le Ministre a rendu l'Avis de détermination no ALB52224 le 31 mars 1988, rejetant la demande de l'appelante aux fins du remboursement de la taxe payée sur l'achat desdits ponceaux. Le Ministre a déclaré dans l'avis de détermination que lesdits ponceaux ne constituaient pas des appareils utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux, comme il est précisé à l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Pillar a déposé un avis d'opposition à cette détermination, le 23 août 1988. Le Ministre n'ayant pas envoyé d'avis de décision, Pillar en a appelé de la détermination du Ministre auprès du Tribunal, en vertu de l'article 81.22 de la Loi, dans une lettre datée du 16 mars 1989.

À l'audience, le président de Pillar, M. James Rinn, a comparu au nom de l'appelante. Il a déclaré au Tribunal que Pillar s'occupe principalement de l'aménagement de concessions de pétrole et de gaz, de construction de routes d'accès à des concessions et de construction de pipelines. Il a expliqué qu'une concession représente le terrain réservé à une plate-forme de forage. Pour aménager la concession, l'appelante élimine les broussailles du terrain, prépare l'accès à la plate-forme de forage et à l'équipement de soutien nécessaire à la concession, nivelle le terrain pour la plate-forme de forage et creuse un puisard servant à l'élimination des déchets liquides de forage.

Le témoin a ajouté que la construction d'une route d'accès à une concession commence à la route d'accès la plus proche et se termine à l'emplacement de la plate-forme de forage. Il a déposé une série de documents intitulés «Marché de services» (pièce B-1), auxquels étaient jointes les conditions générales du document intitulé Mineral Surface Lease Approval, une copie du plan d'arpentage indiquant l'accès à la concession, une copie de la facture qu'a envoyée Pillar à la compagnie pétrolière pour le paiement du projet, un document d'appui approuvé par le client et les factures de tiers aux fins de l'acquisition des ponceaux, un document d'appui destiné à la compagnie pétrolière indiquant le montant payé par Pillar pour l'acquisition des ponceaux, de même qu'une demande de remboursement.

Le témoin a décrit les ponceaux utilisés dans un projet type : le ponceau est constitué d'un tuyau de métal galvanisé, ondulé, vendu sur le marché commercial en longueur de trois à sept mètres. Les ponceaux sont achetés en longueurs réduites puis assemblés au moyen d'un manchon de métal pour obtenir la longueur désirée. Le diamètre des ponceaux varie de 12 à 60 po. Le témoin a déclaré qu'à sa connaissance, la plupart des routes d'accès comportent au moins un ponceau, selon la condition du terrain et les aires de drainage.

M. Jerry Ault, spécialiste en taxe de vente depuis 1988, a déclaré qu'il a été embauché par Pillar pour préparer la demande de remboursement en cause. Pour ce faire, il a examiné les factures relatives à ce projet et s'est entretenu avec le personnel du service de la comptabilité de Pillar pour obtenir des détails sur les achats. Il a précisé que chaque achat de ponceaux indiqué sur la demande de remboursement porte sur une route d'accès à un chantier d'exploration et que pour chacun des achats mentionnés dans la demande, la taxe fédérale de vente était incluse.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Le présent appel a pour but de déterminer si certains ponceaux achetés par l'appelante et intégrés à des routes d'accès aux concessions sont des «machines» ou des «appareils» et, si oui, s'ils sont «... utilisés dans des travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux» au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Il convient ensuite de déterminer si l'appelante, qui est un utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente payée sur lesdits ponceaux, conformément à l'article 68 de la Loi.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives applicables au présent appel sont les suivantes :

Loi sur la taxe d'accise [1]

50 (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

51 (1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III, excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de cette annexe qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 54(2).

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE CONDITIONNEMENT

ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

...

j) les machines et appareils, y compris le câble métallique, les trépans et le tubage du trou de tir pour sismographe, utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux;

L'ARGUMENTATION

L'appelante a d'abord fait valoir que les ponceaux en cause sont des «machines et des appareils» au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III. Sur ce point, elle s'en est remis à la cause opposant Access Corrosion Services Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [2] dans laquelle la Commission du tarif a examiné le sens du terme «appareil» et a conclu que ce terme a un sens assez large et qu'il est très utilisé dans un sens collectif et particulier.

