A.G. GREEN CO. LIMITED

Décisions


A.G. GREEN CO. LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-89-134

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 9 août 1990

Appel n° AP-89-134

EU ÉGARD À une demande entendue le 14 décembre 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), ch. E-13;

ET EU ÉGARD À un avis de décision du ministre du Revenu national daté du 30 mars 1989 concernant un avis d'opposition déposé conformément à l'article 51.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

A.G. GREEN CO. LIMITED Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'appelante ne peut réclamer, en vertu de l'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise, la taxe de vente fédérale comprise dans le prix de l'équipement et des matériaux utilisés pour l'exploitation de sa boulangerie et de sa boucherie.



Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si le fait que des fonctionnaires de Revenu Canada aient fourni à l'appelante des renseignements apparemment erronés autorise cette dernière à réclamer la taxe de vente fédérale comprise dans le prix de l'équipement et des matériaux utilisés pour l'exploitation de sa boulangerie et de sa boucherie - Déterminer si l'appelante peut réclamer un remboursement en vertu de l'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si ce montant est considéré comme une taxe imposée par ou en vertu de la Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si l'appelante a présenté sa demande de remboursement dans les délais prescrits.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Nonobstant les renseignements fournis par les fonctionnaires de Revenu Canada, les montants payés par l'appelante ne sont pas des taxes au sens de l'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise. Comme l'appelante n'a pas payé les taxes, elle n'a pas droit à un remboursement; le Tribunal n'a donc pas à déterminer si l'appelante a présenté sa demande de remboursement dans les délais prescrits.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 décembre 1989 Date de la décision : Le 9 août 1990
Membres du Tribunal : Robert J. Bertrand, c.r., membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Kathleen E. Macmillan, membre
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Donald G. Barnes, pour l'appelante Bruce S. Russell, pour l'intimé
Jurisprudence : Hobart Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, [1985] D.T.C., 5440; Granger c. La Commission de l'emploi et de l'immigration [1986] 3 C.F., 70, confirmée [1989] 1 R.C.S., 141; Le Procureur général du Canada c. Royden Young et al., Cour d'appel fédérale, Dossier n o A-978-88; Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel n o 2937; Walbern Agri-Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu National, Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel n o 3000; Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F., 436; La bande indienne de Saugeen c. La Reine, 2 T.C.T., 4033, confirmée par la Cour d'appel fédérale, Dossier n o A-1227-88.
Lois citées : Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. (1986), ch. 9, paragraphes 23(3) et 23(5) et article 34; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), ch. E-13, paragraphes 27(1) et 29(1), article 44 et alinéa 1a)(i) de la partie XIII, annexe III; L.R.C. (1985), ch. E-15, paragraphes 50(1) et 51(1) et article 68; S.C. (1980-81-82-83), ch. 68, article 15.
Mémorandum de l'Accise : ET 313.





RÉSUMÉ

L'appelante assure la vente au détail de produits de boucherie et de boulangerie. Le présent appel vise à déterminer si l'appelante pouvait réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix des machines et de l'équipement utilisés pour l'exploitation de sa boulangerie, de sa boucherie et de sa charcuterie.

En 1985, l'appelante a ajouté une boulangerie, une boucherie et une charcuterie à son épicerie de Little Current (Ontario). Aux fins de cette expansion, elle a acheté des outils, de même que de l'équipement et des matériaux utilisés en boulangerie et en boucherie. Le prix de ces articles facturé à l'appelante comprenait la taxe de vente fédérale. L'appelante a soutenu que des fonctionnaires du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada) lui avaient indiqué qu'elle disposait de quatre ans pour demander un remboursement. Toutefois, lorsque l'appelante a soumis sa demande en vertu de l'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), des fonctionnaires de Revenu Canada l'ont informée qu'elle n'était pas admissible à un remboursement. Par la suite, le ministre du Revenu national a précisé que la demande n'avait pas été produite dans le délai prescrit par la Loi.

