KALIANNAN RAJU

Décisions


KALIANNAN RAJU
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-89-026

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 18 octobre 1989

Appel no AP-89-026

EU ÉGARD À une demande entendue le 21 septembre 1989 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, chap. 1 (2e suppl.) dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise rendue le 19 décembre 1988, à l'égard d'une demande de nouvelle détermination présentée en conformité avec l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

KALIANNAN RAJU Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que la voiture de l'appelant, une Ford Taurus L 1988 portant le numéro de série 1FABP50D6JG137642, est correctement classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93.

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Robert J. Bertrand ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Tarif des douanes - Classification tarifaire - Déterminer si une voiture achetée par l'appelant aux États - Unis et importée au Canada devrait être classifiée sous le numéro tarifaire 9805.00.00 ou si elle est correctement classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93 - Déterminer si le Tribunal peut interpréter les numéros tarifaires selon les principes d'équité.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Selon un principe de droit bien établi, les lois fiscales comme le Tarif des douanes ne peuvent être interprétées de façon à empêcher ces lois de produire leurs effets, aussi difficiles soient-ils au niveau des conséquences pour l'appelant. L'appelant admet que les conditions du numéro tarifaire 9805.00.00 n'ont pas été respectées et les faits présentés dans cette cause le démontrent clairement. Par ailleurs, les deux parties conviennent que le numéro tarifaire 8703.23.00.93 décrit avec exactitude la voiture en question, et le Tribunal partage cette opinion.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 septembre 1989 Date de la décision : Le 18 octobre 1989
Jury : W. Roy Hines, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow Greffier du Tribunal : Lillian Pharand
Ont comparu : Kaliannan Raju, l'appelant Brian R. Evernden, pour l'intimé
Jurisprudence : Partington v. A.-G., (1869), L.R. 4 H.L. 100.
Loi citée : Tarif des douanes, S.C. 1987, chap. 49, numéros tarifaires 87.03, 8703.23.00, 8703.23.00.93 et 9805.00.00.





RÉSUMÉ

L'appelant, M. Kaliannan Raju, est un citoyen canadien qui a suivi une formation postdoctorale aux États-Unis. Il a acheté une voiture neuve (Ford Taurus L 1988 portant le numéro de série 1FABP50D6JG137642) alors qu'il résidait dans ce pays.

Lorsque l'appelant est revenu au Canada, la voiture a été classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93 du Tarif des douanes [1] . L'appelant demande au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) de classifier la voiture sous le numéro tarifaire 9805.00.00, ce qui aurait permis d'importer la voiture exempte de droits de douane. Il admet que la voiture est dûment décrite sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93 et qu'il n'a pas respecté les conditions du numéro tarifaire 9805.00.00, mais il demande au Tribunal d'interpréter les exigences de ce numéro de façon à permettre la classification de sa voiture sous le numéro tarifaire 9805.00.00.

L'objet du présent appel est de savoir si la voiture que l'appelant a importée au Canada devrait être classifiée sous le numéro tarifaire 9805.00.00, et donc exemptée des droits de douane, ou si le Sous-ministre a dûment classifié la voiture sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93.

L'appel n'est pas admis. Selon un principe de droit bien établi, les lois fiscales comme le Tarif des douanes doivent être appliquées selon leur libellé aux faits de chaque cas. Le libellé ne peut être modifié de façon à réduire les conséquences difficiles de l'application des lois dans un cas particulier.

L'appelant admet ne pas avoir respecté les conditions du numéro tarifaire 9805.00.00 et les faits le démontrent clairement. Par ailleurs, les deux parties conviennent que le numéro tarifaire 8703.23.00.93 décrit avec exactitude la voiture en question, et le Tribunal partage cette opinion.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions du Tarif des douanes pertinentes au présent appel sont les suivantes :

87.03

Voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes (autres que ceux du n o 87.02), y compris les voitures du type «break» et les voitures de course.

...

