HYALIN INTERNATIONAL (1986) INC.

Décisions


HYALIN INTERNATIONAL (1986) INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-89-013

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 10 mars 1992

Appel no AP-89-013

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 septembre 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 7 novembre 1988, concernant un avis d'opposition daté du 12 février 1988 en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

HYALIN INTERNATIONAL (1986) INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel est interjeté par Hyalin International (1986) Inc. à l'égard d'une décision rendue le 7 novembre 1988 par le ministre du Revenu national rejetant l'avis d'opposition de l'appelant. La période couverte va du 1 er mars 1983 au 31 décembre 1985.

Le 29 avril 1987, en vertu de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), l'appelant a présenté une demande de remboursement de la taxe de vente. Le montant réclamé s'élevait à 1 053 200 $. L'appelant prétend avoir commis une erreur dans l'établissement de son obligation fiscale et souhaite utiliser rétroactivement une valeur déterminée permise par le ministère du Revenu national.

DÉCISION : L'appel est rejeté. La méthode de la valeur déterminée ne possède aucun fondement législatif ou réglementaire. Durant la période visée par l'appel, l'appelant a payé la taxe sur le prix de vente, conformément à l'article 50 de la Loi. L'appelant désire avoir le bénéfice d'une concession administrative. Le Tribunal est d'avis que les sommes payées par l'appelant l'ont été conformément aux exigences de la Loi et qu'elles constituent, comme le stipule l'article 68, des taxes payées «... en vertu de la présente loi... ».

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 septembre 1991 Date de la décision : Le 10 mars 1992
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant W. Roy Hines, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Réjean Leroux, pour l'appelant Alain Lafontaine, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.] (la Loi).

L'appelant, Hyalin International (1986) Inc., est principalement engagé dans la fabrication de fenêtres en aluminium. Avant de prendre sa dénomination corporative actuelle, cette entreprise faisait affaire sous le nom de Groupe Cayouette Superseal Inc. Ce changement de nom a eu lieu à la suite de l'acquisition de ses actions, à l'automne 1985, par le Groupe Hervé Pomerleau Inc.

Le 29 avril 1987, en vertu de l'article 68 de la Loi, l'appelant a présenté une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale. La période couverte par cette demande va du 1er mars 1983 au 31 décembre 1985. Le montant de taxe de vente réclamé par l'appelant s'élève à 1 053 200 $. Le 15 janvier 1988, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a rendu un avis de détermination dans lequel il refusait la demande, au motif qu'une valeur déterminée ne peut être appliquée rétroactivement. L'appelant s'est opposé à cette détermination dans un avis d'opposition daté du 12 février 1988. Le motif alors invoqué par l'appelant était que l'utilisation rétroactive des valeurs déterminées énoncées dans la fiche de décision 3700.259/8-2, directive publiée par Revenu Canada et datée du 22 septembre 1983, aurait été accordée à d'autres contribuables dans des circonstances semblables. Le 7 novembre 1988, l'intimé a rendu un avis de décision rejetant l'avis d'opposition et ratifiant la détermination.

Le présent appel consiste à établir si une partie de la taxe de vente payée à l'égard des fenêtres en aluminium fabriquées et vendues par l'appelant est remboursable selon l'article 68 de la Loi, dans la mesure où l'appelant prétend avoir commis une erreur dans l'établissement de son obligation fiscale et souhaite utiliser rétroactivement une valeur déterminée permise par Revenu Canada.

M. René Mathieu, le témoin de l'appelant, a indiqué que le Groupe Cayouette Superseal Inc. avait remis la taxe fédérale sur son prix de vente, moins un escompte et les frais de transport. La demande de remboursement a été préparée à la suite d'une vérification comptable de l'entreprise récemment acquise et des recommandations d'une firme bien connue de comptables agréés, laquelle avait alors fait part à l'acquéreur de l'existence d'une valeur déterminée dans le domaine des portes et des fenêtres en aluminium et de son caractère rétroactif. En outre, M. Mathieu a exprimé l'avis que le refus de l'intimé de considérer l'utilisation rétroactive d'une valeur déterminée semblait contredire certains documents de Revenu Canada, dont la note de service du 19 mars 1980 envoyée par le Sous-ministre adjoint, Accise, aux directeurs régionaux de Revenu Canada, laquelle comportait autorisation d'utiliser des valeurs déterminées pour les portes et fenêtres en aluminium et en bois. Cette note, depuis abrogée, indiquait que les valeurs déterminées pouvaient être appliquées à partir du 17 novembre 1978 ou à compter de la date de l'octroi de la licence au fabricant. Enfin, M. Mathieu a ajouté que Revenu Canada avait autorisé en 1974, pour la première fois, les valeurs déterminées sur les fenêtres en aluminium et que, partant, ces valeurs ne sont pas assujetties au Mémorandum ET 202 qui, lui, fut adopté par Revenu Canada en décembre 1975.

Interrogé par l'avocat de l'intimé au sujet de la nature de l'erreur qui aurait été commise par l'appelant, M. Mathieu a souligné que cette erreur consisterait en l'oubli, de la part du Groupe Cayouette Superseal Inc., de la recommandation d'utiliser la valeur déterminée. Il appert que cette recommandation avait été faite au Groupe Cayouette Superseal Inc. par son vérificateur externe lors de vérifications antérieures. Ainsi, selon M. Mathieu, qui a dit avoir eu l'occasion de lire un rapport de vérification établi par ce vérificateur, «ça avait été recommandé fortement, mais étant donné que la compagnie était dans une situation précaire financièrement, ils l'ont carrément oubliée, la recommandation. L'erreur qu'il y a s'est produite là».