Le Tribunal déclare que nonobstant les renseignements fournis par les fonctionnaires de Revenu Canada, les montants payés par l'appelante à ses fournisseurs n'étaient pas des taxes au sens de l'article 44 de la Loi. Comme l'appelante n'a pas payé les taxes, elle n'a pas droit à un remboursement. L'appelante n'étant pas admissible au remboursement, le Tribunal n'a pas eu à déterminer si elle a présenté sa demande dans les délais prescrits.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives pertinentes, en vigueur au cours de la période de cotisation, qui s'étend entre le 1er mai 1985 et le 31 décembre 1986, sont les suivantes :

Les dispositions d'exemption

Loi sur la taxe d'accise

27(1) [2] Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente... sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada...

29(1) [3] La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des articles mentionnés à l'annexe III...

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE

CONDITIONNEMENT ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux principalement et directement dans

(i) la fabrication ou la production de marchandises...

Les dispositions de remboursement

Avant le 4 mars 1986, la disposition régissant cette demande de remboursement se lisait comme suit :

44(7.1) [4] Sous réserve du paragraphe (7), il ne sera accordé en vertu du présent article, aucune remise des deniers payés ou payés en trop par erreur, que ce soit en raison d'une erreur de fait ou de droit ou autrement, et dont il a été tenu compte à titre de taxes imposées par la présente loi, à moins que la personne y ayant droit n'en fasse la demande par écrit au Ministre dans les quatre ans qui suivent la date à laquelle les deniers ont été payés ou payés en trop.

Le paragraphe 44(7.1), qui constituait la disposition relative au remboursement, a été abrogé et remplacé en application du paragraphe 23(3) de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence [5] (la Loi de 1986), promulguée le 4 mars 1986. Le nouveau paragraphe se lisait comme suit :

44(7.1) Il n'est accordé en vertu du présent article aucune remise des deniers payés ou payés en trop par erreur, que ce soit en raison d'une erreur de fait ou de droit ou autrement, et dont il a été tenu compte à titre de taxes imposées par la présente loi, à moins que la personne y ayant droit n'en fasse la demande par écrit au Ministre dans les deux ans de la date à laquelle les deniers ont été payés ou payés en trop.

En application du paragraphe 23(5) de la Loi de 1986

(le) paragraphe [23](3) est réputé être entré en vigueur le 24 mai 1985 et s'applique à une remise ou à une déduction qui est accordée ou à un paiement qui est effectué après le 23 mai 1985, sauf qu'en ce qui concerne une opération ou un événement ayant eu lieu avant le 24 mai 1985, donnant droit à une personne de demander une remise, une déduction ou un paiement, les mentions aux paragraphes... [44](7.1) de la même loi, édictées par le paragraphe [23](3), de deux ans sont interprétées comme celles de quatre ans.

Enfin, en application de l'article 34 de la Loi de 1986, le paragraphe 44(7.1) a été abrogé le 1er mai 1986 et remplacé par la disposition en vigueur à l'heure actuelle, qui se lit comme suit :

44. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, d'amendes, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes d'argent doit, sous réserve de la présente Partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes d'argent...

LES FAITS

Les faits dans cette cause ont été établis à partir des documents fournis à titre d'éléments de preuve, du témoignage de M. A.G. Green, qui détient 50 p. 100 des actions de l'appelante et y occupe le poste de chef de la direction, de M. Donald Barnes, un comptable agréé et agent de l'appelante au cours des audiences, et de M. Patrick Hayes, un vérificateur de la taxe de vente fédérale à la retraite qui, au cours de la période de cotisation visée, travaillait au bureau du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada) situé à North Bay.

En 1985, l'appelante a ajouté une boulangerie, une boucherie et une charcuterie à son épicerie de Little Current (Ontario). Aux fins de cette expansion, l'appelante a acquis des outils, de même que de l'équipement et des matériaux utilisés en boulangerie et en boucherie. Plus précisément, les marchandises en question comprennent des fours, des composantes de réfrigérateurs-chambres (compresseurs, évaporateurs, tuyaux, soupapes, fils électriques, etc.), des matériaux nécessaires à l'installation des fours et des réfrigérateurs-chambres, des moules d'essai et des tables de démoulage, etc.

Les marchandises en question furent achetées par l'entremise de M. Loeb Limited (Loeb) de Sudbury (Ontario). Loeb est un grossiste d'équipement pour détaillants comme l'appelante. Loeb dispose d'un réseau de fournisseurs, ce qui permet d'offrir l'équipement le moins coûteux à ses clients, et touche en contrepartie une commission de 2 p. 100.

