PILLAR CONSTRUCTION LTD.

Décisions


PILLAR CONSTRUCTION LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-89-140

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 25 octobre 1990

Appel no AP-89-140

EU ÉGARD À un appel entendu les 19 et 20 mars 1990, en vertu de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise concernant une décision rendue par le ministre du Revenu national le 17 juin 1988.

ENTRE

PILLAR CONSTRUCTION LTD. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.



Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Taxe de vente - Pièces de rechange pour matériel d'excavation utilisé pour la construction de pipelines de tous genres et outils et équipement de transformation utilisés pour réparer ou entretenir ce matériel - Exemption de la taxe de vente en vertu des alinéas 1a), j), k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) - Marchandises fabriquées ou produites - Matériel utilisé pour mettre en valeur le pétrole ou le gaz naturel - Catégorie de personnes autorisées à demander un remboursement en vertu de l'article 68 de la Loi.

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 81.22 de la Loi par Pillar Construction Ltd. (Pillar) en vue de faire renverser la décision du ministre du Revenu national (le Ministre), qui a rejeté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale qu'elle a payée sur l'achat de certaines pièces de rechange pour matériel d'excavation utilisé pour la construction de pipelines de tous genres et de certains outils et équipement de transformation devant servir à réparer ou à entretenir ce matériel. Le 12 mai 1988, Pillar a déposé une demande de remboursement au montant de 12 968,09 $, correspondant à ces achats. Cette demande a été rejetée parce que la Loi ne prévoit pas d'exemption de la taxe de vente fédérale sur lesdits outils, lesdites pièces de rechange et ledit équipement de transformation. Pillar a déposé un avis d'opposition à cette détermination le 13 septembre 1988. Le Ministre n'ayant pas envoyé d'avis de décision, Pillar en a appelé de la détermination auprès du Tribunal, le 16 mars 1989.

Dans le cadre du présent appel, il convient de déterminer si lesdits outils, lesdites pièces de rechange et ledit équipement de transformation sont admissibles à une exemption de la taxe en vertu des alinéas 1a), j), k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Pour que Pillar puisse bénéficier de cette exemption, il doit être prouvé que cette entreprise utilise le matériel d'excavation pour fabriquer ou produire des marchandises au sens de la Loi, en l'occurrence les matériaux de remblayage retirés de la tranchée. En deuxième lieu, le Tribunal doit décider si le matériel d'excavation est utilisé pour mettre en valeur le pétrole et le gaz naturel au sens de l'alinéa 1j). Il convient également de déterminer si Pillar, un utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente payée sur lesdits achats, conformément à l'article 68 de la Loi.

Jugement : L'appel est rejeté. Le Tribunal considère que l'opération consistant à replacer les matériaux extraits de la tranchée et à les compacter au-dessus du tuyau ne représente pas une activité de production ou de fabrication de ces matériaux de remblayage au sens de la Loi. Aucune marchandise ayant une nouvelle forme, qualité ou propriété n'a été créée à des fins de vente. L'appelante a simplement appliqué les conditions du contrat de construction du pipeline et a pris les mesures nécessaires pour protéger le tuyau. Le Tribunal ajoute qu'il n'est pas convaincu, après analyse des éléments de preuve déposés, que le matériel d'excavation utilisé pour creuser une tranchée aux fins de l'installation de canalisations de collecte de pétrole et de gaz constitue des machines et des appareils utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux au sens de l'alinéa 1j). Par conséquent, le Tribunal en vient à la conclusion que l'appelante n'est pas admissible à l'exemption prévue aux alinéas 1a), j), k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Compte tenu de ces conclusions, le Tribunal ne considère pas nécessaire de déterminer si l'appelante a droit à un remboursement de la taxe de vente à l'égard desdits achats, conformément à l'article 68 de la Loi.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Dates de l'audience : Les 19 et 20 mars 1990 Date de la décision : Le 25 octobre 1990
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant W. Roy Hines, membre Michèle Blouin, membre
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Blair M. Geiger, pour l'appelante Linda J. Wall, pour l'intimé
Causes citées : G.H. Poulin Contractor Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985) 10 R.C.T. 170; Leonard Pipeline Contractors Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1979) 6 R.C.T. 907, confirmé par la C.F.A. (1980) 2 C.E.R. 119; The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd., [1968] R.C.S. 140; The King v. Vandeweghe (1934), R.C.S. 244.
Lois et règlements cités : Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, par. 50(1) et 51(1), art. 68, 68.2 et 81.22, alinéas 1a), j), k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III (dans sa forme modifiée).





Il s'agit d'un appel interjeté par Pillar Construction Ltd. (Pillar) en vertu de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) dans le but de faire renverser la Décision no ALB53274 rendue le 17 juin 1988 par le ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Ministre), dans laquelle ce dernier rejettait la demande soumise par Pillar aux fins du remboursement d'une somme de 12 968,09 $ au titre de la taxe de vente payée à l'achat de certaines pièces de rechange pour matériel d'excavation utilisé pour la construction de pipelines de tous genres et de certains outils et équipement de transformation devant servir à réparer ou à entretenir ledit matériel.

