ALPHA FUELS LIMITED

Décisions


ALPHA FUELS LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-89-264

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 6 avril 1992

Appel n o AP - 89 - 264

EU ÉGARD À un appel entendu les 2 et 3 octobre et le 2 décembre 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 octobre 1989 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ALPHA FUELS LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que l'appelant a versé les taxes fédérales de vente et d'accise conformément à la Loi sur la taxe d'accise du fait qu'il a payé son fournisseur «moyennant le paiement de la taxe» aux termes de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe dans le cas des détaillants-grossistes.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Sydney A. Fraleigh ______ Sydney A. Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Déterminer si l'appelant a acheté du carburant à son fournisseur moyennant le paiement de la taxe conformément à l'Autre méthode de rendre compte de la taxe dans le cas des détaillants - grossistes; si un achat de ce type libère l'appelant de son obligation fiscale; si l'appelant est une personne réputée être un fabricant de carburant diesel.

DÉCISION : L'appel est admis. L'appelant a acheté du carburant à son fournisseur moyennant le paiement de la taxe et, ce faisant, s'est acquitté de son obligation fiscale.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 2 et 3 octobre, et le 2 décembre 1991 Date de la décision : Le 6 avril 1992
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Patricia Conway, pour l'appelant Michael Ciavaglia, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) le 20 octobre 1989 relativement aux taxes de vente et d'accise imposées sur l'essence et le carburant diesel vendus par l'appelant à ses clients pendant la période allant du 1er février 1983 au 31 juillet 1986.

Pendant cette période, l'appelant était une personne réputée être un fabricant d'essence et de carburant diesel aux termes de l'alinéa 2(1)e) de la Loi et s'est vu délivrer deux licences de taxe de vente de fabricant, l'une en tant que détaillant-grossiste d'essence, et l'autre en tant que détaillant-grossiste de carburant diesel. Étant une personne réputée être un fabricant, l'appelant avait le droit d'acheter de l'essence et du carburant diesel en franchise de la taxe de vente ou d'accise en vertu de l'alinéa 21(3)d) et du paragraphe 27(2) de la version de la Loi alors en vigueur.

Cependant, l'appelant a préféré se prévaloir de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe dans le cas des détaillants-grossistes (Autre méthode de rendre compte de la taxe) et prétend avoir acheté l'essence et le carburant diesel moyennant le paiement de la taxe de vente et d'accise. Selon cette méthode, l'appelant ne devrait rendre compte de la taxe que sur la majoration de prix pratiquée par lui envers les détaillants. L'appelant avait pris sa décision avant 1983 et n'avait fait l'objet que d'une seule vérification pendant qu'il travaillait sous le régime de cette méthode.

Avant janvier 1984, l'appelant achetait son carburant à Petro-Canada Ventures (Petro-Canada) moyennant le paiement de la taxe. En janvier 1984, l'appelant a commencé à substituer progressivement un autre fournisseur, Can-Am Liquids Corp. Ltd. (Can-Am), à Petro-Canada, et, pendant plusieurs semaines, s'est fourni en carburant auprès de l'un et l'autre fournisseur.

Le 12 novembre 1986, à la suite d'une vérification, l'appelant a reçu un avis de cotisation relatif à des taxes de vente et d'accise fédérales non payées sur la vente ou l'achat d'essence et de carburant diesel pendant la période allant du 1er février 1983 au 31 juillet 1986. Le 23 décembre 1986, une cotisation analogue a été établie à l'égard de l'appelant pour la période allant du 1er août 1986 au 31 octobre 1986.

L'appelant a signifié deux avis d'opposition à ces deux cotisations, le 2 février 1987 et le 17 mars 1987 respectivement. Le 20 octobre 1989 ont été publiés, relativement aux cotisations, des avis de décision portant admission partielle de l'opposition, mais aussi confirmation du reste des cotisations à titre d'obligation fiscale. L'appelant fait maintenant appel de ces nouvelles cotisations auprès du Tribunal.

L'appelant soutient qu'il s'est fourni en carburant auprès de Can-Am aux termes de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe, et que, ce faisant, il s'est acquitté de son obligation fiscale. De plus, l'appelant prétend qu'en ce qui a trait à ses achats de carburant diesel, il n'était pas une personne réputée être un fabricant et qu'il n'était donc pas responsable de la perception de la taxe fédérale de vente ou d'accise sur son carburant diesel et de sa remise.

Les questions qui se posent dans le présent appel sont les suivantes :

1. L'appelant a-t-il acheté son carburant diesel et son essence à Can-Am moyennant le paiement de la taxe aux termes de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe?

