CHEM-SECURITY (ALBERTA) LTD.

Décisions


CHEM-SECURITY (ALBERTA) LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-89-236 et AP-90-007

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 6 décembre 1990

Appels n os AP-89-236 et AP-90-007

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 août 1990, en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national les 18 août 1989 et 27 mars 1990, à la suite desquelles des avis d'opposition ont été déposés en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CHEM-SECURITY (ALBERTA) LTD. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie. Les machines et appareils vendus à l'appelante et destinés à être principalement et directement utilisés pour fabriquer du carburant, mettre au point des procédés destinés à la fabrication du carburant et mettre au point le carburant qu'elle fabrique sont exemptés de la taxe de vente en vertu des sous-alinéas 1a)(i) à 1a)(iii), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Les matières consommées et utilisées par l'appelante à l'égard des diverses opérations liées à la fabrication du carburant énoncées aux sous-alinéas d'exemption 1a)(i) à 1a)(iii) sont également exemptées de la taxe en vertu des alinéas 2a) à 2c), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Enfin, l'appelante est admissible à l'exemption de la taxe de vente sur les machines, appareils et matières achetés pour détecter, mesurer, prévenir, traiter, réduire ou éliminer les polluants attribuables au carburant qu'elle fabrique, conformément aux alinéas d'exemption 1b) et 2d). En vertu de l'alinéa 81.27(1)b), le Tribunal renvoie l'appel au Ministre pour qu'il réexamine la cotisation établie.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Taxe de vente - Fabricant - Exemption de la taxe de vente sur les machines, appareils et matières achetés par l'appelante et utilisés pour traiter les déchets non dangereux produits par d'autres entreprises - Alinéas 1a), 1b) et 2d), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) - Interprétation de la Loi - Versions française et anglaise.

Décision : L'appel est admis en partie. Vu que l'appelante fabrique du carburant, les machines et appareils vendus à cette dernière et destinés à être utilisés principalement et directement pour fabriquer du carburant, pour mettre au point des procédés de fabrication du carburant et pour mettre au point le carburant qu'elle fabrique sont exemptés de la taxe de vente conformément aux sous - alinéas 1a)(i) à 1a)(iii), partie XIII, annexe III de la Loi. Il s'ensuit que les matières consommées et utilisées par l'appelante à l'égard des diverses opérations de fabrication du carburant, énoncées aux sous - alinéas 1a)(i) à 1a)(iii), sont elles aussi exemptées de la taxe conformément aux alinéas 2a) à 2c), partie XIII, annexe III de la Loi.

Le Tribunal est également d'avis que l'application des alinéas d'exemption 1b) et 2d) se limite à la pollution que l'acheteur cause par ses activités de fabrication. En l'espèce, l'appelante a droit à l'exemption de la taxe de vente sur les machines, appareils et matières de lutte contre la pollution achetés pour être utilisés dans ses opérations de fabrication du carburant, conformément aux alinéas d'exemption 1b) et 2d).

En vertu de l'alinéa 81.27(1)b), le Tribunal renvoie l'appel au Ministre pour qu'il réexamine la cotisation établie.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 28 août 1990 Date de la décision : Le 6 décembre 1990
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Charles A. Gracey, membre W. Roy Hines, membre
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : M. Kaylor, pour l'appelante A. Préfontaine, pour l'intimé
Causes citées : La Banque Royale du Canada c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [1981] 2 R.C.S. 139; Slaight Communications Inc. c. Davidson [1989] 1 R.C.S. 1038; Stubart Investments Ltd. c. La Reine [1984] 1 R.C.S. 536.
Lois citées : Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, partie XIII, annexe III, alinéas 1a), 1b), 1b.1), 2d); Special Waste Management Corporation Act, S.A., ch. S-21.5; Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.C. 1989, ch. 22, art. 7.
Autres sources citées : The Construction of Statutes, E.A. Dreidger, Second edition, Butterworths, Toronto, 1983; Le Grand Robert de la langue française, 1987, Paris (France).





Dans la présente cause, l'appelante a acheté des machines et des appareils (l'équipement) et diverses matières comme de la soude caustique, de la chaux, de l'acide chlorhydrique et du peroxyde hydrogéné, etc. (les produits consomptibles), destinés à être utilisés pour la construction et l'exploitation d'un centre de traitement et d'élimination de déchets dangereux. Les déchets dangereux que l'appelante traite à son centre proviennent des activités de fabrication et de production de tiers.

