FISHER SCIENTIFIC LIMITED

Décisions


FISHER SCIENTIFIC LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appels nos AP-89-181 et AP-89-244

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 3 mai 1994

Appels nos AP-89-181 et AP-89-244

EU ÉGARD À des appels entendus le 17 août 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues en 1988 et 1989 par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FISHER SCIENTIFIC LIMITED Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

Les appels sont admis.



Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les marchandises en cause sont des seringues de haute précision et de grande qualité qui sont différentes des seringues médicales «ordinaires», en ce qu'elles sont plus grosses, réutilisables, graduées différemment et peuvent résister à une plus grande pression. Dans la documentation portant sur ses produits, l'appelant insiste sur le fait que les marchandises en cause se prêtent bien aux travaux en laboratoire, aux applications telles la chromatographie, la manutention de gaz et liquides corrosifs, de matières radioactives et de solutions stériles, de même qu'aux analyses aux fins de lutte contre la pollution des eaux. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les seringues de verre Microliter et Gastight importées par l'appelant sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7017.20.90 à titre d'autre verrerie de laboratoire, d'hygiène ou de pharmacie, même graduée ou jaugée, comme l'a établi l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 9018.31.00 à titre d'instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, seringues, avec ou sans aiguilles, dans le numéro tarifaire 9018.90.00 à titre d'autres instruments et appareils ou dans le numéro tarifaire 9027.20.10 à titre d'instruments et appareils pour analyses physiques ou chimiques, chromatographes et appareils d'électrophorèse, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont admis. Le Tribunal considère que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9027.20.10. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve révèlent que, même si les marchandises en cause peuvent être et sont utilisées avec des machines, des instruments et des appareils qui ne sont pas des chromatographes, leur utilisation avec des chromatographes est suffisante pour conclure qu'elles sont «principalement» des accessoires destinés à être utilisés avec des chromatographes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 août 1993 Date de la décision : Le 3 mai 1994

Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Anthony T. Eyton, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : J.R. (John) Peillard, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues en 1988 et 1989 par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) aux termes de l'article 63 de la Loi.

L'appelant, entre autres, importe des instruments médicaux et scientifiques et les distribue au Canada. Les seringues en cause sont fabriquées par la société Hamilton Company, de Reno (Nevada). Les marchandises en cause sont des seringues de haute précision et de grande qualité qui sont différentes des seringues médicales «ordinaires», en ce qu'elles sont plus grosses, réutilisables, graduées différemment et peuvent résister à une plus grande pression. Dans la documentation portant sur ses produits, l'appelant insiste sur le fait que les marchandises en cause se prêtent bien aux travaux en laboratoire, aux applications telles la chromatographie, la manutention de gaz et liquides corrosifs, de matières radioactives et de solutions stériles, de même qu'aux analyses aux fins de lutte contre la pollution des eaux.

Les marchandises en cause ont été importées sous divers numéros de transaction pendant toute l'année 1988. Elles ont d'abord été classées dans les numéros tarifaires 3926.90.90 et 7326.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] . L'intimé les a toutes reclassées, à l'exception des seringues de plastique, dans le numéro tarifaire 7017.20.90 à titre d'autre verrerie de laboratoire, d'hygiène ou de pharmacie, même graduée ou jaugée. L'appelant a présenté des demandes de révision afin de faire classer les marchandises dans le numéro tarifaire 9018.31.00 à titre d'instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, seringues, avec ou sans aiguilles. Ces demandes ont été rejetées. L'appelant a, par la suite, demandé le réexamen des révisions et, aux termes de décisions rendues en 1988 et 1989, le Sous-ministre a ratifié le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7017.20.90.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les seringues de verre Microliter et Gastight importées par l'appelant sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7017.20.90 à titre d'autre verrerie de laboratoire, d'hygiène ou de pharmacie, même graduée ou jaugée, comme l'a établi l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 9018.31.00 à titre d'instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, seringues, avec ou sans aiguilles, dans le numéro tarifaire 9018.90.00 à titre d'autres instruments et appareils ou dans le numéro tarifaire 9027.20.10 à titre d'instruments et appareils pour analyses physiques ou chimiques, chromatographes et appareils d'électrophorèse, comme l'a soutenu l'appelant.

Les parties pertinentes des positions en litige dans la présent cause sont les suivantes :

70.17 Verrerie de laboratoire, d'hygiène ou de pharmacie, même graduée ou jaugée.

90.18 Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuels.

