WESTERN INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS, INC.

Décisions


WESTERN INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS, INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-89-282

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 25 février 1991

Appel n o AP-89-282

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 novembre 1990 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue le 2 février 1990 par le sous-ministre du revenu national pour les douanes et l'accise en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WESTERN INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS, INC. Appelante

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que le lieu d'où les marchandises vendues pour exportation sont expédiées directement au Canada est Quanah (Texas). L'appelante n'a donc pas droit, aux fins du calcul de la valeur en douane, à la déduction pour les frais liés au transport des marchandises avant ce point. Le Tribunal conclut de plus que pour pouvoir envoyer les marchandises via le train, il était nécessaire de procéder à l'emballage et au cerclage. Les frais liés à ces dépenses peuvent ainsi, à juste titre, être soustraits du prix d'exportation des marchandises en vertu de l'alinéa 48(5)(b) de la Loi sur les douanes. Par conséquent, le Tribunal renvoie l'affaire au ministre du Revenu national pour réexamen de ces frais dont il a à tenir compte dans la détermination de la valeur en douane.


Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Tarif des douanes - Déterminer la valeur en douane des plaques de plâtre - Décider du lieu du pays d'exportation d'où les marchandises sont expédiées directement au Canada.

L'appelante est une entreprise de courtage du bois d'oeuvre et des produits de construction des États-Unis qui a importé une certaine quantité de plaques de plâtre au Canada en septembre 1988. Celles - ci ont été vendues à l'appelante par une entreprise intermédiaire de transport qui a acheté les marchandises directement de la manufacture de plaques de plâtre. L'appelante a dû payer un prix d'ensemble pour les marchandises, prix qui comprenait le transport de la manufacture jusqu'à la gare à Quanah (Texas) d'où les marchandises ont commencé leur voyage en train vers le Canada.

L'appelante a soutenu qu'en calculant la valeur en douane des marchandises, toutes les dépenses pour le transport et autres dépenses, encourues depuis la manufacture et leur destination finale au Canada devraient être soustraites du prix payé pour les plaques de plâtre. L'intimé était d'avis que seuls les frais de transport à partir du dernier point de départ aux États - Unis à Hayford (Illinois) devraient être soustraits en calculant la valeur en douane des marchandises.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que le lieu d'où les marchandises vendues pour exportation sont expédiées directement au Canada est Quanah (Texas). L'appelante n'a donc pas droit, aux fins du calcul de valeur en douane, à la déduction pour les frais liés au transport des marchandises avant ce point. Le Tribunal conclut de plus que pour pouvoir envoyer les marchandises via le train, il était nécessaire de procéder à l'emballage et au cerclage. Les frais liés à ces dépenses peuvent ainsi, à juste titre, être soustraits du prix d'exportation des marchandises en vertu de l'alinéa 48(5)(b) de la Loi sur les douanes. Par conséquent, le Tribunal renvoie l'affaire au ministre du Revenu national pour réexamen de ces frais dont il a à tenir compte dans la détermination de la valeur en douane.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 novembre 1990 Date de la décision : Le 25 février 1991
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Sidney A. Fraleigh, membre
Greffier du Tribunal : Joseph Larose
Ont comparu : Michael A. Kelen, pour l'appelante Gilles Villeneuve, pour l'intimé
Lois et règlements invoqués : Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.), paragraphes 48(1), (4) et (5); Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.), article 17.





LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Le présent appel a pour but d'établir la valeur en douane de plaques de plâtre fabriquées aux États-Unis et importées au Canada en septembre 1988. En vertu du paragraphe 48(4) de la Loi sur les douanes (la Loi) [1] , la valeur en douane, dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, correspond au prix payé, ajusté conformément au paragraphe 48(5) de la Loi. Le sous-alinéa 48(5)a)(vi) autorise l'ajout au prix des coûts de transport des marchandises «... jusqu'au lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada... ». En vertu du sous-alinéa 48(5)b)(i), les coûts de transport des marchandises et autres frais relativement à ce transport «... depuis le lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada... » peuvent être soustraits du prix.

Il s'agit de déterminer, aux fins du calcul de la valeur en douane, le lieu du pays d'exportation depuis lequel les marchandises ont été expédiées directement au Canada et, par conséquent, les frais de transport et autres frais que l'appelante est autorisée à soustraire du prix payé pour les marchandises. Les dispositions législatives applicables à la présente cause sont les suivantes :

Loi sur les douanes

Valeur transactionnelle des marchandises

48. (1) Sous réserve du paragraphe (6), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable...