L'appelante tente d'obtenir les déclarations suivantes du Tribunal :

-que l'excavation et la séparation des matériaux appropriés aux fins du remblayage de la tranchée au-dessus du pipeline constituent un processus de fabrication ou de production de marchandises au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi;

-que les pièces installées sur le matériel d'excavation utilisé dans le cadre de telles activités de fabrication ou de production soient exemptées de la taxe d'accise en vertu de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III;

-que les matières consommées ou utilisées lors de l'excavation des matériaux de remblayage soient exemptées de la taxe d'accise en vertu de l'alinéa 2a) de la partie XIII de l'annexe III;

-que les outils utilisés pour réparer le matériel de fabrication ou de production des marchandises soient considérés comme du matériel de réparation et d'entretien devant servir à entretenir les marchandises énoncées à l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III et soient admissibles à l'exemption en vertu de l'alinéa 1k) de la partie XIII;

-que le matériel d'excavation utilisé pour effectuer des tranchées aux fins de l'installation de canalisations de collecte de pétrole et de gaz soit considéré comme des machines ou des appareils devant servir à la mise en valeur du pétrole et du gaz naturel au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III;

-que les pièces installées sur le matériel d'excavation utilisé dans le cadre de telles activités de mise en valeur du pétrole et du gaz naturel soient exemptées de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III;

-que les outils servant à réparer le matériel de construction utilisé dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole et du gaz naturel soient considérés comme du matériel de réparation et d'entretien devant servir à entretenir les marchandises énoncées à l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III et soient admissibles à une exemption en vertu de l'alinéa 1k) de la partie XIII; et

-que l'appelante soit admissible, en vertu de l'article 68 de la Loi, au remboursement de la taxe d'accise équivalant à 7 203,50 $ pour les pièces, de 3 655,71 $ pour les matières consommées ou utilisées et de 2 108,88 $ pour les outils.

LES FAITS

Pillar est une entreprise de construction qui offre du matériel et des services de construction dans le secteur du pétrole et du gaz. Ses principales activités comprennent la construction de chantiers d'exploitation, de routes d'accès à des concessions de pétrole et de gaz, et de pipelines. Les activités de construction de pipelines visent, notamment, la pose de canalisations de collecte qui acheminent en un point central le pétrole et le gaz provenant de puits. Ces activités comprennent également l'excavation de tranchées aux fins de l'installation du tuyau et la fourniture de matériel approprié pour protéger le tuyau et effectuer le remblai une fois le tuyau en place.

Pillar a acheté des pièces de rechange qui ont été installées sur le matériel d'excavation des matériaux de remblayage à partir de la tranchée du pipeline. Elle a également acheté des outils pour réparer et entretenir tout son matériel de construction, notamment pour réparer et entretenir le matériel de tranchée. Elle a payé des taxes sur ces achats.

Pillar a déposé la Demande de remboursement no 1262 auprès de Revenu Canada, Douanes et Accise, le 12 mai 1988 à l'égard de ces achats. Cette demande visait la période comprise entre le 16 mai 1984 et le 31 mars 1988. Le 17 juin 1988, le Ministre a émis l'Avis de détermination no ALB53274 par lequel il rejetait la demande de remboursement des taxes payées par l'appelante, parce qu'à son avis la Loi ne prévoit pas l'exemption de la taxe de vente fédérale à l'égard desdits outils, desdites pièces de rechange et dudit équipement de transformation.

Pillar a déposé un avis d'opposition auprès du Ministre le 13 septembre 1988. Le Ministre n'ayant pas encore envoyé d'avis de décision, Pillar a interjeté appel, dans une lettre datée du 16 mars 1989, auprès du Tribunal, en vertu de l'article 81.22 de la Loi.

À l'audience, le président de Pillar, M. James Rinn, a comparu au nom de l'appelante. Il a déclaré au Tribunal que Pillar concentre son activité dans la production pétrolière et tire la plus grande partie de son chiffre d'affaires de la construction de chantiers pétrolifères, de routes d'accès et de pipelines. Il a expliqué que la demande de remboursement présentée par Pillar porte exclusivement sur les travaux liés au réseau de collecte, c'est-à-dire l'installation de canalisations de collecte, dans le but d'acheminer le produit de la tête du puits à un point central appelé «batterie». En vertu d'un contrat type de construction d'une canalisation de collecte, l'appelante achète le tuyau et en assure la pose. Les activités de l'appelante à l'égard de la pose du pipeline comprennent le transport, le montage et le soudage du tuyau, l'installation dans la tranchée et le remblayage.

Selon le témoin, l'appelante a recours à des rétrocaveuses ou à des trancheuses pour procéder aux travaux d'excavation nécessaires à l'installation d'un pipeline souterrain. Certaines conditions particulières du terrain exigent l'utilisation d'une rétrocaveuse pour creuser la tranchée. Dans d'autres conditions, un contrat peut préciser l'utilisation obligatoire d'une trancheuse. Contrairement à la rétrocaveuse, la trancheuse ne coupe que la quantité requise de terre et la place proprement le plus près possible de la tranchée pour faciliter le remblayage et produit un matériau sous une forme plus granuleuse.