2. Si la réponse à la question numéro 1 est positive, l'appelant s'est-il acquitté de son obligation fiscale au titre de la taxe de vente aux termes de la Loi?

3. Si la réponse à la question numéro 2 est négative, l'appelant est-il la personne réputée être un fabricant de carburant diesel, ce qui le libérerait de la responsabilité de la perception et de la remise de la taxe de vente sur ce carburant?

Le premier témoin de la société appelante était le président de celle-ci, M. Michael A. Krula. Il a témoigné qu'il faisait affaire dans le domaine de la distribution d'essence et de carburant diesel à des consommateurs et à des détaillants depuis 1974. La plus grande partie des ventes de carburant diesel était faite à des consommateurs, et l'essentiel des ventes conclues avec les détaillants avait pour objet l'essence. Le témoin a déclaré que son entreprise avait décidé de se prévaloir de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe et avait acheté son carburant à Petro-Canada sous le régime de cette méthode. Au début de 1984, l'entreprise appelante s'est trouvée mécontente des conditions de paiement imposées par Petro-Canada et a cherché un autre fournisseur. M. Krula a témoigné qu'il avait entamé des discussions et des négociations de prix avec M. Reginald H. Carr, lequel avait été représentant des ventes de Petro-Canada auprès de Alpha Fuels Limited (Alpha), et était devenu un représentant des ventes pour Can-Am. Alpha avait commencé à se fournir en carburant auprès de Can-Am dès le 20 janvier 1984, soit plusieurs semaines avant de signer un accord d'achat avec cette entreprise.

L'appelant a soutenu qu'Alpha avait acheté son carburant à Can-Am, comme elle l'avait fait avec Petro-Canada, moyennant le paiement de la taxe, conformément à l'Autre méthode de rendre compte de la taxe, ce que l'intimé a contesté. Les factures des deux fournisseurs montrent clairement que pendant la période au cours de laquelle Alpha passait progressivement d'un fournisseur à un autre, les prix pratiqués par les deux fournisseurs étaient très semblables. L'avocat pour l'appelant a soumis que, puisque le montant de la taxe fédérale de vente était alors de 9 p. 100, le montant des achats de carburant diesel, si ces carburants avaient été vendus en franchise de taxe, aurait baissé dans une proportion à peu près équivalente, et que le prix de l'essence aurait baissé dans une proportion plus importante encore, incluant la taxe d'accise.

En fait, les prix ont bien baissé, mais beaucoup moins que ce à quoi on pourrait s'attendre lorsque des achats moyennant le paiement de la taxe sont remplacés par des achats en franchise de taxe. L'appelant a fait valoir le fait qu'il était passé d'un fournisseur à un autre pour obtenir des conditions de paiement plus favorables et non à cause des prix. L'avocat a fait observer qu'il était impensable que l'appelant ait sciemment négocié un arrangement qui aurait eu pour conséquence de lui faire payer des prix qui, avec l'ajout de la taxe de vente et d'accise fédérales, auraient été en moyenne de 2,31 cents à 2,80 cents plus élevés par litre que ceux que l'appelant payait en même temps à son autre fournisseur. L'avocat a soutenu de fait que les prix légèrement inférieurs négociés avec Can-Am étaient compatibles avec la ferme intention de cette entreprise de prendre pied sur le marché de la région.

M. Krula a témoigné que toutes ses discussions avec M. Carr, l'agent de Can-Am, avaient porté sur des ventes moyennant le paiement de la taxe, ce que M. Carr a confirmé sans équivoque dans sa déposition. M. Carr a également témoigné qu'il avait le pouvoir de négocier les prix avec Alpha en y incluant ou en en excluant la taxe et a reconnu qu'il fallait discuter les prix en y incluant la taxe pour permettre de faire des comparaisons significatives. M. Carr s'est vu montrer l'accord de vente entre Can-Am et Alpha daté du 16 mars 1984. Cet accord contenait plusieurs propositions de prix, et M. Carr a admis que ces prix étaient inclusifs de la taxe.

M. Krula a témoigné que ni lui-même ni son associé, M. Frank Dundas (aujourd'hui décédé), n'avaient présenté leur licence de fabricant à M. Carr. Cette licence était n 9‚cessaire pour donner à Can-Am l'assurance qu'Alpha avait le droit de recevoir de la marchandise en franchise de taxe. M. Carr n'a pas été en mesure de dire où il s'était procuré la licence, mais il a été établi qu'il était possible d'en obtenir une copie auprès de Revenu Canada. Cependant, l'affirmation de M. Krula selon laquelle aucun employé d'Alpha n'avait fourni la licence à Can-Am n'a pas été réfutée.

