DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS

Décisions


DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-89-234

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 6 avril 1992

Appel n o AP - 89 - 234

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 octobre 1991 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 18 septembre 1989 en vertu de l'alinéa 64a) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS Appelants

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis en partie. À l'exception des Hotchkiss de modèle 1914, des Browning de modèle 1918A2 et des Beretta de modèle 1918/30, les autres armes à feu en litige dans la présente cause ne sont pas des armes prohibées en vertu du Code criminel et, conséquemment, ne sont pas des armes offensives au sens du code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Les marchandises en question englobent 910 armes à feu de 23 modèles différents considérées comme des armes prohibées en vertu du Code criminel. En application du Tarif des douanes, les armes prohibées au sens du Code criminel sont considérées comme des armes offensives, et leur importation au Canada est prohibée en vertu de l'article 114 de la Loi sur les douanes. La compétence du Tribunal en l'instance était la première question du litige. Il s'agissait de savoir si le réexamen effectué par le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise l'avait été avant l'échéance de la prescription de deux ans visée à l'alinéa 64a) de la Loi sur les douanes. La deuxième question en litige consistait à savoir si les marchandises faisant l'objet de l'appel peuvent tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente au sens du Code criminel.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Selon les éléments de preuve, les modifications apportées aux Hotchkiss de modèle 1914, numéros de série 49301 et 7571, aux Browning de modèle 1918A2, numéros de série 635066 et 665636, et aux Beretta de modèle 1918/30, numéros de série 01622 et 01652, n'empêchaient pas leur utilisation en mode automatique, c'est - à - dire que ces armes pouvaient tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente. En l'absence d'éléments de preuve à l'appui du contraire, le Tribunal est également convaincu que tous ces modèles d'armes à feu ont sans doute été modifiés dans la même mesure. Le Tribunal conclut donc que tous les Hotchkiss de modèle 1914, les Browning de modèle 1918A2 et les Beretta de modèle 1918/30 en question sont des armes prohibées au sens du Code criminel, et donc des armes offensives au sens du code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes. Quant aux autres armes à feu en question, les éléments de preuve montrent que ces armes ne pouvaient tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente avant d'être modifiées par l'armurier du Service de police de Calgary. En conséquence, ces armes ne présentaient pas cette caractéristique au moment de leur importation. Elles ne sont donc ni des armes prohibées au sens du Code criminel, ni des armes offensives au sens du Tarif des douanes.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Dates de l'audience : Les 21 et 22 octobre 1991 Date de la décision : Le 6 avril 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : P. Keith Ibach, pour les appelants Bruce Logan, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) ayant décidé de classer les marchandises en question dans la catégorie des armes offensives, dont l'importation au Canada est prohibée en application de l'article 114 du Tarif des Douanes [2] .

Les marchandises en question englobent 910 armes à feu de 23 modèles différents, dont la liste figure à l'annexe A. Ces armes ont été importées au Canada le 4 août 1987. Le 12 août suivant, H.T. Higinbotham, le courtier en douanes dont les appelants avaient retenu les services, a demandé au bureau des douanes de Calgary d'autoriser l'entrée des marchandises au pays. Or, le 22 septembre suivant, un agent des douanes a saisi les marchandises dont il s'agit en application de l'article 110 de la Loi, leur importation étant réputée contraire aux dispositions de ladite loi ou de son règlement d'application. Cette décision a fait l'objet d'un appel auprès du ministre du Revenu national (le Ministre) en conformité de l'article 129 de ladite loi. Le 19 septembre 1989, soit près de deux ans après la saisie, le Ministre a rendu une décision à l'égard de la saisie en vertu de l'article 131. Le Ministre n'a relevé aucune infraction à la Loi ou à son règlement d'application relativement aux 910 armes à feu en question. Ces dernières demeuraient toutefois assujetties au classement tarifaire en vertu du Tarif des douanes. En fait, le 18 septembre 1989, le Sous-ministre avait classé les marchandises en tant qu'armes offensives au sens du code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes. Les armes offensives visées au code tarifaire 9965 comprennent les armes prohibées en vertu du Code criminel [3] , c'est-à-dire toutes celles pouvant tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente. Le Sous-ministre a procédé à un réexamen en application de l'alinéa 64a), qui lui permet de réexaminer le classement tarifaire de marchandises dans les deux ans qui suivent la décision rendue en conformité de l'article 58. Cette décision fait l'objet du présent appel.