Le témoin a déclaré que certains contrats renferment des dispositions énonçant les caractéristiques des matériaux de remblayage devant recouvrir le tuyau. Par exemple, les tuyaux en acier sont protégés contre la corrosion par un enduit protecteur qui recouvre l'extérieur du tuyau. Cet enduit peut être endommagé par de la roche, des pierres ou de grosses mottes de terre gelée. Par conséquent, l'appelante doit veiller à ce que les matériaux de remblayage ne contiennent pas de matières susceptibles d'endommager cet enduit. Dans le cas de travaux sur des terres agricoles, la réglementation en vigueur exige que la terre de surface soit enlevée et séparée des autres matériaux de remblayage pour garantir le rendement obtenu avant les travaux de construction du pipeline. En hiver, l'appelante doit réduire le plus possible l'attente entre l'excavation et le remblai parce qu'il est important d'empêcher le gel des matériaux de remblayage. Si la terre ou la glaise est gelée, elle formera des particules semblables à des roches et elle endommagera l'enduit.

Pour respecter les dispositions du contrat, l'appelante doit rendre l'emprise dans son état initial. Elle doit replacer et compacter les matériaux retirés de la tranchée et placés sur le terrain. Les matériaux qui ne peuvent être replacés dans la tranchée sont proprement placés au-dessus de celle-ci pour former une petite butte. L'appelante n'utilise que les matériaux retirés de la tranchée. Si ces derniers sont impropres au remblai, l'appelante doit acheter des matériaux de remblayage acceptables pour les remplacer.

M. David Heaton a comparu et a déclaré qu'il a préparé, en tant qu'ingénieur, des soumissions relatives aux travaux de construction de pipelines et que ses services ont été retenus comme ingénieur-conseil par diverses sociétés pétrolières aux prises avec de mauvaises conditions de terrain aux abords des pipelines. Il a expliqué que les pipelines sont enfouis sous la terre pour les protéger, pour réduire leur impact sur l'environnement, pour utiliser le terrain pour soutenir les coudes et les raccords, pour empêcher le démembrement du tuyau et pour réduire les effets du régime thermique auquel le tuyau est soumis.

Le témoin a déclaré au Tribunal qu'il existe un test d'ingénierie, l'essai Proctor standard, utilisé pour mesurer le degré de compactage ou de densité de divers matériaux. Aux fins de ce test, de l'énergie de compactage constante est émise dans une certaine quantité de terre. Dans l'industrie de la construction de pipelines, la norme de compacité est de 90 à 95 p. 100 de l'unité Proctor, au-dessus du tuyau. Pour la construction de pipelines, les matériaux d'excavation sont compactés pour deux raisons : premièrement, pour replacer les matériaux dans la tranchée; deuxièmement, pour en accroître la résistance. Les matériaux compactés sont stables, ne s'enfoncent pas et ne créent pas de vallonnements dans le sol; ils soutiennent le tuyau et minimisent le tassement ultérieur du sol au-dessus du tuyau.

M. Jerry Ault, spécialiste en taxe de vente depuis 1988, a déclaré qu'il a été embauché par Pillar pour préparer une demande de remboursement de la taxe de vente. Il a passé en revue les documents comptables de l'appelante et a examiné les factures faisant l'objet de la demande de remboursement. Il a ajouté que la plupart des factures indiquent que la taxe est comprise ou qu'elle est ajoutée au montant de l'achat. Il a ensuite groupé en catégories les divers achats selon les machines auxquelles ils étaient destinés et sur lesquelles ils avaient été installés. Ces catégories ont été décrites dans un document de travail intitulé Pillar Construction Ltd. Breakdown of FST on Disputed Claims (Répartition, par Pillar Construction Ltd., de la TFV sur les demandes contestées) (traduction) (pièce A-6).

La première catégorie comprend les achats de pièces de rechange destinées au matériel d'excavation. La deuxième catégorie englobe le matériel de réparation et d'entretien, de même que les outils utilisés pour réparer et entretenir le matériel d'excavation. Le témoin a précisé les travaux de construction de pipelines pour lesquels les outils ont été achetés en vérifiant la fiche jointe à la facture de chaque fournisseur, le numéro de la pièce d'équipement et le numéro de la tâche auquel l'achat a été facturé. La troisième catégorie renferme diverses pièces consommées ou utilisées dans le cadre de la production des matériaux et des fournitures, notamment de pièces achetées et installées sur le matériel d'excavation au chantier. Ces pièces englobent, entre autres, les filtres et les boulons et écrous utilisés pendant tout le processus. La quatrième catégorie comprend le matériel de réparation et d'entretien, de même que les outils utilisés pour réparer toutes les pièces du matériel de construction à l'atelier principal. La cinquième catégorie renferme les matériaux consommés ou utilisés au cours de la réparation et de l'entretien du matériel de construction et d'autres pièces d'équipement à l'atelier. La sixième catégorie se compose des pièces de rechange d'un câble de halage utilisé aux fins d'exploration. La septième catégorie comprend les matériaux et fournitures consomptibles pour un tracteur D-8 servant à l'exploration. La huitième catégorie renferme les matériaux consommés ou utilisés par le matériel d'excavation aux fins de la construction d'une ligne de transmission pour la société Nova. Enfin, la neuvième catégorie regroupe le matériel de réparation et d'entretien, de même que les outils utilisés sur le chantier pour réparer le matériel d'excavation au cours des travaux de construction de la ligne de transmission pour la société Nova.