Un témoin de l'appelant, M. Bruce Thompson, vice-président exécutif de Sipco Oil Limited, un autre fournisseur de carburant de l'appelant, a été appelé à témoigner au sujet des pratiques de l'industrie. Il a déclaré que lorsqu'une vente se fait en franchise de taxe, il est d'usage dans l'industrie de l'indiquer en inscrivant le numéro de licence sur la facture pertinente. Cela est nécessaire, a-t-il déclaré, pour éviter l'obligation fiscale qui retomberait sur le vendeur s'il devait s'avérer que la vente n'était pas en franchise de taxe. Cette situation découle du fait que c'est le vendeur qui a la responsabilité, aux termes de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe, de veiller à ce que les taxes soient remises. M. Thompson a témoigné en outre que, lorsque le prix de vente comprend la taxe, il est généralement d'usage dans l'industrie d'inclure la taxe fédérale dans le prix de base facturé et de comptabiliser la taxe provinciale sur les carburants à titre d'article distinct. Des éléments de preuve ont été produits quant au fait qu'en dépit de cet usage, aucune des factures envoyées par Can-Am à Alpha ne portait le numéro de licence ni aucune autre indication permettant d'établir que la vente se faisait en franchise de taxe. M. Thompson s'est vu présenter un spécimen de facture envoyée par Can-Am à Alpha et s'est dit d'avis que, puisque rien n'indiquait sur la facture que la vente était en franchise de taxe, le prix inscrit devait comprendre les taxes fédérales de vente et d'accise.

L'avocat de l'intimé s'est référé au libellé des contrats conclus par Alpha avec Petro-Canada d'une part, et avec Can-Am de l'autre, pour montrer que le second de ces marchés pouvait être distingué du premier, et pour confirmer par le fait même que le contrat conclu avec Can-Am visait des transactions en franchise de taxe. Les clauses pertinentes sont les suivantes :

Petro - Canada

14. Aucun droit, frais ou taxe imposé maintenant ou par après sur les produits vendus aux termes des présentes ou qui devrait être versé ou perçu par la SOCIÉTÉ DE PERSONNES ne sera versé par l'ACHETEUR en plus des prix précisés dans les présentes, et tout droit, frais ou taxe de ce genre est exclu des prix précisés dans les présentes, sauf indication contraire. [Traduction]

Can - Am

4.Taxes - Si des frais, taxes ou cotisations sont imposés sur les produits vendus aux termes des présentes par une autorité gouvernementale après la date du présent contrat, ces frais seront à la charge de l'acheteur, étant entendu que les prix précisés dans les présentes sont exclusifs de tout frais, taxes et cotisations de ce genre. [Traduction]

M. Kewal Gupta, un vérificateur principal de l'Accise à Revenu Canada, a effectué une vérification de la société appelante en 1986. Il a témoigné que, pendant sa première visite, il avait confirmé qu'Alpha était un fabricant de carburant.

Au cours de son enquête, M. Gupta a rencontré M. Carr pour vérifier si Alpha achetait des carburants à Can-Am moyennant le paiement de la taxe. Il a témoigné que M. Carr avait fourni «trois ou quatre documents qui prouvaient que ces choses se passaient en franchise de taxe». [Traduction] Le premier de ces documents était un accord de vente daté du 16 mars 1984. L'accord faisait apparemment état de plusieurs prix, mais M. Gupta a convenu que rien n'indiquait si les prix incluaient la taxe ou non.

Le deuxième document qu'il a reçu de M. Carr était un accord de vente daté du 19 février 1985, qui faisait état d'un prix et portait la mention précise «plus taxes applicables». Ce document contenait en outre le membre de phrase «Nous confirmons par les présentes les ventes à», sur lequel avait été ajouté le mot «INTERNE». [Traduction] Aucun élément de preuve n'a été produit quant au fait que ce document avait été envoyé à Alpha, quoiqu'il en ressorte clairement qu'Alpha devait remettre les taxes à Can-Am.

Le troisième document était une note datée du 6 juin 1984, adressée par M. Carr à Mme Gloria Williams, du bureau de Calgary, pour lui donner instruction d'établir un compte pour Alpha et lui préciser que les ventes de carburant diesel et d'essence étaient affranchies de la taxe de vente fédérale selon les licences «G» et «E» que lui avait fourni Alpha. Des copies des licences étaient jointes à la note. Tout en déclarant que ses discussions avec M. Krula avaient porté sur des prix incluant la taxe, M. Carr a admis qu'il avait envoyé cette note, et n'a donné aucune explication sur l'incompatibilité évidente entre ses négociations de prix avec M. Krula et les instructions qu'il avait données à Mme Williams. Il ressort des éléments de preuve présentés au Tribunal que M. Carr n'a pas envoyé copie de cette note à Alpha.