...

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

...

(vi) les coûts de transport des marchandises jusqu'au lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada, les frais de chargement, de déchargement, de manutention et autres coûts, ainsi que les coûts d'assurance, relativement à ce transport;

b) par soustraction, dans la mesure où ils ont été inclus, des montants représentant :

(i) les coûts de transport des marchandises depuis le lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada, les frais de chargement, de déchargement, de manutention et autres frais, ainsi que les coûts d'assurance, relativement à ce transport,...

LES FAITS

Il s'agit d'un appel interjeté après que l'intimé eût rendu, le 2 février 1990, une décision concernant la valeur en douane des plaques de plâtre importées au Canada, plus précisément à Sarnia (Ontario), le 28 septembre 1988, sous le numéro de déclaration 13581000477346. L'appelante, Western International Forest Products, Inc. (Western), est un vendeur américain qui déclare les marchandises à titre d'importateur non résidant. Cette entreprise, dont les bureaux sont situés à Portland, se spécialise dans le courtage du bois d'oeuvre et des produits de construction partout aux États-Unis et au Canada. Elle s'approvisionne auprès de divers fabricants et distributeurs partout aux États-Unis et revend les marchandises à ses clients.

Jim Raines & Co., Inc. (Raines) est une société constituée en vertu des lois de l'État de l'Oklahoma (États-Unis). Son propriétaire, M. Raines, a comparu à l'audience et a déclaré qu'à la date de l'appel, l'entreprise distribuait divers produits, notamment des plaques de plâtre, les transportait par camion et les transbordait dans des wagons de chemin de fer. Cette société exploite des installations de transbordement à Oklahoma City (Oklahoma) et à Quanah (Texas).

À la fin d'août 1988, les représentants de Western ont communiqué par téléphone avec ceux de Lumber King Limited (Lumber King), un détaillant de bois d'oeuvre, de Scarborough (Ontario), ainsi qu'avec ceux de Don & Son Building Supply (Don & Son), d'Oshawa (Ontario); ces derniers se sont alors engagés à acheter une certaine quantité de plaques de plâtre. L'appelante a accusé réception de cette commande vers le 26 septembre 1988, au prix unitaire de 136 $, «selon la disponibilité».

Les représentants de Western ont ensuite communiqué avec ceux de Raines et ont placé au moins une commande, et une certaine quantité de plaques de plâtre à être livrée. Selon M. Raines, les marchandises étaient vendues f. à b. à l'usine, livrées et chargées à bord de wagons de chemin de fer. Sur la facture que Raines a fait parvenir à Western, le 9 septembre 1988, pour des plaques de plâtre chargées sur le wagon no BN 625168 de la compagnie ferroviaire Burlington Northern, le prix des marchandises est de 35 $ pièce et les frais de transport, de l'usine au centre de transbordement, et ceux de transbordement s'élèvent à 32 $ pièce, pour un total de 67 $ pièce. Les conditions de vente n'y sont pas précisées. Les plaques de plâtre vendues par Raines à Western ont été achetées de Gold Bond Building Products, Division of National Gypsum Company (Gold Bond Mill), de Rotan (Texas), à 46 $ pièce, f. à b. à l'usine.

À l'audience, l'avocat de l'appelante a produit une facture corrigée soumis de Raines; la ventilation du coût total (67 $ pièce) y a été modifiée de la manière suivante : 46 $ pièce pour le produit et 21 $ pièce pour le transport.

Les plaques de plâtre en question ont été chargées à bord du wagon no BN 625168, à la gare d'origine de Quanah (Texas), puis acheminées à Chicago. Elles ont par la suite été transportées dans le même wagon par le Canadien National jusqu'à Kitchener (Ontario). Le wagon a été déchargé à Kitchener par la société Ed Wiersma Trucking Company et les marchandises ont été livrées par camion à Don & Son, à Oshawa, et à Lumber King, à Scarborough.

Le 28 septembre 1988, l'appelante a importé les marchandises au Canada, au bureau de déclaration de Sarnia (Ontario). Le prix de vente total des marchandises, soit 115 200 pi2 de plaques de plâtre livrées au Canada, s'établissait à 15 667 $ CAN. Cette quantité représente 3 600 feuilles de 4 pi de largeur sur 8 pi de longueur et ½ po d'épaisseur pouvant être chargées à bord d'un wagon de type A ou de quatre camions. De la somme précitée, l'appelante demande de soustraire 10 405 $ CAN pour le transport, le chargement et l'emballage. Selon l'appelante, la valeur en douane totale des marchandises s'élève à 5 262 $ CAN.