Le témoin principal de l'intimé, M. Jean-Paul L'Homme, occupe les fonctions de gestionnaire de district à l'Accise (district de Montréal-Est). Il a été, de 1984 à 1991, chef régional de la vérification avec, entres autres responsabilités, celle d'une section de remboursement. Après avoir expliqué qu'une valeur déterminée n'est pas prévue par la Loi et qu'elle n'est qu'une concession administrative, il a insisté sur le fait que «la politique du ministère a toujours été que la valeur déterminée commence à la date à laquelle le fabricant l'utilise pour la première fois» et qu'elle n'a pas d'effets rétroactifs. À cet égard, M. L'Homme s'est référé au paragraphe 3 de la partie II du Mémorandum ET 202 qui précise, d'une part, que le calcul de la taxe sur une valeur déterminée entre en vigueur à partir de la date où l'on commence à utiliser cette valeur déterminée et, d'autre part, qu'une valeur déterminée ne peut être appliquée rétroactivement dans le but de rajuster le montant de taxes qui ont été payées après avoir été calculées sur le prix de vente. Le Mémorandum ET 202, selon le témoin, incarne la politique générale de Revenu Canada en matière de valeurs imposables. Au sujet des quelques cas soulevés par l'appelant où la rétroactivité aurait été accordée par Revenu Canada, M. L'Homme a avancé l'explication d'une confusion occasionnée chez certains par la note de service du 19 mars 1980, laquelle fut abrogée en juin 1984. Cette confusion aurait ainsi eu pour effet, selon ce témoin, de permettre à quelques entreprises de bénéficier d'une valeur déterminée rétroactive.

Le représentant de l'appelant a argué que, dans la note de service du 19 mars 1980, la politique administrative autorisée par le Sous-ministre adjoint avait un effet rétroactif. Selon lui, des cas d'octroi rétroactif d'une valeur déterminée confirment cette rétroactivité. Ce n'est qu'en 1988 que Revenu Canada aurait opté pour la non-rétroactivité. L'avocat de l'intimé a rappelé la stipulation de non-rétroactivité contenue dans le Mémorandum ET 202. Délaissant la question de rétroactivité, il a plaidé qu'il ne saurait être question d'erreur à partir du moment où les sommes sont payées, comme en l'instance, par le contribuable conformément à la Loi. Les valeurs déterminées ne sont que des concessions administratives.

Le Tribunal est une création d'ordre statutaire. Sa juridiction ainsi que les pouvoirs qu'il exerce doivent tirer leur source de textes législatifs, tels la Loi sur la taxe d'accise et les règlements qui peuvent en découler. Le paragraphe 59(1) de la Loi stipule que le ministre des Finances ou le ministre du Revenu national (le Ministre) peut, selon le cas, par règlement, prendre toute mesure d'application de la Loi. Aucun des documents cités par l'appelant pour justifier le bien-fondé de sa réclamation quant à l'application rétroactive d'une valeur déterminée - i.e. la note de service du Sous-ministre adjoint du 19 mars 1980 aux directeurs régionaux, la fiche de décision 3700.259/8-2, le Mémorandum ET 202 qui est explicitement l'autorité sur laquelle cette fiche repose, les circulaires ou directives antérieures - n'a de racine réglementaire ou législative. Le Tribunal est d'avis que ces documents reflètent une politique administrative arrêtée par Revenu Canada qui n'a aucun fondement législatif ou réglementaire. Par conséquent, la méthode de la valeur déterminée ne possède aucune autorité juridique en soi, et le Tribunal ne peut faire prévaloir une telle méthode au détriment des stipulations de la Loi. Agir autrement serait pour le Tribunal agir à l'extérieur de sa juridiction.

En vertu de l'article 68, le Ministre se doit de rembourser au contribuable des sommes d'argent payées par erreur de fait, de droit ou autrement, sommes dont il a été tenu compte à titre de taxes, de pénalités ou d'intérêts «... en vertu de la présente loi... ». Le Tribunal doit déterminer si le Ministre a agi correctement dans sa décision de considérer que les sommes d'argent n'ont pas été payées par erreur au moment où il en a été tenu compte à titre de taxes en vertu la Loi, et ce, sans égard à la méthode choisie par le contribuable pour calculer la taxe. Durant la période visée par le présent appel, l'appelant a payé la taxe sur le prix de vente, conformément à l'article 50 de la Loi. Il prétend qu'il a commis une erreur en payant la taxe sur une base moins avantageuse que celle prévue dans la concession administrative de Revenu Canada dont, a-t-il allégué, il ignorait l'existence au moment où ont été faites ses remises de taxe. L'appelant en a appelé au Tribunal afin d'avoir le bénéfice d'une concession administrative. Le Tribunal est d'avis que les sommes payées par l'appelant l'ont été conformément aux exigences de la Loi et qu'elles constituent des taxes payées «... en vertu de la présente loi... ».

L'appel est rejeté.


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Publication initiale : le 15 mai 1997