8703.23.00

D'une cylindrée excédant 1.500 cm 3 mais n'excédant pas 3.000 cm 3

...

8703.23.00.93

D'un volume intérieur excédant 2,8 m 3 mais n'excédant pas 3,1 m 3

9805.00.00

Marchandises importées... par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays après avoir résidé dans un autre pays pendant au moins un an ou par un résident qui revient au pays après une absence du Canada d'au moins une année, et acquises par lui pour son usage personnel ou domestique et lui ayant effectivement appartenu à l'étranger et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

LES FAITS

L'appelant, citoyen canadien qui a suivi une formation posdoctorale aux États-Unis, a acheté une voiture neuve (Ford Taurus L 1988, numéro de série 1FABP50D6JG137642) alors qu'il résidait dans ce pays. Il a résidé aux États-Unis pendant environ neuf mois avant de revenir au Canada.

Lorsque l'appelant a importé la voiture au Canada, cette dernière a été classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93. La voiture était donc assujettie aux droits de douane. Même si l'appelant a admis que la voiture était dûment classifiée sous le numéro tarifaire en question, il a néanmoins demandé que la voiture soit classifiée sous le numéro tarifaire 9805.00.00. Cette classification tarifaire prévoit l'entrée en franchise de marchandises, par exemple, la voiture de l'appelant, acquises par une personne pendant une séjour à l'extérieur du Canada. Pour bénéficier de ce numéro tarifaire, la personne doit avoir été absente du Canada et avoir eu les marchandises importées en sa possession et à son usage, à l'étranger, pendant un certain temps.

Le 17 octobre 1988, un applicateur du tarif et des valeurs a confirmé la détermination initiale. Il a dit que la voiture ne pouvait pas être visée par le numéro tarifaire 9805.00.00 parce que l'appelant n'avait pas résidé aux États-Unis pendant au moins un an.

Le 19 décembre 1988, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) a confirmé la classification tarifaire initiale. En effet, pour que la voiture soit classifiée sous le numéro tarifaire 9805.00.00, l'appelant devait avoir résidé aux États-Unis pendant au moins un an.

L'appelant en a appelé de cette détermination au Tribunal le 2 février 1989, parce que, selon lui, le Sous-ministre aurait dû tenir compte des neuf mois de résidence aux États-Unis dans l'interprétation de l'exigence de résidence du numéro tarifaire 9805.00.00.

M. Kaliannan Raju a témoigné en son nom lors de l'audience. L'intimé n'a appelé aucun témoin.

L'appelant s'est rendu à Columbus en Ohio aux États-Unis le 2 septembre 1987. Il devait y suivre une formation postdoctorale en biologie moléculaire des plantes et en biotechnologie au centre de biotechnologie de l'état d'Ohio de l'Université de l'État d'Ohio (Ohio State Biotechnology Center, Ohio State University).

Bien qu'il ait prévu étudier au centre pendant deux ans, il a passé seulement huit mois et vingt-quatre jours aux États-Unis. Il aurait pu y demeurer plus longtemps, mais il a choisi de revenir au Canada le 25 mai 1988, parce qu'il n'était pas satisfait de la qualité de la formation reçue au centre.

Il a acheté la voiture à Columbus le 26 janvier 1988, soit avant de prendre la décision de revenir au Canada.

LA QUESTION EN LITIGE

Le point en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la voiture que l'appelant a importée au Canada devrait être classifiée sous le numéro tarifaire 9805.00.00, et donc exemptée des droits de douane, ou si le Sous-ministre a eu raison de classifier la voiture sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93.

L'argument de l'appelant était fondé sur la compassion. Il a affirmé que les droits de douane exigés à l'égard de la voiture lui imposaient un lourd fardeau financier. Il a admis que le numéro tarifaire 8703.23.00.93 décrivait bien la voiture en question et qu'il n'avait pas respecté les exigences du numéro tarifaire 9805.00.00. Mais il a demandé au Tribunal de tenir compte du fait qu'il avait résidé aux États-Unis pendant presque neuf mois.

