POLLARD BANKNOTE LTD.

Décisions


POLLARD BANKNOTE LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-89-279

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 6 février 1991

Appel n o AP-89-279

EU ÉGARD À un appel entendu le 31 octobre 1990 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 18 décembre 1989 au sujet d'une demande de réexamen du classement tarifaire déposée en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

POLLARD BANKNOTE LTD. Appelante

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est rejeté. Les machines et appareils à imprimer sont correctement classés comme machines et appareils à imprimer, offset, alimentés en bobines et ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm2.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Classification - Machines et appareils à imprimer, offset - Surface d'impression.

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise eût reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8443.11.20 comme machines et appareils à imprimer, offset, alimentés en bobines et ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm 2 . L'appelante cherche à obtenir une décision déterminant que l'appareil a une surface d'impression d'au moins 2413 cm 2 et, en conséquence, doit être reclassé dans le numéro tarifaire 8443.11.10. L'appelante soutient que la surface d'impression représente la surface totale des six unités d'impression de l'appareil, soit une surface d'impression d'au moins 2413 cm 2 .

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal en vient à la conclusion qu'aux fins de la classification tarifaire, la surface d'impression d'une machine ou d'un appareil à imprimer est déterminée suivant la surface d'impression d'une unité d'impression, elle-même déterminée par la dimension de sa planche d'impression, plutôt que par la dimension résultant de l'addition de la surface des planches d'impression pour les six unités.

Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Date de l'audience : Le 31 octobre 1990 Date de la décision : Le 6 février 1991
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Michèle Blouin, membre
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelante Geoffrey Lester, pour l'intimé
Lois citées : Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.), dans sa version modifiée; Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.), dans sa version modifiée.
Autre ouvrage cité : The Oxford English Dictionary, 2nd Edition, 1989.





Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eût reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8443.11.20 comme machines et appareils à imprimer, offset, alimentés en bobines et ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm2. L'appelante cherche à obtenir une décision déterminant que l'appareil a une surface d'impression d'au moins 2413 cm2 et, en conséquence, doit être reclassé dans le numéro tarifaire 8443.11.10.

LES FAITS

Le 25 juin 1988, l'appelante, Pollard Banknote Ltd., a importé, à partir du port d'Emerson (Manitoba), une machine à imprimer offset compu-press de modèle R126 fabriquée par la Didds Graphic Systems Corporation, de Emporia (États-Unis).

Le compu-press modèle R126 est une machine à imprimer offset alimentée en bobines et servant à imprimer des pages de catalogue, des brochures et du papier à en-tête, en couleurs ou en noir et blanc, à partir d'un rouleau de papier.

Cette machine est dotée de six unités d'impression qui peuvent utiliser les mêmes couleurs ou des couleurs différentes. Chaque unité comporte une surface d'impression de 29,68 cm x 43,20 cm, pour une surface totale de 1282,176 cm2.

À son entrée au pays, le produit a d'abord été classé dans le numéro tarifaire 8443.11.20. Le 27 octobre 1988, l'appelante a demandé le réexamen du reclassement de cette machine. Le 16 février 1989, un agent autorisé l'a classée dans le même numéro tarifaire. L'appelante a demandé au Sous-ministre de réexaminer le classement de la machine; le 18 décembre 1989, ce dernier a classé la machine à imprimer compu-press, modèle R126, dans le numéro tarifaire 8443.11.20. L'appelante en appelle maintenant au Tribunal.

LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Le présent appel a pour but de déterminer si la machine à imprimer compu-press offset importée a une surface d'impression de 29,68 cm x 43,20 cm ou 1282,176 cm2 au total, (soit la surface d'une unité d'impression), ce qui permettrait de la classer dans le numéro tarifaire 8443.11.20 comme ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm2, ou s'il s'agit d'une surface d'impression de six fois 29,68 cm x 43,20 cm ou 7692 cm2 au total (c'est-à-dire la surface totale des six unités d'impression), ce qui permettrait de classer la machine dans le numéro tarifaire 8443.11.10 comme ayant une surface d'impression d'au moins 2413 cm2.

Les dispositions législatives applicables au présent appel sont les suivantes :

Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée :

67.(1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du sous - ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du sous - ministre et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre - vingt - dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), dans sa version modifiée :

84.43 Machines et appareils à imprimer et leurs machines auxiliaires.

-Machines et appareils à imprimer, offset :

8443.11 --Alimentés en bobines

8443.11.10 ---Ayant une surface d'impression d'au moins 2413 cm 2

8443.11.20 ---Ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm 2

L'ARGUMENTATION

Dans son mémoire, l'appelante a fait valoir que la surface d'impression mentionnée dans les numéros tarifaires 8443.11.10 et 8443.11.20 doit être calculée en fonction de la surface d'impression de la presse et non de celle du papier. Elle a ajouté que la machine en question compte six unités d'impression qui peuvent utiliser de l'encre de même couleur ou de couleurs différentes. Vu que chaque unité d'impression produit une surface de 29,68 cm x 43,20 cm ou 1282,176 cm2, la surface totale s'établit donc à 7693,056 cm2. Par conséquent, la machine devrait être classée dans le numéro tarifaire 8443.11.10 en tant qu'appareil ayant une surface d'impression d'au moins 2413 cm2. L'appelante a soutenu que l'industrie appuyerait un tel calcul.