90.27 Instruments et appareils pour analyses physiques ou chimiques (polarimètres, réfractomètres, spectromètres, analyseurs de gaz ou de fumée, par exemple).

Le représentant de l'appelant a cité à comparaître deux témoins. Le premier, M. John W. Harris, spécialiste du soutien technique auprès de la société Chromatographic Specialties Inc. de Brockville (Ontario) a été convoqué à titre de témoin expert. À l'aide d'exemples différents des marchandises en cause, M. Harris a expliqué la composition des seringues, leur fonctionnement, leurs utilisations particulières et les caractéristiques qui les distinguent les unes des autres. M. Harris a confirmé que les marchandises en cause sont principalement utilisées pour injecter un échantillon dans des chromatographes en phase gazeuse ou liquide. Il a ensuite expliqué les principes des types de chromatographie. M. Harris a déclaré que, même si la plupart des travaux de chromatographie sont exécutés en laboratoire, il savait que certains autres pouvaient être et étaient effectués sur place.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Harris a indiqué qu'il n'est pas recommandé de destiner les marchandises en cause à la consommation humaine parce qu'elles ne sont pas stérilisées et n'ont pas été conçues à cette fin. Il a fait remarquer qu'au meilleur de sa connaissance, tous les emballages des produits de la société Hamilton Company portent l'avertissement suivant : «For Laboratory Use Only. Not for Human in vivo Use» ([traduction] Pour utilisation en laboratoire seulement. Non destiné à la consommation humaine in vivo). M. Harris a déclaré qu'il a utilisé les marchandises en cause pour faciliter les analyses aux fins de lutte contre la pollution des eaux au moyen de la chromatographie en phase liquide. Il a affirmé qu'il ne connaissait pas les autres applications des marchandises en cause présentées dans la documentation du fabricant.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Harris a déclaré que, dans le cadre de ses travaux courants, il ne qualifierait pas une seringue de «seringue de métal» ou de «seringue de plastique» d'après ses composants, mais il considérerait que toutes les marchandises en cause sont des seringues. Il a confirmé que, même si les marchandises en cause peuvent être affectées à des usages autres que la chromatographie en phase gazeuse ou liquide, il s'agit, au meilleur de sa connaissance, de leur fin essentielle. Il a déclaré que les marchandises en cause sont couramment utilisées dans le domaine de la recherche médicale. M. Harris a ajouté que la propriété spéciale du verre borosilicaté, qui entre dans la fabrication de la plupart des marchandises en cause, réside dans son faible coefficient d'expansion ou sa capacité de résister à l'expansion imputable aux variations de température.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. Bill Bellinger, spécialiste des douanes auprès de la société Fisher Scientific Limited depuis 1976. Les fonctions de M. Bellinger englobent le classement tarifaire des produits importés par l'appelant. Il a indiqué qu'avant de se présenter à l'audience, il a obtenu un exemplaire d'un récent rapport sur l'évolution des ventes des marchandises en cause. M. Bellinger a affirmé que, selon ce rapport, les marchandises en cause ont été vendues en majeure partie à des hôpitaux.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Bellinger a confirmé que le rapport sur les ventes était fondé sur un échantillon aléatoire de ventes et qu'il avait été préparé en fonction de ventes récentes en 1993. Il a également confirmé qu'il ne savait pas sur quelle période précise portait le rapport et ne connaissait pas son mode de préparation spécifique, pas plus qu'il ne possédait de données précises pour 1988.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Bellinger a déclaré qu'il classerait les marchandises en cause d'après le composant ou le matériau principal d'une seringue particulière. Il classerait donc une seringue constituée principalement de verre, c.-à-d. si son cylindre était constitué entièrement de verre, dans la position no 70.17; il classerait une seringue composée principalement d'acier dans la position no 73.26 et une seringue constituée principalement de plastique dans la position no 39.26. M. Bellinger a précisé qu'il croit que c'est exactement l'approche qu'a adoptée l'intimé. Il a ajouté qu'à son avis, le profil des ventes des marchandises en cause n'a pas beaucoup changé au fil des ans et qu'en 1988, les marchandises en cause auraient, en majeure partie, été vendues à des hôpitaux.