Le présent litige comporte deux volets. Il s'agit d'abord de déterminer si le Tribunal a compétence en l'instance. L'avocat des appelants a soutenu que le Sous-ministre avait procédé au classement le 18 septembre 1989, soit après l'échéance de la prescription de deux ans prévue à l'alinéa 64a) de la Loi sur les douanes. Or, si tel avait été le cas, sa décision ne serait pas conforme à l'article 64 et le Tribunal n'aurait pas compétence car, en vertu du paragraphe 67(1), il ne peut entendre que les appels visant les décisions rendues conformément à l'article 63 ou 64 de la Loi. Il s'agit donc de déterminer, en premier lieu, si le Tribunal est correctement saisi d'un appel en vertu du paragraphe 67(1) ou, en d'autres mots, si la décision du Sous-ministre constitue un réexamen effectué conformément à l'alinéa 64a) de la Loi.

Le deuxième point en litige, soit le classement tarifaire lui-même, requiert une décision quant au sens de la définition d'«arme prohibée» visée par le Code criminel aux fins de classement tarifaire. Il s'agit donc de déterminer si les marchandises en question peuvent tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente.

1. La compétence du Tribunal

L'avocat des appelants a soutenu que, le 12 août 1987, les agents en douane disposaient de renseignements suffisants pour la déclaration en détail des marchandises en question. Il a ajouté que, malgré la saisie, aucune décision n'a été rendue dans les 30 jours suivant la déclaration en détail des marchandises. Il a ensuite déclaré que, selon le paragraphe 58(5) de la Loi, le classement tarifaire est considéré comme ayant été fait 30 jours après la date de la déclaration en détail, c'est-à-dire 30 jours après le 12 août 1987. Il s'ensuit, a conclu l'avocat, que l'agent ne pouvait rendre une nouvelle décision à l'égard des marchandises le 22 septembre 1987 et que, par conséquent, le réexamen effectué par le Sous-ministre le 18 septembre 1989 a eu lieu après l'échéance de la prescription de deux ans prévue à l'alinéa 64a) de la Loi.

L'intimé a soutenu que l'agent qui a procédé à la saisie, Mme Nancy Stratton, a également établi le classement tarifaire des marchandises, car elle a conclu qu'elles étaient prohibées. L'avocat de l'intimé a déclaré que les marchandises n'ont jamais fait l'objet d'une déclaration en détail et que l'absence d'une telle déclaration finale a donné à l'agent tout le temps voulu pour classer les marchandises. Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, l'agent des Douanes Stratton pouvait procéder au réexamen à tout moment avant la production de la déclaration en détail des marchandises, et c'est exactement ce qu'elle a fait le 22 septembre 1987. Or, comme la saisie et la «décision» remontent au 22 septembre 1987, le réexamen effectué par le Sous-ministre le 18 septembre 1989 a eu lieu avant l'échéance de la prescription de deux ans prévue à l'alinéa 64a).

Pour mieux comprendre l'objet du litige, il faut résumer les dispositions pertinentes de la Loi. Le paragraphe 32(1) stipule que le dédouanement des marchandises est subordonné à leur déclaration en détail et au paiement des droits afférents. Or, selon le paragraphe 32(2), le dédouanement peut s'effectuer sur la foi d'une déclaration provisoire dans les circonstances prévues par règlement. Dans ce cas, le paragraphe 32(3) précise que l'auteur de la déclaration provisoire doit produire une déclaration en détail dans le délai réglementaire. Selon le paragraphe 58(1), l'agent peut intervenir, soit avant, soit dans les trente jours suivant la déclaration en détail faite conformément au paragraphe 32(1) ou (3) pour effectuer le classement tarifaire des marchandises, ce qui signifie soit avant, soit dans les 30 jours de la déclaration en détail, le paragraphe 32(2), qui porte sur la déclaration provisoire, étant exclu de cette énumération. À défaut d'une décision de classement conforme au paragraphe 58(1), le paragraphe 58(5) stipule que le classement tarifaire est considéré comme ayant été fait 30 jours après la date de la déclaration en détail faite conformément au paragraphe 32(1) ou (3), ce qui signifie, ici encore, qu'une déclaration en détail est requise. Enfin, l'alinéa 64a) stipule que le Sous-ministre peut procéder au réexamen du classement tarifaire des marchandises dans les deux ans suivant le classement.