Le témoin a déclaré qu'avant d'occuper ce poste de spécialiste en taxe de vente, il a travaillé pendant huit ans comme vérificateur des remboursements au bureau de district de l'Accise, à Edmonton. Entre autres fonctions, il devait conseiller le public sur l'application de la Loi. Il a expliqué qu'il comprend ainsi la politique ministérielle à l'égard des demandes de remboursement présentées par les utilisateurs finals : tout fabricant, producteur ou entrepreneur ne détenant pas de permis doit déposer des demandes de remboursement d'utilisation finale à l'égard des tuyaux, soupapes, raccords, fils électriques, câbles et canalisations, et pour les pièces polyvalentes destinées au matériel, à moins de n'effectuer que des travaux donnant droit à une exemption. Les pièces polyvalentes peuvent être remplacées par des pièces semblables ou par des pièces d'équipement utilisées dans le cadre de divers travaux taxables et exemptés de la taxe. Par exemple, dans le cas présent, il s'agit de pièces qui peuvent être installées sur une trancheuse ou sur une rétrocaveuse. Le témoin était d'avis que la plupart des pièces et fournitures énoncées dans la demande de remboursement en question constituent des pièces polyvalentes.

Interrogé par le Tribunal, le témoin a déclaré que les activités de l'appelante se composent en partie de travaux d'exploration donnant droit à l'exemption. Le matériel qu'elle utilise aux fins d'exploration sert également à d'autres activités, par exemple, la construction de pipelines. Vu qu'elle ne se consacre pas uniquement à l'exploration, l'appelante doit acheter son matériel taxe incluse et déposer ensuite une demande de remboursement dans le cas des achats admissibles à l'exemption; voilà comment le témoin saisit la politique ministérielle concernant les achats de pièces polyvalentes par les utilisateurs finals.

Mme Patricia Coyle, agent d'interprétation fiscale auprès de la Division de la taxe d'accise, a été appelée à comparaître au nom de l'appelante. On lui a demandé de commenter les motifs de la mise en oeuvre de la politique ministérielle sur les demandes de remboursement, comme elle a été exprimée dans la Décision no 9110/287. Le témoin a répondu que la politique a été mise en oeuvre pour faciliter la vérification et le contrôle.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Le présent appel a pour but de déterminer si certaines pièces de rechange du matériel d'excavation utilisé par l'appelante pour creuser une tranchée aux fins de la construction de pipelines, et certains outils et équipement de transformation servant à réparer ou entretenir ce matériel sont admissibles à une exemption de la taxe de vente en vertu des alinéas 1a), j), k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. La première question sous-jacente consiste à déterminer si l'appelante utilise le matériel d'excavation pour fabriquer ou produire des marchandises, au sens de la Loi, en l'occurence les matériaux de remblayage. Il convient également de déterminer si le matériel d'excavation sert à mettre en valeur le pétrole et le gaz naturel au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII. Enfin, il faut se demander si l'appelante, comme utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente sur lesdits outils, lesdites pièces et ledit équipement de transformation.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives applicables au présent appel sont les suivantes :

Loi sur la taxe d'accise [1]

50 (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

51 (1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III, excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de cette annexe qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 54(2).

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE CONDITIONNEMENT

ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux principalement et directement :

(i) soit dans la fabrication ou la production de marchandises,

...

j) les machines et appareils, y compris le câble métallique, les trépans et le tubage du trou de tir pour sismographe, utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux;

k) les outillages de réparation et d'entretien vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux et devant servir à l'entretien de marchandises visées aux alinéas a) à j) et qu'ils utilisent;

l) les pièces pour des marchandises visées aux alinéas a) à k);

...

2. Matières, à l'exclusion de la graisse, des huiles de graissage ou du carburant à utiliser dans les moteurs à combustion interne, consommées ou utilisées par les fabricants ou producteurs directement dans, selon le cas :

a) la fabrication ou la production de marchandises;

L'ARGUMENTATION

L'appelante a soumis un argument à deux volets dans le cadre du présent appel. D'abord, elle a prétendu que l'article 51 de la Loi prévoit essentiellement l'exemption de la taxe de vente imposée par l'article 50 dans le cas des marchandises mentionnées à l'annexe III. Plus précisément, l'alinéa 1a) de la partie XIII précise que les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux principalement et directement dans la fabrication ou la production de marchandises sont exemptés de la taxe. L'appelante a prétendu que la trancheuse sert principalement et directement à la fabrication ou à la production de marchandises, en l'occurrence les matériaux de remblayage. Par conséquent, les pièces de cette machine et les produits consomptibles qu'elle utilise devraient être admissibles à l'exemption de la taxe.