L'appelante a payé la taxe de vente sur le prix d'achat de l'équipement et des produits consomptibles entre le 1er septembre 1986 et le 30 avril 1989. Elle est toutefois d'avis qu'elle a droit au remboursement de la taxe de vente. Elle soutient que pour la période en cause, l'équipement qu'elle a acheté est exempté de la taxe de vente conformément à l'alinéa 1b), partie XIII, annexe III de la Loi sur taxe d'accise [1] (la Loi) parce qu'il s'agit de «machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs... destinés à être directement utilisés par eux pour... le traitement... des polluants... qui sont attribuables à la fabrication ou la production de marchandises... ».

L'appelante prétend également que pour la période en cause, les produits consomptibles sont exemptés de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 2d), partie XIII, annexe III de la Loi, car ils représentent des «matières... consommées ou utilisées par les fabricants ou les producteurs directement dans... le traitement... des polluants désignés à l'alinéa 1b) de la présente partie».

Le 28 avril 1989, le Parlement a modifié la partie XIII, annexe III de la Loi par adjonction de l'alinéa 1b.1) pour exempter les machines et appareils destinés à être utilisés principalement et directement dans le traitement ou la transformation de déchets toxiques dans un centre de traitement des déchets toxiques. Depuis cette modification, l'appelante a déposé des demandes de remboursement de la taxe de vente en vertu de cette disposition et a obtenu des remboursements du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Ministère). Toutefois, l'intimé a rejeté les demandes de remboursement pour la période visée par le présent appel, soutenant que les alinéas d'exemption 1b) et 2d) ne s'appliquent qu'aux entreprises qui traitent leurs propres déchets, d'où le présent appel auprès du Tribunal.

LES FAITS

Les faits relatifs à la présente cause ont été recueillis à partir de documents déposés comme éléments de preuve et du témoignage du gestionnaire de projet de l'appelante, M. Allan J. Wakelin. L'appelante est une filiale en propriété exclusive de Bovar Inc. qui s'appelait Bow Valley Resource Services Ltd. avant avril 1989. En 1982, l'appelante a été choisie par le gouvernement de l'Alberta pour concevoir, construire et exploiter le premier système complet de collecte, de transport, de traitement et d'élimination de déchets spéciaux (dangereux) en Amérique du Nord.

Ce système, appelé le Alberta Special Waste Management System (le système de gestion des déchets) est situé à environ 20 km au nord-est de Swan Hills, en Alberta. Le site de décharge s'appelle le Alberta Special Waste Treatment Centre (le centre de traitement).

Ces installations appartiennent conjointement à Bovar Inc. et à la Alberta Special Waste Management Corporation, une société d'État albertaine créée en vertu de la Special Waste Management Corporation Act [2] .

Le centre de traitement a été conçu pour transformer et traiter tous les types de déchets dangereux. Selon M. Wakelin, il peut s'agir autant de déchets relativement inoffensifs que de déchets toxiques. Voici un aperçu des principaux types de déchets que reçoit le centre : (i) des boues provenant de raffineries de pétrole, (ii) des acides de décapage produits par des aciéries, (iii) des BPC liquides issus de transformateurs et (iv) des solutions de cyanure provenant de travaux d'exploration minière et d'extraction. Le centre de traitement n'accepte pas les déchets nucléaires, les explosifs ou les ordures ménagères.

À l'arrivée des conteneurs au centre de traitement, les déchets sont échantillonnés et analysés pour en préciser la nature et pour déterminer le mode de traitement approprié. Par la suite, ils sont pompés dans les installations «phys-chem» ou dans le «parc de stockage des déchets organiques». Les contenants sont déchiquetés et les vapeurs qui s'en dégagent sont recueillies et traitées; les contenants sont neutralisés à l'aide de réactifs spéciaux, incinérés ou mélangés à un produit ressemblant à du béton composé de chaux ou de ciment, ou les deux, pour être par la suite envoyés à un site de décharge contrôlé et placés dans des cases imperméables au centre de traitement.