L'avocat de l'intimé a cité à comparaître un témoin, M. Louis L'Heureux, chef du Laboratoire des produits inorganiques et des Services scientifiques auprès du ministère du Revenu national. M. L'Heureux, qui a comparu à titre de témoin expert, a indiqué qu'il occupe le poste précité depuis 1991 et qu'il travaille au laboratoire depuis 1972. M. L'Heureux a d'abord comparé l'une des seringues en cause, qui a volume de 10 microlitres, et une seringue jetable en plastique, qui a un volume de 3 centimètres cubes. Il a déclaré que la première seringue coûte au laboratoire environ 40 $ CAN, tandis que la seconde coûte 0,125 $ CAN. M. L'Heureux a fait remarquer que la deuxième seringue correspond au type de seringue que les médecins utilisent pour donner des injections et qu'elle est utilisée au laboratoire à des fins non médicales.

M. L'Heureux a discuté des diverses applications de la chromatographie comme technique d'analyse. Il a également traité de la distinction entre le verre à faible coefficient d'expansion et le verre à coefficient d'expansion normal, dans les termes utilisés dans le Tarif des douanes.

Au cours du contre-interrogatoire, M. L'Heureux a déclaré que les marchandises en cause ont été conçues pour fournir un volume fixe plutôt que pour accepter un volume fixe. En réponse aux questions du Tribunal, M. L'Heureux a indiqué que, selon le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (le Système harmonisé), des pays classent couramment les mêmes marchandises de façon différente; mais si ces différences avaient de vastes répercussions, l'on s'efforcerait d'envisager la question sur une base multilatérale. Pour ce qui est de la mention, dans le mémoire de l'appelant, d'une décision rendue par les autorités douanières de la Suisse, M. L'Heureux a fait remarquer que cette décision a été prise en 1988 et qu'il n'est pas évident si elle a été rendue par des autorités nationales ou régionales. M. L'Heureux a également affirmé qu'aux fins du classement d'un produit particulier, il est tenu compte de la fonction de chacun de ses composants et il est établi si les composants ont une fonction primaire ou secondaire.

Le représentant de l'appelant a amorcé sa plaidoirie en faisant valoir que le caractère essentiel des marchandises en cause consiste à distribuer et non à servir de verrerie de laboratoire. Le représentant a déclaré que les marchandises en cause doivent être considérées à titre de marchandises composites constituées de nombreuses matières, y compris du verre, et non comme des articles de verre. Pour ce qui est du classement proposé dans la position no 90.18, il a fait valoir que cette position porte sur des instruments et des appareils utilisés en médecine dans le sens large et ne devrait pas être limitée à la chirurgie humaine. Il a, en outre, fait valoir que le libellé des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) portant sur cette position, qui renferme une liste explicative des articles visés par la position, n'est pas exhaustif; il n'empêche donc pas l'inclusion des marchandises en cause. Il s'est également reporté à l'alinéa A) de la partie I des Notes explicatives de la position no 90.18, qui dresse la liste des articles compris dans cette position, et a fait remarquer que cette liste englobe, à l'alinéa 15, les «[s]eringues (en verre, en métal, en verre et métal, en matières plastiques, etc.), pour tous usages».

Le représentant de l'appelant a invoqué la décision rendue par le Tribunal dans la cause Asea Brown Boveri Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , dans laquelle le Tribunal a déclaré que «les caractéristiques essentielles d'un article peuvent être définies par la fonction qui donne son nom à cet article. Par exemple, on reconnaît facilement une pompe quand on en voit une; on n'attend pas pour la nommer qu'elle ait été installée dans un puits [6] ». Il a déclaré que ce sont les caractéristiques d'une seringue qui donnent leur nom aux marchandises en cause et que ces dernières doivent donc être classées d'après ces caractéristiques, quelles que soient les matières dont elles sont constituées.

Pour ce qui est du classement possible dans la position no 90.27, le représentant de l'appelant a fait valoir que ce sont la fonction et le fonctionnement des marchandises en cause qui leur confèrent leur rôle d'accessoires conçus pour être utilisés avec un chromatographe, car les marchandises en cause sont nécessaires pour introduire un échantillon dans l'appareil.