Dans le cas présent, l'appelante a placé des commandes auprès de Loeb pour les marchandises en question en mars 1985 en se fondant sur les prix soumis par des fournisseurs éventuels consultés par Loeb avant cette date. Ces prix ont été recueillis après que cette dernière et l'appelante aient convenu du plan d'aménagement des nouvelles installations.

Les fournisseurs des marchandises commandées ont facturé le siège social de Loeb à Ottawa (IGA Canada Ltd.) entre mai 1985 et août 1986 à des prix comprenant la taxe de vente fédérale. IGA Canada Ltd. a ensuite facturé Loeb, qui a alors facturé l'appelante en ajoutant la commission de 2 p. 100. L'appelante a payé Loeb pour les marchandises entre mai et octobre 1985 et a versé la commission. Bien que les éléments de preuve ne soient pas concluants à cet égard, il semble qu'une ou deux factures aient été acquittées avant le 23 mai 1985.

Au début de novembre 1986, un vérificateur de la taxe de vente provinciale a indiqué à M. Green que les marchandises achetées étaient peut-être exemptées de la taxe de vente fédérale et que l'appelante pouvait être admissible au remboursement de la taxe payée. Après avoir discuté de la question avec le vérificateur de Loeb, qui a déclaré ignorer qu'il était possible de réclamer un remboursement, M. Green a demandé à M. Barnes de communiquer avec le bureau de Revenu Canada à North Bay pour déterminer si l'appelante avait droit au remboursement de la taxe de vente fédérale, ce qu'il a fait le 12 novembre 1986 et à plusieurs reprises par la suite.

M. Barnes a déclaré qu'il a demandé à M. Hayes de vérifier si les marchandises achetées étaient exemptées de la taxe de vente fédérale et, dans l'affirmative, de lui indiquer la marche à suivre pour soumettre une demande de remboursement. M. Barnes a précisé que M. Hayes lui a déclaré que l'appelante pouvait effectivement demander un remboursement. De son côté, M. Hayes a affirmé ne pas se souvenir de cette conversation, car il reçoit 20 à 25 appels téléphoniques par jour.

Selon M. Barnes, M. Hayes a fait parvenir à l'appelante la formule de demande de remboursement N-15 et le mémorandum de l'Accise ET 313, publié par Revenu Canada. La formule de demande de remboursement renfermait des commentaires rédigés de la main de M. Hayes. Plus précisément, sous la rubrique «Motif du remboursement», M. Hayes avait écrit «marchandises achetées taxe comprise - utilisation finale exemptée» (traduction). M. Hayes a déclaré que cette mention avait été ajoutée parce qu'au cours de la période de cotisation visée, Revenu Canada traitait les demandes de remboursement produites par des fabricants non licenciés, comme l'appelante, qui étaient les acheteurs ultimes de marchandises servant à des fins multiples (par exemple, des fils électriques, des câbles, des soupapes et des embouts pour tuyaux, du bois d'oeuvre, des matériaux de construction, etc.).

En précisant que les marchandises servant à des fins multiples peuvent être utilisées sous des conditions taxables ou non taxables, M. Hayes a expliqué que cette politique s'applique si la demande de remboursement a été présentée dans le délai prescrit par la Loi, si les marchandises ont été achetées pour un prix comprenant la taxe de vente fédérale et si les marchandises ont été utilisées par l'acheteur ultime à des fins exemptées. Il a ajouté que cette politique s'appliquait même si l'utilisateur final des marchandises n'a pas payé ou remis la taxe de vente fédérale directement à Revenu Canada.

Le mémorandum ET 313, paru initialement le 1er décembre 1975 et modifié jusqu'au 8 février 1985, énonce de nombreux critères imposés par Revenu Canada aux fins du remboursement.

Selon M. Barnes, le mémorandum d'accise adressé à l'appelante renfermait aussi de nombreux passages soulignés. Il a déclaré que même s'il avait lui-même souligné la plupart des passages pendant ses conversations avec M. Hayes, ce dernier en avait peut-être souligné d'autres, ce que M. Hayes a nié.

