LADY SANDRA OF CANADA LTD.

Décisions


LADY SANDRA OF CANADA LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
v.
MATADOR CONVERTISSEURS CIE LTÉE
Appel no AP-90-082

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 2 juin 1992

Appel n o AP-90-082

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 avril 1992 conformément à l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise datée du 26 juin 1990 concernant une demande de réexamen en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LADY SANDRA OF CANADA LTD. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

ET

MATADOR CONVERTISSEURS CIE LTÉE Intervenant

L'appel est admis en partie. Bien que la substance agglutinante ait dans une certaine mesure atteint les fibres des couches internes des ouates, elle n'a pas lié les fibres des ouates sur toute la largeur de la nappe. Le Tribunal estime donc que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 5601.22.10 à titre de ouates de fibres synthétiques ou artificielles. Le Tribunal estime, toutefois, que l'intimé a correctement classé le format de 11 oz devant servir en tant que bordures de protection.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Dans le cadre du présent appel, il s'agit de déterminer si des ouates de fibres de polyester vaporisées d'une substance polymérique et importées en rouleaux devraient être classées dans le numéro tarifaire 5603.00.90 à titre de «nontissés, même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés» ou, comme le prétend l'appelant, dans le numéro tarifaire 5601.22.10 à titre de «ouates de fibres synthétiques ou artificielles».

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Bien que la substance agglutinante ait dans une certaine mesure atteint les fibres des couches internes des ouates, elle n'a pas lié les fibres des ouates sur toute la largeur de la nappe. Le Tribunal estime donc que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 5601.22.10 comme «ouates de fibres synthétiques ou artificielles». Le Tribunal estime, toutefois, que l'intimé a correctement classé le format de 11 oz devant servir en tant que bordures de protection.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 7 avril 1992 Date de la décision : Le 2 juin 1992
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : C. McKechnie, pour l'appelant Dominique Gagné, pour l'intimé Stuart Zuckerman, pour l'intervenant





Dans le cadre du présent appel, il s'agit de déterminer si des ouates de fibres de polyester vaporisées d'une substance polymérique et importées en rouleaux sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 5603.00.90 à titre de «nontissés, même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés» ou, comme le prétend l'appelant, dans le numéro tarifaire 5601.22.10 à titre de «ouates de fibres synthétiques ou artificielles».

Les marchandises en question sont des fibres constituées entièrement de polyesters, importées en rouleaux. Elles servent de bourre dans des douillettes et des édredons fabriqués par Lady Sandra of Canada Ltd. La bourre à faible densité possède des qualités souhaitables; elle est légère et douce, a un volume élevé, reprend rapidement sa forme après compression, a un foisonnement élevé et assure une bonne isolation. Les marchandises en question viennent en divers formats : P7 oz, P9,25 oz, LG10 oz, P11 oz, P13 oz, P14 oz, P15 oz, P15, 25 oz et P16 oz. Le format P11 compte deux sous-catégories, la première étant douce et la deuxième, plus imbibée de résine, devant servir en tant que bordures de protection pour des lits de bébés. De l'avis des experts qui ont comparu pour l'intimé, les formats P11, P13, P14 et probablement P16 constituaient le même produit vendu dans différentes largeurs.

Les fibres ont été vaporisées des deux côtés avec une substance agglutinante ou liante en acrylique. Le traitement empêche les fibres de se tasser les unes sur les autres et améliore la cohésion de la surface. Il ajoute du gonflant et du volume aux marchandises et prévient le tassement des fibres pendant le lavage. La quantité de résine au poids peut varier. La résine peut atteindre, dans une certaine mesure, le centre des ouates.

Voici les dispositions pertinentes de l'annexe I du Tarif des douanes [1] :

56.01 Ouates de matières textiles et articles en ces ouates; fibres textiles d'une longueur n'excédant pas 5 mm (nontissés), noeuds et noppes (boutons) de matières textiles.

-Ouates; autres articles en ouates :

5601.22 --De fibres synthétiques ou artificielles

5601.22.10 ---Ouates

-------------------------

5603.00 Nontissés même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés.

5603.00.90 ---Autres

Selon l'avocat de l'appelant, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [2] (les Notes explicatives) indiquent clairement que l'annexe I du Tarif des douanes prévoit tant les ouates vaporisées qui sont classées comme des nontissés que les ouates vaporisées qui sont encore considérées comme des ouates. La distinction est fondée sur la mesure dans laquelle la substance agglutinante a imprégné la matière. Si elle a atteint les fibres des couches internes, la matière est considérée comme un nontissé. À cet égard, l'avocat a fait remarquer que, selon les résultats obtenus en laboratoire et sur lesquels s'est fondé l'intimé, la substance agglutinante n'avait pas atteint les fibres des couches internes de quatre des marchandises en question, à savoir le P13, le P14, le P15 et le P16.