L'appelante s'est également reportée à la définition du terme anglais «apparatus» (appareil) que l'on retrouve dans les dictionnaires et à la cause Consolidated Denison Mines Limited and the Rio Tinto Mining Company of Canada Limited et al. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [3] . Dans cette cause, la Cour de l'Échiquier a déterminé que le terme anglais «complex» tel qu'employé dans la définition du terme anglais «apparatus» défini dans le dictionnaire Funk and Wagnalls ne signifie pas qu'une chose est compliquée, mais qu'elle se compose de parties. En raison de cette décision, l'appelante a fait valoir que les ponceaux visés par le présent appel se composent de parties, et a insisté sur le témoignage de M. Rinn à l'égard du processus d'assemblage des ponceaux.

En deuxième lieu, l'appelante a déclaré que la question fondamentale consiste à déterminer si la construction de la route d'accès doit être envisagée comme un élément de la mise en valeur. Selon l'appelante, la construction de la route d'accès constitue un élément absolument essentiel de la mise en valeur ou de la découverte du pétrole et du gaz naturel. En fait, avant de mettre une concession en valeur, il est nécessaire de construire une route d'accès pour amener l'équipement et les travailleurs au chantier. Sans ponceau, il serait impossible de construire une route d'accès; et si une route d'accès était construite, elle pourrait être emportée par l'eau passant habituellement dans les ponceaux. Par conséquent, les ponceaux installés sous la route d'accès menant au chantier de forage de pétrole et de gaz doivent être considérés comme des marchandises utilisées dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III.

Pour appuyer ses allégations, l'appelante s'est reportée à la cause Ocelot Industries Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] dans laquelle la Commission du tarif a reconnu que l'expression «mise en valeur des ressources naturelles» est, de par sa nature propre, une expression très générale et englobe les activités directement liées et nécessaires à la mise en valeur des ressources.

En ce qui a trait à la deuxième question examinée dans le cadre du présent appel, à savoir si un utilisateur final peut demander un remboursement, l'appelante a soutenu que le Tribunal doit interpréter l'article 68 en tenant compte du contexte global de la Loi pour déterminer si la société Pillar est assujettie aux dispositions de cet article. Elle a prétendu qu'elle a droit à l'exemption de la taxe sur les ponceaux en cause. Ces produits ayant été acquis taxe incluse, l'appelante a versé des sommes supplémentaires prises en compte à titre de taxes entre l'acheteur et le vendeur au sens de l'article 68 de la Loi. Cet article ne se limite pas à une personne qui rembourse la taxe; il est suffisamment large pour englober les utilisateurs finals. Le requérant n'est pas tenu de détenir le statut de B®contribuable» pour avoir droit aux remboursements prévus par la Loi.

Enfin, l'appelante a soutenu que la politique ministérielle, en vertu de laquelle un utilisateur final qui achète des pièces polyvalentes doit payer la taxe et déposer ensuite une demande de remboursement, oblige l'utilisateur final à prouver au Ministère qu'il se servira desdites marchandises aux fins d'activités exemptées de la taxe. En raison de l'application de cette politique, le Ministère a reçu, en vertu de la Loi, des montants à titre de taxes qui n'auraient pas dû lui être versés. L'appelante a été privée de ces sommes. Le principe de l'enrichissement sans cause prévoit le remboursement des sommes versées par erreur à une partie lésée. À cet effet, l'appelante a cité la cause Consumers Glass Co. Ltd. v. Her Majesty The Queen in Right of Canada [5] .

L'intimé a prétendu qu'il revient à l'appelante de prouver qu'elle est admissible à un remboursement. Il a soutenu que l'article 68 porte sur les rapports entre le contribuable, qui est le fabricant ou le producteur des marchandises en vertu de la Loi, et le gouvernement fédéral. Ce contribuable entretient des rapports avec le gouvernement. Lorsqu'il produit ou fabrique des marchandises, il verse une taxe au gouvernement. Dans le cadre de ces rapports, il se peut que l'une des parties commette des erreurs et c'est justement, selon l'intimé, ce que vise l'article 68. La Loi dans son entier s'adresse aux contribuables qui sont des fabricants et des producteurs. L'appelante n'est pas un requérant admissible en vertu de l'article 68 de la Loi parce qu'elle est un utilisateur final. L'appelante n'est pas un contribuable au sens de la Loi. L'article 68 utilise les mots «Lorsqu'une personne... a versé des sommes d'argent par erreur... ». Dans le cas présent, la société Pillar n'a versé des sommes qu'au fournisseur pour les ponceaux qu'elle a achetés et utilisés dans le cadre des activités à l'étude.