M. Barnes a déclaré que selon M. Hayes, les marchandises achetées à un prix comprenant la taxe de vente et ayant servi à fabriquer de l'équipement de production utilisé à des fins exemptées pouvaient faire l'objet d'une demande de remboursement.

L'un des passages soulignés par M. Barnes se lit comme suit : «Les personnes ayant droit à un remboursement de taxe doivent présenter leur demande de remboursement dans les quatre ans de la date à laquelle ce remboursement est devenu en premier lieu exigible». M. Barnes a déclaré que M. Hayes lui a précisé que l'appelante disposait de quatre ans pour soumettre sa demande. C'est pourquoi M. Barnes a souligné le passage du mémorandum ET 313 sur la prescription visant la demande de remboursement. M. Barnes a ajouté que M. Hayes ne lui avait pas précisé que cette prescription ne touchait que les achats effectués avant le 24 mai 1985.

M. Hayes a affirmé qu'il n'aurait jamais fait état de la prescription de quatre ans visant les demandes de remboursement sans préciser qu'elle n'était que de deux ans dans le cas des achats effectués après le 23 mai 1985. Il a ajouté que la modification de la prescription constituait un changement des plus importants qui avait été discuté par les employés du bureau de North Bay et avec des clients de l'extérieur à maintes reprises.

MM. Barnes et Green ont indiqué que l'appelante satisfaisait aux conditions d'admissibilité au remboursement établies par Revenu Canada dans le mémorandum ET 313. Plus particulièrement, et sur la foi des documents transmis par la poste et des conversations, ils ont conclu, d'une part, que l'appelante devait acheter les marchandises taxe comprise pour ensuite les utiliser à des fins exemptées et que, d'autre part, l'appelante était un fabricant ou producteur non-licencié qui assurait l'installation de tuyaux, de raccords et de soupapes, de boyaux ou de tubes et d'embouts, de fils électriques, de câbles, de conduites et d'embouts dans de l'équipement de production.

M. Barnes a ajouté que M. Hayes lui a dit de fournir copie des factures et lui a indiqué la façon de calculer la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat des marchandises en question. M. Hayes a déclaré qu'il ne se souvenait pas d'avoir discuté de ces questions avec M. Barnes, ajoutant que même si les requérants ne sont pas tenus de produire les factures pertinentes, il leur recommande souvent de le faire pour accélérer le calcul du remboursement.

Le 2 janvier 1987, l'appelante a soumis une demande de remboursement de la taxe de vente provinciale au détail imposée sur le prix d'achat de marchandises, y compris celles en question, sans annexer les factures. La demande a été approuvée le 20 janvier 1987 et l'appelante a reçu un chèque du gouvernement provincial pour le montant intégral réclamé.

Le 18 novembre 1987, l'appelante a sollicité le remboursement de 6 737,60 $, soit la totalité de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat facturé des marchandises en question. Selon M. Barnes, l'appelante a mis du temps à soumettre sa demande de remboursement au gouvernement fédéral parce qu'elle devait rassembler les factures nécessaires. Revenu Canada a reçu la demande le 20 novembre 1987.

Dans sa demande de remboursement, l'appelante soutenait que les marchandises en question étaient des machines et des appareils devant être utilisés principalement et directement pour la fabrication de marchandises en vertu du sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi et dont l'achat aurait dû être exempté de la taxe de vente fédérale.

Le 17 décembre 1987, Revenu Canada a rejeté la demande de remboursement parce qu'«en qualité de fabricant de marchandises inconditionnellement exemptées (boucherie), vous [l'appelante] êtes admissible à une exemption directe de la part de vos fournisseurs à l'égard de l'équipement de production admissible, sous réserve des délais prescrits». (traduction)

L'appelante a déposé auprès du ministre du Revenu national (le Ministre) un avis d'opposition que ce dernier a reçu le 8 f 9‚vrier 1988. Le 30 mars 1989, le Ministre a émis un avis de décision dans lequel il confirmait la décision initiale, savoir le rejet de la demande de remboursement, pour les raisons suivantes :

Dans ce cas, pour être admissible à tout remboursement de la taxe de vente, la demande écrite devait être déposée dans les quatre ans pour toutes les transactions effectuées au plus tard le 23 mai 1985, ou dans les deux ans après que la taxe de vente sur les transactions conclues après le 23 mai 1985 puisse être remboursée.