En l'instance, Mme Stratton, un agent du ministère du Revenu national qui a témoigné pour le compte du Ministre, a précisé qu'une déclaration provisoire avait été remise au bureau de douane de Calgary le 12 août 1987. Elle a ajouté qu'elle avait procédé au classement tarifaire des marchandises le 22 septembre 1987, lorsqu'elle a saisi les 910 armes à feu. Toutefois, les éléments de preuve montrent que la saisie a été effectuée en vertu de l'article 110 de la Loi, c'est-à-dire, selon une procédure distincte de celle prévue au paragraphe 58(1). L'article 110 stipule que l'agent peut confisquer des marchandises s'il croit qu'il y a eu infraction à la Loi ou à ses règlements. Le paragraphe 58(1) ne précise ni comment l'agent doit procéder au classement tarifaire, ni quelle doit être la décision.

Le Tribunal estime que, lorsque sa compétence est remise en question comme dans le cas présent, il doit s'assurer que la décision dont il est fait appel est conforme à la Loi, c'est-à-dire que les étapes débouchant sur ladite décision ont été franchies en conformité de la loi. Le Tribunal n'est pas une cour exerçant des fonctions judiciaires; il ne peut donc pas vérifier la suffisance de cette procédure. Il lui suffit d'être convaincu que la décision du Sous-ministre dont il est fait appel en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi est conforme à l'article 63 ou 64. Si les éléments de preuve versés au dossier et recueillis au cours de l'audience révèlent que la décision prise en vertu de l'alinéa 64a) a été rendue après l'échéance de la prescription de deux ans, le Tribunal doit conclure que cette dernière ne constitue pas une décision «prévue à l'article 64». Le Tribunal n'aurait alors pas compétence pour entendre la cause en application du paragraphe 67(1).

Cela dit, le réexamen stipule qu'il constitue une décision conforme à l'alinéa 64a) de la Loi, lequel alinéa se rapporte à une première décision rendue en conformité de l'article 58. Or, l'alinéa 64a) ne peut porter que sur une décision rendue en application du paragraphe 58(1). En effet, le paragraphe 58(5) stipule que le classement tarifaire est considéré comme ayant été fait dans certaines circonstances et ne s'applique pas en l'instance puisqu'il stipule ne pas s'appliquer à l'article 64 et exige le dépôt d'une déclaration en détail qui, selon le témoignage de l'agent en douane, n'a jamais été produite dans le présent cas. En outre, le fait que l'article 64 précise que l'auteur de la déclaration produite en vertu du paragraphe 32(1) ou (3) doit être avisé de la décision du Sous-ministre, ne signifie pas nécessairement, comme l'ont soutenu les appelants, qu'une déclaration en détail a été faite le 12 août 1987.

Le témoignage de Mme Stratton se résume comme suit : elle a reçu des documents à l'appui d'une déclaration provisoire; aucune déclaration en détail n'a été produite en raison de la saisie; enfin, elle a effectivement classé les marchandises au nombre de celles prohibées. Compte tenu de son témoignage, le Tribunal déclare que sa décision, de même que le réexamen du Sous-ministre, sont conformes au cadre législatif découlant des articles 32, 58 et 64 de la Loi. Le Tribunal est convaincu qu'aucune déclaration en détail n'a été produite le 12 août 1987 et que Mme Stratton a rendu une décision le 22 septembre suivant. Le Sous-ministre pouvait donc procéder à un réexamen en vertu de l'alinéa 64a) de la Loi le 18 septembre 1989, c'est-à-dire, moins de deux ans après le 22 septembre 1987. De l'avis du Tribunal, cela suffit pour conclure que les conditions régissant la compétence du Tribunal pour l'application du paragraphe 67(1) sont réunies.

2. Le classement des marchandises

En vertu de l'article 114 du Tarif des douanes, l'importation au Canada des marchandises énumérées à l'annexe VII est prohibée. Le code tarifaire 9965 de l'annexe VII interdit l'importation d'armes offensives, lesquelles englobent les armes à feu faisant partie des «armes prohibées» au sens donné à cette expression pour l'application de la partie III du Code criminel.

Selon l'article 84, partie III, du Code criminel [4] , l'expression «arme prohibée» désigne :

...

c) toute arme à feu, autre qu'une arme à autorisation restreinte décrite à l'alinéa c) de la définition de cette expression au présent paragraphe, pouvant tirer rapidement plusieurs balles pendant la durée d'une pression sur la détente (soulignement ajouté)

...

En l'instance, les marchandises ont été modifiées en Israël de manière à empêcher leur utilisation en mode automatique avant d'être importées au Canada, et le Tribunal doit déterminer si elles sont conformes à cette définition. Le Tribunal doit donc préciser le sens du mot «pouvant».