Le 17 octobre 1988, une décision a été rendue en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi, haussant la valeur en douane et la portant de 5 262,00 $ à 11 437,20 $, et exigeant le paiement de droits supplémentaires totalisant 580,45 $. L'appelante a interjeté appel et, le 2 février 1990, l'intimé a rendu la décision faisant l'objet du présent appel et refusant la déduction des frais de transport et d'autres frais assumés avant le départ des marchandises de la gare d'origine, à Quanah. Dans sa décision, l'intimé a fait remarquer que la valeur en douane des marchandises a été établie à 8 427,33 $, selon les calculs suivants :

A.le prix de vente des marchandises après l'escompte au comptant de 2 p. 100 : 15 454,77 $ B.moins - les frais de transport et autres dépenses admissibles : 5 497,71 $ transport ferroviaire par BN, de Quanah (Texas) à Chicago (Illinois) : 2 572,67 $ transport ferroviaire par le CN jusqu'à Kitchener (Ontario) : 1 580,04 $ transport par camion (Ed Wiersma) : 1 295,00 $ frais de courtage : 50,00 $ C.moins - la taxe de vente (8 p. 100) : 737,56 $ D.moins - les droits de douane (9,4 p. 100) : 792,17 $ valeur en douane: 8 427,33 $

À l'audience, le président de Forest City Trading Group, une société de portefeuille représentant neuf entreprises de commerce extérieur, dont Western, et négociant pour cette dernière, a déposé des éléments de preuve au sujet des faits relatifs à l'appel et des pratiques commerciales de la société. L'appelante était incapable de produire bon nombre des documents originaux portant sur les ventes en cause, car elle les a de toute évidence perdus. Elle a déposé, plutôt, comme élément de preuve, des doubles ou documents représentatifs qui, selon elle, énoncent bien ses pratiques commerciales.

L'appelante a déposé des commande écrites à la main qui ressemblent à celles qui ont été préparées par le négociant pour les ventes canadiennes en cause; il y est précisé que le prix de vente est f. à b. Une reproduction du bon de commande informatisé, daté du 4 octobre 1988, transmis à Raines pour la vente en cause précise que le coût des plaques de plâtre s'élève à 35 $ pièce; à cette somme, il faut ajouter des frais de transport par camion et de chargement de 32 $. Le témoin de l'appelante a déclaré que même si ce document n'indique pas de façon précise que le prix de vente est f. à b. à l'usine, il est évident que cette condition s'applique vu la présence de certains renseignements dans une colonne donnée. Il y est déclaré que l'origine est Oklahoma City, OK et que les marchandises sont transportées par BN.

L'appelante a également produit comme pièces quatre connaissements transmis par Gold Bond Mill à Raines. M. Raines affirme que chaque connaissement visait une livraison par camion de plaques de plâtre et que les quatre chargements totalisent la quantité de plaques de plâtre livrées au Canada dans le wagon no 625168 de la société BN. Sur ces documents, la société Raines est désignée acheteur. Il y est précisé que les marchandises sont originaires de Rotan et que leur destination, ou pays de déchargement, est Oklahoma. La case intitulée «ship to» dans la version originale du connaissement renferme, écrits à la main, les renseignements suivants : «Western PO#52337 car BN#625-168». M. Raines affirme que cette note a été ajoutée au connaissement par un des commis de bureau de sa société après le chargement des marchandises à bord du wagon. Une facture de Gold Bond à Raines dont le numéro correspond au numéro de commande de l'usine figurant sur le connaissement indique que le prix des marchandises est de 46 $ pièce, f. à b. à l'usine. L'appelante a également déposé comme élément de preuve une lettre adressée aux clients réguliers de Raines, dans laquelle le propriétaire de l'entreprise fait la déclaration suivante : «Nous vendons des plaques de plâtre dont le prix est f. à b. à l'usine de nos fournisseurs» (traduction).