Lorsqu'il a exposé les motifs pour lesquels les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans la position no 70.17, le représentant de l'appelant a répété qu'elles doivent être classées d'après leur caractère essentiel. Il a fait remarquer que M. L'Heureux a indiqué que son laboratoire a commandé les marchandises en cause à titre de seringues d'un numéro de modèle particulier et non comme verrerie et que les marchandises en cause ne sont pas connues, vendues ni échangées comme de la verrerie. Il a également fait valoir que les diverses listes d'articles comprises dans les Notes de Sections et de Chapitres du Chapitre 70 ne renferment pas spécifiquement des seringues. En outre, il a soutenu que l'exclusion, dans les notes du Chapitre 70, des instruments et appareils de verre énumérés dans le Chapitre 90 pouvait être interprétée comme excluant les marchandises en cause de même que les seringues hypodermiques, car cette disposition renferme l'expression «et autres articles et instruments».

L'avocat de l'intimé a amorcé sa plaidoirie en insistant sur les deux positions proposées par l'appelant. Il a d'abord attiré l'attention du Tribunal sur la Note 1 d) du Chapitre 70, qui indique que les articles du Chapitre 90 ne sont pas visés par le Chapitre 70. L'avocat a laissé supposer que le Tribunal doit en dégager qu'avant de classer un produit au Chapitre 90, il faut avoir déterminé qu'il ne peut être classé au Chapitre 70.

L'avocat de l'intimé est ensuite passé à la position no 90.18 et a fait valoir que le libellé de cette position se limite à des situations tels le traitement des humains ou les actes médicaux entre le médecin et le patient. En d'autres termes, elle n'a pas pour but de couvrir les applications générales en laboratoire. L'avocat a fait remarquer que les Notes de Sections de la position no 90.18 précisent, par exemple, que les médecins, les chirurgiens, les dentistes et les sages-femmes sont des professionnels visés par cette position, et il a indiqué que l'utilisation des instruments et appareils en question était destinée précisément à établir un diagnostic, à prévenir ou à traiter une maladie ou à opérer, etc. Il a également fait remarquer que la Partie I des Notes explicatives de la position no 90.18 s'intitule «Instruments et appareils employés en médecine ou en chirurgie humaines». L'avocat a soutenu que la mention des seringues à l'alinéa A) doit tenir compte de ce titre; il a donc prétendu que le classement proposé ne peut viser les marchandises en cause, ces dernières n'étant pas destinées à la médecine ou à la chirurgie humaine. Selon lui, cette conclusion est évidente à la lecture de l'étiquette apposée sur les boîtes renfermant les marchandises en cause, soit «For Laboratory Use Only. Not for Human in vivo Use» ([traduction] Pour utilisation en laboratoire seulement. Non destiné à la consommation humaine in vivo). Pour ce qui est du témoignage de M. Bellinger au sujet des ventes des marchandises en cause à des hôpitaux, l'avocat a déclaré que les données utilisées à cette fin sont actuelles; il ne s'agit pas de celles de 1988. Il a ajouté que le Tribunal doit tenir compte du fait que la nature des données et la période qu'elles couvrent ne sont pas claires.

L'avocat de l'intimé a formulé quatre observations relativement à la position no 90.27. Premièrement, il a répété son point de vue selon lequel le classement des marchandises en cause au Chapitre 90 n'est possible qu'après avoir rejeté leur classement au Chapitre 70. Deuxièmement, l'avocat a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas, à proprement parler, des accessoires, parce qu'elles ne sont pas destinées à être utilisées avec des chromatographes; elles peuvent être utilisées à d'autres fins et un chromatographe peut très bien fonctionner sans elles. À cet égard, il a cité la définition du terme «accessory» (accessoire), dans le dictionnaire The Oxford English Dictionary [7] , qui se lit comme suit :

something contributing in a subordinate degree to a general result or effect; an adjunct, or accompaniment.

([Traduction] qui contribue dans une moindre mesure à un résultat ou à un effet général; auxiliaire, accompagnement.)

Troisièmement, l'avocat a soutenu que la Note 2 b) du Chapitre 90, mentionnée dans le mémoire de l'appelant, n'a pas aidé la cause de ce dernier. La Note 2 b) se lit comme suit :

2. Sous réserve des dispositions de la Note 1 ci - dessus, les parties et accessoires pour machines, appareils, instruments ou articles du présent Chapitre sont classés conformément aux règles ci - après :

b) lorsqu'ils sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinés à une machine, un instrument ou un appareil particuliers ou à plusieurs machines, instruments ou appareils d'une même position (même des n os 90.10, 90.13 et 90.31), les parties et accessoires, autres que ceux visés au paragraphe précédent, sont classés dans la position afférente à cette ou ces machines, instruments ou appareils.