À l'audience, chacune des parties a cité un armurier à comparaître en qualité de témoin expert. Le témoin des appelants, M. David A. Tomlinson, est président de la National Firearms Association. Il a expliqué que les marchandises en question avaient été modifiées de l'une des deux façons suivantes : soit pour convertir des armes entièrement automatiques, pouvant tirer plusieurs balles pendant la durée d'une pression sur la détente, en armes semi-automatiques, lesquelles tirent une seule balle pendant la durée d'une pression sur la détente; soit pour convertir des armes entièrement automatiques en armes manuelles, lesquelles doivent être armées chaque fois que l'on fait feu. Il a illustré son témoignage à l'aide des marchandises en question déposées comme pièce.

À cet égard, l'avocat des appelants a soutenu que, selon les éléments de preuve, au moment où les armes en question ont été importées, elles ont été modifiées pour qu'elles ne puissent tirer qu'une seule balle pendant la durée d'une pression sur la détente. Il a enjoint le Tribunal d'interpréter le mot «pouvant» («is capable» dans la version anglaise) de la même façon que la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Hasselwander [5] , c'est-à-dire de lui donner le sens de

"capable in its present condition" rather than a capability which may be achieved by adaptation.

«capable dans son état actuel» plutôt qu'à la suite d'une adaptation.

[Traduction]

Il a également soutenu que la reconversion des armes à feu au mode automatique après leur importation au Canada constituerait une infraction criminelle, qu'il faudrait alors tenir compte de la notion de mens rea (intention criminelle), et que cette analyse n'est pas pertinente à des fins de classement tarifaire.

M. Gregory P. Greene, armurier du Service de police de Calgary, a témoigné pour l'intimé. Il a expliqué que le chargement a été séparé en piles selon le type d'arme, et que deux spécimens ont été prélevés au hasard de chaque pile et examinés. Il a décrit au Tribunal les techniques de conversion du mode automatique au mode non automatique, et de reconversion au mode automatique. La plupart des opérations ont pour effet de modifier le mécanisme de retour des gaz (sciage du piston ou du tube à gaz, brasage du boulon du conduit de retour des gaz, forage du frette de prise de gaz et pontage du régulateur de gaz, par exemple), du mécanisme de détente (démontage du bout de la barre ou du bloc de la détente et soudage affectant la détente, par exemple) ou du levier de sélection (soudage ou brasage du levier). Tous les échantillons ont été reconvertis pour vérifier leur capacité de tir en mode automatique. Presque toutes ces armes ont fait l'objet d'essais après avoir été reconverties. Selon la pièce B-1 intitulée «Weapons Classification for Canada Customs», le délai de reconversion, qui variait entre 30 secondes et 37 minutes, et le matériel requis étaient fonction de la technique employée pour convertir les armes au mode non automatique. Le témoin a également déclaré que six armes mentionnées dans la pièce B-2 intitulée «Examination of Weapons» pouvaient être utilisées en mode automatique tel que prélevées, c'est-à-dire après avoir été démontées, nettoyées et examinées pour contrôler les modifications. Il s'agit de deux Hotchkiss de modèle 1914, numéros de série 49301 et 7571, de deux Browning de modèle 1918A2, numéros de série 635066 et 665636, et de deux Beretta de modèle 1918/30, numéros de série 01622 et 01652.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, selon les éléments de preuve, la conversion des armes était soit très superficielle, soit insuffisante, pour empêcher de les réparer facilement et de les reconvertir en armes automatiques. Il a demandé au Tribunal d'appliquer le critère et le principe retenus par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Wayne Joseph Covin et Douglas Roy Covin [6] et adoptés par la Cour d'appel de l'Alberta dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Global Armaments Ltd. et al [7] . Cette dernière a statué qu'une modification doit être permanente, c'est-à-dire, non susceptible d'être renversée, pour que l'arme soit considérée incapable de tirer plus d'une seule balle pendant la durée d'une pression sur la détente. L'avocat a également soutenu que, selon des éléments de preuve, quelques-unes des armes pouvaient tirer en mode automatique sans nécessiter de reconversion.