Selon l'intimé, aucun élément de la présente cause ne la distingue d'autres causes portant sur ce même point. Notamment, il a attiré l'attention du Tribunal sur les causes Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national [6] et La Saugeen Indian Band et al. c. Sa Majesté la Reine [7] , dans lesquelles il a été décidé qu'un utilisateur final n'a pas droit à un remboursement en vertu de l'article 68.

L'intimé a ajouté que l'estoppel ne lie pas la Couronne et que, par conséquent, cette dernière n'est pas liée par l'interprétation du Ministère que l'appelante a appliquée. Cette interprétation ne représente que le point de vue du Ministère, à un moment donné, au sujet d'un point de droit. Par conséquent, l'intimé a conclu que l'appelante ne peut demander un remboursement en vertu de l'article 68.

Par contre, si le Tribunal considère que l'appelante peut demander un remboursement, l'intimé soutient que les ponceaux en cause ne sont pas des machines ou des appareils au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III. Ils ne sont pas des machines parce qu'ils ne comportent pas de pièces mobiles et ils ne sont pas des appareils parce qu'ils ne sont pas complexes. De par sa nature, un appareil est plus complexe : il renferme un ensemble de pièces mobiles conçues pour exécuter une certaine fonction. Un ponceau constitué essentiellement d'une pièce de tuyau qui peut ou non être jointe à une autre pour l'allonger ne peut représenter un appareil parce qu'il n'est pas suffisamment complexe. À cet égard, l'intimé s'est reporté à la cause Consolidated Denison [8] susmentionnée.

Par ailleurs, si les ponceaux constituent des machines ou des appareils, l'intimé soutient qu'ils ne respectent pas les conditions établies à l'alinéa 1j) parce qu'ils ne sont pas utilisés dans des travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux. L'intimé a fait remarquer que l'appelante n'a pas déposé d'éléments de preuve fournis par un expert au sujet de la signification de l'expression «exploration, découverte ou mise en valeur». Les témoins de l'appelante semblent présumer que les routes d'accès auxquelles les ponceaux sont intégrés sont probablement visées par l'expression «mise en valeur». De l'avis de l'intimé, il incombe à l'appelante de prouver que les activités en cause donnent droit à l'exemption. Par conséquent, le Tribunal doit s'en remettre à la jurisprudence. Notamment, l'intimé a cité trois causes, Leonard Pipeline Contractors Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , Conrad-Burtt Industries Ltd. et al. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [10] et Pembina Resources Limited c. Le ministre du Revenu national [11] dans lesquelles la signification de l'expression «exploration, découverte et mise en valeur» a été examinée.

Dans la cause Leonard, la Commission du tarif a décidé que l'expression «mise en valeur» telle qu'elle est utilisée dans l'industrie s'entend du forage des puits dans un gisement ou dans une zone de production prouvée. La Cour fédérale d'appel [12] a maintenu cette décision et a approuvé essentiellement la définition de l'expression «mise en valeur» que la Commission du tarif avait acceptée. Cette définition limite la mise en valeur au forage de puits dans un gisement prouvé.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

En vertu de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, les «machines et appareils... utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux» sont exemptés de la taxe de vente. Pour bénéficier de cette exemption, l'appelante doit d'abord prouver que les ponceaux en cause sont des machines ou des appareils au sens de cet alinéa. Le Tribunal ne croit pas que l'appelante tente de soutenir qu'il s'agit de machines. Il est plutôt d'avis qu'il convient de déterminer si les ponceaux sont des appareils. La Loi ne renferme aucune définition du terme «appareil». Par conséquent, il convient de se reporter aux définitions que renferment les dictionnaires.

Le Webster's Third New International Dictionary [13] définit ainsi le terme anglais «apparatus» :

2 a:a collection or set of materials, instruments, appliances, or machinery designed for a particular use ...

b: any compound instrument or appliance designed for a specific mechanical or chemical action or operation: MACHINERY, MECHANISM.