L'avocat a prétendu que le terme «ouates» n'est pas un terme technique et qu'il faut lui donner son sens courant. Il a ajouté que toutes les marchandises en question sont conformes aux définitions qui figurent dans les dictionnaires à la rubrique «ouate» et qu'elles sont appelées ainsi dans le commerce. Les marchandises sont achetées comme ouates, utilisées comme ouates et vendues comme ouates.

L'avocat a renvoyé aux Notes explicatives de la position tarifaire 56.01, à la page 772, dont voici le libellé :

... Restent également classées [à l'ordonnance 56.01]... les ouates sur lesquelles a 9‚té dispersée une petite quantité de substance agglutinante afin d'améliorer la cohésion des fibres superficielles; les fibres des couches internes de ces ouates peuvent, contrairement aux nontissés, être aisément séparées.

Il est à noter cependant que les ouates traitées à l'aide d'une substance agglutinante et dans lesquelles cette substance a atteint les fibres des couches internes sont classées en tant que nontissés du n o 56.03, même si les fibres peuvent être aisément séparées.

L'avocat a fait valoir que la présence de la substance agglutinante et la facilité de séparation des fibres des couches internes ne sont pas des facteurs déterminants. La distinction décisive est la manière d'appliquer cette substance agglutinante et le degré de pénétration. La matière a-t-elle été «traitée» au moyen d'une substance agglutinante [nontissés] ou une «petite quantité de substance agglutinante» y a-t-elle été «dispersée» [ouates]? L'avocat a prétendu qu'il était préférable de dire que la substance agglutinante vaporisée avait été «dispersée» sur la matière plutôt que de dire qu'elle l'avait «traitée». De même, la substance agglutinante a-t-elle «atteint les fibres des couches internes» de la matière [nontissés], ou le traitement a-t-il «amélior[é] la cohésion des fibres superficielles [ouates]»? L'avocat a prétendu que l'expression «a atteint» signifie que le processus était intentionnel et qu'il n'était pas le fait du hasard.

L'avocat a, de plus, fait valoir que l'analyse en laboratoire de la matière n'est pas satisfaisante et qu'il aurait fallu évaluer la matière en se fondant sur les «cinq sens». Il a fait remarquer, à cet égard, qu'un examen scientifique peut déceler des quantités minimes de la substance agglutinante dans les fibres des couches internes de la matière qui ne sont pas perceptibles à l'oeil nu ni au touché. L'avocat a cependant précisé que, selon les Notes explicatives, pour considérer les fibres comme des nontissés, elles doivent être liées dans toute l'épaisseur de la matière par la substance agglutinante. Or, tel n'est pas le cas des marchandises en question. Voici le libellé de la position tarifaire 56.03, à la page 776 des Notes explicatives :

Quelques nontissés rappellent... les ouates du no 56.01... [L]e fait que ces fibres ou filaments textiles [de nontissés] soient liés entre eux dans toute l'épaisseur de la nappe et, en général, dans toute sa largeur, permet également de distinguer les nontissés de certaines ouates du no 56.01.

L'avocate de l'intimé a prétendu que, pour classer les marchandises comme des ouates ou des nontissés, il est essentiel d'évaluer le degré de pénétration de la substance agglutinante dans les fibres. Elle a fait valoir que des ouates peuvent être classées dans la position tarifaire 56.01 si seulement une quantité minime de substance agglutinante a été dispersée sur la surface pour améliorer la cohésion des fibres superficielles. Toutefois, des ouates deviennent des nontissés lorsque la substance agglutinante a atteint les fibres des couches internes, ce qui a pour effet de lier les fibres. La matière peut alors être classée dans la position tarifaire 56.03. À cet égard, l'avocate a également renvoyé à la page 772 des Notes explicatives, citées ci-dessus, et prétendu qu'il n'était pas nécessaire que la substance agglutinante ait atteint toutes les fibres de l'échantillon pour que ce dernier soit considéré comme un nontissé.