Vu qu'aucun élément de preuve démontrant que vous avez pris possession des marchandises au plus tard le 23 mai 1985 n'a été fourni et que votre demande n'a pas été déposée dans le délai de deux ans prévu à l'égard des transactions conclues après cette date, votre requête n'est pas conforme à la prescription imposée par la Loi sur la taxe d'accise. (traduction)

Insatisfaite, l'appelante s'est adressée au Tribunal le 17 avril 1989.

LA QUESTION EN LITIGE

Le présent appel porte sur la question de savoir si l'appelante peut, en vertu de l'article 44 de la Loi, réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat facturé des marchandises en question.

L'appelante a soutenu qu'elle y a droit parce que M. Hayes l'a mal informée quant à la prescription régissant le dépôt de sa demande de remboursement et à la marche à suivre à cette fin. Elle a ajouté que lorsqu'elle s'est adressée au bureau de Revenu Canada à North Bay, elle a appris qu'elle pouvait obtenir un remboursement de la taxe de vente fédérale si elle présentait une demande, accompagnée des documents pertinents (par exemple, les factures), dans les quatre ans. L'appelante a déclaré que n'eût été de ces renseignements, elle n'aurait pas attendu jusqu'à ce que toutes les pièces justificatives soient rassemblées, savoir en novembre 1987, et aurait présenté sa requête en même temps que celle visant le remboursement de la taxe provinciale de vente, c'est-à-dire en janvier 1987, respectant ainsi la prescription.

L'appelante a affirmé qu'en raison de l'iniquité des circonstances, le Tribunal devait considérer qu'elle avait déposé sa demande de remboursement de la taxe de vente fédérale en même temps que celle visant la taxe provinciale de vente, soit en janvier 1987.

À défaut, l'appelante a soutenu que la prescription régissant le dépôt de sa demande devait commencer le 20 décembre 1985. Ce jour-là, Revenu Canada a émis la décision 1100/3-1, fondée sur le jugement de la Cour d'appel fédérale dans la cause Hobart Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , selon laquelle les bouchers au détail sont des fabricants au détail et donc, au dire de l'appelante, admissibles à l'exemption de la taxe. Par conséquent, l'appelante a soutenu qu'en qualité de fabricant au détail, elle pouvait réclamer le remboursement intégral de la taxe de vente fédérale payée à l'égard de ses activités de fabrication au détail. Comme l'appelante a soumis sa demande de remboursement en novembre 1987, elle a déclaré que la prescription de deux ans avait été respectée.

En dernier recours, l'appelante a soutenu que d'aprE8Šs la décision que le Ministre a rendue le 30 mars 1989 au sujet de sa demande de remboursement, ce dernier considère que la prescription de quatre ans s'applique aux transactions par lesquelles le titre de propriété a été transféré avant le 24 mai 1985. L'appelante a enjoint le Tribunal de statuer que la propriété des marchandises en question avait été cédée lorsqu'elle s'est engagée à les acheter, ce qui, a-t-elle affirmé, s'est produit environ trois mois avant la date figurant sur chaque facture. L'appelante a donc soutenu qu'en se fondant sur cette date, le Tribunal pouvait distinguer les transactions respectant la prescription de quatre ans et donc, celles pouvant faire l'objet d'une demande de remboursement.

De son côté, l'intimé a déclaré que l'appelante n'avait pas droit à un remboursement et a soumis les trois arguments suivants à cet effet. Premièrement, l'intimé a déclaré que même si M. Barnes avait manifestement fourni au Tribunal la description la plus fidèle possible de ses rapports avec le bureau de Revenu Canada à North Bay, il est fort peu probable que M. Hayes l'ait mal informé en ce qui touche la prescription visant les demandes de remboursement étant donné sa longue expérience des rapports avec le public concernant les dispositions de la Loi et l'importance de la prescription aux fins du dépôt des demandes de remboursement.