Les déchets inorganiques passent aux installations «phys-chem», où ils sont soumis à l'un des trois procédés suivants : neutralisation, précipitation ou oxydation et réduction. Dans le premier cas, les solutions acides issues du décapage de l'acier sont neutralisées avec de la chaux pour former une solution contenant de l'eau et un sel inoffensif. Cette solution est ensuite injectée à environ 6 000 pi dans des formations calcaires (c'est-à-dire en fond de puits). Dans le cas de la précipitation, la composante dangereuse est solidifiée. Par la suite, les matières liquides et solides sont séparées; le liquide est traité pour être injecté en fond de puits et les matières solides sont stabilisées et ensuite entreposées dans un site de décharge. Enfin, dans le processus de l'oxydation/réduction, les composés chimiques dangereux, comme les cyanures, sont réduits en composantes inoffensives à l'aide d'au moins une réaction chimique. Les gaz produits par ces réactions sont recueillis et éliminés, et les liquides sont ensuite traités pour être injectés en fond de puits.

M. Wakelin a déclaré que les matières solides et liquides non dangereuses issues du traitement «phys-chem» ne sont pas utilisées par l'appelante et ne sont pas vendues à des tiers pour utilisation ultérieure. Elles sont tout simplement traitées de la manière décrite.

Environ 70 p. 100 des matières traitées au centre se composent de déchets organiques. Ces derniers, qui sont au départ emmagasinés dans le «parc de stockage des déchets organiques», renferment des filtres et des produits chimiques utilisés pour le traitement des gaz acides, des résidus issus de la production de pesticides et d'herbicides, des BPC, de divers dérivés de produits en plastique et en caoutchouc synthétique, etc. Les déchets organiques sont traités par incinération à température élevée (jusqu'à 1 200 °C).

L'incinération est effectuée au moyen de deux incinérateurs fonctionnant en série. Le premier, appelé «chambre de combustion primaire» ou «four» est une cuvette à doublure réfractaire dans laquelle sont placés les déchets organiques liquides ou solides, ou les deux. La plus grande partie du brûlage s'effectue dans cette chambre. Le deuxième incinérateur, dans lequel la température est plus élevée que dans le «four», complète le processus d'incinération. Les dérivés de combustion se forment lorsque les déchets organiques sont décomposés et reviennent à leur forme initiale. Ces dérivés sont le gaz carbonique, la vapeur d'eau, la cendre et les gaz acides. Ces derniers sont neutralisés à l'aide de soude caustique et forment une solution saline qui est par la suite injectée en fond de puits. Les particules, comme la cendre, sont stabilisées pour être ensuite acheminées à un site de décharge contrôlé. Comme dans le cas des résidus liquides et solides non dangereux provenant du traitement «phys-chem», les résidus issus de l'incinération ne sont pas utilisés par l'appelante ni vendus à des tiers pour utilisation ultérieure.

M. Wakelin a déclaré que la plus grande partie des déchets organiques que reçoit l'entreprise peuvent être mélangés pour fabriquer du carburant afin d'augmenter la température dans les incinérateurs. Après les travaux effectués au laboratoire du centre de traitement, certains types de déchets organiques arrivent à un moment précis afin que les composantes appropriées soient mélangées pour fabriquer du carburant. Les déchets sont extraits des réservoirs de stockage par pompage, envoyés dans le «parc de stockage des déchets organiques», mélangés puis injectés dans les incinérateurs à l'aide d'une tuyère. Une fois injecté, le carburant est brûlé pour produire la chaleur qui permet d'incinérer d'autres déchets organiques non liquides. Le témoin a précisé qu'en produisant du carburant à partir de déchets organiques mélangés, l'appelante répond à environ la moitié de ses besoins quotidiens en carburant d'incinérateur qu'elle devrait autrement satisfaire en achetant du gaz naturel.

Les 3 septembre et 14 octobre 1987, l'appelante a demandé au Ministère si l'opération consistant à mélanger les déchets organiques au centre de traitement constituait une activité de fabrication ou de production aux termes de la Loi. En réponse à cette question, le service d'interprétation fiscale du Ministère a rendu une décision le 21 octobre 1987 selon laquelle l'opération consistant à mélanger des substances liquides organiques à l'usine de traitement de l'appelante constitue une activité de fabrication ou de production aux termes de la Loi.

