TOM BAIRD & ASSOCIATES LIMITED

Décisions


TOM BAIRD & ASSOCIATES LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-037

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 28 juillet 1992

Appel n o AP-90-037

EU ÉGARD À un appel entendu le 31 mars 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 15 mars 1990 relativement à des avis d'opposition signifiés en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

TOM BAIRD & ASSOCIATES LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





La question, dans le présent appel, consiste à déterminer si les articles fabriqués ou achetés par l'appelant sont exonérés de la taxe de vente fédérale aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi sur la taxe d'accise et de l'article 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 31 mars 1992 Date de la décision : Le 28 juillet 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant John B. Edmond, pour l'intimé





Le 22 avril et le 3 mai 1988, l'appelant a déposé des demandes de remboursement de la taxe de vente qu'il avait payée pendant les périodes allant respectivement de mars 1984 à mars 1986 et de janvier 1985 à avril 1988. Les demandes étaient fondées sur le fait que les articles vendus par l'appelant à ses clients et sur lesquels il avait payé la taxe de vente étaient exonérés de cette taxe aux termes de l'article 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). Des avis de détermination rejetant les demandes de remboursement ont été rendus le 17 juin 1988. L'appelant a signifié des avis d'opposition à la date du 14 septembre 1988. Dans des avis de décision datés du 15 mars 1990, l'intimé a confirmé les déterminations.

Une question préliminaire a été soulevée à l'audience au sujet des délais de remboursements prévus par la Loi. Le Tribunal souhaite ici prendre note de l'accord général qui prévaut entre les avocats au sujet de l'état du droit sur ce point.

La question, dans le présent appel, consiste à déterminer si les articles fabriqués ou achetés par l'appelant sont exonérés de la taxe de vente fédérale aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi et de l'article 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Les marchandises visées par cette exemption sont les suivantes : «Composition typographique, planches métalliques, cylindres, matrices, film, oeuvres d'art, dessins, photographies, matériel en caoutchouc, matériel en plastique et matériel en papier, lorsqu'ils portent l'empreinte d'une image destinée à la reproduction par impression, ou mettent en vedette ou comportent une telle image, et qu'ils sont fabriqués ou importés par un fabricant ou producteur, ou vendus à un fabricant ou producteur, pour servir exclusivement à la fabrication ou à la production d'imprimés».

L'appelant, fabricant titulaire de licence, est une agence de publicité. M. Julian Davis, qui est gestionnaire de la production chez l'appelant, a comparu pour celui-ci à titre de témoin.

M. Davis a décrit les activités de l'appelant. En tant qu'agence de publicité, ce dernier répond aux besoins publicitaires de ses clients, c'est-à-dire qu'il se charge d'établir la stratégie de commercialisation ainsi que les concepts d'approche, le texte, les manuscrits et les maquettes, c'est-à-dire la représentation illustrée de ce à quoi le produit final aura l'air. Après avoir reçu l'approbation du client, l'appelant passe au stade de la production. Il donne en sous-traitance la composition typographique, la photographie ou l'illustration si nécessaire, la transformation de l'illustration prête à photographier en reproduction photographique, et achète le document imprimé. Enfin, il fournit à l'imprimeur une série de clichés avec lesquels celui-ci procèdera à l'insolation des planches d'impression.

Le témoin a déclaré qu'un certain nombre de factures déposées auprès du Tribunal à titre de pièces étaient représentatives du travail accompli par l'appelant pendant les périodes en question. C'est ainsi que M. Davis a témoigné à propos de la pièce A-5 (une facture du 15 octobre 1986 adressée à Discovery Trust), que la représentation illustrée de la brochure publicitaire commandée par le client, que la maquette prête à être photographiée (c.-à-d. la maquette avec la galée composée, le logo de la compagnie et tout motif devant apparaître sur le document final) ainsi que la composition portent l'empreinte d'une image et entrent dans la définition des marchandises décrites à l'article 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. À propos de la pièce A-6 (une facture du 30 juin 1986 adressée à B.C. Hydro), M. Davis a répondu par l'affirmative à une question de l'avocat de l'appelant qui lui demandait si, parmi les articles qui y étaient énumérés, nombreux étaient ceux, qu'ils soient fabriqués par l'appelant ou achetés par celui-ci, qui correspondaient à cette même définition, et s'ils portaient tous l'empreinte d'une image destinée à la reproduction par impression.

Lors du contre-interrogatoire, M. Davis a expliqué que l'appelant avait acheté exempts de taxe des articles qui portaient l'empreinte d'une image, et qu'il les avait vendus comme articles assujettis à la taxe. Lorsqu'il s'est vu demander s'il y avait moyen de savoir si un article portant l'empreinte d'une image était, au moment de l'achat, destiné exclusivement à la production d'imprimés, le témoin a répondu que c'était difficile à dire. Enfin, en réponse à des questions des membres, M. Davis, à un moment donné, s'est dit d'accord avec l'idée selon laquelle tous les éléments de coût relatifs à la pièce A-5 avaient trait à un produit final, en l'occurrence l'article portant l'empreinte d'une image.