Du reste, le Tribunal n'accorde pas de valeur probante à ce document. Premièrement, il ne s'agit que d'un document interne autorisant l'établissement d'un compte et n'est pas censé être un accord avec l'appelant ni représenter une vente à celui-ci. Deuxièmement, il est daté du 6 janvier 1984, soit quelque deux mois avant la conclusion de l'entente entre Can-Am et Alpha, signée précisément le 16 mars 1984. Troisièmement, et plus important encore, la première et la deuxième page de la note du 6 janvier 1984 se rapportaient à des périodes différentes (en l'occurrence, la période postérieure au 6 janvier 1984 et celle qui précédait 1983) et à des marchandises différentes (à savoir du carburant diesel et de l'essence, par opposition à du propane). M. Carr n'a pas jeté de lumière sur ces incohérences.

Cependant, l'élément de preuve que constitue le libellé du paragraphe 4 des «modalités et conditions» conclues avec Can-Am mérite un examen plus poussé. L'intimé soutient que la clause en question confirme que, selon cet accord, les ventes devaient être faites en franchise de taxe. Le Tribunal n'en est pas convaincu. S'il est vrai que le paragraphe 4 n'est pas concluant, il permet néanmoins de comprendre que l'acheteur sera redevable des nouveaux frais, taxes et cotisations imposés après la date du contrat.

Il a été établi au cours du contre-interrogatoire que M. Gupta avait examiné les notes relatives aux vérifications antérieures de l'entreprise appelante et qu'il était au courant du fait qu'Alpha avait utilisé l'Autre méthode de rendre compte de la taxe. Il a convenu qu'il n'avait rien vu qui laissait penser qu'Alpha avait cessé d'utiliser cette méthode, et que l'appelant aurait dû en aviser Revenu Canada avant de le faire. M. Gupta a déclaré qu'il n'avait pas vu de note en ce sens dans le dossier de l'appelant.

M. Gupta a convenu que, lorsqu'il a examiné les factures de Can-Am, il n'en a pas trouvé une seule qui indiquait que la vente se faisait en franchise de taxes. Interrogé sur la pratique normale de l'industrie en la matière, il a répondu qu'il ne la connaissait pas, car il n'avait fait aucune autre vérification d'une compagnie travaillant dans le secteur de l'industrie pétrolière.

M. Gupta a admis, lors du contre-interrogatoire, qu'il avait examiné les livres de Can-Am pour déterminer si elle avait payé les taxes ou non. Interrogé quant à la question de savoir s'il s'était enquis du prix d'achat que Can-Am avait payé pour le produit et du prix de vente à Alpha, M. Gupta a répondu qu'il ne l'avait pas fait.

L'avocat de l'appelant a présenté des dossiers financiers pour confirmer qu'il avait agit de façon compatible avec la conviction qu'il achetait les marchandises moyennant le paiement de la taxe. De l'avis du Tribunal, ces dossiers ne contenaient aucun élément faisant état de la baisse importante des prix de vente à laquelle il aurait fallu s'attendre si l'appelant avait été au courant du fait que ses achats de carburant se faisaient en franchise de taxe et qu'il devait faire payer la taxe directement à ses clients. De plus, ces dossiers financiers révèlent l'existence de frais généraux d'environ 6 cents par litre, et l'écart entre le prix d'achat et le prix de vente n'était pas assez important pour inclure ces frais généraux et les taxes prétendument impayées. Enfin, des éléments de preuve ont été présentés pour confirmer que, pendant la période visée par l'examen, l'appelant a calculé et remis la taxe sur la marge entre son prix d'achat et son prix de vente.

Pour toutes les raisons découlant des éléments de preuve présentés, le Tribunal est convaincu qu'Alpha a bien acheté ses carburants à Can-Am pendant la période de vérification moyennant le paiement de la taxe.

Alpha ayant acheté ses produits moyennant le paiement de la taxe, le Tribunal doit se pencher sur la question de savoir si, ce faisant, l'appelant s'est acquitté de son obligation fiscale. L'intimé soutient que même si Alpha a acheté ses produits moyennant le paiement de la taxe, cela s'est fait conformément à l'Autre méthode de rendre compte de la taxe, et que, par conséquent, la taxe n'a pas été versée aux termes de la Loi. Le Tribunal n'est pas d'accord avec la position de l'intimé et conclut qu'Alpha s'est acquittée de son obligation fiscale.