2 a: une collection ou un ensemble d'articles, d'instruments, d'accessoires, de machines destinés à un usage spécifique... (traduction)

b: tout instrument composé ou accessoire destiné à une action mécanique particulière ou chimique ou à une opération : MACHINES, MÉCANISME. (traduction)

Pour sa part, le New Standard Dictionary [14] , de Funk and Wagnalls, définit ainsi le terme anglais «apparatus» :

1.Any complex device or machine designed or prepared for the accomplishment of a special purpose;

1.Tout dispositif complexe ou machine destiné ou préparé pour remplir des fonctions spéciales; (traduction)

Les deux parties ont fondé leur point de vue sur la cause Consolidated Denison [15] susmentionnée. Dans cette cause, la Cour de l'Échiquier avait adopté la définition du terme anglais «apparatus» que l'on retrouve dans le dictionnaire Funk and Wagnalls et précisé que le terme anglais «complex» ne signifie pas nécessairement qu'une chose est compliquée, mais qu'elle se compose de pièces. Dans la cause Consolidated Denison, les boulons d'ancrage en cause comportaient trois pièces différentes et la Cour a décidé que ces pièces constituaient un appareil, ainsi qu'une machine.

Les éléments de preuve déposés dans la présente cause révèlent que les ponceaux sont des pièces de tuyau en métal galvanisé, ondulé, dont la longueur varie de trois à sept mètres et qui sont assemblées l'une à la suite de l'autre à l'aide d'un manchon de métal pour constituer un ponceau de la longueur désirée. De l'avis du Tribunal, les ponceaux ne se composent pas de pièces; ils sont simplement assemblés pour obtenir un ponceau plus long. Pour être considérés comme un appareil, ils devraient se composer d'un certain nombre de pièces interreliées qui auraient toutes une fonction propre. Dans le cas présent, tous les ponceaux ont la même fonction lorsqu'ils sont assemblés; ils permettent l'écoulement des eaux et empêchent les refoulements sur les routes.

En outre, les ponceaux n'ont pas pour fonction d'exécuter une opération mécanique ou autre. Ils ne visent qu'à favoriser le passage de l'eau sous la route. Ils exercent la fonction d'un pont. Or, nul ne saurait prétendre que des ponts sont des instruments ou des dispositifs. Par conséquent, le Tribunal en vient à la conclusion que les ponceaux en cause ne constituent pas des «appareils» au sens ordinaire du terme.

Pour ce qui est du deuxième élément nécessaire pour l'exemption prévue à l'alinéa 1j), le Tribunal est d'avis que l'appelante ne s'est pas acquittée de son fardeau de la preuve. Elle n'a pas fourni d'éléments de preuve révélant que la construction d'une route d'accès et, par conséquent, l'intégration des ponceaux dans la route constituent un élément essentiel de l'exploration, de la découverte ou de la mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux. En effet, l'appelante a présumé, comme l'a mentionné l'intimé, que les routes d'accès en cause sont englobées dans la définition de l'expression «mise en valeur».

À cet égard, le Tribunal note que toutes les activités de l'appelante dans la présente cause consistent à construire des routes d'accès aux concessions de pétrole et de gaz et à aménager lesdites concessions. L'appelante a construit à contrat un certain nombre de routes d'accès et y a intégré des ponceaux. Aucune de ces activités ne s'inscrit dans le cadre de l'exploration ou de la mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux. L'appelante construit des routes. Dans la décision Leonard [16] qui a été maintenue par la Cour fédérale d'appel [17] , la Commission du tarif a précisé qu'au sein de l'industrie, l'expression «mise en valeur», telle qu'elle est utilisée dans l'industrie, s'entend habituellement du forage des puits dans un gisement ou dans une zone de production prouvée. Bien qu'il puisse Aˆtre essentiel de construire une route d'accès à une concession pour y amener le personnel et l'équipement, ces installations de transport ne se rapportent pas nécessairement au forage des puits.

Compte tenu de ces conclusions, le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si l'appelante, comme utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente payée sur lesdits ponceaux.

En conséquence, l'appel devrait être rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée.

2. (1984) 9 R.C.T. 184.

3. (1963-1966) 3 R.C.T. 34.

4. (1983) 8 R.C.T. 763, à la page 770.

5. [1988] 2 C.T.C. 141 (F.C.T.D.).

6. Appel n o 2937 du Tribunal, le 21 août 1989.

7. 2 T.C.T., 4033, confirmé par la C.F.A. n o A-1227-88, le 7 décembre 1989.

8. Voir note 3.

9. (1979) 6 R.C.T. 907.

10. (1982) 8 R.C.T. 424.

11. Appel n o 2946 de la Commission du tarif, le 10 novembre 1988.

12. (1980) 2 C.E.R. 119 (C.F.A.).

13. G. & C. Merriam Company, Springfield, 1968.

14. Funk & Wagnalls, New York, 1963.

15. Voir note 3.

16. Voir note 9.

17. Voir note 12.


Publication initiale : le 16 mai 1997