L'avocat a déclaré que, puisque l'utilisation des marchandises en cause ne se limite pas aux chromatographes, les marchandises en cause ne sont pas «reconnaissables comme exclusivement ou principalement destiné[e]s à une machine, un instrument ou un appareil particuliers». Pour étayer ce point de vue, il s'est reporté à la documentation sur les marchandises en cause, qui indique une vaste gamme d'utilisations et d'applications, et il a conclu que ces documents n'indiquent pas un degré d'utilisation particulière suffisant. Enfin, l'avocat a invoqué les Notes explicatives, qui portent précisément sur des marchandises qui pourraient être classées dans les positions nos 90.27 et 70.17. À cet égard, les Notes explicatives de la position no 90.27 précisent, en partie, que :

1) Le simple fait que cet article porte le nom d'un appareil ou instrument bien individualisé ne suffit pas pour l'inclure au n o 90.27, si cet appareil ou instrument, [...] même gradué ou jaugé, a le caractère d'un article en verre.

2) Par contre, la combinaison d'éléments en verre avec une forte proportion d'éléments en autres matières, ainsi que l'incorporation ou le montage à demeure de parties en verre dans des châssis, bâtis, coffrets ou similaires, sont des critères devant permettre, en règle générale, de faire perdre aux instruments ainsi constitués le caractère de verrerie de laboratoire.

L'avocat de l'intimé a fait valoir que les éléments de preuve ne révèlent pas que les marchandises en cause sont constituées principalement d'autres matières, mais que le verre borosilicaté constitue la principale matière des seringues et que leur caractère essentiel est défini ainsi.

L'avocat de l'intimé a ensuite expliqué les motifs pour lesquels les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 70.17. Il a fait valoir qu'il convient de classer les marchandises en cause d'après leurs matières constitutives, c'est-à-dire le verre borosilicaté. Il a attiré l'attention du Tribunal sur un certain nombre de renvois au verre borosilicaté dans les Notes explicatives de la position no 70.17. Comme solution de rechange, l'avocat a soutenu que le classement doit être fondé sur la matière que le Tribunal juge prédominante dans un modèle particulier, c.-à-d. en verre, en matière plastique ou en acier. L'avocat a fait remarquer que cette démarche est conforme au témoignage de M. Bellinger quant à l'approche qu'il a adoptée.

Avant de conclure sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé a formulé des observations au sujet de la décision rendue par les autorités douanières de la Suisse que l'appelant a déposée. Il a d'abord soutenu que cette décision ne peut lier le Tribunal. Ensuite, il a fait remarquer que le Tribunal n'a pas devant lui une liste exhaustive de décisions rendues par les autorités douanières d'autres pays. Enfin, il a fait valoir que cette décision ne précise pas le type de seringues en cause.

Dans sa réponse, le représentant de l'appelant a d'abord déclaré que, pour ce qui est de la Note 1 d) du Chapitre 70, il n'importe pas de déterminer si les marchandises en cause sont ou non des seringues hypodermiques si elles sont visées par l'expression «autres articles et instruments du Chapitre 90». Il a fait valoir que, même si le verre borosilicaté est une matière qui entre dans la fabrication des marchandises en cause, il ne leur confère pas leur caractère essentiel. Il a prétendu que le libellé de la Partie I des Notes explicatives de la position no 90.18 n'a pas préséance sur celui de la position proprement dite et que, dans le Tarif des douanes, le terme «médecine», et non l'expression «médecine ou chirurgie humaines», est utilisé. En ce qui touche la Note 2 b) du Chapitre 90, le représentant a soutenu que les éléments de preuve révèlent que la quantité de marchandises en cause destinée en fait à des usages autres que la chromatographie ne laisse pas entendre que ces dernières ne sont pas utilisées principalement pour la chromatographie. En réponse aux arguments de l'avocat de l'intimé relativement au témoignage de M. Bellinger, le représentant a souligné que M. Bellinger a indiqué qu'il a adopté cette approche à la suite des instructions que lui a données l'intimé. Enfin, le représentant a fait valoir qu'aux fins de l'application des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [8] (les Règles générales), le Tribunal n'est pas tenu de comparer deux classements possibles. Il a également souligné que le dernier paragraphe des Notes explicatives de la position no 90.27 prévoit la possibilité de classement dans cette position. Ce paragraphe se lit comme suit :