Le 25 août 1988 et le 25 octobre 1989, l'appelante a déposé, pour la période en cause, c'est-à-dire du 1er septembre 1986 au 30 avril 1989, des demandes de remboursement de la taxe fédérale de vente applicable au prix d'achat de l'équipement et des produits consomptibles utilisés à ses installations. Dans le cas de l'appel no AP-89-236, la demande de remboursement déposée le 25 août 1988 a été rejetée le 15 novembre 1988 en vertu de l'Avis de détermination CAL 33490. En ce qui a trait à l'appel no AP-90-007, la demande de remboursement déposée le 25 octobre 1989 a été rejeté conformément à l'Avis de détermination CAL 70284 rendu le 5 décembre 1989. Des avis d'opposition à ces deux décisions ont été déposés auprès du ministre du Revenu national (le Ministre), mais les décisions du ministère ont été maintenues les 18 août 1989 et 27 mars 1990, respectivement. Les principaux motifs du refus du Ministre à l'égard de ces deux appels sont les suivants :

L'équipement que vous avez acheté pour votre usine de Swan Hills n'est pas admissible à l'exemption prévue à l'alinéa 1b) de la partie XIII, car les déchets ne sont pas issus de vos activités de fabrication ou de transformation, exigence jugée ressortir de cette disposition d'exemption. Pour les mêmes raisons, les dispositions de l'alinéa 2d) de la partie XIII ne s'appliquent pas à vos activités de traitement des déchets dangereux provenant de tiers. (traduction)

L'appelante a interjeté appel de ces décisions devant le Tribunal.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Le présent appel a pour but de déterminer si l'équipement bénéficie de l'exemption de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 1b), partie XIII, annexe III de la Loi, et si les produits consomptibles bénéficient de l'exemption prévue à l'alinéa 2d), partie XIII, annexe III de la Loi. Mais à un niveau plus élémentaire, le présent appel consiste à préciser si l'appelante est un fabricant et si les deux alinéas d'exemption ne s'appliquent qu'aux fabricants qui traitent des déchets qu'ils ont eux-mêmes produits dans le cadre de leurs activités de fabrication. En d'autres termes, ces dispositions d'exemption s'appliquent-elles au traitement des déchets produits par des tiers?

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives portant sur le présent appel sont énoncées ci-après, dans les deux langues officielles :

ANNEXE III

SCHEDULE III

PARTIE XIII

PART XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE CONDITIONNEMENT ET PLANS

PRODUCTION EQUIPMENT, PROCESSING MATERIALS AND PLANS

1. Tous les articles suivants :

(All the following:)

...

b) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être directement utilisés par eux pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants de l'eau, du sol ou de l'air qui sont attribuables à la fabrication ou la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent;

(machinery and apparatus sold to or imported by manufacturers or producers for use by them directly in the detection, measurement, prevention, treatment, reduction or removal of pollutants to water, soil or air attributable to the manufacture or production of goods,)

Comme il a déjà été indiqué, l'alinéa 1b) a été modifié le 28 avril 1989 par adjonction de l'alinéa 1b.1). Cette modification a été apportée après l'achat des marchandises en cause, en vertu de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur la sécurité de la vieillesse [3] . L'alinéa 1b.1) se lit comme suit :

b.1) les machines et appareils destinés à être principalement et directement utilisés pour le traitement ou la transformation des déchets toxiques dans une usine destinée à ces fins;

(machinery and apparatus for use primarily and directly in the treatment or processing of toxic waste in a toxic waste treatment plant;)

2. Matières, à l'exclusion de la graisse, des huiles de graissage ou du carburant à utiliser dans les moteurs à combustion interne, consommées ou utilisées par les fabricants ou les producteurs directement dans...

(Materials, not including grease, lubricating oils or fuel for use in internal combustion engines, consumed or expended by manufacturers or producers directly in)

...

d) la détection, la mesure, la prévention, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants désignés à l'alinéa 1b) de la présente partie.

(the detection, measurement, prevention, treatment, reduction or removal of pollutants described in paragraph 1(b) of this Part.)

L'ARGUMENTATION

Vu que l'alinéa 1b), partie XIII, annexe III de la Loi mentionne «les machines et appareils vendus aux fabricants... ou importés par eux» et que l'alinéa 2d) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi porte sur les «matières... consommées ou utilisées par les fabricants», il convient de se demander si l'appelante est un fabricant au sens de ces deux dispositions.