L'appelante a aussi soumis une analyse de ce qu'elle considère être une estimation raisonnable des frais de transport et d'emballage encourrus pour déplacer les plaques de plâtre entre la manufacture et le wagon. Selon le témoignage du représentant de l'appelante, lors de l'audience, la compagnie ferroviaire exige que des plaques de plâtre soient bien protégées afin d'éviter des dommages qui pourraient se produire pendant le voyage. Les matériaux protecteurs, sac de plastiques et bandes d'acier, ont été mis en place à Quanah à la gare d'embarquement et enlevés par Ed Wiersma Trucking une fois les marchandises à Kitchener.

L'intimé a produit une facture de Revenu Canada - Douanes et Accise, datée du 19 septembre 1988 et déposée au nom de l'appelante à la date d'importation des marchandises au Canada; il y est indiqué que les marchandises ont été acheminées par le wagon plat no BN 625168. L'intimé a également déposé des listes de prix datées de juillet 1988 et distribuées par Raines à une autre société à laquelle elle fournit des plaques de plâtre où il y est précisé que : «Les prix sont en vigueur immédiatement. Les prix sont f.à.b. chargés sur les wagons» (traduction). Ces listes mentionnent un seul prix pour un produit, celui-ci comprenant les frais de transport et les frais de chargement. La société Raines tente de prouver que même si elle distribue périodiquement ces listes de prix, elle n'a pas vendu de marchandise à Western ni à la société qui lui a fourni lesdites listes, comme il y est précisé.

L'ARGUMENTATION

L'appelante prétend que les marchandises en cause ont été achetées f. à b. à l'usine et qu'elles ont commencé leur voyage sans interruption vers le Canada à l'usine de Rotan (Texas). Tous les frais de transport et frais de chargement et d'emballage connexes peuvent donc être soustraits du prix de vente au Canada conformément au paragraphe 48(5) de la Loi. Ces frais englobent le coût du transport par camion des plaques de plâtre, à partir de l'usine de Gold Bond Mill jusqu'à la gare d'origine de Quanah (Texas), et les frais d'emballage, de cerclage et de chargement des plaques de plâtre à bord du wagon.

Pour étayer son argument, l'appelante invoque le Mémorandum des Douanes D13-3-4 du 13 novembre 1987 qui renferme des lignes directrices administratives servant à déterminer le lieu d'expédition directe. Les paragraphes 2 et 4 de ce mémorandum énoncent ce qui suit :

Lieu d'expédition directe

2. Aux fins des Douanes, le lieu d'expédition directe est celui où les marchandises commencent leur voyage direct et sans interruption vers le Canada. Ce voyage peut être interrompu uniquement à des fins de transbordement.

Frais de transport intérieur

4. Le statut imposable des frais de transport intérieur et autres frais intérieurs, est en fonction du lieu où les marchandises commencent leur voyage direct et sans interruption vers le Canada. Cette question peut se présenter, par exemple, lorsqu'un fabricant dans un pays étranger se trouve à un endroit situé à l'intérieur du pays mais vend les marchandises qu'il exporte f. à b. port maritime. S'il peut être établi que le lieu d'expédition directe est l'endroit situé à l'intérieur du pays, les frais de transport engagés pour transporter les marchandises depuis l'endroit situé à l'intérieur du pays jusqu'au port maritime ne seront pas imposables. Les frais de transport intérieur ne sont pas imposables s'il est établi que les marchandises sont restées au port maritime uniquement à des fins de transbordement.

L'appelante soutient que les pièces justificatives attestent de l'acheminement des marchandises de l'usine au Canada et confirment que le voyage fut direct et sans interruption et que s'il a été interrompu, ce n'est qu'à des fins de transbordement du camion au wagon de chemin de fer. Avant que les marchandises ne quittent l'usine, Western avait prévu chaque étape du transport de manière à ce que le voyage vers le Canada s'effectue de façon directe et sans interruption.

L'appelante prétend que le fait que les plaques de plâtre aient été achetées de Raines, et non directement de l'usine de Gold Bond Mill, n'est pas pertinent, et qu'aux fins de la présente cause Raines ne représente qu'un intermédiaire qui exploite une société de camionnage. C'est la raison pour laquelle Raines a établi une tarification qui lui a permis de faire un bénéfice sur les frais de transport même si elle a encaissé une perte sur le prix des plaques de plâtre.