Le Tribunal estime que le point central à considérer réside dans la question de savoir si l'obligation fiscale totale d'Alpha aux termes de la Loi a changé en fonction de l'Autre méthode de rendre compte de la taxe. De l'avis du Tribunal, tel n'est pas le cas. De fait, le Ministre ne prétend pas qu'Alpha doit payer un montant différent de celui qui était imposé aux termes de la Loi. Il ne dit pas : «Alpha, vous avez obtenu un allégement fiscal en utilisant l'Autre méthode de rendre compte de la taxe. Vous nous devez davantage d'argent.» Ainsi, le quantum n'est pas en question. Tout ce que dit le Ministre, c'est qu'il n'a pas reçu une partie de l'obligation fiscale totale à laquelle est tenue Alpha. En l'occurrence, le montant en question est celui qui a été payé par Alpha à Can-Am.

Conformément à la Loi, Can-Am, un fabricant titulaire de licence, n'est pas tenu de payer la taxe lorsqu'il vend des produits à Alpha, qui est un autre fabricant titulaire de licence. Lorsqu'Alpha vend ses produits, elle doit payer la taxe sur le prix de vente pratiqué envers ses clients. Alpha doit verser ces sommes d'argent directement à Revenu Canada. Selon l'Autre méthode de rendre compte de la taxe, l'obligation fiscale d'Alpha au titre de la taxe de vente se divise en deux éléments : un montant imposable déterminé en fonction du prix de vente pratiqué par Can-Am envers Alpha, et un montant imposable déterminé en fonction de la majoration du prix de vente pratiquée par Alpha envers ses clients.

En d'autres termes, l'Autre méthode de rendre compte de la taxe ne fait rien de plus que de changer l'itinéraire des versements fiscaux. L'Autre méthode de rendre compte de la taxe n'a pas pour effet d'imposer un fardeau fiscal à Can-Am en lui imposant de payer une taxe que la Loi ne prévoit pas par ailleurs. L'Autre méthode de rendre compte de la taxe a pour conséquence de faire de Can-Am un percepteur d'impôt. Ainsi, l'Autre méthode de rendre compte de la taxe établit des canaux pour le versement de l'obligation fiscale au titre de la taxe de vente qui sont conformes à la Loi. Si le Ministre détermine, à titre de mesure administrative, les canaux par lesquels le produit de la taxe de vente doit être acheminé jusqu'à Revenu Canada, ce n'est pas au Tribunal qu'il appartient de commenter cette mesure et d'en décider autrement.

Compte tenu de la conclusion à laquelle en est arrivé le Tribunal et selon laquelle l'appelant s'est acquitté de son obligation fiscale aux termes de la Loi, le Tribunal estime qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si l'appelant est une personne réputée être un fabricant de carburant diesel.

Pour toutes les raisons susmentionnées, l'appel est admis.

Le Tribunal tient à faire une observation supplémentaire sur la position du Ministre selon laquelle l'Autre méthode de rendre compte de la taxe devrait être complètement ignorée. Le Tribunal considère que cette position soulève de sérieuses questions d'équité. Il est vrai que l'Autre méthode de rendre compte de la taxe n'a pas force de loi, mais il ressort à l'évidence des témoignages et des autres pièces présentées au Tribunal que des contribuables tels que l'appelant ont été encouragés à l'utiliser.

L'Autre méthode de rendre compte de la taxe a fait l'objet d'une forte diffusion dans l'industrie et a été précisément conçue pour être utilisée en rapport avec le genre d'activité auquel se livre l'appelant. De fait, le droit de l'appelant à se prévaloir de cette méthode n'a jamais été mis en question pendant l'audience. Enfin, l'Autre méthode de rendre compte de la taxe est d'une nature telle que, lorsqu'une partie l'utilise, le contribuable n'a aucun moyen de s'assurer que la taxe qu'il a versée a été remise à Revenu Canada. Comme cela a été indiqué ci-dessus, l'Autre méthode de rendre compte de la taxe a pour effet de faire du vendeur un percepteur d'impôt dès lors qu'il est convenu avec l'acheteur que les ventes de carburant se feront moyennant le paiement de la taxe.

Tel étant le cas, le Tribunal considère qu'il serait tout à fait déraisonnable de tenir responsable de la taxe un contribuable comme l'appelant alors qu'il a versé la taxe conformément à une méthode de comptabilité fiscale acceptée et qu'il n'a aucun moyen pratique de s'assurer que la personne à laquelle les sommes d'argent ont été versées a bel et bien remis ces sommes d'argent à Revenu Canada.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.


Publication initiale : le 18 août 1997