L'appelante reconnaît que le traitement des déchets ne constitue pas une activité manufacturière. Néanmoins, elle soutient qu'elle est un fabricant, comme l'indique la décision qu'a rendue le Ministère le 21 octobre 1987, dans laquelle il est précisé que le mélange de déchets organiques visant à produire du carburant au centre de traitement constitue une activité manufacturière aux termes de la Loi. L'appelante fait valoir que le Parlement n'a pas limité la mesure dans laquelle un fabricant doit prendre part au processus de fabrication ou de production pour être considéré comme un fabricant aux termes des alinéas 1b) et 2b). L'appelante n'a qu'à prouver qu'elle fabrique pour être considérée comme «fabricant» aux termes des alinéas en question. Le Ministère ayant reconnu que l'appelante est un fabricant de carburant, cette dernière est admissible au statut de fabricant aux termes des alinéas 1b) et 2d).

Pour appuyer sa position, l'appelante invoque les observations formulées par le juge McIntyre dans la décision de la Cour suprême du Canada dans La Banque Royale du Canada c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] . Dans cette cause, le juge McIntyre dit «Je me vois dans l'impossibilité de donner au terme 'fabrication' une définition restrictive, car la Loi elle-même ne le fait pas».

L'intimé invoque la même cause pour soutenir que l'appelante n'est pas un fabricant aux termes des alinéas 1b) et 2b). Il fonde son allégation sur les observations suivantes du juge McIntyre :

La Loi ne comporte aucune définition du mot fabrication (manufacturing ou manufacture), mais je retiens celle que donne le juge Spence dans l'arrêt R. c. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. où il dit à la p. 145 :

Aux fins de l'espèce, je veux signaler et adopter une des définitions citées par le distingué juge... c.-à-d. que «fabriquer c'est produire, à partir de matériaux bruts ou préparés, des articles destinés à être utilisés, en leur donnant, soit à la main, soit à la machine, de nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons».

Selon l'intimé, l'appelante doit utiliser, dans une certaine mesure, des résidus non dangereux issus de ses diverses opérations à son centre de traitement. L'intimé soutient qu'à l'exception du carburant fabriqué sur place, les produits finis issus des diverses opérations de traitement (c'est-à-dire, les gaz inoffensifs, les produits liquides et solides non dangereux) sont injectés en puits profond ou placés dans des cases de décharge dans les locaux de l'appelante. Ils ne sont pas «destinés à être utilisés». En d'autres termes, l'intimé prétend que l'appelante n'est pas un fabricant pour ce qui est des activités de traitement des déchets dangereux et que, par conséquent, elle n'est pas un «fabricant» aux termes des alinéas d'exemption 1b) et 2d).

Pour ce qui est de la deuxième question, l'appelante et l'intimé conviennent que la principale disposition d'exemption est l'alinéa 1b). Si les marchandises de l'appelante ne sont pas admissibles à l'exemption prévue par cet alinéa, l'appelante ne peut se prévaloir de l'exemption offerte en vertu de l'alinéa 2d) parce que ce dernier renferme la mention «le traitement... des polluants» visés à l'alinéa 1b).

L'appelante soutient que le libellé spécifique de la version anglaise de l'alinéa 1b) n'en limite pas l'application aux fabricants qui traitent les déchets qu'ils ont eux-mêmes produits en raison de leurs activités de fabrication. Elle soutient que si le Parlement avait voulu imposer une telle restriction, il l'aurait précisé, comme il l'a fait à l'alinéa 1c), partie XIII, annexe III de la Loi, qui se lit comme suit :

le matériel vendu aux fabricants ou producteurs ou importé par eux et destiné à être utilisé par eux pour le transport des déchets ou des rebuts des machines et appareils qu'ils utilisent directement pour la fabrication ou la production de marchandises ou destiné à être utilisé par eux pour aspirer la poussière ou les émanations nocives produites par leurs opérations de fabrication ou de production ; (soulignement ajouté)

L'intimé soutient, pour plusieurs motifs, que les exemptions prévues aux alinéas 1b) et 2d) ne s'appliquent qu'aux machines et appareils utilisés par un fabricant pour traiter les polluants issus de ses opérations de fabrication. D'abord, l'intimé prétend que seul le fabricant qui produit ses propres déchets peut exécuter toutes les opérations de lutte à la pollution pour lesquelles une exemption est accordée, c'est-à-dire la détection, la mesure, la prévention, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants. Selon l'intimé, un tiers qui n'est pas sur place ne peut prévenir, détecter ou mesurer les polluants au nom du fabricant responsable de la pollution.