L'appelante a également prétendu que conformément à la désignation et la codification appliquées en vertu du Système harmonisé, les droits de douanes exigibles à l'égard de cette machine doivent être établis selon le caractère essentiel de la machine et non en fonction de son utilisation éventuelle.

L'appelante a soutenu que les critères invoqués lors du reclassement sont fondés sur le libellé du numéro tarifaire 8433.12.00, qui porte sur les machines et appareils à imprimer alimentés en feuilles d'un format maximal de 22 cm x 36 cm (offset de bureau). Elle a fait remarquer que la machine en cause permet l'alimentation en papier entre les diverses unités pour permettre l'impression au verso.

L'intimé prétendait dans son mémoire que le produit en cause est constitué de six éléments, appelés unités, qui composent une presse offset. Ces éléments, à son avis, ne donnent pas un produit fini dont la surface imprimée correspond à six fois celle d'une reproduction obtenue par presse offset.

L'avocat de l'intimé a également fait valoir que l'expression anglaise «image or printing area» est simple et désigne la reproduction lorsque le papier a passé toutes les unités d'impression. Il cite les définitions des termes anglais «image» et «area» dans la deuxième édition (1989) du Oxford English Dictionary, soit : «To make an image or; to represent or set forth by an image». Le terme anglais «area» est défini comme suit : «A particular extent of surface».

L'intimé a soutenu que le produit final est un imprimé dont la surface ne dépasse pas 29,68 cm x 43,20 cm, pour une superficie totale de 1282,176 cm2, quel que soit le nombre d'unités utilisées. Par conséquent, le produit en cause, la machine compu-press R126, ne produit pas une image d'au moins 2413 cm2; elle ne peut donc pas être classée dans le numéro tarifaire 8443.11.10. Enfin, il ajoute que les six unités d'impression ne sont pas nécessairement toutes utilisées pendant le processus.

Au cours de l'audience, chaque partie a fait comparaître des témoins experts. L'appelante a également produit un échantillon d'impression de même que des éléments de preuve tirés d'une encyclopédie technique. L'intimé a déposé des annonces techniques portant sur une machine à imprimer offset compu-press R126 du type de celle en cause.

Le témoin expert de l'appelante, M. Lyle Scrymgeour, vice-président de Pollard Banknote Ltd., a décrit les principales composantes de la machine et en a expliqué le fonctionnement de même que la méthode d'impression utilisée. Le témoin a montré une planche d'impression utilisée avec la machine en cause. Il est nécessaire d'utiliser une planche pour produire une image. Il a expliqué qu'une image obtenue à partir d'un négatif est transférée à la planche revêtue d'une pellicule photosensible. Il a ajouté que pour imprimer en quatre couleurs, quatre planches comportant chacune à la fois une image et une représentation différente sont nécessaires.

Le directeur d'usine de Kromar Printing Ltd., M. Kenneth Campbell, a témoigné au nom de l'intimé. Il a décrit les pièces essentielles d'une presse offset, et plus particulièrement les trois cylindres nécessaires. Il a expliqué qu'une planche d'aluminium est fixée à ce qu'il a appelé un «cylindre de planche». L'encre se fixe à cette planche et le produit constitue une image, pour reprendre l'expression utilisée par les imprimeurs. Cette image est ensuite transférée à un «cylindre à blanchet en caoutchouc». Le papier à imprimer est introduit entre ce cylindre et un «cylindre d'impression» qui appuie tout simplement le papier contre le «cylindre à blanchet en caoutchouc» afin de transférer l'image sur le papier.

M. Campbell a poursuivi son témoignage en donnant son opinion sur l'image ainsi transférée et le rapport entre le nombre d'images imprimées et le nombre de couleurs requises. Pour ce qui est du transfert de l'image par procédé couleurs, il a répondu aux questions suivantes :

Q. Quelle est la taille de la surface d'impression?

R. Elle est la même pour toutes les unités. Elles ont une surface d'impression maximale qui ne peut être dépassée.

Q. Donc, si la bande de papier passe, disons, quatre unités, la surface d'impression est - elle quadruplée?

R. Non. Prenons, par exemple, cette plaque à une seule couleur et fixons-la à quatre unités différentes de même surface. Que se produit-il? Nous appliquons la même surface d'impression maximale au - dessus de chaque unité. Chaque unité comporte une surface maximale. Par conséquent, nous plaçons celui - ci par - dessus celui - là, par - dessus celui - là et par - dessus celui - là, mais la surface maximale de l'image ne change pas [2] . (traduction)

En contre-interrogatoire, M. Campbell a reconnu que chaque image transférée pendant l'impression en couleurs est différente.