L'intimé soutient que la voiture ne peut être importée au Canada en vertu du numéro tarifaire 9805.00.00 pour deux raisons. D'abord, l'appelant n'a pas résidé aux États-Unis pendant au moins 12 mois et ensuite, la voiture ne lui a pas appartenu ni n'a été en sa possession et à son usage pendant au moins 6 mois avant son retour au Canada.

L'intimé soutient aussi que le Tribunal n'a pas compétence pour dispenser l'appelant des exigences du numéro tarifaire 9805.00.00.

DÉCISION

L'appelant et l'intimé conviennent tous deux qu'il est juste que la voiture en question soit classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93. Par ailleurs, l'appelant admet ne pas avoir respecté les conditions du numéro tarifaire 9805.00.00. L'appelant demande plutôt au Tribunal d'interpréter les exigences de résidence et de possession du numéro tarifaire 9805.00.00 de façon à permettre l'entrée en franchise de la voiture au Canada.

Le Tribunal est sympathique aux arguments de l'appelant, mais selon un principe de droit bien établi, les lois fiscales comme le Tarif des douanes ne peuvent être interprétées de façon à empêcher ces lois de produire leurs effets, aussi difficiles soient-ils au niveau des conséquences pour l'appelant. Dans le cause Partington v. A.-G. [2] , Lord Cairns a déclaré que la règle d'interprétation des lois fiscales est la suivante :

Je ne suis pas du tout certain que dans une cause de ce genre - une cause à caractère fiscal - la forme ne soit pas amplement suffisante; parce que, d'après ce que je peux voir le principe de toute loi fiscale est le suivant : si une personne à qui l'on demande de payer la taxe tombe sous le coup de la loi, elle doit payer la taxe, quelle que soit la difficulté qui puisse paraître pour le juriste. Par ailleurs, si la Couronne, au moment de tenter de recouvrer la taxe, ne peut faire tomber la personne sous le coup de la loi, la personne n'a pas à payer la taxe, même si les apparences indiquent que la loi devrait s'appliquer. En d'autres termes, si une clause d'une loi dite d'interprétation équitable peut être admissible, cette interprétation n'est pas admissible dans une loi fiscale où il faut s'en tenir au libellé de la loi .(soulignement ajouté) (traduction)

Ainsi, le Tribunal ne peut modifier le numéro tarifaire 9805.00.00. Il doit appliquer les conditions stipulées dans le numéro, conformément au libellé, aux faits applicables dans chaque cas.

Le libellé du numéro tarifaire 9805.00.00 stipule que pour que des marchandises, comme la voiture de l'appelant, soient visées par le numéro en cause, deux conditions générales doivent être respectées. D'abord, la personne qui demande l'application du numéro tarifaire doit avoir résidé dans un autre pays ou avoir été à l'extérieur du Canada pendant au moins un an. Ensuite, les marchandises visées par la demande doivent lui avoir appartenu et avoir été en sa possession et pour son usage pendant au moins six mois avant que la personne ne revienne au Canada.

L'appelant admet qu'aucune de ces deux conditions n'a été respectée, et les faits de cette cause le démontrent clairement.

Le Tribunal conclut que la voiture de l'appelant ne peut entrer au Canada sous le numéro tarifaire 9805.00.00. Par ailleurs, les deux parties conviennent que le numéro tarifaire 8703.23.00.93 décrit bien la voiture en question, et le Tribunal partage cette opinion.

En conséquence, le Tribunal conclut que la voiture de marque Ford Taurus L 1988, numéro de série 1FABP50D6JG137642, de l'appelant a été correctement classifiée sous le numéro tarifaire 8703.23.00.93.

Donc, l'appel n'est pas admis.


[ Table des matières]

1. S.C. 1987, chap. 49.

2. (1869), L.R. 4 H.L. 100, page 122.


Publication initiale : le 15 mai 1997