En deuxième lieu, l'intimé soutient que la proposition «... ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent», dans la version française de l'alinéa 1b), établit un lien direct entre le fabricant qui a acheté les machines et les appareils utilisés pour la prévention de la pollution et les opérations de fabrication de l'acheteur. L'intimé soutient que le terme «ils» dans l'expression «qu'ils causent» ne peut se rapporter à «des polluants» parce qu'il est évident que les polluants causent de la pollution. Selon l'intimé, vu que l'exemption relative à la prévention de la pollution ne s'applique qu'aux polluants issus des opérations de fabrication du fabricant, les autres activités de lutte contre la pollution sont assujetties à la même restriction.

En troisième lieu, l'intimé a soutenu que l'intention du Parlement, lorsque ce dernier promulgue un texte législatif, peut être établie à partir de plusieurs sources, y compris le «tort» à réparer, ou le problème à régler. Citant plusieurs débats de comités de la Chambre des communes et du Sénat à l'égard du projet de loi qui permettrait d'intégrer l'alinéa 1b) à la Loi [5] , l'intimé fait valoir que le problème que le Parlement voulait régler résidait dans le fait que les efforts des fabricants de marchandises pour contrôler la pollution causée par leurs opérations étaient contrecarrés par l'imposition de la taxe fédérale de vente sur l'achat d'équipement de lutte contre la pollution. L'intimé a soutenu que c'est cette seule situation qui était visée par la disposition d'exemption.

Enfin, l'intimé a noté la modification apportée à l'alinéa 1b) de la Loi par adjonction de l'alinéa 1b.1), le 28 avril 1989. Il a soutenu que cette modification s'applique bel et bien à la situation de l'appelante. Il a prétendu que si le Parlement avait considéré que le traitement des déchets toxiques dans un centre de traitement desdits déchets avait été visé par les dispositions de l'alinéa 1b), il n'aurait pas promulgué l'alinéa d'exemption 1b.1).

L'appelante a répondu que même si, à première vue, l'expression «qu'ils causent» peut se rapporter à «fabricants ou producteurs» ou à «des polluants», le renvoi à «des polluants» est plus précis parce qu'un fabricant ou producteur ne cause pas de pollution; ce sont plutôt les polluants qui sont à la base de la pollution. En conséquence, l'appelante a soutenu que la version française n'indique pas que l'application de l'alinéa 1b) est limitée aux fabricants qui traitent les déchets qu'ils produisent eux-mêmes. En outre, l'appelante a soutenu que même si l'expression «qu'ils causent» se rapporte aux «fabricants ou producteurs», ce n'est qu'à l'égard de la prévention de la pollution parce que le Parlement a isolé la prévention des autres activités de lutte contre la pollution.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

L'appelante reconnaît que le traitement des déchets et la production de liquides, de matières solides et de gaz résiduels non dangereux ne constituent pas une activité de fabrication. L'intimé reconnaît que l'appelante est un fabricant de carburant destiné à ses incinérateurs. Le Tribunal approuve ces deux propositions.

Comme le Tribunal accepte que la fabrication «représente la production d'articles destinés à être utilisés à partir de matières premières ou préparées en leur donnant de nouvelles formes, qualités et propriétés, ou combinaisons de ces facteurs, que ce soit à la main ou à l'aide de machines», il en ressort que l'appelante ne fabrique pas des déchets non dangereux utilisables. Bien que les diverses opérations de traitement convertissent les matières premières ou préparées en articles possédant de «nouvelles formes, qualités et propriétés», les divers procédés appliqués par l'appelante ne débouchent pas sur une quelconque utilisation. L'appelante ne fait que se débarrasser de ces matières. Par conséquent, bien que le traitement des déchets dangereux soit utile pour la société en général, les déchets traités par l'appelante ne sont pas destinés à une quelconque utilisation.

Les éléments de preuve déposés prouvent également de façon nette que l'appelante fabrique du carburant. Elle mélange différents déchets organiques pour créer une matière combustible. À son tour, cette matière est utilisée pour augmenter la température dans les incinérateurs qui éliminent les déchets dangereux.

Compte tenu de la conclusion selon laquelle l'appelante est un fabricant de carburant et non un fabricant de déchets non dangereux destinés à une utilisation, il est évident que l'appelante ne peut se donner le titre de «fabricant» pour des activités qui ne sont pas liées à la production du carburant.

Les alinéas d'exemption 1b) et 2d) accordent une exemption de la taxe aux machines, appareils et matières achetés par un fabricant ou producteur pour diverses activités de lutte contre la pollution. Puisque l'appelante n'est pas considérée être un fabricant dans le cas des déchets non dangereux qui ne sont pas destinés à une utilisation, le Tribunal est donc d'avis que les machines, appareils et matières achetés par l'appelante et utilisés à des fins autres que la production du carburant ne donnent pas droit à l'exemption de la taxe.