Au cours de sa plaidoirie, l'appelante a soutenu que le terme anglais «or» dans l'expression «an image or printing area», dans les numéros tarifaires 8443.11.10 et 8443.11.20, devrait être interprété comme s'appliquant au terme «area» («an image area or printing area»). À cet égard, elle a déclaré que chaque planche d'impression a sa propre image et sert à imprimer une image différente sur le papier. En outre, elle a soutenu que l'appareil en cause constitue une machine complète et doit être classé comme une seule machine. Elle en vient donc à la conclusion que la surface d'impression correspond au produit de la surface d'impression de chaque planche et qu'il convient, en conséquence, de classer l'appareil en cause dans le numéro tarifaire 8443.11.10, réservé aux machines ayant une surface d'impression d'au moins 2413 cm2.

L'intimé a fait valoir que pour les imprimeurs, l'image correspond à la planche. Par conséquent, la surface d'impression (printing area) correspond à la planche. À cet égard, l'avocat de l'intimé a ajouté que les imprimeurs définissent la machine selon sa capacité et que cette dernière dépend de la taille du produit fini, mais avant tout de la planche. Il soutient donc que le nombre d'unités d'impression n'importe pas. La machine continuera d'être définie selon sa capacité de produire une reproduction de 12 po x 17 po, quel que soit le nombre d'unités ajoutées.

L'avocat de l'intimé a prétendu que même si six images peuvent être transférées au cours d'une opération, cela ne signifie pas pour autant que la superficie totale correspond à la somme de ces images. Il a soutenu que le résultat n'est pas six fois la taille originale de ces images, mais plutôt six images distinctes qui sont fonction des dimensions de chaque planche. Vu que chacune de ces dernières correspond à une image, il en découle une simple superposition d'images dont les dimensions dépendent de celles des planches.

L'avocat de l'intimé a aussi contesté la pertinence du principe de la fonctionnalité de l'appareil invoqué par l'appelante. Selon lui, il convient d'appliquer ce principe pour classer les composantes lorsqu'il n'est pas possible de les classer autrement ou lorsqu'il subsiste un doute quant au caractère fonctionnel de l'appareil. Vu que l'objet de la présente cause consiste à déterminer ce qui constitue l'image, il est inutile d'invoquer ce principe.

Enfin, il a fait valoir que la version française du numéro tarifaire rend les expressions «image» et «printing area» par un seul concept général, soit «une surface d'impression». Par conséquent, les expressions anglaises sont synonymes et ne sont pas favorables à l'argument de l'appelante.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Le Tribunal partage l'opinion selon laquelle les machines et appareils à imprimer doivent, aux fins du Tarif des douanes, être classés selon leur nature plutôt qu'en fonction du produit fabriqué. En conséquence, la question en litige ne porte pas sur les dimensions du produit, mais bien sur ce qui constitue la «surface d'impression» des machines ou appareils à imprimer.

Le Tribunal remarque que dans la version française du Tarif des douanes l'expression «surface d'impression» englobe les termes anglais «image» et «printing area»; il en vient donc à la conclusion que les deux expressions anglaises possèdent la même signification.

Les éléments de preuve déposés révèlent qu'une unité d'impression peut en elle-même constituer une machine à imprimer offset au sens de la position tarifaire 84.43. Aux fins du présent appel, six unités d'impression identiques sont raccordées l'une à l'autre sur un rail pour constituer une machine à imprimer offset capable d'imprimer en même temps plus d'une couleur et ce sur les deux côtés d'une page grâce à une barre de renversement.

Le Tribunal est également satisfait des éléments de preuve fournis par les deux témoins à l'égard de la fonction de la planche d'impression dans chaque unité. Selon le Tribunal, la planche d'impression joue un rôle primordial dans le procédé d'impression et c'est la capacité maximale de transfert de cette planche qui, ultimement, détermine la surface d'impression de la machine à imprimer. Dans la présente cause, cette capacité est limitée par les dimensions du cylindre qui tient la planche. Ce cylindre peut tenir une planche de 29,68 cm x 43,20 cm, pour une surface totale de 1282,176 cm2.

Ces éléments de preuve ont été appuyés par le témoignage de M. Campbell, qui indique, d'une part, que les unités d'impression multiples permettent d'imprimer des documents à plusieurs couleurs et, d'autre part, qu'aucun élément du procédé d'impression par couleurs ne modifie la surface d'impression maximale de la machine à imprimer.

Le Tribunal croit également que la présence d'une barre de renversement, qui permet d'imprimer des deux côtés de la feuille, ne constitue pas un élément pertinent. En fait, elle ne modifie en rien la surface d'impression de la machine suivant la conclusion du Tribunal relativement au rôle de la planche d'impression.

Somme toute, le Tribunal est persuadé qu'aucun élément ne permet de croire que la seule addition de la surface d'impression des six unités d'impression suffit à modifier la nature d'une machine à imprimer offset, aux fins de l'application des deux numéros tarifaires en cause.

LA CONCLUSION

L'appel devrait être rejeté. Les machines et appareils à imprimer sont correctement classés comme machines et appareils à imprimer, offset, alimentés en bobines et ayant une surface d'impression de moins de 2413 cm2.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Transcription de l'appel no AP-89-279, p. 81.


Publication initiale : le 18 août 1997