L'intimé prétend que le sens donné par l'appelante à l'expression «lieu d'expédition directe» ne correspond pas aux dispositions de l'article 48 de la Loi pour ce qui est de déterminer le statut imposable des frais de transport. Pour déduire correctement les frais de transport du lieu d'expédition directe des marchandises au Canada, il convient plutôt d'analyser l'expression «du lieu du pays d'exportation d'où les marchandises sont expédiées directement au Canada». De l'avis de l'intimé, prétendre que ce lieu correspond au lieu où les marchandises commencent leur voyage direct et sans interruption vers le Canada est par trop libéral, et ce, pour les raisons suivantes.

D'abord, cette interprétation du sous-alinéa 48(5)b)(i) est si vaste qu'elle enlève presque tout son sens au sous-alinéa 48(5)a)(vi). Ce dernier sous-alinéa porte sur les frais de transport jusqu'au lieu du pays d'exportation d'où les marchandises sont expédiées directement au Canada; ces frais doivent être ajoutés au prix payé ou à payer à l'égard des marchandises. En deuxième lieu, vu que la Loi et le Tarif des douanes [2] doivent être appliqués ensemble, le Tribunal peut se reporter au sens de l'expression «expédition directe», à l'article 17 du Tarif des douanes, qui précise ce qui suit :

Pour l'application de la présente loi, les marchandises sont transportées directement au Canada en provenance d'un autre pays, si leur expédition est effectuée sous le couvert d'un connaissement direct dont le destinataire est au Canada.

Par conséquent, les marchandises sont expédiées directement au Canada lorsque le connaissement confirme qu'elles proviennent d'un autre pays et que leur destinataire est au Canada. L'intimé prétend que, dans le cas présent, le lieu d'expédition directe au Canada est Hayford (Illinois), près de Chicago, car c'est de cet endroit que les marchandises ont été envoyées au Canada. Il s'agit de la seule interprétation qui correspond au sens du sous-alinéa 48(5)a)(vi), qui précise que les frais de transport jusqu'au lieu d'expédition directe au Canada doivent être ajoutés au prix d'achat.

Enfin, l'intimé déclare qu'une interprétation figurant dans une note administrative ne peut être utilisée pour interpréter les dispositions d'une loi lorsqu'elle n'est pas conforme au sens commun de ladite loi. Par conséquent, le Mémorandum des Douanes invoqué par l'appelante ne peut servir 0… interpréter l'expression «lieu d'expédition directe», cette dernière étant déjà définie dans le Tarif des douanes.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

La question en litige dans la présente cause consiste à déterminer le lieu du pays d'exportation à partir duquel les marchandises ont été expédiées directement au Canada et, conséquemment, les frais de transport et autres frais que l'appelante, conformément au paragraphe 48(5) de la Loi, est autorisée à déduire du prix payé aux fins de l'établissement de la valeur en douane.

Pour ce faire, le Tribunal doit analyser le sens de l'expression «lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada». À son avis, le Mémorandum des Douanes D13-3-4 renferme une interprétation raisonnable du paragraphe 48(5) pour ce qui est de désigner le lieu d'expédition directe : lieu où les marchandises commencent leur voyage direct et sans interruption vers le Canada, ce voyage ne pouvant être interrompu qu'à des fins de transbordement. Le Tribunal reconnaît que le terme «directe» comporte un élément de continuité et d'ininterruption et qu'il sous-entend que la destination finale est le Canada. De l'avis du Tribunal, le lieu d'expédition directe correspond au lieu d'où les marchandises sont destinées à être exportées au Canada et où elles commencent leur voyage continu et sans interruption, ce voyage n'étant interrompu qu'à des fins de transbordement.

Le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'intimé aux fins de l'application de la définition de l'expression «expédition directe», à l'article 17 du Tarif des douanes, et ce, pour deux raisons. D'abord, la définition du Tarif des douanes renvoi au pays d'expédition directe pour déterminer, entre autres, le taux de droits applicable. Selon le Tribunal, il n'est pas évident que cette loi permet de désigner le lieu du pays d'exportation pour l'établissement des déductions admissibles à partir du prix à l'exportation. En outre, le Tribunal accueille favorablement l'argument de l'appelante selon lequel l'article 17 du Tarif des douanes est formulé de manière à permettre le recours à d'autres méthodes pour déterminer le lieu d'expédition directe.

Pour ce qui est des faits liés à la présente cause, le Tribunal doit préciser si les marchandises ont commencé leur voyage continu et direct vers le Canada à leur sortie de l'usine. Pour donner raison à l'appelante, le Tribunal devrait être convaincu que les marchandises étaient destinées à être exportées au Canada lorsqu'elles ont quitté l'usine.