Dans son argumentation, l'appelante a déclaré qu'elle est tenue, par contrat, de fournir des matériaux de remblayage acceptables dotés de caractéristiques précises. Pour respecter les modalités contractuelles, l'appelante doit choisir le matériau approprié à partir du résidu d'excavation. L'appelante s'est reportée aux contrats types déposés comme éléments de preuve et a laissé entendre que ces contrats indiquent que les résidus d'excavation sont assujettis à une certaine forme de transformation.

L'appelante a ajouté que les matériaux de remblayage qu'elle produit sont des «marchandises» au sens du sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII. En se basant sur la cause G.H. Poulin Contractor Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [2] , l'appelante a expliqué que pour être classés comme une marchandise, les matériaux doivent avoir une certaine valeur et être produits à l'échelle commerciale. L'appelante a aussi cité les définitions du terme anglais «production» et a soutenu que ce terme signifie essentiellement ce qui suit : faire apparaître, présenter, engendrer, rendre, provoquer ou créer. Selon l'appelante, la production de matériaux de remblayage peut être considérée comme une activité dérivée de l'excavation. Cependant, aucune disposition de la Loi n'empêche des dérivés valables d'une activité d'être considérés comme des marchandises produites ou fabriquées au sens de l'alinéa 1a).

L'appelante a ajouté que l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III exige que la trancheuse soit utilisée «principalement et directement» dans la fabrication des marchandises. Dans la cause The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Amoco Canada Petroleum Company Limited [3] , la Cour fédérale d'appel a statué que l'adverbe «directement» signifie «sans intervention». Dans le cas présent, la trancheuse crée directement les matériaux de remblayage. Il n'y a aucune intervention entre la trancheuse et les matériaux obtenus. L'appelante a ajouté que le terme «principalement» utilisé à l'alinéa 1a) signifie «de base» ou «fondamental» et en est venue à la conclusion que dans le cas présent, la trancheuse produit fondamentalement des matériaux de remblayage. La trancheuse a pour but principal de creuser une tranchée où est déposé le tuyau; son deuxième but principal consiste à produire des matériaux de remblayage.

Dans le deuxième volet de son argument, l'appelante a déclaré que la trancheuse est un élément de mise en valeur du pétrole et du gaz naturel, dans la mesure où elle prend part aux travaux d'installation des canalisations de collecte. Ces dernières sont essentiellement composées de soupapes et de raccords de tuyau servant à acheminer le produit du puits jusqu'au premier point de stockage. La construction et l'installation des canalisations de collecte de pétrole et de gaz constituent des éléments essentiels de la mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel; en outre, les canalisations proprement dites sont exemptées de la taxe d'accise en vertu de la partie XIII. Par conséquent, l'appelante a soutenu que les machines et les appareils nécessaires pour acheminer le produit jusqu'au premier point de stockage doivent être considérés comme faisant partie du processus de mise en valeur et être exemptés de la taxe en vertu de l'alinéa 1j) de la partie XIII.

Pour faire valoir son point, l'appelante a cité la cause Ocelot Industries Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] dans laquelle la Commission du tarif a reconnu que l'expression «mise en valeur des ressources naturelles» est, de par sa nature propre, très générale et englobe des éléments qui peuvent être considérés comme des activités directement liées et nécessaires à la mise en valeur des ressources. L'appelante a demandé au Tribunal d'adopter les critères établis par la Commission du tarif dans la cause Ocelot et a ajouté que si les canalisations de collecte proprement dites sont considérées comme des produits utilisés aux fins de la mise en valeur du pétrole et du gaz naturel, l'installation de ces tuyaux doit également être contenue dans cette définition. Il s'agit là d'un aspect nécessaire de la mise en valeur et il y est directement lié. Si la canalisation de collecte n'est pas installée, la production ne peut s'effectuer et, en fait, le processus de mise en valeur ne peut être achevé.

Au sujet de la dernière question à l'étude dans le cadre du présent appel, à savoir si un utilisateur final peut demander une remise, l'appelante a fait valoir que le Tribunal doit interpréter l'article 68 en tenant compte du contexte global de la Loi pour déterminer si l'appelante est assujettie aux dispositions de cet article. L'appelante avait droit à l'exemption de la taxe sur les pièces et les articles consomptibles en cause. Ces produits ayant été acquis taxe incluse, l'appelante a versé des sommes supplémentaires prises en compte à titre de taxes entre l'acheteur et le vendeur au sens de l'article 68 de la Loi. Cet article ne se limite pas à une personne qui rembourse la taxe; il est suffisamment large pour englober les utilisateurs finals. Le requérant n'est pas tenu de détenir le statut de «contribuable» pour avoir droit aux remboursements prévus par la Loi.