Toutefois, même si M. Hayes avait mal informé M. Barnes, l'intimé a affirmé que les tribunaux canadiens, et plus particulièrement la Cour d'appel fédérale dans les causes Granger c. La Commission de l'emploi et de l'immigration [7] et Le Procureur général du Canada c. Royden Young et al. [8] , ont toujours soutenu que l'État n'était pas lié par les renseignements fournis aux contribuables par les fonctionnaires de Revenu Canada si ces renseignements sont contraires aux dispositions de la loi. L'État doit appliquer la loi, même si cela engendre des difficultés financières.

Deuxièmement, l'intimé a déclaré que l'appelante n'était pas admissible au remboursement visé à l'article 44 de la Loi. Invoquant la décision du Tribunal dans la cause Geocrude Energy Inc. c. Le Ministre du Revenu national [9] , l'intimé a affirmé que seule l'entité qui paie la taxe a droit au remboursement, si elle y est autrement admissible. Or, a soutenu l'intimé, comme l'appelante n'a pas payé les taxes dont elle réclame aujourd'hui le remboursement, sa demande est irrecevable.

En revanche, l'intimé a déclaré qu'au cours de la période de cotisation en question, Revenu Canada avait pour politique d'accorder aux requérants comme l'appelante un remboursement de la taxe de vente fédérale payée à l'achat de marchandises pouvant servir à des fins multiples et utilisées à des fins exemptées. L'intimé a précisé que cette politique ne s'appliquait pas dans ce cas parce qu'aucun élément de preuve démontrant que les marchandises en question peuvent servir à des fins multiples n'a été fourni au Tribunal.

Enfin, l'intimé a affirmé que même si les marchandises en question pouvaient servir à des fins multiples, l'appelante n'était pas admissible au remboursement en ce qui touche les marchandises à l'égard desquelles la taxe de vente fédérale a été payée après le 23 mai 1985 parce qu'elle n'a présenté sa demande qu'en novembre 1987. L'intimé a ajouté que les paragraphes 23(3) et 23(5) et l'article 34 de la Loi de 1986, lorsqu'ils sont lus conjointement avec la disposition de remboursement en vigueur de l'article 44 de la Loi, traduisent clairement l'intention du Parlement d'accorder aux requérants un délai de deux ans pour leur permettre de soumettre une demande de remboursement à l'égard des transactions dans le cadre desquelles la taxe de vente fédérale a été payée après le 23 mai 1985.

Toutefois, l'intimé a soutenu que la prescription de quatre ans visant les transactions dans le cadre desquelles la taxe de vente fédérale a été payée avant le 24 mai 1985 constituait un droit acquis qui ne pouvait affecter les changements apportés ultérieurement à la Loi pour abolir cette prescription de quatre ans. À cet effet, l'intimé a invoqué la paragraphe 43c) de la Loi d'interprétation [10] et le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario dans la cause Re Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Le ministre du Revenu de l'Ontario [11] . L'intimé a donc admis que si les marchandises en question pouvaient servir à des fins multiples, l'appelante pourrait réclamer un remboursement à l'égard des transactions dans le cadre desquelles la taxe de vente fédérale a été payée avant le 24 mai 1985 en invoquant la politique de Revenu Canada.

DÉCISION

Même si le Tribunal compatit à la situation de l'appelante, il considère néanmoins que l'appel devrait être rejeté en raison des faits, de la jurisprudence pertinente et des dispositions législatives applicables.

En ce qui touche l'argument de l'appelante voulant qu'elle soit admissible au remboursement parce que les renseignements qui lui ont été fournis quant au délai dont elle disposait pour soumettre une demande étaient erronés, le Tribunal fait remarquer qu'il doit appliquer la loi pertinente à la présente cause même si un fonctionnaire de Revenu Canada a mal renseigné l'appelante au sujet des dispositions de la Loi concernant le remboursement de la taxe de vente fédérale. Or, si la loi n'autorise pas l'appelante à demander un remboursement, le fait que cette dernière ait été mal renseignée ne suffit pas à changer le résultat prévu par la loi.