L'avocat de l'appelant a avancé plusieurs arguments, dont certains doivent être mentionnés. Pour l'essentiel, il a rejeté catégoriquement que le bénéfice de l'exemption en question soit limité aux fabricants qui utilisent eux-mêmes des articles portant l'empreinte d'une image dans leur propre travail d'impression. Selon lui, la soumission de l'appelant repose fondamentalement sur le fait que le sens clair des termes de l'article 4, ainsi que les règles normales d'interprétation des lois, s'opposent à toute interprétation restrictive de ce genre. En résumé, rien ne justifie cette lecture étroite d'une exemption de vaste portée. Il a soutenu que le fabricant ou le producteur qui achète les marchandises peut les revendre à un autre fabricant ou producteur tout en se prévalant de l'exemption aux termes de l'article 4 dans la mesure ou les marchandises elles-mêmes sont destinées à être utilisées dans la fabrication ou dans la production d'imprimés. L'avocat a étayé son argument en faisant remarquer que la Loi est pleine de dispositions dans lesquelles le législateur a limité la portée des exemptions en utilisant les mots «destiné à être utilisé par le fabricant et non à être revendu». Il a soutenu que l'absence d'une telle expression limitative dans l'article 4 traduit l'intention délibérée du législateur de ne pas limiter l'application de l'exemption prévue à cet article. Il a également soutenu que l'on peut présumer que le Parlement était au courant des différentes expressions limitatives qu'il avait employées dans les autres articles des annexes de la Loi pour limiter la portée des exemptions. Il faut respecter, a soutenu l'avocat, la volonté du législateur de ne pas limiter l'application de cette exemption.

En conséquence, l'avocat a soutenu que le Tribunal devait se garder de sortir de ses compétences en imposant une lecture de l'article qui soit incompatible avec l'intention qui était celle du législateur lorsqu'il a adopté celui-ci. Lorsque les mots sont clairs et non susceptibles de comporter un deuxième sens, le Tribunal doit les lire tels qu'ils sont, sauf raison contraignante d'agir autrement. L'avocat a renvoyé à la décision rendue par le juge MacGuigan dans la cause Lor-Wes Contracting Ltd v. The Queen [2] , et selon laquelle il était impossible de lire les mots «par lui» dans la disposition pertinente de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'il ne convenait pas à la Cour fédérale de jouer, ce faisant, un rôle législatif.

L'avocat de l'appelant a également plaidé que l'ajout des mots «par lui ou par eux» enlèverait leur sens aux mots «fabriqués par». Le paragraphe 52(1) de la Loi vise les ventes de marchandises que le fabricant affecte à son propre usage. L'avocat a plaidé que si les mots «fabriqués par» signifiaient «fabriqués par, pour son propre usage» (en vertu du paragraphe 52(1)), on en viendrait à une situation ou l'inclusion des mots «par lui ou par eux» serait redondante. À son avis, il est à présumer que le législateur n'avait pas pour intention de placer une disposition redondante dans la législation.

Il a également soutenu que l'interprétation qu'il pressait le Tribunal d'adopter était des plus conformes à l'objet global de la Loi. La taxe de vente fédérale est une taxe qui ne s'applique qu'une fois au même objet. C'est pourquoi des dispositions d'exemption ont été adoptées, telles que celles qui figurent dans l'article en question, et qui permettent aux fabricants d'acheter exempts de taxe les articles et le matériel qui entrent dans la fabrication de marchandises taxables. La taxe peut être perçue sur les matériaux qui entrent dans la fabrication de produits tels que l'article portant l'empreinte d'une image, mais l'article lui-même n'est pas tax 9‚ dans la mesure ou il entre à son tour dans la composition d'un produit taxable. L'article 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi ne devrait donc pas être limité aux seuls producteurs ou fabricants qui utilisent l'article eux-mêmes parce que cela serait contraire à l'objet et à l'esprit de la Loi.

Enfin, l'avocat de l'appelant a soutenu que l'intention du Parlement n'était pas de taxer les services et les apports intellectuels. La Loi vise plutôt, et d'abord et avant tout, à imposer une taxe sur les marchandises. L'avocat a soumis que l'article portant l'empreinte d'une image ayant une valeur essentiellement intellectuelle, il serait conforme à l'intention du législateur que cet élément du processus d'impression soit exonéré, quelle que soit l'identité du producteur dudit article et celle de la partie qui l'a utilisé dans la production d'imprimés.

L'avocat de l'intimé, pour sa part, a soutenu qu'il était possible d'interpréter la Loi comme limitant l'exemption aux fabricants et aux producteurs qui utilisent eux-mêmes les articles portant l'empreinte d'une image pour leurs propres travaux d'impression sans y ajouter aucun mot. La présence des autre mots n'aurait pour effet que de rendre cette interprétation plus certaine.