Enfin, l'appelante a soutenu que la politique ministérielle en vertu de laquelle un utilisateur final qui achète des pièces polyvalentes doit payer la taxe et déposer ensuite une demande de remboursement, oblige l'utilisateur final à prouver au Ministère qu'il se servira desdites marchandises aux fins d'activités exemptées de la taxe. En raison de l'application de cette politique, le Ministère a reçu, en vertu de la Loi, des montants à titre de taxes qui n'auraient pas dû lui être versés. L'appelante a été privée de ces sommes. Le principe de l'enrichissement sans cause prévoit le remboursement des sommes versées par erreur à une partie lésée. À cet effet, l'appelante a cité la cause Consumers Glass Co. Ltd. v. Her Majesty The Queen in Right of Canada [5] .

L'intimé a prétendu qu'il revient à l'appelante de prouver qu'elle est admissible à un remboursement. Il a soutenu que l'article 68 porte sur les rapports entre le contribuable, qui est le fabricant ou le producteur des marchandises en vertu de la Loi, et le gouvernement fédéral. Ce contribuable entretient des rapports avec le gouvernement. Lorsqu'il produit ou fabrique des marchandises, il verse une taxe au gouvernement. Dans le cadre de ces rapports, il se peut que l'une des parties commette des erreurs et c'est justement, selon l'intimé, ce que vise l'article 68. La Loi dans son entier s'adresse aux contribuables qui sont des fabricants et des producteurs. L'appelante n'est pas un requérant admissible en vertu de l'article 68 de la Loi parce qu'elle est un utilisateur final. L'appelante n'est pas un contribuable au sens de la Loi. L'article 68 utilise les mots «Lorsqu'une personne... a versé des sommes d'argent par erreur... ». Dans le cas présent, la société Pillar n'a versé des sommes qu'au fournisseur pour le matériel et les divers articles qu'elle a achetés et utilisés dans le cadre des activités à l'étude.

Selon l'intimé, aucun élément de la présente cause ne la distingue d'autres causes portant sur le même litige. Notamment, il a attiré l'attention du Tribunal sur les causes Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national [6] et La Saugeen Indian Band et al. c. Sa Majesté la Reine [7] , dans lesquelles il a été décidé qu'un utilisateur final n'a pas droit à un remboursement en vertu de l'article 68.

L'intimé a ajouté que l'estopel ne lie pas la Couronne et que, par conséquent, cette dernière n'est pas liée par l'interprétation du Ministère que l'appelante a appliquée. Cette interprétation ne représente que le point de vue du Ministère, à un moment donné, au sujet d'un point de droit. Par conséquent, l'intimé a conclu que l'appelante ne peut demander un remboursement en vertu de l'article 68.

Par contre, si le Tribunal juge que l'appelante est admissible à un remboursement, l'intimé a soutenu que l'appelante n'est pas un «fabricant» ou un «producteur» de «marchandises» au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III. À ce sujet, l'intimé a cité la cause The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [8] , dans laquelle la Cour suprême du Canada a adopté la définition suivante du terme anglais «manufacture» :

... manufacture is the production of articles for use from raw or prepared materials by giving to these materials new forms, qualities and properties or combinations whether by hand or machinery.

... la fabrication s'entend de la production d'articles à partir de matières premières ou transformées, en leur donnant de nouvelles formes, qualités et propriétés, ou combinaisons de ces facteurs, manuellement ou mécaniquement. (traduction)

Selon l'intimé, l'appelante ne fabrique pas de marchandises. Elle ne donne pas à des matières de nouvelles formes, qualités et propriétés. Elle utilise simplement du matériel, comme des trancheuses ou des rétrocaveuses, pour creuser des tranchées. Elle pose des canalisations de collecte et replace les résidus dans les tranchées après y avoir retiré certains articles indésirables comme la neige, les mottes de terre rigides ou les roches. Puis, elle compacte les matériaux de remblayage. Voilà essentiellement ce que fait l'appelante. Même si la consistance de la terre ou le processus de compactage subit des modifications, aucun élément de preuve n'a été soumis au Tribunal pour lui indiquer que ces activités représentent de nouvelles formes, qualités ou propriétés permettant de produire des articles visés par la définition susmentionnée.

L'intimé a ajouté que les contrats déposés comme éléments de preuve et qui énoncent certaines exigences relatives aux tranchées et au genre de matériaux de remblayage requis ont pour but d'obliger l'entrepreneur, dans ce cas Pillar, à faire preuve de minutie lorsqu'il remplit les tranchées, à ne pas endommager le tuyau, à utiliser des matériaux appropriés et à veiller à ce que ces derniers ne renferment pas de roches. Ces exigences ne précisent toutefois pas de matériaux réputés avoir une valeur commerciale distincte ni une marchandise produite par l'appelante.

Pour ce qui est de déterminer, en vertu de l'alinéa 1j) de la partie XIII de l'annexe III, si les machines et appareils en cause sont utilisés dans des travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux, l'intimé a souligné que l'appelante n'a pas déposé d'éléments de preuve fournis par un expert au sujet de la signification de l'expression «exploration, découverte ou mise en valeur» et elle a présumé que les tuyaux en question sont probablement visés par le terme «mise en valeur». Par conséquent, le Tribunal doit s'en remettre à la jurisprudence. Notamment, l'intimé a cité trois causes, Leonard Pipeline Contractors Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise. [9] , Conrad-Burtt Industries Ltd. et al. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [10] et Pembina Resources Limited c. Le ministre du Revenu national [11] dans lesquelles la signification de l'expression «exploration, découverte et mise en valeur» a été examinée.