Cette proposition a été énoncée dans la cause Walbern Agri-Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu National [12] , entendue par le Tribunal. Ce dernier a formulé comme suit (à la page 5) sa position en ce qui touche l'incidence des renseignements erronés sur l'obligation de payer la taxe de vente :

Le fait que l'appelante ait été ou non mal renseignée par les fonctionnaires du Ministère et qu'elle ait reçu ou non les Nouvelles de l'Accise ne peut être pris en considération lorsqu'il s'agit d'établir si elle doit payer la taxe. Le fait d'être mal renseigné par un fonctionnaire du Ministère n'est pas une excuse et ne justifie pas le non-paiement de la taxe; c'est là un principe de droit bien établi.

Le Tribunal fondait ses commentaires sur la décision du juge Pratte, de la Cour d'appel fédérale, dans la cause Granger (supra), que la Cour suprême du Canada a maintenu par la suite [13] .

Le Tribunal estime donc que l'appelante ne peut réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale que si les dispositions pertinentes de la Loi le lui permettent.

Dans la cause Geocrude (supra), le Tribunal a longuement traité de l'historique de la disposition de remboursement invoquée par l'appelante, savoir l'article 44 de la Loi, et de la jurisprudence pertinente afin de déterminer si l'utilisateur ultime des marchandises peut réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat desdites marchandises.

En faisant l'historique de l'article 44 de la Loi, le Tribunal a formulé les commentaires suivants, en page 9 :

L'article 44 tire ses origines de S.C. 1943-1944, ch. 11. À cette époque, les dispositions sur le remboursement de la taxe de vente fédérale payée par erreur correspondaient aux paragraphes 105(1) et 105(6), dont le libellé était presque identique à celui de l'alinéa 44(1)c) et du paragraphe 44(7.1) de la Loi dans leur version antérieure à leur abrogation et remplacement par l'article 44 présentement en vigueur.

Depuis 1943, le point commun entre ces dispositions de remboursement est que les sommes visées par la demande doivent avoir été prises en considération à titre de taxe imposée par ou en vertu de la Loi .

Pour analyser ce libellé, le Tribunal a notamment examiné la décision de la Cour d'appel fédérale dans Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine [14] . Dans cette cause, la cour devait déterminer si Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd., un acheteur de machines servant à fabriquer du papier, construites à partir de pièces détachées par le fabricant-fournisseur des marchandises, pouvait demander le remboursement de la taxe de vente fédérale parce que lesdites machines avaient ultérieurement été exemptées de la taxe en application d'une loi modificatrice. Dans le cadre de la transaction conclue entre le fabricant-fournisseur et l'acheteur, Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. devait payer un prix comprenant un montant au titre de la taxe de vente fédérale payée par le fabricant-fournisseur à la Couronne.

Au nom de la cour, le juge Thurlow a soutenu que la loi modificatrice ne s'appliquait pas à la taxe déjà payée et a déclaré, aux pages 441 et 442, que

... même s'il est admis que la taxe déjà payée est devenue non exigible et donc remboursable,... l'appelante [l'acheteur] n'a pas su établir, à mon avis, qu'elle était fondée à réclamer à la Couronne le recouvrement du montant en cause . Le fait que l'appelante, comme l'a affirmé l'avocat, soit la seule personne intéressée à obtenir le remboursement de ces sommes ne suffit pas à mon avis à lui conférer un droit d'action à cet égard à l'encontre de la Couronne puisqu'elle n'a été assujettie à aucune taxe et n'en a pas payé ; j'estime en outre qu'on ne peut affirmer que l'appelante, et non la Couronne, ait jamais été propriétaire des sommes versées à la Couronne par la Dominion Engineering Works Limited à titre de paiement de la taxe. (soulignement ajouté)

Le principe qui sous-tend cette décision a été formulé par madame le juge Reed dans la décision de la Cour fédérale du Canada, Division de première instance, dans la cause La bande indienne Saugeen c. La Reine [15] . Dans cette cause, l'appelante, une bande indienne, avait acheté plusieurs denrées à des prix comprenant la taxe de vente fédérale et invoquait la Loi pour réclamer le remboursement de cette taxe en vertu du statut que lui conférait la Loi sur les Indiens. La question centrale posée à la cour était de savoir si la Loi sur les Indiens exempte les bandes indiennes du paiement de la taxe, et donc si l'appelante était admissible au remboursement de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat des marchandises payé aux vendeurs.