Il a également soutenu que l'économie générale de la Loi exige que le coût de toutes les composantes du produit final soit inclus dans le prix de l'article vendu aux consommateurs. Si l'imprimeur reçoit gratuitement l'article portant l'empreinte d'une image, comme c'est le cas en l'espèce, le coût de cet article n'est pas inclus dans le coût de l'imprimé. S'il en était autrement, cela serait contraire à l'économie générale de la Loi, et donc inadmissible.

L'avocat a plaidé, en outre, que la distinction faite par l'appelant entre un produit matériel et un produit intellectuel est erroné. Il a fait valoir qu'une automobile comprend une bonne part d'ingénierie et d'effort créatif et intellectuel, y compris les essais. Pourtant, les automobiles sont taxées sur le coût global de toutes les composantes de ce genre.

L'avocat a pressé le Tribunal de prendre en considération le Mémorandum de l'accise ET 207 dans son interprétation de la Loi. Il a fait valoir l'autorité que constitue la cause Nowegijick c. La Reine [3] , dans laquelle le juge Dickson a statué qu'une politique administrative peut être d'un secours précieux en cas de doute sur le sens d'un texte législatif. À son avis, le Mémorandum de l'accise prouve que l'interprétation dont la disposition en question a fait l'objet limite l'exemption aux articles portant l'empreinte d'une image produits et utilisés par le même fabricant ou producteur.

Il a ajouté qu'il incombait à l'appelant, dans la présente cause, de prouver que les marchandises entrent dans le champ d'application de la disposition d'exonération, car le fardeau de la preuve pèse davantage sur ceux qui réclament une exemption que sur ceux qui tentent d'en écarter l'application. Il a prétendu que l'appelant n'avait pas répondu à la norme de preuve requise pour établir que les marchandises entraient dans le champ d'application de la disposition d'exemption de la Loi. Enfin, l'avocat de l'intimé a pressé le Tribunal d'interpréter la disposition de la façon la plus raisonnable. Il s'est fondé à ce sujet sur la cause invoquée par l'appelant lui-même et dans laquelle la Cour fédérale avait statué que l'on doit supposer que le législateur entend agir de façon raisonnable. Par conséquent, il y a lieu, dans l'alternative, d'opter pour une interprétation raisonnable de la disposition. Il a soutenu que l'interprétation la plus raisonnable serait celle qui aurait pour effet de limiter l'exemption aux fabricants et aux producteurs qui utilisent l'article portant l'empreinte d'une image eux-mêmes parce que cette interprétation est conforme à l'économie générale de la Loi.

Après avoir examiné les éléments de preuve et pris les arguments en considération, le Tribunal est d'avis que l'appel doit être admis. L'article en question, dans sa version actuelle, a été inclus dans la Loi en 1963 dans la partie de l'annexe intitulée «Impressions et matières pour l'enseignement» [4] . En 1966, cette disposition d'exemption a été déplacée par le Parlement à la partie XIII (intitulée «Matériel de production et matières de conditionnement») de l'annexe III nouvellement adoptée [5] . Le législateur a également inclus dans la Loi effectuant ces modifications législatives une annexe V qui, entre autres choses, visait à exonérer de la taxe de vente fédérale des marchandises telles que les machines et les appareils, lorsqu'ils sont utilisés à une certaine fin. Dans le cas de l'annexe V, le législateur a limité fréquemment l'exemption en utilisant les mots «destinés à être utilisés par eux». C'est ainsi, par exemple, que l'alinéa a) de cette annexe visait «les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être utilisés par eux directement dans la fabrication ou la production de marchandises». Le législateur a décidé de ne pas utiliser de thèmes limitatifs si précis dans la partie XIII, qui comprend l'article en question. De l'avis du Tribunal, il s'agissait-là d'une décision délibérée de la part du législateur, qui indique que celui-ci n'avait pas l'intention de limiter la portée de la disposition d'exemption sur laquelle s'est fondé l'appelant.

En 1968, le Parlement a abrogé l'annexe V et a adopté une nouvelle partie XIII de l'annexe III intitulée «Matériel de production, matières de conditionnement et plans» [6] . Cette partie comprenait des dispositions de l'annexe V abrogée. Le Parlement, en dépit du fait qu'il connaissait les termes «pour être utilisés par eux» qui figuraient dans certaines nouvelles dispositions de la partie XIII, a décidé de ne pas les utiliser dans la cas de la disposition d'exemption pertinente dans la présente cause. Là encore, le Tribunal est d'avis que cette décision du législateur montre à l'évidence l'intention du Parlement de ne pas limiter la portée de l'article 4 de la partie XIII de l'annexe III. Il est à noter que le libellé de cet article est resté inchangé depuis 1968, en dépit des modifications qui ont été apportées depuis par le Parlement à cette partie de l'annexe III ainsi qu'à d'autres encore. Par conséquent, le Tribunal ne peut restreindre l'application de cette disposition en lui prêtant un sous-entendu restrictif.

L'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. 85 D.T.C. 5310.

3. [1983] 1 R.C.S. 29.

4. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, S.C. (1963), ch. 12.

5. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, S.C. (1966), ch. 40.

6. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, S.C. (1967-1968), ch. 29.


Publication initiale : le 7 juillet 1997