Dans la cause Leonard, la Commission du tarif a décidé que l'expression «mise en valeur» telle qu'elle est utilisée dans l'industrie s'entend du forage des puits dans un gisement ou une zone de production prouvée. La Cour fédérale d'appel [12] a maintenu cette décision et a approuvé essentiellement la définition de l'expression «mise en valeur» que la Commission du tarif avait acceptée. Cette définition limite la mise en valeur au forage de puits dans un gisement prouvé.

L'intimé en a conclu que les demandes d'exemption déposées par l'appelante en vertu des alinéas 1k), l) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III ne peuvent être approuvées que si l'appelante parvient à prouver le bien-fondé de ces exemptions en vertu des alinéas 1a) et j).

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Le premier groupe d'exemptions demandées par l'appelante en vertu des alinéas 1a), l), k) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi porte sur des pièces de rechange installées sur du matériel d'excavation utilisé par l'appelante pour lui permettre de s'acquitter de ses obligations contractuelles, sur des matériaux consommés ou utilisés pour retirer les matériaux de remblayage de la tranchée, et sur les outils utilisés pour réparer ce matériel.

Pour que l'appelante puisse bénéficier de l'exemption de la taxe de vente, elle doit démontrer que ses activités d'excavation ont mené à la production ou la fabrication des marchandises au sens de la Loi. L'examen des témoignages et des contrats de construction de pipelines déposés à titre de preuve révèlent que l'appelante doit creuser la tranchée à une certaine profondeur et en retirer toutes les broussailles, les traces de glissements, les métaux de tous genres, les roches, la glace, les mottes gelées et tout autre objet dur susceptible d'endommager l'enduit qui protège le tuyau lorsque ce dernier est descendu dans la tranchée. Ensuite, l'appelante doit remblayer le fond de la tranchée avec de la terre, du sable, de la mousse de polyuréthane et de la terre choisie ou tout autre matériau précisé dans le contrat. Après avoir abaissé le tuyau dans la tranchée, l'appelante doit effectuer tous les travaux nécessaires pour replacer dans la tranchée les matériaux réutilisables qu'elle en a retirés et rétablir l'emprise dans sa condition initiale.

Certains contrats précisent la façon d'effectuer le remblayage. Par exemple, un contrat peut exiger que le tuyau soit couvert d'une quantité minimale de terre ameublie avant que les matériaux de remblayage plus rigides soient introduits dans la tranchée, que le tuyau soit protégé par un écran antiroches ou que les matériaux de remblayage soient déposés en couches d'au plus 150 mm de profondeur, chacune des couches devant être compactées à 95 p. 100 de la densité recommandée par l'essai Proctor standard. Les éléments de preuve déposés ont également révélé que les matériaux retirés de la tranchée sont habituellement compactés pour deux raisons : pour replacer les matériaux dans la tranchée et pour en accroître la résistance.

Il ressort clairement des témoignages et des renvois aux contrats que tous les travaux effectués par l'appelante, y compris le placement et le compactage des matériaux retirés de la tranchée visent la construction d'une canalisation de collecte. De l'avis du Tribunal, l'opération consistant à replacer les matériaux extraits de la tranchée et à les compacter au-dessus du tuyau ne représente pas une activité de production ou de fabrication de ces matériaux de remblayage.

Comme il a été établi par les tribunaux [13] , les termes «fabriqué» et «produit» n'ont pas de signification précise. Le Tribunal est d'avis que la définition de «fabrication» adoptée par la Cour suprême du Canada dans la cause The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [14] est très révélatrice dans le cas présent. En appliquant cette définition aux activités en cause, il est évident que l'appelante n'a pas donné de nouvelles formes, qualités ou propriétés, ou combinaisons de ces facteurs, aux matériaux retirés des tranchées, que ce soit manuellement ou mécaniquement. La forme des matériaux de remblayage utilisés n'est pas différente de celle des matériaux qui ont été retirés de la tranchée. Pour ce qui est des qualités et des propriétés des matériaux de remblayage, aucun élément de preuve n'indique qu'elles ont changé. Il se peut que la consistance ou le compactage des matériaux aient été modifiés, mais cela ne confère toutefois pas de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux matériaux.

Le Tribunal croit que la présente cause se distingue de la cause G.H. Poulin Contractor Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [15] . Dans cette affaire, la société Poulin construisait des routes dans des régions rocheuses. Elle a acheté des détonateurs qu'elle utilisait avec de la dynamite pour faire éclater la roche qui empêchait la construction des routes. Par conséquent, elle a fourni des agrégats de roche de tailles et de formes irrégulières appelés «roche abattue». Ce type de roche est utilisé pour remplir le fond de la route. La société Poulin a réclamé une exemption pour acheter les détonateurs, alléguant que ces derniers constituent des machines ou appareils servant principalement et directement à la production de marchandises, ces dernières étant la roche abattue. La Commission du tarif a examiné la notion de marchandises et a déclaré ce qui suit :

Les marchandises doivent essentiellement avoir une valeur et être transportables. Le mot français «marchandises» signifie un objet de commerce vendu ou non dans un cas donné.