Bien que le Tribunal considère que cet argument soit suffisant pour rejeter le présent appel, les parties ont vivement insisté que la principale question à régler consiste à déterminer si l'application des exemptions prévues aux alinéas 1b) et 2d) au sujet de l'équipement, des appareils et des matières de lutte contre la pollution se limite à la pollution que l'appelante cause par ses opérations de fabrication (c'est-à-dire la fabrication du carburant) ou si ces dispositions s'appliquent également aux déchets produits par des tiers à la suite des diverses opérations de fabrication. Le Tribunal croit que l'application de ces alinéas est en effet limitée.

Dans la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart Investments Ltd. et La Reine [6] , le juge Estey a reconnu le principe de la construction des textes législatifs énoncé par l'éminent auteur de l'ouvrage intitulé The Construction of Statutes [7] , E.A. Dreidger, selon lequel les termes utilisés dans une loi doivent être placés dans leur contexte global et envisagés dans leur sens grammatical usuel, en harmonie avec le but de la Loi, l'objet de la Loi et l'intention du Parlement. De l'avis du Tribunal, bien que le Parlement ait expressément utilisé le terme anglais «their» dans une partie de la version anglaise de l'alinéa d'exemption 1c), quoi qu'il ne l'ait pas fait dans le cas de l'alinéa d'exemption 1b), les termes de l'alinéa d'exemption 1b) pris dans le contexte et selon le but de la Loi, énoncent néanmoins l'intention du Parlement, à savoir que l'alinéa d'exemption 1b) ne s'applique qu'aux polluants causés par les opérations de fabrication du fabricant.

Conformément au but de la Loi, le Tribunal considère que le premier article de la partie XIII de l'annexe III de la Loi vise deux grandes catégories de marchandises. Dans la première, qui s'étend des alinéas 1a) à 1d), le Parlement exige que les marchandises soient vendues à un fabricant ou à un producteur. Par contre, dans la deuxième grande catégorie de marchandises, qui est énoncée aux alinéas 1e) à 1n), le Parlement exige uniquement que les marchandises énoncées dans les diverses dispositions soient utilisées de la façon dont elles sont décrites. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire que les marchandises soient vendues à un fabricant ou à un producteur.

Le Tribunal considère que l'interprétation de l'alinéa d'exemption 1b) par l'appelante va à l'encontre du but de la Loi parce qu'elle ne tient pas compte de la signification que le Parlement a donné aux alinéas d'exemption 1a) à 1d), à savoir que les marchandises doivent être vendues à un fabricant ou à un producteur pour être exemptées de la taxe de vente. L'appelante prétend que les machines et appareils de lutte contre la pollution vendus à un fabricant ou à un producteur sont exemptés de la taxe dans la mesure où ils sont utilisés pour lutter contre la pollution engendrée par un processus de fabrication, quel que soit le fabricant. Il n'est toutefois pas nécessaire d'exiger que les marchandises soient vendues à un fabricant ou à un producteur pour atteindre le même résultat (exemption de la taxe dans le cas des marchandises utilisées pour lutter contre la pollution d'un autre fabricant). En d'autres termes, que l'exemption accordée en vertu de l'alinéa d'exemption 1b) exige ou non que les marchandises soient vendues à un fabricant ou à un producteur, le résultat visé par l'appelante est le même. Une telle exigence n'ajoute pas au sens de l'alinéa et, par extension, élimine la distinction que le Parlement a établi entre les deux catégories de marchandises énoncées au premier article.

Selon le Tribunal, la version française de l'alinéa d'exemption 1b) est compatible avec sa conclusion selon laquelle cet alinéa, et par extension l'alinéa 2d), ne s'applique qu'aux polluants causés par les activités de fabrication de l'entreprise en cause; en outre, le Tribunal soutient que la version française de cet alinéa confirme cette conclusion qui mentionne : «les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs... et destinés à être directement utilisés par eux pour la détection, la mesure [etc.]... des polluants... ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent;».