3) De même, la combinaison d'éléments en verre avec des instruments de mesure proprement dits (manomètres, thermomètres, etc.) peut, en pratique, constituer une indication de nature à faire considérer les appareils ainsi constitués comme entrant dans la présente position.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9027.20.10. Le Tribunal en vient à cette conclusion en tenant compte que ce sont la loi et les principes de son interprétation, y compris ceux énoncés dans les Règles générales, qui doivent régir le classement des marchandises en cause. Le Tribunal connaît particulièrement bien la Règle 1 des Règles générales. Comme le Tribunal l'a fait remarquer dans l'affaire York Barbell Co. Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , la Règle 1 revêt la plus grande importance aux fins du classement de marchandises aux termes du Système harmonisé. La Règle 1 précise que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Le Tribunal convient avec les parties qu'aux fins de l'application de la Règle 1 des Règles générales à la présente cause, il doit examiner les Notes de Sections ou de Chapitres des Chapitres 70 et 90. Le Tribunal est convaincu que le caractère essentiel des seringues consiste à distribuer et non à servir de verrerie de laboratoire. Le Tribunal constate que les deux témoins experts ont abondé dans ce sens. M. L'Heureux a exprimé directement ce point de vue dans son témoignage, et M. Harris a affirmé qu'il ne décrirait pas une seringue comme une «seringue de métal» ou une «seringue de plastique» d'après les composants d'une seringue particulière; plutôt, il qualifierait de seringues toutes les marchandises en cause.

Le Tribunal est d'accord avec les arguments de l'avocat de l'intimé pour ce qui est des motifs pour lesquels les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans la position no 90.18. Le Tribunal reconnaît également qu'il ne faut pas s'en remettre à la décision rendue par les autorités douanières de la Suisse parce qu'entre autres, il n'est pas clair si cette décision vise les marchandises en cause et si des décisions pertinentes ont été rendues en ce sens par d'autres autorités de ce genre. Cependant, le Tribunal recommande à l'intimé, dans pareilles circonstances, à l'avenir et dans le but de s'adapter aux changements apportés au Système harmonisé, de faire des efforts pour déterminer de quelle façon nos partenaires commerciaux classent des marchandises semblables.

Le Tribunal est d'avis que les Notes de Sections et de Chapitres de la position no 90.27 appuient le classement des marchandises en cause dans cette position. Premièrement, le Tribunal accepte la définition du terme «accessoire» fournie par l'avocat de l'intimé. Le Tribunal estime que les éléments de preuve révèlent que, même si les marchandises en cause peuvent être et sont utilisées avec des machines, des instruments et des appareils autres que des chromatographes, leur utilisation avec ces derniers est suffisante pour qu'elles soient considérées comme accessoires aux fins de cette définition. De l'avis du Tribunal, l'examen de la Note 2 b) du Chapitre 90 appuie cette conclusion. Cette note prévoit que, sous réserve de la Note 1, qui constitue la disposition pertinente dont le Tribunal a tenu compte ci-dessus, et de la Note 2 a), qui n'est pas applicable dans la présente cause, pour être classés dans le Chapitre 90, les parties et accessoires doivent être reconnaissables comme «exclusivement ou principalement» destinés à une machine, un instrument ou un appareil particuliers. Selon les éléments de preuve, bien que les marchandises en cause soient utilisées avec des appareils autres que des chromatographes, ces utilisations sont beaucoup moins fréquentes qu'avec des chromatographes. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve révèlent que les seringues sont suffisamment utilisées avec des chromatographes pour conclure qu'elles sont «principalement» utilisées avec des chromatographes. Le Tribunal constate que la fin de la Note 2 b) du Chapitre 90 précise que les parties et accessoires visés par cette note doivent être classés avec les machines, instruments ou appareils en question. Ainsi, comme les chromatographes sont classés dans le numéro tarifaire 9027.20.10, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le même numéro tarifaire.

Par conséquent, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.

4. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

5. Appel n o AP-89-180, le 9 septembre 1991.

6. Ibid. à la p. 5.

7. Deuxième éd., Oxford, Clarendon Press, 1989 à la p. 74.

8. Supra , note 2, annexe 1.

9. Appel n o AP-91-131, le 16 mars 1992.


Publication initiale : le 16 mai 1997