Dans ce cas, la Commission du tarif a décidé que la roche abattue constituait une marchandise au sens de la Loi. Les activités de la société Poulin ont modifié le caractère de la roche : en dynamitant le roc, la société Poulin en a fait de la «roche abattue». Dans la présente cause, l'appelante n'a pas produit de nouveaux matériaux à partir des matériaux retirés de la tranchée. Elle n'a pas créé de marchandises de formes ou de propriétés nouvelles aux fins de la vente. Elle a simplement appliqué les dispositions contractuelles visant la pose de canalisations de collecte et a pris les mesures de précaution nécessaires pour protéger le tuyau. Aucune marchandise ayant une valeur commerciale distincte n'a été produite par l'appelante au cours de l'exécution des contrats.

Par conséquent, vu qu'aucune marchandise n'a été produite ou fabriquée au sens de la Loi, le Tribunal en vient à la conclusion que l'appelante n'est pas admissible aux exemptions prévues aux alinéas 1a), l), k) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III à l'égard des pièces de rechange installées sur le matériel d'excavation, des matières consommées ou utilisées pour retirer les matériaux de remblayage de la tranchée, et des outils servant à réparer ledit matériel.

La deuxième question à l'étude dans le présent appel consiste à déterminer si le matériel d'excavation est utilisé dans le cadre de la mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel au sens de l'alinéa 1j) de la partie XIII. Le deuxième groupe d'exemptions demandées par l'appelante porte sur les pièces installées sur le matériel d'excavation servant aux activités liées au pétrole et au gaz naturel, de même que les outils utilisés pour réparer l'équipement de construction.

Au sujet de cette question, le Tribunal est d'avis que l'appelante ne s'est pas acquittée de son fardeau de la preuve. Elle n'a pas fourni d'éléments de preuve révélant que le matériel d'excavation utilisé dans les tranchées aux fins de la pose des canalisations de collecte du pétrole et du gaz constitue des machines ou des appareils devant servir à l'exploration, à la découverte ou à la mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel. En effet, l'appelante a présumé, comme l'a mentionné l'intimé, que la construction et la pose des canalisations de collecte de pétrole et de gaz constituent un élément essentiel de la mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel et que les canalisations de collecte proprement dites doivent être exemptées de la taxe d'accise en vertu de la partie XIII.

Le Tribunal note que toutes les activités de l'appelante dans la présente cause visent la pose de canalisations de collecte et qu'elles sont liées au transport du produit. Dans la décision susmentionnée Leonard Pipeline Contractors Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [16] , qui a été maintenue par la Cour fédérale d'appel [17] , la Commission du tarif a précisé qu'au sein de l'industrie, l'expression «mise en valeur» s'entend habituellement du forage des puits dans un gisement ou une zone de production prouvée. Bien qu'il puisse être essentiel de construire des canalisations de collecte pour acheminer le produit du puits jusqu'au point de stockage initial, ces installations de transport ne se rapportent pas nécessairement au forage des puits.

Par conséquent, comme le Tribunal n'est pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve qui lui ont été soumis, que le matériel d'excavation est utilisé dans des travaux de mise en valeur du pétrole ou du gaz naturel, il en vient à la conclusion que l'appelante n'a pas droit aux exemptions prévues aux alinéas 1l) et k) de la partie XIII de l'annexe III dans le cas des pièces de rechange installées sur le matériel d'excavation et des outils utilisés pour réparer l'équipement de construction.

Compte tenu de ces conclusions, le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si l'appelante, comme utilisateur final, a droit à un remboursement de la taxe de vente payée sur lesdits matériaux, lesdites pièces et lesdits outils.

En conséquence, l'appel devrait être rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée.

2. (1985) 10 R.C.T. 170 à la page 180.

3. (1985) 86 D.T.C. 6008 (C.F.A.).

4. (1983) 8 R.C.T. 763 à la page 770.

5. [1988] 2 C.T.C. 141 (F.C.T.D.).

6. Appel n o 2937 du Tribunal, le 21 août 1989.

7. 2 T.C.T., 4033, confirmé par la C.F.A. n o A-1227-88, le 7 décembre 1989.

8. [1968] R.C.S. 140 à la page 145.

9. (1979) 6 R.C.T. 907.

10. (1982) 8 R.C.T. 424.

11. Appel n o 2946 de la Commission du tarif, le 10 novembre 1988.

12. (1980) 2 R.D.A. 119 (C.F.A.).

13. Voir The King c. Vandeweghe Limited, (1934) R.C.S. 244 à la page 248.

14. Voir note 8.

15. Voir note 2.

16. Voir note 9.

17. Voir note 12.


Publication initiale : le 16 mai 1997