La cour a notamment rejeté l'appel, en partie, parce qu'elle n'estimait pas que la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat des marchandises payé aux vendeurs par l'appelante constituait une taxe imposée en vertu de la Loi.

La bande indienne Saugeen en a appelé de la décision auprès de la Cour d'appel fédérale. Le 7 décembre 1989, la cour a confirmé à l'unanimité le jugement de la Division de première instance [16] .

La cour a déclaré ce qui suit, en page 3 :

... Il est constant que, dans chaque cas, lorsque la taxe de vente est payée, le paiement réel est effectué par un fabricant, un marchand en gros ou un détaillant muni de licence, selon le cas. Il est également constant que la taxe est habituellement repassée au consommateur. Il s'agit de savoir si le fait de repasser la taxe à l'utilisateur final d'un produit, lorsque cela se produit, est une question de contrat ou une question de droit.

Citant, avec approbation, les commentaires du juge Thurlow, la cour, par l'entremise du juge McGuigan, a traité de la question en ces termes (pages 10 à 14) :

Le véritable point litigieux en l'espèce a, à mon avis, déjà été tranché par cette cour dans l'affaire Price... [La] décision de cette cour... nous lie.

En conséquence, je suis d'avis de conclure sur ce point qu'on ne saurait dire que l'appelante est assujettie à une taxe sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise quand bien même on lui ferait indubitablement supporter le fardeau de la taxe, comme le montrent plusieurs des factures. Ce que l'appelante a payé n'était pas la taxe comme telle, mais le prix des denrées qui comprenait la taxe. Cela suffit, aux fins constitutionnelles, à faire de la taxe un impôt indirect. Mais cela ne suffit pas, aux fins fiscales, à établir que l'appelante est la véritable contribuable.

...

À mon avis, le fait que plusieurs dispositions de la Loi accordent des exemptions ou remboursements à certains utilisateurs finals ne saurait être interprété comme une règle pour les autres, ni comme une indication de l'intention de l'ensemble de la loi. Dans l'arrêt Price, cette cour a déjà établi cette intention. En conséquence, les taxes de vente prévues à la Loi sur la taxe d'accise doivent être considérées, non pas comme des impôts sur les biens, mais comme des taxes sur les opérations commerciales, lesquelles taxes sont perçues au moment de l'opération.

Bref, les montants versés par l'appelante à ses fournisseurs au titre de la taxe de vente fédérale ne constituent pas une taxe au sens de la disposition de remboursement sur lequel se fonde cet appel; c'est-à-dire, l'article 44 de la Loi. Ils sont plutôt considérés comme faisant partie du prix sur le marché des denrées achetées et sont payés «en vertu d'un contrat» entre A.G. Green Co. Limited et ses fournisseurs.

Comme l'appelante n'a pas payé la taxe au sens de l'article 44 de la Loi, elle n'est pas un requérant admissible et n'a donc pas droit au remboursement de la taxe de vente comprise dans le prix d'achat des marchandises en question.

Vu que l'appelante n'est pas un requérant admissible, le Tribunal estime qu'il n'a pas à déterminer si elle a présenté sa demande de remboursement dans les délais prescrits.

Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal déclare que l'appelante ne peut réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat facturé des marchandises en question. Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. E-13, maintenant L.R.C. (1985), ch. E-13, art. 68, tel que modifié.

2. Ibid ., maintenant le paragraphe 50(1).

3. Ibid ., maintenant le paragraphe 51(1).

4. S.R.C. (1970), ch. E-13, tel que modifié par le S.C. (1980-81-82-83), ch. 68, article 15.

5. S.C. (1986), ch. 9.

6. [1985] D.T.C., 5440.

7. [1986] 3 C.F., 70, confirmée [1989] 1 R.C.S., 141.

8. Non publiée, Dossier n o A-978-88.

9. Non publiée, Appel n o 2937.

10. L.R.C. (1985), ch. I-21.

11. 32 O.R. (2 e ), 240.

12. Non publiée, Appel n o 3000.

13. Supra , note 4, selon le juge Lamer en page 141.

14. [1974] 2 C.F., 436.

15. 2 T.C.T., 4033.

16. La bande indienne Saugeen c. La Reine (non publiée), Dossier n o A-1227-88.


Publication initiale : le 16 mai 1997