Le Tribunal est d'avis que le terme «ils» dans l'expression «qu'ils causent» se rapporte aux «fabricants ou producteurs» qui ont acheté le matériel de lutte contre la pollution et non, comme le prétend l'appelante, aux «polluants». Le Grand Robert de la langue française [8] donne la signification usuelle suivante au terme «pollution» : «Dégradation (d'un milieu) par l'introduction d'agents (polluants)». En d'autres termes, le mot «pollution» renferme déjà l'idée que ce phénomène est causé par les «polluants».

En outre, le Tribunal ne croit pas que la prévention de la pollution constitue une exception à l'alinéa d'exemption 1b). La version anglaise, contrairement à la version française, intègre la prévention aux autres activités de lutte contre la pollution. Elle n'isole pas la prévention de la pollution dans une proposition distincte comme le fait la version française.

Dans la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause opposant Slaight Communications Inc. c. Davidson [9] , le juge Lamer a énoncé les principes suivants à l'égard de la construction des textes législatifs portant sur un même objet, mais qui sont formulés de façon différente dans l'une et l'autre langue officielle :

Il faut donc, dans un premier temps, tenter de concilier ces deux versions. Pour ce faire il faut tenter de dégager des textes le sens qui est commun aux deux versions et vérifier si celui-ci semble conciliable avec l'objet et l'économie générale du Code.

Selon le Tribunal, il est très évident que même à partir d'une lecture rapide de la version anglaise de l'alinéa d'exemption 1b), le Parlement n'avait pas l'intention de créer une exception pour la prévention des polluants. Aucun élément de la version anglaise de cette disposition d'exemption n'indique que le Parlement avait l'intention d'accorder un traitement spécial aux machines et appareils achetés pour prévenir la pollution.

Le Tribunal est d'avis que cette conclusion est confirmée par les versions anglaise et française de l'alinéa 2d). Le Parlement a relié cet alinéa à l'alinéa d'exemption 1b). Selon chacune des versions de l'alinéa 2d), le Parlement exempte les matières taxables de la taxe de vente à condition qu'elles soient utilisées dans le cadre des activités de lutte contre la pollution énoncées à l'alinéa 1b). Les activités énoncées à l'alinéa d'exemption 2d) sont donc précisément les mêmes que celles mentionnées à l'alinéa 1b). Les deux versions de cet alinéa, qui ont la même valeur sur le plan législatif, intègrent le terme «prévention» («prevention» dans la version anglaise) à la liste de plusieurs autres activités de lutte contre la pollution. En d'autres termes, à l'alinéa 2d), la prévention de la pollution n'est pas isolée pour être assujettie à un traitement législatif spécial.

En bref, le Tribunal est d'avis que l'application des alinéas d'exemption 1b) et 2d) est limitée à la pollution que l'acheteur cause par ses activités de fabrication. En principe, l'appelante a droit à l'exemption de la taxe de vente sur les machines, appareils et matières de lutte contre la pollution achetés pour être intégrés à des activités de fabrication du carburant, conformément aux alinéas d'exemption 1b) et 2d).

En outre, vue que l'appelante fabrique du carburant, les machines et appareils qui lui sont vendus et qui sont destinés principalement et directement à la fabrication du carburant, à la mise au point des procédés de fabrication du carburant, et à la mise au point du carburant devant être fabriqué par elle, sont exemptés de la taxe de vente en vertu des sous-alinéas 1a)(i) à 1a)(iii), partie XIII, annexe III de la Loi. Par conséquent, les matières consommées et utilisées par l'appelante dans le cadre de ses diverses activités de fabrication du carburant, qui sont énoncées aux sous-alinéas d'exemption 1a)(i) à 1a)(iii), sont également exemptées de la taxe en vertu des alinéas 2a) à 2c), partie XIII, annexe III de la Loi.

LA CONCLUSION

Pour toutes les raisons susmentionnées, l'appel est admis en partie. Conformément à l'alinéa 81.27(1)b), le Tribunal renvoie l'appel au Ministre pour qu'il réexamine la cotisation établie.


[ Table des matières]

1. Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. S.A., ch. S-21.5.

3. L.C. 1989, ch. 22, art. 7.

4. [1981] 2 R.C.S. 139.

5. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur la sécurité de la vieillesse, S.C. 1970 - 1971 - 1972, ch. 62.

6. [1984] 1 R.C.S. 536.

7. Second edition, Butterworths, Toronto, 1983.

8. Le Grand Robert de la langue française, 1987, Paris (France).

9. [1989] 1 R.C.S., pp. 1038 à 1071.


Publication initiale : le 18 août 1997