Le Tribunal constate que le mot «pouvant» a fait l'objet d'analyses par les tribunaux des plus hautes instances du pays dans le cadre de procédures criminelles. Au départ, le Tribunal appuie l'interprétation stricte de «pouvant» donnée par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Hasselwander. Dans cette affaire, la cour avait établi, avec raison d'ailleurs, une distinction entre les expressions «pouvant être adaptée» et «pouvant» contenues respectivement dans les définitions de «arme à feu» et de «arme prohibée». Cette distinction n'a pas été établie dans l'affaire Global Armaments. Dans cette cause, portant à la définition de «arme prohibée», la cour a appliqué le critère de Covin à la définition de «arme à feu». De plus, en analysant le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Covin et celui de la Cour d'appel de l'Alberta dans la cause Global Armaments, le Tribunal remarque que, dans ces décisions, l'interprétation large de ces expressions s'explique par le fait qu'une infraction criminelle englobant la possession et l'utilisation d'une arme prohibée était liée à la définition d'«arme prohibée». En l'instance, le Tribunal n'a pas à tenir compte d'une infraction liée à la définition qu'il doit appliquer. Ainsi, aux fins de classement tarifaire, le Tribunal ne peut pas se contenter d'utiliser les interprétations formulées relativement à des accusations criminelles. En effet, le Tribunal doit traiter du classement des marchandises au moment de leur importation. Cela dit, il n'y a aucune indication dans le code tarifaire 9965, figurant à l'annexe VII du Tarif des douanes, ou à la définition de «arme prohibée» à l'article 84 du Code criminel selon laquelle le Tribunal doit considérer des éléments de preuve sur la possibilité de reconversion des armes à feu en armes automatiques. Cette possibilité pourrait être pertinente dans une affaire criminelle, mais, de l'avis du Tribunal, elle n'intervient pas aux fins de classement tarifaire.

Selon certains éléments de preuve, les modifications apportées aux Hotchkiss de modèle 1914, numéros de série 49301 et 7571, aux Browning de modèle 1918A2, numéros de série 635066 et 665636, et aux Beretta de modèle 1918/30, numéros de série 01622 et 01652, n'ont pas suffi à empêcher leur utilisation en mode automatique, car ces armes ont été soumises à l'essai et utilisées en mode automatique tel que prélevées. En l'absence d'éléments de preuve à l'appui du contraire, le Tribunal est également convaincu que toutes les armes à feu de chacun de ces modèles ont probablement été modifiées de la même façon et dans la même mesure. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que tous les Hotchkiss de modèle 1914, les Browning de modèle 1918A2 et les Beretta de modèle 1918/30 en question sont des armes prohibées au sens du Code criminel, et donc des armes offensives pour l'application du code tarifaire 9965.

Quant aux autres armes à feu visées, les éléments de preuve montrent que celles-ci ne pouvaient tirer plus d'une balle pendant la durée d'une pression sur la détente que si les armuriers du Service de police de Calgary y apportaient des modifications, ce qui porte à conclure que ces armes à feu ne présentaient pas cette caractéristique au moment de leur importation.

Le Tribunal fait remarquer toutefois, à des fins d'intérêt public, qu'une partie des marchandises en question ont été reconverties par les armuriers du Service de police de Calgary et peuvent maintenant être utilisées en mode automatique même si, pour les raisons susmentionnées, elles ne constituaient pas des armes prohibées au moment de leur importation.

CONCLUSION

L'appel est admis en partie. À l'exception des Hotchkiss de modèle 1914, des Browning de modèle 1918A2 et des Beretta de modèle 1918/30, les autres armes à feu en litige dans la présente cause ne sont pas des armes prohibées en vertu du Code criminel; elles ne sont donc pas des armes offensives au sens du code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.





Modèle Quantité ZB26 7.92 mm 49 Carabine Bren .303 66 Carabine Chatelerault 7.5 mm 59 Degtyarev (RPD) 7.62 17 Carabine CZ59 7.62 5 MP-44 7.92K 2 Carabine PKM 7.62 8 PPSh41 7.62T 135 Beretta 1918/30 9 mm 33 Beretta 1938/44 9 mm 23 Beretta 1938 9 mm 7 DSHK 38, 38/46 12.7 mm 25 Lahat Hotchkiss 7.5 mm 7 Shpigan 9 mmK 25 ADM hongrois 7.62 25 Samoval (CZ25) 9 mm 6 Browning 1918A2 30-06 36 Hotchkiss 1914 8 mm Leb 56 CZ (Vz58) 7.62 259 AK-47 7.62 1 Carabine RPK 7.62 37 SG-43, SGM 7.62 19 Alfa 7.92 10
[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée.

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), dans sa version modifiée.

3. L.R.C. (1985), ch. C-46, partie III.

4. L.R.C. (1985), ch. C-46, autrefois l'article 82, partie II.1, S.R.C. (1970), ch. C-34, dans sa version modifiée.

5. Cour d'appel de l'Ontario, dossier no 568/90, le 4 octobre 1991.

6. [1983] 1 R.C.S. 725.

7. 105 A.R. 260 (1990).


Publication initiale : le 18 août 1997