Les pièces justificatives fournies par l'appelante n'ont pas convaincu le Tribunal que les marchandises étaient destinées à être exportées au Canada à leur sortie de l'usine. Les numéros des bons de commande écrits à la main par un représentant de Western et le numéro de wagon inscrit sur les bordereaux de prise en charge accompagnant les marchandises entre Rotan et Quanah représentent le seul lien qui unisse l'expédition de l'usine et la commande faite par l'appelante au nom des acheteurs canadiens. Cependant, M. Raines soutient que ces renseignements ont été ajoutés par un de ses employés après la sortie des marchandises de l'usine (ou après leur arrivée à la gare d'origine). Les seuls documents fournis qui traitent de l'expédition à partir de l'usine révèlent des liens entre Raines et l'usine, mais ne précisent pas si les marchandises étaient destinées au Canada. Par conséquent, en se fondant sur les documents fournis, le Tribunal n'est pas en mesure de conclure que l'usine de Rotan constitue le lieu d'expédition directe au Canada.

L'appelante fonde son argumentation sur le témoignage à l'effet que le prix des marchandises a été fixé f. à b. à l'usine. Les éléments de preuve reliés à la présente cause mènent cependant le Tribunal à une conclusion différente. Vu que l'appelante ne pouvait acheter que les marchandises au prix f. à b. à l'usine fixé par Raines, sans en payer les frais de transport, le Tribunal considère que le prix de vente des marchandises correspond au prix global f. à b. à la gare d'origine et non au prix f. à b. à l'usine. Les listes de prix produites par l'intimé comme élément de preuve révèlent que Raines fixe parfois un prix f. à b. à la gare d'origine pour les clients canadiens. En outre, la décision de Raines de modifier la répartition des frais liés aux marchandises et au transport témoigne de la nature quelque peu arbitraire des frais de transport. Le Tribunal ne peut accepter l'opinion voulant qu'au moment de la transaction en cause, Raines n'était qu'un transporteur de marchandises, et non un grossiste-distributeur. Le Tribunal en vient donc à la conclusion que l'indication du prix f. à b. à l'usine sur la facture remise à Western ne représente pas correctement les conditions de cette transaction.

En conséquence, le Tribunal conclut que les marchandises ont été directement expédiées de Quanah (Texas) au Canada. C'est à Quanah que les marchandises ont été déterminées à l'aide d'un bon de commande précis, qu'elles ont été chargées à bord d'un wagon et qu'elles ont commencé leur voyage vers le Nord. Le fait que les marchandises aient été groupées révèle que l'appelante a dû commander un wagon de dimensions précises. D'après son témoignage, l'appelante a planifié l'itinéraire du wagon jusqu'à sa destination au Canada. Compte tenu de ce témoignage et du fait que le voyage s'est effectué sur une période relativement courte, le Tribunal en vient à la conclusion que le voyage a été continu et qu'il n'a pas été interrompu.

Le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'intimé selon lequel le lieu d'expédition directe est Hayford (Illinois). Bien que le Tribunal reconnaisse que les documents relatifs au voyage entre le Texas et l'Illinois comportent d'importantes lacunes, le témoignage de l'appelante au sujet de la planification de l'itinéraire est, dans l'ensemble, plausible. Aucun élément de preuve n'indique, compte tenu des importantes sommes liées à la réservation d'un wagon, que l'appelante n'a pas songé à une destination dans le cas des marchandises chargées à Quanah et qu'elle a choisi le moyen le plus rapide et le plus économique d'y parvenir.

En ce qui a trait aux autres frais encourrus, le Tribunal est d'avis qu'il était nécessaire de procéder à l'emballage et au cerclage des marchandises en vue de leur envoi via le train. Par conséquent, les frais liés à ces dépenses peuvent, à juste titre, être soustraits du prix d'exportation des marchandises en vertu de l'alinéa 48(5)b) de la Loi. Cependant, les frais d'emballage et d'empaquetage n'ont pas été facturés séparément, et le Tribunal n'a en main que l'estimation de la répartition de ces frais que Raines a remise à l'appelante; les détails de ce document ne sont toutefois pas contestés par l'intimé. En conséquence, le Tribunal renvoie la cause au Ministre du Revenu national pour qu'il examine à nouveau ce montant afin de déterminer la valeur en douane.

LA CONCLUSION

L'appel devrait être admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).


Publication initiale : le 18 août 1997