CHARCO INDUSTRIES

Décisions


CHARCO INDUSTRIES
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-89-033

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 4 avril 1991

Appel no AP-89-033

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 février 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À un avis de décision rendu par le ministre du Revenu national le 8 mars 1989 au sujet d'un avis d'opposition déposé conformément à l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CHARCO INDUSTRIES Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal considère en définitive qu'il ne peut s'écarter du texte de la Loi advenant même qu'il y aurait eu erreur de la part des préposés de l'intimé.


Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Les tuteurs à tomates fabriqués et vendus par l'appelante bénéficient-ils de l'exemption prévue à l'article 1 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise? L'apellante peut-elle opposer à l'intimé les informations erronées qu'elle a reçues de la part de ses préposés?

L'appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'encontre de la décision du ministre du Revenu national rejetant l'opposition de l'appelante et confirmant par le fait même l'avis de cotisation daté du 12 août 1987. L'appelante, Charco Industries, s'est opposée à la cotisation sous prétexte qu'elle a été mal informée par les préposés du ministère du Revenu national, Douanes et Accise, lesquels lui auraient affirmé que les tuteurs à tomates qu'elle fabrique étaient exemptés de la taxe de vente fédérale.

DÉCISION : L'appel est rejeté.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 28 février 1991 Date de la décision : Le 4 avril 1991
Membres du Tribunal : Robert J. Bertrand, c.r., membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Michèle Blouin, membre
Avocat du Tribunal: Gilles B. Legault
Greffier du Tribunal : Nicole Pelletier
Ont comparu : Claude Chartrand, pour l'appelante Alain Lafontaine, pour l'intimé
Jurisprudence citée : Le ministre du Revenu national c. Inland Industries Limited, [1974] R.C.S. 514; Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration, [1986] 3 C.F. 70; Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, [1989] 1 R.C.S. 141.





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'Accise [1] (la Loi) à l'encontre de la décision du ministre du Revenu national (le Ministre) rejetant l'opposition de l'appelante qui contestait un avis de cotisation daté du 12 août 1987.

LES QUESTIONS EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Les questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer, dans un premier temps, si les ventes effectuées par l'appelante respectent les conditions posées par le sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, à savoir, ces ventes ont-elles été effectuées à des personnes engagées dans la production de marchandises et, dans un deuxième temps, si le fait que l'appelante ait été mal informée par les préposés de l'intimé lui donne droit à cette exemption ou à toute autre exemption prévue à l'annexe.

Pour les fins du présent appel, les dipositions législatives pertinentes sont les suivantes :

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente [ou sur la quantité vendue] de toutes marchandises.

[ajouté le 19 décembre 1986, L.C. 1986, ch. 54, a. 4]

51.(1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III, excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de cette annexe qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 54 (2).

Annexe III

Partie XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE CONDITIONNEMENT ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux directement :

(i) soit dans la fabrication ou la production de marchandises,

...

LES FAITS

Le 12 août 1987, le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, expédiait à l'appelante un avis de cotisation pour la période comprise entre le 19 novembre 1986 et le 31 mai 1987, lui réclamant une somme de 9 287,66 $ incluant les intérêts et l'amende. Le même jour, l'appelante s'opposait à cette cotisation aux motifs que les renseignements fournis par les préposés de l'intimé voulaient que ses tuteurs à tomates soient exempts de la taxe de vente et que les prix chargés pour ces marchandises avaient donc été établis en conséquence. Le 8 mars 1989, le Ministre rejetait l'avis d'opposition de l'appelante et confirmait l'avis de cotisation, les ventes, objet de la cotisation, ayant été faites, de l'avis du Ministre, à des détaillants authentiques et non à des agriculteurs ou des exploitants de serres. C'est à l'encontre de cette décision que l'appelante se pourvoit maintenant devant le Tribunal.

L'ARGUMENTATION

L'appelante n'a fourni aucun mémoire au Tribunal et, conséquemment, avant l'audience, sa seule base de contestation résidait dans ses motifs d'opposition formulés à l'encontre de l'avis de cotisation.

Quant à l'intimé, il a soutenu dans son mémoire que l'appelante, à titre de fabricant ou producteur, est assujettie à la taxe de vente, qu'il ignore l'existence de la décision verbale qu'elle invoque, que de surcroît une telle information n'aurait pas pour effet selon la jurisprudence de lier l'intimé et, enfin, que l'appelante n'a pas respecté les conditions prévues par l'exemption dont elle entend aujourd'hui se prévaloir.