L'avocate a fait remarquer que divers échantillons des marchandises en question avaient été soumis à des analyses en laboratoire afin de déterminer le degré de pénétration de la substance agglutinante. Il est ressorti des rapports du laboratoire que la substance avait atteint toute l'épaisseur des marchandises. Par conséquent, l'intimé estime que, puisque les produits en question sont liées par un agent de consolidation qui a pénétré toute l'épaisseur de la matière, ils devraient être considérés comme des nontissés et correctement classés dans le numéro tarifaire 5603.00.90.

Reconnaissant le manque d'uniformité entre les deux positions des Notes explicatives pertinentes en l'espèce, le Tribunal a indiqué y avoir trouvé deux énoncés qui ont une très grande importance pour le règlement de l'appel. À la position tarifaire 56.01 en page 772, on trouve que :

... les ouates traitées à l'aide d'une substance agglutinante et dans lesquelles cette substance a atteint les fibres des couches internes sont classées en tant que nontissés du no 56.03, même si les fibres peuvent être aisément séparées.

Le second renvoi, à la page 776, position tarifaire 56.03, précise que :

... le fait que ces fibres ou filaments textiles soient liés entre eux dans toute l'épaisseur de la nappe et, en général, dans toute sa largeur, permet également de distinguer les nontissés de certaines ouates du no 56.01.

En se fondant sur ces deux notes, le Tribunal estime que la petite quantité de substance agglutinante qui a atteint les fibres des couches internes des ouates ne suffit pas pour justifier que les marchandises soient classées comme des nontissés. Les Notes explicatives laissent entendre qu'il faut non seulement une pénétration des fibres des couches internes, mais que, en raison de cette pénétration, les fibres ou les filaments des ouates sont liés dans toute la largeur de la nappe.

M. Wendell Ward, chimiste au Laboratoire des douanes et de l'accise de Revenu Canada depuis 1975, principalement dans la section des textiles, a été appelé à témoigner à titre d'expert pour l'intimé. Il a été chargé d'examiner au microscope certaines des marchandises importées pour que l'intimé puisse en établir le classement tarifaire. Dans son témoignage, il a déclaré avoir trouvé de petites quantités d'agent de consolidation au centre des échantillons qu'il a examinés à une faible puissance de grossissement. Il a ajouté qu'il était probable que de petites quantités d'agent de consolidation soient présentes au centre de tous les échantillons. Pendant le contre-interrogatoire, il a déclaré qu'une telle quantité de substance agglutinante lierait peu ou pas du tout les fibres des couches internes des ouates.

En raison de la méthode d'application de la substance agglutinante et de la nature de la matière à traiter, il est inévitable que des quantités minimes de la substance agglutinante atteignent les fibres des couches internes de la matière. Toutefois, si la quantité présente ne lie pas entre elles les fibres des couches internes, si elle n'est pas visible à l'oeil nu et si elle ne peut être décelée que par une analyse chimique ou au microscope, alors le Tribunal éprouve une certaine réticence à accepter l'opinion que cette quantité négligeable de substance puisse être un facteur déterminant pour le classement de la matière.

Bien que la substance agglutinante ait, dans une certaine mesure, atteint les fibres des couches internes des ouates, cette pénétration n'était pas intentionnelle et n'a pas lié les fibres des ouates sur toute la largeur de la nappe. Le Tribunal estime donc que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 5601.22.10 comme ouates de fibres synthétiques ou artificielles.

Il existe toutefois une exception à cette décision. M. Bruce A. Burgermaster, actuel président et chef de la direction de Carlee Corporation, le fabricant des marchandises en question, a été appelé à témoigner pour l'appelant. Il a déclaré que le format de 11 oz conçu pour des bordures de protection était fortement résiné. Ce renseignement a corroboré un rapport préparé par Mme C. Copeland des Services des travaux scientifiques et de laboratoire de Revenu Canada. Le rapport précisait que, contrairement aux autres formats, les fibres des couches internes des nappes de ouatinage de 11 oz ne pouvaient pas aisément être séparées. Bien que des échantillons de ces marchandises n'aient pas été présentés à l'audience, le Tribunal estime, d'après leur description, qu'elles sont différentes des autres formats. Elles sont tellement plus résinées que les fibres ne peuvent être aisément séparées. Il ne fait pas de doute que la substance agglutinante ait pu atteindre les fibres des couches internes de la matière dans des quantités plus que minimes.

En conséquence, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

2. Conseil de coopération douanière, Bruxelles, première édition, 1986.


Publication initiale : le 7 juillet 1997