À l'audience, l'appelante était représentée par son président M. Claude Chartrand. Ce dernier a également témoigné, expliquant le processus de fabrication des marchandises en cause, le fonctionnement de sa compagnie, les produits qu'elle avait fabriqués à certaines époques et, enfin, comment elle était arrivée à commencer sa production de tuteurs de tomates. M. Chartrand a également fait état de ses discussions avec les préposés du Ministère du Revenu national (le Ministère) dont une conversation téléphonique au cours de laquelle un de ces derniers lui aurait indiqué que les marchandises que l'appelante produisait étaient exemptes de la taxe de vente.

Au cours du contre-interrogatoire effectué par l'avocat de l'intimé, le témoin a répondu qu'il ne se rappelait pas quand au juste il avait conversé avec les préposés, mais que c'était vers la fin de l'année 1985 en vue de la production de l'année 1986. M. Chartrand a également admis avoir reçu du Ministère des lettres, dont copies sont au dossier, l'informant qu'il était un fabricant ou producteur assujetti à la Loi.

Au cours de la plaidoirie offerte par M. Chartrand à titre de représentant de l'appelante, ce dernier a fondé son argumentation sur les faits qui ont été révélés lors de son témoignage et, pour le reste, s'en est remis à l'appréciation du Tribunal.

Quant à l'intimé, son avocat a argué que déjà la première lettre reçue par l'appelante de la part de l'intimé démontre qu'il a toujours considéré que celle-ci s'engageait dans la production de marchandises assujetties à la taxe, puisque c'est ce que la lettre indiquait précisément.

Il a de plus cité plusieurs arrêts dont la décision de la Cour Suprême du Canada dans l'affaire Inland [2] et a relevé le passage où la Cour conclut :

Toutefois, il me paraît clair qu'une approbation donnée sans que les conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas le ministre [3] .

En conséquence, l'intimé demande au Tribunal de conclure que la Loi demeure applicable en dépit du fait que l'appelante puisse avoir reçu des informations erronnées de la part des préposés de l'intimé.

LES MOTIFS

Le Tribunal est d'avis quant à la première question que les faits révèlent clairement que l'appelante n'a pas droit à la déduction prévue au sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi puisque les tuteurs à tomates n'ont pas été vendus à des fabricants ou producteurs afin d'être utilisés par eux dans la production de marchandises. Par ailleurs, l'appelante n'a pu convaincre le Tribunal, et les faits mis en preuve ne révèlent pas non plus, qu'elle peut bénéficier d'une autre exemption.

Quant à la deuxième question, le Tribunal rappelle d'une part qu'il ne peut fonder sa décision sur des motifs d'équité et qu'il doit appliquer la Loi. D'autre part, le Tribunal s'en reporte aux propos du juge Lacombe dans l'arrêt Granger [4] qui, bien que cette affaire ne se rapportait pas à une loi de nature fiscale, référa à l'affaire Inland en ces termes :

En droit fiscal canadien, la jurisprudence est constante à l'effet que la Couronne n'est pas liée par les représentations faites et les interprétations données aux contribuables par les représentants autorisés du fisc, si telles représentations et interprétations sont contraires aux dispositions claires et impératives de la loi : Woon, Bert W. v. Minister of National Revenue, [1951] R.C.E. 18, Stickel c. Le ministre du Revenu national, [1972] C.F. 672 (1 re inst.), M.N.R. c. Inland Industries Limited, [1974] R.C.S. 514. La décision de la Cour suprême du Canada dans cette dernière cause fait toujours autorité et lie cette Cour tant et aussi longtemps que la Cour suprême ne décidera pas elle-même de s'en écarter [5] ...

Puis le savant juge continue en citant le même extrait de l'honorable juge Pigeon qu'a cité l'avocat de l'intimé à l'appui de ses prétentions. Le Tribunal note que la Cour suprême appelée à se pencher sur la décision de la Cour fédérale rejeta péremptoirement le pourvoi de Granger et confirma la décision de cette Cour [6] .

À la lumière de ces autorités, le Tribunal considère en définitive qu'il ne peut s'écarter du texte de la Loi même si les préposés de l'intimé avaient fourni des renseignements incomplets ou erronés à l'appelante.

Considérant les réponses données aux deux questions, le Tribunal rejette l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. Le ministre du Revenu national c. Inland Industries Limited , [1974] R.C.S. 514.

3. Ibid., à la page 523.

4. Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration , [1986] 3 C.F. 70.

5. Ibid., à la page 86.

6. Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada , [1989] 1 R.C.S. 141.


Publication initiale : le 16 mai 1997